Jean-François Mougenot

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APPORT DE L’ENDOSCOPIE DANS LA RCH
Jean-François Mougenot
Fédération Inter Hospitalière d’Endoscopie Digestive Pédiatrique
Hôpital Robert Debré et Necker-Enfants Malades
Paris
L'ENDOSCOPIE à TUBE SOUPLE est l'exploration clé du diagnostic de rectocolite
hémorragique, permettant de voir les lésions et de préciser leur extension. Elle sera rectosigmoïdienne, ou iléo-colique en fonction de la sévérité de la poussée, du renseignement
désiré (prise en charge initiale, bilan d'extension des lésions, surveillance du traitement
médical, suivi post-chirurgical). Soulignons que les coloscopies chaque fois qu’il est
indispensable de progresser au-delà de l’angle sigmoïde-côlon gauche sont toutes faites sous
anesthésie générale.
DANS la RECTOCOLITE HEMORRAGIQUE (RCH) la muqueuse apparaît rouge.
Cet aspect congestive est définie par la perte de la trame vasculaire normale. Finement
granuleuse, granitée en papier de verre humide, la muqueuse saigne volontiers au traumatisme
le plus léger. Elle est parfois marquée d'exulcérations superficielles, souvent recouvertes d'un
enduit fibrineux ou purulent,. Lors de poussées sévères, la muqueuse est hémorragique,
"pleurant le sang" spontanément. Dans ces formes plus sévères, des ulcérations superficielles
ou profondes discontinues ou confluentes avec exsudat muco-purulent jaunâtre existent mais
toujours au sein d'une muqueuse uniformément anormale, granulaire, friable ou hémorragique
avec parfois des pseudo-polypes inflammatoires.
FAIT ESSENTIEL, l'atteinte inflammatoire se distribue uniformément à toute la
muqueuse colique, depuis le bas rectum pour s'étendre en amont à une distance variable,
réalisant, selon les cas, une forme distale de RCH qui peut elle même être subdivisée en
rectite dont les lésions ne dépassent pas la charnière rectosigmoïdienne et en colite gauche
dont les lésions peuvent s’étendre jusqu’à l’angle gauche et une forme étendue de RCH quand
la limite supérieure des lésions endoscopiques se situe en amont de l’angle splénique. Le
lavement baryté sous-estime parfois l'étendue des lésions dans la RCH. Lorsque celles-ci
semblent limitées radiologiquement au colon distal la coloscopie démontre que l'atteinte est
en réalité totale dans 13 % des cas. Ces discordances s'observent lorsque les lésions sont
mineures. Les reconnaître n'est pas sans intérêt puisque le pronostic des RCH distales est
moins sévère que celui des pancolites. Soulignons que l’analyse endoscopique tend à sous-
estimer la sévérité et l’étendue des lésions quand elle est comparée aux données histopathologiques. Toutes ces lésions sont continues et sont plus sévères à l'extrémité distale du
côlon et au rectum, encore que ce fait soit moins constant chez l'enfant que chez l'adulte. Il n'y
a pas toujours de parallélisme entre les signes cliniques et l'importance des lésions observées.
Le franchissement de la valvule iléo-caecale est indispensable afin de vérifier
l'intégrité de la dernière anse iléale. Dans tous les cas, au retrait du coloscope, des
prélèvements biopsiques multiples et étagés aux fins d'examen anatomopathologique, mais
aussi virologiques (CMV, adénovirus), bactériologiques (Trois biopsies mises dans du sérum
salé et ensemencées sur les mêmes milieux sélectifs que ceux de la coproculture ainsi que sur
milieu de Löwenstein à la recherche de mycobactéries), et parasitologiques sont réalisés. La
recherche en histologie d’amibes à la surface del’épithélium ou dans la paroi colique a un
rendement médiocre.
Lors de la prise en charge initiale d'un patient suspect de MICI, l'iléocoloscopie est
toujours suivi d'une GASTRODUODENOSCOPIE, même en l'absence de tout signe d'appel,
afin d'aider au diagnostic différentiel entre RCH et maladie de Crohn (MC). Lors du suivi,
chaque fois qu’un contrôle iléocoloscopique apparaît nécessaire, il est fait une
gastroduodénoscopie tant qu’il n’a pu être tranché entre RCH et maladie de Crohn.
SCORES DE GRAVITE DES LESIONS ENDOSCOPIQUES DE LA RCH
Différents scores de gravité ont été décrits. Tous ces différents scores, parfois hétérogénes,
peuvent être ainsi décrits :
Grade 0 : muqueuse normale
Grade 1 : érythème et perte de la trame vasculaire normale
Grade 2 : friabilité ( saignement au contact de l’endoscope )
Grade 3 : ulcérations petites et superficielles
Grade 4 : ulcérations confluentes
Dans les formes évoluées, la muqueuse s'atrophie, pouvant aboutir à un rétrécissement de la
lumière rectale ou colique. Les rétrécissements dessinent un fuseau de plusieurs centimètres
ou un diaphragme. En phase de rémission, on observe une diminution graduelle des
modifications inflammatoires.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL
LE CAS DE LA PREMIERE POUSSEE
Le plus souvent les signes endoscopiques d’un premier épisode de colite ne permettent pas de
faire la différence entre une colite infectieuse, une première poussée de colite inflammatoire
sans infection intestinale associée et une poussée de colite inflammatoire déclenchée par une
infection bactérienne ou virale. Il est usuel de pratiquer une coproculture et un examen
parasitologique des selles. Si la colite survient dans les six mois qui suivent un séjour dans un
pays à forte endémie amibienne, la recherche immédiatement après émission des selles de
formes hématophages mobiles d’Entamoeba histolytica et une sérologie amibienne par
hémagluttination indirecte sont requis.
DIAGNOSTIC DIFFERENTIEL ENTRE MC ET RCH
Il ne se pose que devant une atteinte colique ou colo-rectale isolée.
Trois clés sont utilisables pour permettre cette distinction :

- L'intégrité initiale du rectum est considérée par beaucoup d'auteurs, en particulier
français, comme un critère d'exclusion pour le diagnostic de RCH. Mais un traitement
corticoïde local préalable peut être responsable d'une apparente intégrité initiale du
rectum. L’intégrité histologique du rectum exclut la RCH;

- Dans la MC, les ulcérations, qu'il s'agissent d'ulcérations aphtoïdes ou de grandes
ulcérations serpigineuses, associées ou non à des surélévations nodulaires, sont
dispersées sur une muqueuse normale ou, au plus, oedématiée, congestive. A l'inverse,
dans la RCH, les ulcérations, rares, discontinues, superficielles, "en coup d'ongle",
siège toujours dans un rectum ou un côlon qui est très franchement anormal, avec
érythème intense et perte de la trame vasculaire normale. L'homogénéité, la continuité
des lésions, sans intervalle de muqueuse saine depuis le bas rectum jusqu'à une
distance variable en amont, est tout à fait caractéristique. Ajoutons que l'aspect en
pavé lié à un envahissement sous-muqueux n'est jamais observé dans la RCH. Par
contre, les pseudo-polypes, les sténoses, les ponts muqueux s'observent dans l'une et
l'autre éventualité.

- Les biopsies confirmant le caractère focal des lésions dans la colite granulomateuse,
la prépondérance distale dans la RCH, peuvent apporter la certitude lorsqu'elles
mettent en évidence un granulome épithélioïde et giganto-cellulaire, élément
d'exclusion pour le diagnostic de RCH. Il est indispensable de biopsier de façon
préférentielle les petites ulcérations aphtoïdes ou les berges des macro-ulcérations.
Dans ces conditions, des granulomes épithélioïdes sont identifiés dans 25% à 61% des
colites de Crohn de l'enfant.
CONTRE-INDICATIONS à la COLOSCOPIE dans les RCH
Les seules contre-indications absolues sont la perforation et la colectasie. En cas de
suspicion clinique de perforation et de radiographie d’abdomen sans préparation normale, il
peut être utile de réaliser une tomodensitométrie. La colestasie est définie par une dilatation
du côlon transverse supérieure à 6 cm sur le cliché d'abdomen sans préparation, en muqueuse
pathologique et avant toute insufflation d’air dans le côlon. Chez un malade qui a les signes
d’une colite aiguë grave, elle témoigne d’un état pré-perforatif et constitue dans la majorité
des cas une indication à la colectomie d’urgence.
Dans les COLITES AIGUËS GRAVES définies par plus de 5 évacuations glairo-sanglantes
par 24 h et l’un au moins des signes suivants (fièvre >37,8°, fréquence cardiaque >90/mn,
hémoglobine<75% de la valeur normale, VS>30), la coloscopie est possible et utile à
condition d'être réalisée par des endoscopistes expérimentés. Ces colites aiguës graves non
compliquées mais sévères justifie une cortocothérapie IV à la dose de 0,8 mg/kg/24 h de
méthylprednisolone. Pour les patients en échec de la corticothérapie IV, deux alternatives
thérapeutiques s’offrent : cyclosporine ou colectomie. La coloscopie permet–elle d’identifier
les malades à risque élevé de complications, risque lié à la profondeur des ulcérations sur la
pièce de colectomie plutôt qu’à l’extension en hauteur. L'existence en endoscopie dans le
sigmoïde et/ou le côlon gauche d'ulcérations profondes correspond dans 25% des cas à des
ulcérations atteignant la sous-muqueuse et dans 71% des cas à des ulcérations atteignant ou
dépassant la musculeuse sur la pièce de colectomie identifiant des malades à haut risque de
complications (perforation, colectasie, hémorragie massive). Ces ulcérations profondes sont
associées à une moins bonne réponse à la corticothérapie IV. Jointes à l'absence de rémission
sous traitement médical, ces lésions endoscopiques sévères, indiquent soit une colectomie
dans les plus brefs délais, soit un traitement par cyclosporine, la présence d’ulcérations
profondes ne semblant pas diminuer la probabilité de réponse à la cyclosporine ; Si un
traitement par cyclosporine est choisie, la réponse endoscopique à ce traitement médical ne
devient significative qu’après un mois de traitement. Aussi la réponse à la cyclosporine est
évalué 7 jour plus tard essentiellement sur des critères clinique et biologiques tel ceux décrits
par LICHTIGER.
COMPLICATIONS de la COLOSCOPIE
Complication majeure mais rare, la perforation obéit à deux mécanismes : 1traumatisme direct de la muqueuse par le coloscope ou plus rarement par une pince à biopsie.
78 à 88% des perforations instrumentales siègent au niveau du sigmoïde ou de l’angle
sigmoide-colon gauche, en muqueuse pathologique. C’est soit une plaie arrondie de 5 à 10
millimètres en cas de perforation par l’extrémité du coloscope, soit une déchirure
longitudinale de 2 à 4 cm en cas de fissuration par le fut de l’instrument lors d’étirement
excessif de l’anse sigmoïde; 2- insufflation excessive sur colon pathologique cause de
perforation caecale, voire iléale. Le diagnostic de perforation est immédiat lors de l’acte
endoscopique (plaie anfractueuse et/ou visualisation de l’épiploon) confirmé par le cliché
d’abdomen sans préparation. La gravité de ces accidents de perforations justifient les
précautions suivantes : 1 préparation parfaite du côlon limitant le risque de péritonite
stercorale; 2 réalisation en milieu médico-chirurgical pédiatrique; 3 insufflation minimale
d’air; 4 contrôle manuel de l’étirement de l’anse sigmoïde, réalisation d’une manoeuvre alpha
en cas de difficulté de franchissement de l’angle sigmoïde-côlon gauche; 5 intervention
immédiate en cas de perforation.
CANCER RECTO-COLIQUE
La fréquence du cancer est significativement augmentée chez les malades qui ont une
pancolite ulcéreuse évoluant depuis 10 ans et plus. Le risque est moins élevé mais réel dans
les RCH limitées au côlon gauche ou après colectomie totale avec anastomose iléorectale. La
transformation maligne coexiste avec des lésions de dysplasie sévère. Aussi la prévention du
cancer dans la RCH repose-t-elle sur le dépistage des lésions dysplasiques qui peuvent être
focales et épargner le rectum. En pratique dans les pancolites, passé 8 ans d'évolution, la
surveillance repose sur la coloscopie avec biopsies étagées de 10 cm en 10 cm du caecum à
l'anus. Puis coloscopie ultérieure tous les 2 ans en l'absence de dysplasie, dans un délai de 6
mois au plus en cas de dysplasie de bas grade. L'existence d'une dysplasie de haut grade
imposerait une colectomie, plus encore en cas de lésion macroscopique localisée ou polypoïde.
Signalons qu'un schéma thérapeutique impliquant, en cas d'échec du traitement médical, une
colectomie dont la probabilité est de 32,4% à l'âge de 25 ans individualise une population de
malades dont le risque de développer un cancer colo-rectal ne diffère pas de la population
témoin.
SUIVI POST CHIRURGIE
Dans la R.C.H. la chirurgie s'impose :
1 dans les formes fulminantes devant des rectorragies incontrôlées et/ou une colectasie ;
2 dans les formes invalidantes où le traitement médical est inefficace ou mal supporté.
Rappelons que les conditions minimales pour discuter l’anastomose iléo-rectale (AIR) sont :
l’absence de rectite sévère, de microrectum, de dysplasie ou de cancer colorectal, et la
conservation de la fonction sphinctérienne anale. Après ANASTOMOSE ILEO-RECTALE,
l'endoscopie est indispensable à la surveillance des poussées évolutives et au dépistage de la
cancérisation du rectum laissé en place.
Après ANASTOMOSE ILEO-ANALE (AIA), intervention complexe avec réservoir en "J",
mucosectomie courte, anastomose manuelle et iléostomie de protection :
1-. L'INFLAMMATION DU RESERVOIR OU POCHITE s'observe dans 26% à 17% des
cas. Le diagnostic et le suivi de cette complication repose sur l'endoscopie, des symptômes
similaires pouvant être liés à : un sepsis pelvien, une sténose anastomotique, une pullulation
microbienne, l’émergence d’une maladie de Crohn.
2-. Les STENOSES RECTALES sont la cause la plus fréquente des difficultés de
l’évacuation du réservoir rectal. Deux types de sténose sont distingués les diaphragmes
fibreux qui cèdent en 2 à 3 séances de dilatations et les épaississements scléreux de la région
péri anastomotique récidivant après dilatation.
EMERGENCE de LESION de MALADIE de CROHN
Dans 2 à 10% des cas d’enfants pour lesquels le diagnostic initial était, sans aucune
restriction, celui de, RCH, la preuve d’une maladie de Crohn est apportée dans les années qui
suivent l’intervention en raison de la survenue de fistule vaginale ou ano-périnéale, de sténose
sus-anale, de pochite ulcérée et ou une atteinte iléale sus-jacente. La présence d’une fistule
après AIA n’est cependant pas synonyme de MC. Un granulome isolé sur une biopsie du
réservoir ne suffit pas au Diagnostic de MC. U ne iléite non spécifique limitée en amont
immédiat du réservoir est possible. Par contre, une atteinte iléale à plus de 15 à 20 cm du
sommet du réservoir est suggestive de MC et l’association de lésions sténosantes et/ou
fistulisantes apportent une certitude de MC. Près de 25% perdent leur réservoir.
Dans l’éventualité d’un diagnostic initial de colite indéterminée, ce diagnostic est
corrigé en MC dans 15% des cas. La colite indéterminée ne serait pas une contre-indication à
l’AIA.
REFERENCES
Carbonnel Franck. Pourquoi et comment rechercher des ulcérations profondes dans les
poussées graves de RGH. Gastroentrol Clin Biol 2004 ; 28 : 215-7.
Société Nationale Française de Colo-Proctologie. Recommandations pour la pratique clinique
dans le traitement de la rectocolite Ulcéro-hémorragique. Gastroenterol Clin Biol 204 ;28 :
28-1048.
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