Chapitre 2 : les effets du contrat à l’égard des tiers. Section 1 : L’opposabilité du contrat. Quand on parle de l’effet relatif, cela signifie que les tiers ne peuvent pas, normalement, devenir créancier ou débiteur d’un contrat auquel ils ne sont pas parties. Mais, il ne faut pas confondre ce qu’il relève de la force obligatoire du contrat et ce qui relève de son opposabilité. En revanche, les contrats constituent, pour les tiers, une situation juridique qu’ils ne peuvent pas ignorer. Cette opposabilité est double. I : L’opposabilité du contrat au tiers par les parties. Cela signifie que les parties peuvent invoquer le contrat contre les tiers qui doivent respecter la situation juridique crée par le contrat. Ex : une personne marchant sur un trottoir est blessée par des tuiles tombées d’un toit. Elle s’adresse à la personne propriétaire mais elle a vendu son immeuble. Elle va dire que c’est plus elle la propriétaire et va dire c’est cette personne qui est propriétaire, il fait opposabilité au contrat. Les tiers ne doivent pas aider leur partie à commettre une faute contractuelle. Parfois, cette opposabilité du contrat est subordonnée à des mesures de publicité. Ex : vente d’immeuble. Lorsque ces mesures de publicité sont prévues et pas accomplies, la sanction c’est l’inopposabilité. II : L’opposabilité du contrat aux parties par les tiers. Pour les tiers, un contrat représente un fait juridique qu’ils peuvent donc prouver par tout moyen et qu’ils peuvent invoquer à l’encontre des parties. Cette opposabilité des contrats est absolue. Cela signifie qu’elle concerne tous les tiers sans exception. On dit qu’il s’agit d’une opposabilité erga omnes, qui vaut pour tous. Section 2 : la distinction entre les tiers absolus et les tiers intermédiaires. Penitus extranei = tiers absolus qui n’ont pas de liens de droit avec les parties. Les tiers intermédiaires ont un lien avec l’une des parties. Pour certains d’entre eux, il va y avoir des exceptions. I : Les créanciers chirographaires. Ces créanciers ont seulement un droit de gage général. Ce qui leur permet de faire saisir n’importe quel bien du patrimoine, le vendre aux enchères et se faire payer. Il est évident que ces créanciers vont subir de tous les contrats passés par leur débiteur. C’est pourquoi la loi prévoit, au profit de ces créanciers, deux actions spéciales. 1) L’action oblique. Action qui permet à un créancier d’exercer, au nom et à la place de son débiteur, une action ou un droit que celui-ci néglige d’exercer. Ex : on doit 1000€ et on ne peut pas payer. Mais je suis créancier de 2000€ et je ne fais rien pour les réclamer. Le créancier chirographaire va pouvoir agir à ma place pour réclamer les 2000€ et ensuite payer les 1000€. 2) L’action paulienne. Article 1167 du code civil. C’est une action qui permet à un créancier d’attaquer les actes que son débiteur a passés en fraude de ses droits. Lorsque l’action aboutit, les contrats frauduleux sont déclarés inopposables au créancier qui a agit. Contrairement à l’action oblique, cette action ne profite qu’au demandeur. D’ailleurs le contrat attaqué demeurera parfaitement valable pour ce qui dépasse la créance. Il s’agit bien d’une exception à l’effet relatif puisque cette fois on est devant une action qui permet à un tiers d’empêcher une partie l’exécution de ses obligations. II : Les ayant cause à titre particulier. Imaginons que X soit propriétaire d’une maison et il a conclu avec une entreprise pour rénover sa maison. X vend sa maison à Y. Juridiquement, Y est ayant cause. Quelle est l’incidence du contrat de rénovation sur Y ? Dans certains cas, la loi prévoit que les contrats se transmettent avec la chose. La réponse est différente selon que le contrat a fait naître un droit réel ou un droit personnel. Si le contrat, qui a été passé par l’auteur, a fait naître un droit réel, ce droit réel est transmis à l’ayant cause. Si le contrat, passé par l’auteur, a fait naître un droit personnel, en principe le droit personnel ne se transmet pas. Il s’agit d’un principe car la jurisprudence a introduit quelques exceptions en ce qui concerne les créances. La cour de cassation considère, en effet, que les créances accessoires à la chose ou au droit transmis se transmettent. Ex : la cour de cassation a toujours considéré que le vendeur d’un fonds de commerce est tenu d’une obligation de non-concurrence. On considère que si le fonds de commerce est vendu, l’obligation se transmet au sous-acquéreur. Le sous-acquéreur pourra invoquer le respect de l’obligation de non-concurrence. Ces exceptions ne s’appliquent jamais aux dettes pour la raison qu’on ne peut pas imposer à un créancier un changement de débiteur. III : Les tiers bénéficiant d’une action directe en paiement. Il s’agit d’une exception au principe selon lequel les contrats ne peuvent pas, normalement profiter au tiers. En effet, l’action directe permet, à un tiers créancier d’une partie, d’exercer directement, en son nom personnel et pour son propre compte, le droit de cette partie contre son cocontractant. Ex : droit des assurances, la victime d’un accident peut directement agir pour faire réparer son dommage contre l’assureur de celui qui a causé le dommage. Si on suivait le principe de l’effet relatif, la victime devrait se retourner contre le conducteur et le conducteur devrait appeler son assureur. L’action directe permet de raccourcir le circuit juridique. En dehors du droit des assurances, la loi prévoit une action directe dans d’autres cas. Ex : bailleur contre le sous-locataire, sous-traitant contre le maître d’ouvrage, tous les titulaires d’une créance alimentaire contre les débiteurs de leurs propres débiteurs. IV : Les contractants extrêmes dans les chaînes de contrat. Il s’agit d’une exception qui va permettre à un tiers d’agir directement contre une partie pour qu’elle s’exécute mais ça n’est plus une action en paiement mais en responsabilité. La question a été soulevée dans les chaînes de contrat. Il s’agit d’une succession de contrats liés entre eux car ils portent sur le même objet. Ex : contrats de ventes successives. Juridiquement, le vendeur initial et le sous-acquéreur final ne sont pas parties à un même contrat. Est-ce qu’il n’y a pas tout de même un lien d’une nature particulière entre ces contractants extrêmes ? L’intérêt c’est de savoir quelle est la nature et le régime juridique de l’action en responsabilité qui peut être intentée par l’un des contractants extrêmes. Dans un arrêt du 7 février 1986, l’assemblée plénière a répondu que les contractants extrêmes peuvent intenter une action en responsabilité contractuelle. Cette action n’est pas une action propre au sous-acquéreur, elle a été transmise avec la chose. Si la 1ère action est prescrite, le vendeur peut invoquer cette prescription contre les sous-acquéreurs. Cette jurisprudence n’est valable que pour les chaînes de contrat qui transfèrent la propriété d’une chose. Or, il peut y avoir d’autres chaînes de contrats qui portent sur les services. Section 3 : La stipulation pour autrui. Il est conclu entre deux personnes au profit d’une 3ème personne qui n’est pas partie au contrat, exception prévue par l’article 1121 du code civil. On peut définir la stipulation pour autrui comme le contrat dans laquelle une partie, appelée le stipulant, obtient de l’autre partie, appelée le promettant, qu’elle exécute une prestation au profit d’un tiers qu’on appelle le bénéficiaire. 2 exemples : - l’assurance vie : l’assuré obtient, moyennant le paiement de primes, que s’il décède elle versera un capital à sa veuve ou à ses enfants. - la donation avec charges : on a le donateur qui est le stipulant qui s’engage à faire une donation à quelqu’un à condition que celui-ci s’engage à verser une rente viagère à une personne. La plupart du temps, le tiers bénéficiaire est défini dans le contrat mais ça n’est pas obligatoire. Il suffit qu’il soit déterminable. Par exemple, on peut très bien souscrire une assurance vie pour un conjoint alors qu’on est célibataire. Il n’est pas nécessaire, pour que ce contrat existe, que le bénéficiaire accepte le profit qu’on lui propose. En revanche, s’il accepte, la stipulation devient irrévocable. Le bénéficiaire, alors qu’il n’est pas cocontractant, peut agir en justice pour que le promettant s’exécute. Dans tous les cas, lorsque la promesse est exécutée, les sommes versées par le promettant entre directement dans le patrimoine du bénéficiaire. Dans les deux exemples (assurance vie, donation avec charges), on a à faire des contrats ex près. Mais la jurisprudence a admis, dans certains contrats, l’existence de stipulation pour autrui tacite. Elle l’a fait pour faciliter l’indemnisation de victimes. Exemple : il est admis qu’un contrat qui lie un hôpital et un centre de transfusion sanguine est considéré comme contenant une stipulation tacite au profit des personnes transfusées.