Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 En Direct des 11èmes Journées Internationales de la Qualité Hospitalière et en Santé Les 23 et 24 novembre 2009, à La Villette, Paris C. Guéri1, G. Leblanc2, J. Oumahi3, N. Perier4, D. Crépin5, J. Frenkiel6, C. Geisler7, J. Hosotte8, F. Pernin9, H. Ségalen10 1 – Directrice ajointe de Paul Brousse (94), 2 – Secrétaire de la SoFGRES, 5 – Président du Synadim et responsable information médicale de Cochin, 3 – Responsable qualité, CH de Carcassonne, 4 – Coordination EPP et certification, APHP, 5 – Consultant, PACA, 7 – Commissaire des JIQHS, vice président Association Francophone pour la Qualité Hospitalière, 8 – Responsable qualité, Générale de Santé, Paris, 9 – Chirurgien, CH d’Ajaccio, 10 – Représentant des usagers, Hôpital Saint-Antoine (Paris) et Président du CISS Ile de France Nous développons ci-dessous six axes des dernières Journées. Ce compte-rendu reste donc très partiel au regard du large panorama présenté cette année, mais il montre la tendance et rapporte les observations, les idées et les sentiments saisis à chaud sur nos blocs notes. Si l’excellence clinique en MCO reste bien souvent l’apanage des grands établissements publics ou privés, une évidence moins connue s’impose : les hôpitaux moyens font jeu égal en matière d’innovation stratégique, managériale, organisationnelle, méthodologique. Plus flexible, ils évoluent plus vite. Où se trouvent, dans notre pays, l’excellence en soins palliatif ? En offre de soins aux plus vulnérables ? En éducation thérapeutique ? En SIH ? En motivation du personnel ? En coopération inter-établissements ? En préparation collective de la V2010 ? La liste est longue de ces innovations majeures qui participent de plus en plus à la qualité réelle ou compensent des failles abyssales de notre système de santé. Et les JIQHS sont le lieu de présentation directe et conviviale de telles avancées. 1 - D’abord élaborer une bonne stratégie qualité au cœur d’une bonne stratégie globale Les établissements commencent à intégrer une culture de l’analyse stratégique. Dans le jeu complexe entre la politique de régulation et la réponse concrète, sur le terrain, la qualité et la sécurité des soins occupent une place centrale, réaffirmée par la loi HPST de juillet 2009. De plus en plus, la vision de l’établissement isolé cède la place à celle de l’établissement en réseau de coopération territoriale. C’est dans ce cadre, illustré ci-dessous, qu’ont planché deux ateliers de « partage d’expériences avancées », regroupant des pairs du public et du privé, afin de répondre aux deux questions suivantes : Comment réussir le développement d’un projet de synergie de territoire ? Question large recouvrant les GCS, CHT, fédérations médicales, structures de mutualisation de moyens et de compétences, réseaux de soins, etc. Quels sont les facteurs à prendre en compte pour améliorer la gouvernance de nos établissements ? Question articulant la gouvernance d’établissement à la gouvernance clinique sur le terrain. Le premier atelier articule les échelons politiques et stratégiques, le second les échelons stratégiques et tactiques. La stratégie qualité devient un pilier de la stratégie globale à chaque échelon. Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 Enjeux, finalités, Missions, moyens Plans d’action et résultats Echelon tactique Echelon politique Orientations stratégiques Objectifs et moyens opérationnels Echelon stratégique Un autre atelier a porté le projecteur sur le terrain de la gouvernance clinique. « On ne parle pas assez de gouvernance opérationnelle, celle qui compte dans nos unités clinques. Pourtant c’est bien là où l’on doit associer le plus qualité et efficience. Aux Diaconesses, au moins, un directeur médical essaie de concilier ces deux contraintes. Il m’a convaincu de m’appuyer sur une solide comptabilité analytique. Cela me semble incontournable pour la qualité… plus que pour la gestion ! » déclare un chef de service venu du Nord. Dans le même atelier, une coordinatrice des soins retient d’abord le témoignage de la clinique Clairval « Ils n’hésitent pas à associer systématiquement qualité et efficience. Ça transforme le rôle du cadre, son rôle devient très pédagogique ! J’ai trouvé génial leur tableau de bord. On a la stratégie du service d’un coup d’œil ! C’est visuel et complet. Chapeau !» L’isolement des métiers qualité et gestion des risques doit être vaincu. Deux autres ateliers ont abordé de front les coopérations en qualité et sécurité entre établissements sur un même territoire. L’atelier 21, intitulé « Coopération de territoire » a présenté le bilan du réseau AQUARES dans le Maine et Loire, celui d’ HELPAM, un GSC entre établissements locaux dans l’Ardèche, et enfin celui d’un exemple de coordination SSR, dans la Drôme. L’atelier 14 a fait travailler ensemble un groupe de pairs, tous déjà impliqués dans des CHT ou des GCS, pendant trois heures sur la question suivante : Comment réussir le développement d’un projet de synergie de territoire ? Ses recommandations pratiques ont été classées et hiérarchisées. En voici quelques têtes de chapitre : 1) Un projet de territoire est défini par la Conférence Sanitaire de Territoire. 2) Evaluer l’impact du projet au regard de la prise en charge des patients. 3) Il n’y a pas de projet de territoire sans projet de mutualisation des ressources, en particulier informatiques. Un atelier organisé en partenariat avec les Masters et DU en qualité et gestion des risques a opéré en direct un benchmarking au sein du métier. « Enfin, on a parlé de nous ! » dit un médecin gestionnaire de risque, « Et ça me donne une vraie vision pour organiser la fonction QGR dans mon établissement : tout est encore embryonnaire ! » 2 - Des moyens et des méthodes au service de la QGR en constante évolution Un atelier avait pour thème de confronter « RMM et réduction des risques en continu ». Une qualiticienne venue de Bretagne : « Je suis venue faire le plein d’idées pratiques. J’ai vu qu’une équipe composée à la fois d’une qualiticienne, d’une gestionnaire de risque et d’une hygiéniste, formées à la méthode, peut vraiment aider efficacement un service à réduire plusieurs types de risques en même temps. On va plus au fond des choses. » L’atelier part des acquis des travaux scientifiques depuis dix ans : les événements indésirables ne sont pas le fait, dans la très grande majorité, de personnes incompétentes, mais de défauts du système. Alors, où est la cohérence des dispositifs juxtaposés comme celui des EI d’un coté, celui des RMM de l’autre, enfin de la certification d’un troisième ? « J’ai repéré plusieurs Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 points d’amélioration de nos RMM. J’ai été convaincue par l’idée d’organiser une RMM ponctuelle interservices. Mais il y a quelques pièges que je suis bien contente de pourvoir éviter» dit une cadre supérieure de bloc. « J’ai été séduite par l’idée de faire un retour d’expérience annuelle sur ces RMM, surtout si on veut les améliorer. Ça prend deux heures mais on fait circuler entre nous plein de bonnes pratiques ! Mais quand vais-je pouvoir l’organiser ? » Un atelier s’est attelé à l’investissement dans les systèmes d’information : or les médecins et soignants d’une part et les qualiticiens et gestionnaires de risques d’autre part ne s’impliquent pas assez dans le choix et la mise en place des équipements et applications dont ils seront utilisateurs. La communication du CHD de Vendée, couplée avec l’éditeur Ennov, celle de Bicêtre avec 3si, celle de La Lignière (en Suisse) avec Qualios, celle de HEGP-Broussais avec KaliTech montrent de nouvelles formes de partenariat. L’enquête qualité et gestion des risques présentée par BlueKanGo vient signaler qu’on peut aussi faire le choix de tout basculer sur le web : applications, gestion documentaire, certification. Mais en matière d’amélioration continue, a-t-on les moyens de nos ambitions ? Un atelier de partage d’expériences avancées a réuni des médecins, des directeurs, des soignants, des experts QGR. Voici la question qui leur fut soumise : Comment réussir l’amélioration continue des pratiques médicales et soignantes ? [voir encadré ci-après] L’amélioration de l’efficience est souvent associée à divers accroissements de productivité se retournant stupidement contre la qualité des soins. Or nous sommes rarement bons dans la comptabilisation des actes : ainsi des recettes partent en fumée ! « Cela fait deux ans que je reporte mon projet d’amélioration de la qualité du codage. Et jamais je n’aurais conduit une analyse scientifique (telle que celle présentée par le responsable de l’information médicale de Cochin). Dès mon retour, je vais projeter le diaporama dans mon établissement. J’espère que les décisions vont s’accélérer. C’est du gain d’efficience complètement gratuit ! » Toutefois, nombre de progrès ne passent pas par l’amélioration continue. D’une part, des actions de communication sont nécessaires. Les opérations « Mains Propres » de la DHOS, « MobiQual » de la DGS et les sites internet tels que « Platine » apportent des solutions clés en main aux établissements. D’autre part, ce n’est pas avec l’amélioration du brancardage ou de la file d’attente qu’on peut effectuer un saut technologique. Le député Pierre Lasborde a ainsi exposé les conclusions toutes récentes de son rapport sur la télésanté en même temps qu’était présentée l’expérience de télésanté haute définition entre l’hôpital gériatrique Vaugirard et l’HE G. Pompidou, réalisée avec Cisco. Des progrès considérables sont à notre portée mais c’est parce que le médecin chef de projet porte une véritable exigence de qualité globale et multi services (orthopédie, dermatologie, cardiologie, neurologie, rhumatologie, escarres, néphrologie, mais aussi nombre d’explorations fonctionnelles) que tout le monde y trouve audelà de son compte. Une directrice qualité d’un hôpital voisin reconnaît : « La technologie apportée par Cisco ne fait pas tout. La qualité est dans la conduite du projet : ils ont collaboré avec tous les professionnels concernés. Le premier bénéficiaire, c’est le patient. Pourtant, des projets qui manquent de qualité, nous en avons encore plein les tiroirs. » 3 - Une science de la qualité existe, ne passons pas à coté d’elle La séance plénière d’ouverture des JIQHS va tout de suite au cœur du sujet : l’indicateur de mortalité reste, dans les conditions actuelles, un « indicateur hyper sensible », dans tous les sens du terme, de la qualité et de la sécurité des soins. Faut-il le rejeter ? La réponse scientifique à cette question est non. Le britannique Brian Jarman, responsable du très vaste programme national de lutte contre la mortalité évitable et spécialiste mondial du Taux de Mortalité Hospitalière Normalisé – TMHN [Hospital Standardised Mortality Ratio – HSMR] nous a apporté un témoignage global sur dix ans. Le dialogue avec la salle s’est enrichi des apports du Pr Gilles Chatelier (AP-HP et faculté de médecine de Paris Descartes). Les publications récentes vont toutes dans ce sens. Certes, l’indicateur mesure Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 un fait objectif majeur qu’on ne peut ignorer. Il intéresse la population (un français sur deux meurt en établissement de santé) et les professionnels. Mais les causes de décès évitables ont des origines foisonnantes, complexes. De plus en plus de critères ne proviennent pas de la qualité des soins en phase aigüe ou palliative mais du contexte. L’indicateur nous pousse à un travail de fond pour effectuer des progrès systémiques essentiels. La réalité dans une dizaine de pays le montre : les hôpitaux affichant des taux de mortalité inférieurs sont ceux qui déclarent et traitent le plus d’« événements indésirables » : plus vigilants, ils obtiennent des résultats considérables (cf http://www.nhs.uk/NHSEngland/Hospitalmortalityrates/Pages/Data.aspx#q03). Mais du point de vue de la conduite du changement et de l’évolution des mentalités, la réponse à la question appelle la prudence car l’utilisation malencontreuse de l’indicateur nourrit la plus mauvaise polémique. Dans ces dernières conditions seulement, le « taux de mortalité hospitalière pourrait servir de marqueur de la qualité ». Ainsi la séance d’ouverture se termine sur trois impérieuses recommandations afin de nous faire progresser sur la voie d’une pédagogie collective : Ne pas classer les hôpitaux (se méfier scientifiquement des indicateurs agrégés). Faire du travail de connaissance sur le terrain (dépister les extrêmes avec les acteurs de terrain, travailler à des indicateurs spécifiques avec les sociétés savantes, améliorer la détection des événements indésirables influant sur la morbidité), Faire de la pédagogie professionnelle collective: communiquer et ajuster régulièrement, valoriser les progrès. On signalera ici également quelques ateliers scientifiques préparés en partenariat avec la SoFGRES, le CFAR et la SFPC, l’AP-HP, le Synadim : Sur l’utilisation des check-lists, qu’elles émanent de l’OMS, comme au bloc opératoire, ou du terrain, comme au CH de Briançon. « Une chose est claire, dit un chef de service venu des DOM TOM, le contenu de la check-list compte autant que la façon de la déployer et d’en tirer des enseignements pratiques. » En témoigne, la préparation de la mise en œuvre de la check-list du bloc opératoire en Suisse romande. Sur l’amélioration de la « qualité/fiabilité » de l’ensemble de la PEC médicamenteuse, avec les communications sur l’amélioration de l’étiquetage, sur la gestion des antécédents pharmaceutiques, sur la REMED. Sur les EIG. La justification scientifique des CREX, cellules de retour d’expérience, dans le domaine des radiothérapies, avec la communication de l’ASN : il nous faut urgemment progresser dans notre capacité à analyser les situations de travail pour prévenir les sources d’erreur, fiabiliser les interactions et maîtriser les sources de défaillance. C’est un progrès méthodologique avant tout et les CREX ont montré leur efficacité. Sur le dépistage de l’iatrogénie médicamenteuse, l’apport des DIM est à reconsidérer à la hausse. « Des médicaments à surveiller sautent aux yeux. On ne peut plus l’ignorer, dit une pharmacienne. Ça complète le travail sur le circuit du médicament. Mais ce qu’ils font à Mondor, pourrais-je le faire chez moi ? » Sur l’amélioration motivante de la qualité, dans un service (avec la communication de Beaujon, montrant une EPP particulièrement motivante, facteur de cohésion d’équipe), dans une spécialité (avec la communication du CFAR sur la structuration du premier registre en anesthésie réanimation – RECO – qui vaut comme EPP individuelle et collective), ou dans tout un établissement (avec le « projet collectif personnel » élaboré par la coordonnatrice des soins du CH de Rambouillet) « Pour moi c’est un investissement qu’on oublie trop : chacun devient ainsi porteur d’une action personnellement motivante en terme de qualité », dit un directeur des soins à la pause. Sa voisine, lui répond en riant : « Bonne idée, tu commences quand ? »). Deux conclusions, l’une alarmiste : l’insuffisante implication des professionnels dans la mise en œuvre des changements ; l’autre encourageante : la prise de conscience progresse que la conduite du changement et la maîtrise des méthodes QGR déterminent le niveau d’implication et de résultats durables. La récente science de la qualité et de la gestion des risques est bien une science du facteur organisationnel et humain, et particulièrement en Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 santé, où elle est une science de la compétence collective face à des situations complexes. « On a suivi rigoureusement la méthode, et finalement ça a été plus facile qu’on le croyait », indiquait un intervenant en réponse à une question de la salle. 4 – Un progrès : « l’esprit QGR » prévaut sur la lettre et même sur le chiffre En matière de certification globale des établissements, le comble serait de désespérer. Après la période « très difficile » de la V1, a suivi la période « difficile » de la V2. Arrive celle de la V3, dite V2010. L’atelier sur ce sujet était des plus pédagogiques, au service des établissements préparant leur visite. « Les communications du CH de Fourmies et du GCS d’Henriville ont bien répondu à la question. Comme ce sont des établissements comme nous, ont s’y reconnaît parfaitement » dit une jeune ingénieure qualité. Les apports du Baqimehp et de la HAS ont enrichi l’atelier par des conseils extérieurs, ceux d’un consultant d’une part et de ceux l’Autorité d’autre part. « Moi, j’en suis à ma quatrième certification, sur deux établissements. Tous ont donné des conseils pratiques et des indications pour mieux s’approprier l’esprit du référentiel, en particulier ses nouveautés telles que les Pratiques Exigibles Prioritaires. » Vivrons-nous une période « moins difficile » ? Nul ne le sait, car les risques de découragement et de rejet sont réels. Mais « 96, 8% » des participants à l’atelier ont été satisfait du contenu et des échanges même si certains auraient voulu prolonger une heure de plus ! Le succès pousse les organisateurs à présenter le même atelier aux 12e JIQHS, en novembre 2010, avec les mêmes intervenants, enrichi de leur bilan. L’atelier « Simplifions l’utilisation des indicateurs » est venu justement illustrer l’esprit plutôt que le chiffre. La HAS a répondu aux questions pour mieux s’y prendre avec les indicateurs obligatoires, ceux optionnels et ceux de terrain. Le projet OMS-PATH a donné un éclairage solide sur le choix rigoureux de quelques indicateurs simples ayant un fort effet d’entrainement sur la performance globale. Et l’étude du Comité d’évaluation de la société française de chirurgie thoracique et cardio-vasculaire, membre actif d’Euroscore, conclut avec une règle, une seule : « les praticiens doivent être responsables de la définition des paramètres d’évaluation, de la mise en œuvre des mesures et de la gestion des bases de données ». Tandis que la certification reste un événement ponctuel lourd, les indicateurs sont des signes particuliers de la qualité au quotidien. C’est un directeur qui résume le mieux l’atelier : « Finalement, c’est cette règle d’or qui leur a garanti que les indicateurs soient « 3U ». Tous nos indicateurs devraient être « 3U » : utilisables, utilisés, et finalement utiles pour le patient. » 5 - L’humain revient en force L’atelier sur la Qualité de l’ETP nous a conduits à travailler sur le fond : « J’ai découvert qu’éduquer me demande d’adopter une posture tout autre que celle de soignant face à une pathologie, indique une cadre supérieure qui est venue avec son chef de service. C’est comme si un rideau se levait ! Eduquer n’est pas soigner une mauvaise éducation. » Chacun se demande comment mieux regarder le patient avec une attention plus positive voire un regard positif inconditionnel. « Il faut être créatif, inventer des solutions nousmêmes, comme à Saint-Antoine » répond son interlocuteur en s’inspirant du témoignage sur l’amélioration des consultations d’observance dans le cas des malades du sida. Et le travail du réseau SODHEV (Santé orale, handicap, dépendance et vulnérabilité, basé à Lyon) ? Après un silence : « Génial, ce qu’ils ont fait. Tous simplement génial. Ça donne du sens à nos métiers ». L’émotion teinte encore les visages. La qualité, ne serait-ce pas quand des gens ordinaires font des choses extraordinaires ? C’est dans cet esprit qu’ont témoigné les intervenants de l’atelier sur « le facteur humain dans le chemin clinique ». Si on fait bien le chemin clinique sous forme d’une EPP, alors on consacre une forte attention au facteur humain. Et on réduit la variabilité de la prise en charge en santé mentale, à Rouffach. Quant au plan de soutien au travail des IDE en hémodialyse, chez Calydial, il a permis un accroissement sécurisé de délégation et une Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 revalorisation de leur rôle. Inversement, si on consacre une grande attention au facteur humain pour améliorer sans cesse la qualité, comme en chirurgie ambulatoire de l’épaule à Bicêtre, on finit par faire du chemin clinique. Les deux approches convergent vers une même conclusion : la fiabilité des soins augmente quand on investit dans la compétence à toutes les étapes de la prise en charge. « Améliorons les soins de support » : cet atelier s’est attaché à la qualité d’activités qui participent directement à la satisfaction exprimée par le patient, notamment la douleur, la fatigue, les troubles nutritionnels, respiratoires, moteurs, odontologiques, les difficultés sociales, psychiques, la perte de l’estime de soi, la fin de vie. « De nombreux acquis de l’oncologie sont transférables dans les autres établissements » dit un étudiant en DU, « mais sommes-nous prêts ? » Ainsi, n’est-ce pas utopique de prôner d’investir dans les facteurs organisationnels et humain en période de redressement budgétaire ? Regardons plutôt la réalité en face, comme dans l’atelier intitulé « Réduisons le stress et accroissons le bien être au travail ». Un directeur de centre SSR se confie au sortir de la salle : « On sait la relation étroite unit la bientraitance des patients avec le bien être au travail des soignants. Mais maintenant j’ai une vision bien plus nette du rôle des hiérarchiques pour mettre en place un contexte de bienveillance. La bienveillance, ce n’est pas de la gentillesse, c’est du professionnalisme. Donc ça s’apprend. » Un spécialiste du stress le souligne : la bienveillance managériale évite la surcharge de travail et les injonctions paradoxales, elle développe des pratiques de reconnaissance. « Nous ne sommes plus dans le management par la qualité mais dans la qualité du management » résume la directrice d’un établissement universitaire. Peu après, la séance plénière du deuxième jour des JIQHS avait pour titre : « Non, les ressources humaines ne sont pas la variable d’ajustement ! » Un court témoignage lançait les échanges avec la salle. Il présentait le travail d’élaboration participative d’une charte de management par le CH de Saint Quentin. Les valeurs qui la sous-tendent sont : la reconnaissance, l’écoute, l’équité, la responsabilité, la détermination. « Ce n’est pas de la qualité pour les qualiticiens, c’est de la qualité pour tous. J’ai la chance d’avoir un directeur qui y croit. » dit une sage-femme, responsable qualité, venue aux JIQHS… avec son directeur. 6 – La nouvelle partie prenante : l’usager coauteur et co-acteur La HAS reconnaît et promeut la CRUQPC en tant qu’instance « levier » de l’amélioration de la qualité : Rôle dans la gestion des plaintes, Rôle d’observatoire de la mise en œuvre des droits et de la qualité de l’accueil et de la prise en charge. Rôle d’impulsion dans la politique et les actions d’’amélioration Lieu de représentation et de participation des usagers Passage obligé des experts visiteurs. La V2010 exige de prendre en compte ses recommandations. Présidé par Hervé Segalen, du CISS de l’Ile de France et Alain Sutter, directeur adjoint du cabinet du directeur de l’APHP, en charge de la qualité et des relations avec les usagers, l’Atelier 24 consacré aux « Commissions des relations avec les Usagers, de la Qualité et de la Prise en Charge », a pris la forme d’un atelier novateur « Partage d’expériences avancées ». Parmi le grand nombre de participants présents se trouvaient, de façon équilibrée, des professionnels et des représentants d’usagers. Six sous-ateliers ont donc été constitués, chacun animé par un R.U. (représentant d’usagers) et ont produit plus de 130 recommandations pratiques pour : Améliorer « la boîte à outils » des usagers et RU et relation de la CRUQPC avec les usagers Dynamiser les relations et le fonctionnement inter-CRUQPC Mieux utiliser les réclamations dans une optique d’amélioration continue Optimiser le fonctionnement des CRUQPC, l’implication des RU dans la certification des établissements et le suivi des recommandations Améliorer la prise en compte de la perception des usagers Article paru dans RISQUES & QUALITE N°1 2010 Améliorer les relations usagers dans le cas des EI, événements indésirables, et EIG (graves). Une unanimité : les usagers apportent une énergie et une compétence. Non seulement le patient est co-acteur, mais il peut et doit devenir partie prenante. Sur ce plan là, nous avons d’immenses progrès à faire. Un représentant d’usagers, ancien chef de service hospitalier, signale la voie de l’avenir « J’arrive en fin de carrière. C’est formidable de pouvoir échanger comme cela. Accepter de placer la qualité et la sécurité sous le regard des usagers, améliorer l’une et l’autre avec eux, n’est-ce pas le défi de demain ? » Annexe : l’atelier PEA (partage d’expériences avancées) sur l’amélioration médicale/soignante continue La méthode KJ, au cœur des ateliers de « partage d’expériences avancées »*** L’un des animateurs, le Dr François Pernin rappelle Einstein « C’est une folie de croire qu’en utilisant toujours les mêmes méthodes, on trouvera un résultat différent ». Plus de cent cinquante personnes ont ainsi découvert une nouvelle méthode, le KJ, permettant de traiter des problèmes complexes de façon pluridisciplinaire et de formaliser des recommandations avancées, pour les participants eux-mêmes mais aussi pour tous ceux poursuivant les mêmes buts. La méthode KJ repose sur une approche concrète. Elle part de la réalité vécue sur le terrain (post-it jaunes). Elle organise ensuite une réflexion collective sur ce qui fait lien entre certains de ces faits et qui leur donne souvent une signification plus profonde. Une recommandation consensuelle est formalisée (post-it vert). Enfin, elle aide les participants à formuler des recommandations de deuxième niveau (post-it roses). Enfin, on hiérarchise et on priorise au regard de la question posée. En résumé, dans la confusion des multiples opinions qui circulent, le KJ nous aide à trier entre celles qui sont pertinentes et celles qui font illusion, et parfois fait émerger des solutions nouvelles ignorées par l’aveuglement collectif. Comme un groupe l’a formulé en conclusion « La méthode favorise le respect et l’implication de personnes pluridisciplinaires, en partant du terrain. Elle clarifie une situation complexe et confuse, et nous aide à formuler du non dit. » Un participant déclarait « : « Peu à peu, le KJ nous impose à répondre à la question posée. Il fait même émerger de nouvelles hypothèses et des solutions innovantes ! » Pour les organisateurs, il reste à tirer les leçons de cette expérience originale et innovante à une telle échelle. Et à trouver des solutions afin d’améliorer un dispositif logistique qui a tout de même suscité un regret : celui d’avoir été victime de son succès. En ce qui concerne l’amélioration continue de nos pratiques médicales et soignantes, comme dans d’autres domaines, une racine du problème a été clairement identifiée par l’atelier, que je perçois dans mon établissement, conclut le Dr François Pernin : • « C’est l’absence d’esprit d’équipe, la non-appropriation des démarches et le déficit de dialogue entre les différents corps de métiers qui font obstacle et qui se manifestent sur tous les projets concoctés en haut lieu. • « Peut-on désormais être directeur ou chef de pôle sans une solide compétence en management et sans lieu de rencontre régulier pour échanger librement entre corps de métiers naviguant sur le même bateau ? • « C’est pourquoi la variable d’ajustement la plus rapide actuellement est l’introduction de nouvelles méthodes de réflexion collective. L’intérêt de ces ateliers tient aussi dans cette découverte essentielle. » *** Remerciement particulier à la Junior Entreprise de l’EHESP qui a largement contribué à leur préparation et à François Pernin, à Daniel Crépin et aux consultants du cabinet Reor qui les ont bénévolement animés : www.reor.fr