L’ACCOMPAGNEMENT HUMAIN DU CHANGEMENT Des études constatent que la première cause d’échec des projets de restructuration tient à la résistance humaine du changement, les projets de changement étant conduits davantage dans une perspective technique, sans prendre en compte l’aspect humain. Ainsi, les restructurations ont non seulement des effets sur l’emploi, mais aussi sur la santé des salariés, tant ceux qui sont licenciés que ceux qui restent, et la productivité : il existe en effet une corrélation entre les effets sur la santé des individus et la performance de l’entreprise. Anticiper les risques liés aux changements dans l’entreprise fait ainsi partie d’une démarche de prévention primaire des risques psychosociaux. Certains rapports ont mis en évidence l’impact des réorganisations d’entreprises sur la santé des salariés : Le CESE (Conseil économique, social et environnemental), dans un avis de mai 2013 sur la prévention des RPS, recommande de rendre obligatoire la réalisation d’une étude d’impact pour évaluer les conséquences organisationnelles et humaines. dans le rapport « Bien-être et efficacité au travail » présenté au Premier Ministre en février 2010, les auteurs recommandent également de faire précéder tout changement majeur d’une étude d’impact humain en associant les partenaires sociaux et le management de proximité, et d’intégrer un volet « santé » dans les différentes étapes du dialogue social dans la mise en œuvre des restructurations (inclure un tel volet par exemple dans le cadre des consultations des IRP). Par ailleurs, la Cour d’appel de Paris a rendu un jugement en date du 13 décembre 2012, qui a eu pour objet de suspendre un projet de réorganisation des magasins de la Fnac à la demande du CHSCT et des syndicats, au motif que la charge de travail générée et ses effets sur la santé avaient été mal évalués par l’entreprise. Étaient en cause les risques, notamment psychosociaux, liés à la surcharge de travail que cette réorganisation, assortie d’un plan social, pouvait occasionner pour le personnel. C’est la première fois qu’un juge suspend la mise en œuvre d’un projet de réorganisation car il n’a pas été suffisamment élaboré sous l’angle des risques psychosociaux. Il s’appuie sur l’obligation de sécurité de résultat qui pèse sur l’employeur. Les juges ont estimé que la Fnac devait identifier les risques en amont et communiquer leur évaluation au CHSCT en fournissant des documents quantitatifs. Certaines entreprises, telles que British Telecom, Saint Gobain et Ericsson ont pris conscience du besoin de soutenir les initiatives concernant la santé lors des restructurations. Les méthodes utilisées par les grandes entreprises pour remédier aux problèmes de santé liés aux restructurations sont de : - combiner les actions de santé avec le conseil sur la carrière et autres offres de mutations - rendre ces actions accessibles sur le lieu de travail et aux heures de travail - évaluer et surveiller les risques liés au processus de restructuration - mettre en place une formation spécifique pour les représentants de la santé et les dirigeants - impliquer les médecins de l’entreprise et des médecins externes Ces types d’actions demeurent cependant peu courants et découlent principalement de comportements et d’accords volontaires. Synthèse des risques et des mesures : IMPACT PSYCHOSOCIAUX SUR LES SALARIES EFFETS SUR LA SANTE EFFETS SUR L’ENTREPRISE - Perception de l’insécurité de l’emploi - Perception d’un manque d’équité dans l’entreprise - Démotivation, dégradation de la confiance - Manque de soutien - Adaptation au changement - Exigences psychologiques (charge mentale, difficulté d’atteinte des objectifs) - Contraintes temporelles (manque de temps, travail dans l’urgence) - Stress et épuisement - Troubles du sommeil - Changements de comportement (Régime alimentaire, addiction) - Accident du travail - Troubles musculosquelettiques - Maladies cardiovasculaires - Absentéisme - Turnover non souhaité - Climat professionnel dégradé (harcèlement…) - Baisse de productivité Mesures envisageables : - Distinguer les différentes phases de la restructuration (pré restructuration / annonce du plan, mise en œuvre, post-restructuration) ? - Les plus grands obstacles à la réussite du changement qui ressortent sont la gestion du changement et la communication - Démarche participative impliquant les salariés ainsi que les IRP et les syndicats. Évaluation des impacts humains en amont de la réorganisation : Analyser les conséquences du changement et les perceptions des salariés identifier les facteurs de risque : Méthodologie : - analyse documentaire et statistique (rapports, études, expertises, données RH et SST) - entretiens individuels - analyse du projet : quelles modifications va apporter le changement ? Quel changement sur l’organisation du travail, les fonctions, la charge de travail, la durée de travail, les effectifs, l’aménagement et l’ergonomie des postes de travail ? Quel est l’état de santé, le ressenti du salarié par rapport au projet ? Quel est le climat social actuel ? Quel sera l’impact sur l’autonomie, les procédures de contrôle et les pratiques managériales ?... Ex : AREVA analyse d’impact humain facteur par facteur à travers une grille d’évaluation pour chaque projet. Communication Établir un processus de décision transparent et participatif (salariés, OS, IRP) L’information donnée aux parties prenantes doit être de qualité et en temps voulu Culture d’entreprise : développer le sentiment d’appartenance Ex : APEC mise en place d’une cellule d’écoute interne ou externe pour accompagner les collaborateurs, leur expliquer les raisons du changement, les évolutions de l’entreprise et de leur métier. Implication des salariés / Dialogue social Solliciter les salariés concernés et créer des espaces d’échange pour leur permettre de s’exprimer sur leur ressenti ou sur leurs conditions de travail, de poser des questions, et proposer des solutions Ex : Eurodisney élaboration d’un plan d’implication des salariés et des DP concernés Mobiliser une équipe pluridisciplinaire : DRH, CHSCT, CE, Service de santé, Service social, cabinets externes Sensibilisation et formation aux RPS dans le cadre des restructurations (direction, managers, médecins du travail, représentants du personnel…) Accompagnement des salariés : salariés licenciés : suivi médical renforcé = suppose d’identifier les salariés les plus à risques: ouverture d’une ligne téléphonique, recours à des psychologues sur site ou en cabinets, aides pour trouver un nouvel emploi, propositions de formations Ex : Michelin mise en place d’ateliers de transition professionnelle Salariés non concernés directement par le PSE ou salariés « rescapés » : ceux-ci doivent trouver leur place dans la nouvelle organisation ce qui constitue en soi un facteur de stress + crainte de faire partie du prochain PSE : communication (ne pas laisser les salariés dans l’incertitude et l’incompréhension), motiver et réassurer les collaborateurs… Management : formation sur la gestion de leur propre stress et celui de leurs équipes, formation sur la conduite d’entretiens individuels, encourager le management de proximité, le soutien et la reconnaissance (établir que le bien être de la personne est un critère de réussite de la conduite du changement). Création d’espaces d’échange entre les managers