6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen PUBLICITE TELEVISEE ET OBESITE INFANTILE : L’AMBIGUÏTE D’UNE RELATION Claire MASSEROT Doctorante à l’IAE de Caen Basse-Normandie Laboratoire CIME, IAE de Caen Basse-Normandie 3, rue Claude Bloch BP 5160 14075 CAEN Cedex Tel : 02 31 56 65 00 Fax : 02 31 56 65 65 [email protected] PUBLICITE TELEVISEE ET OBESITE INFANTILE : L’AMBIGUÏTE D’UNE RELATION RESUME : L’obésité infantile est un problème de santé publique qui ne cesse de prendre de l’ampleur en France. C’est une maladie multifactorielle dont les différents déterminants agissent sur le comportement alimentaire de l’enfant et interagissent entre-eux. Lorsqu’il s’agit de trouver un responsable principal à ce phénomène, la publicité télévisée est généralement visée du fait de son caractère persuasif. Mais les études empiriques s’y rapportant manquent pourtant souvent d’objectivité et posent d’importants problèmes méthodologiques. D’un autre côté, la publicité télévisée peut aussi, également par son caractère persuasif, influencer l’enfant positivement dans son comportement face à la nourriture et à l’exercice physique. Cet article vise alors à montrer ces deux facettes de l’impact de la publicité télévisée sur l’alimentation de l’enfant et sur sa contribution au développement de l’obésité infantile. Mots clés : enfant, consommation alimentaire, publicité télévisée, obésité TV ADVERTISING AND CHILDREN’S OBESITY: THE AMBIGUITY OF A RELATION ABSTRACT : The children’s obesity is a public sanitary problem which is becoming expensive in France. It is an illness whose the multiple determinants work on the children’s food behaviour and which interact themselves. While it acts of finding a main culprit to this phenomenon, TV advertising is generally aimed for its persuasive character. But empirical studies about that often miss objectivity and pose large methodological problems. On the other hand, TV advertising also can positively influence children’s food and physical behaviour. This article aims to put in prospect these two visions of the impact of TV advertising on children’s food behaviour and on its contribution to the children’s obesity development. Key words : child, food behaviour, TV advertising, obesity -1- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen limites méthodologiques et des conclusions hâtives souvent associées à ces recherches, il est impossible aujourd’hui de répondre à la question de l’influence de la publicité télévisée sur le développement de l’obésité de l’enfant de façon catégorique. Nous sommes aujourd’hui confrontés à un débat manichéen duquel il faut sortir pour déboucher sur des solutions et des résultats concrets en termes de santé publique. INTRODUCTION L’obésité est en constante augmentation dans les pays occidentaux et notamment en France. Les Etats-Unis sont les plus touchés par ce phénomène. A l’heure actuelle, la montée de l’obésité en France est proportionnellement égale à celle des Etats-Unis dans les années 70, ce qui ne laisse rien présager de bon pour les années à venir en France, si cette augmentation demeure constante. La publicité télévisée est actuellement en ligne de mire s’agissant de son influence sur le comportement alimentaire de l’enfant. En effet, il n’est pas rare d’entendre dire de part et d’autre que « la publicité rend nos enfants obèses ». A l’inverse, il est possible de prendre en compte la publicité comme constituant un vecteur pour favoriser une stabilisation voire une diminution de la prévalence de cette maladie chez l’enfant. De ce fait, il s’avère que la relation entre publicité télévisée et obésité de l’enfant est ambiguë. C’est un problème qui est aujourd’hui soulevé par les pouvoirs publics et qui nécessite de plus amples recherches. Les enfants sont considérés comme tout particulièrement touchés par le développement de l’obésité. Selon Ricour (in UNAF, 2005), sur une décennie, la prévalence de l’obésité de l’enfant en France est passée de un enfant obèse sur douze à presque un enfant sur six en moyenne. L’obésité infantile est une source d’inquiétude importante. En effet, c’est pendant l’enfance que les habitudes alimentaires se développent. De plus, il s’avère que les causes de cette maladie sont multifactorielles. C’est pourquoi, différents acteurs de la société se sentent concernés par ce phénomène. En particulier, l’industrie agroalimentaire se mobilise de plus en plus sur ce sujet. En effet, les entreprises de ce secteur d’activité sont souvent considérées comme étant un des principaux responsables de l’augmentation de la prévalence de l’obésité infantile, notamment à travers les produits offerts sur le marché, leur disponibilité, ainsi que la communication associée. Nous proposons, dans cet article, de nous positionner selon les deux points de vue. En effet, il semble important d’envisager ces deux aspects de l’influence de la publicité télévisée face à l’augmentation de la prévalence de l’obésité. Notre objectif est de montrer ces deux facettes du rôle de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant. L’intérêt de notre papier est tout d’abord de faire le point sur les différents déterminants du développement de l’obésité infantile, pour montrer la place relative de la publicité télévisée parmi les autres sources d’influence sur le comportement alimentaire de l’enfant. Par la suite, l’intérêt est de mettre en évidence la place que la publicité télévisée peut avoir dans le cadre d’une stratégie de lutte contre l’obésité de l’enfant. S’agissant de la communication de l’industrie agroalimentaire, la publicité télévisée est un des éléments les plus directement visés lorsqu’il s’agit de trouver un responsable au développement de cette « épidémie » d’obésité chez les enfants. En effet, les publicités agroalimentaires présentes pendant les programmes pour enfant sont souvent en faveur de produits peu diététiques. Des études ont déjà été menées sur ce thème de recherche. Mais, compte tenu de leurs -2- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen choix alimentaires de l’enfant, ce qui est au cœur de notre sujet. Pour se faire, nous commencerons par étudier la publicité télévisée vue comme une menace face à l’obésité infantile. Nous pourrons repositionner la publicité télévisée dans son contexte, en présentant les différents facteurs d’influence sur le comportement alimentaire de l’enfant. Ceci permettra de relativiser le rôle de la publicité face à l’environnement de l’enfant. Nous évoquerons par la suite les principaux résultats proposés dans la littérature concernant l’influence de la publicité sur le comportement alimentaire de l’enfant, ainsi que les limites de ces études. Contexte de la publicité télévisée : les facteurs environnementaux d’influence sur les déterminants du développement de l’obésité infantile « L’obésité n’est pas une maladie comme en rêvait jadis Claude Bernard1 : une cause, une description, un traitement » (Le Guen, 2005) Aujourd’hui, nous savons que l’obésité est une maladie plurifactorielle. En effet, il existe des facteurs d’influence de différents ordres. L’industrie agroalimentaire est souvent visée lorsqu’il s’agit de trouver un coupable au développement de l’obésité, en particulier du fait de ses pratiques commerciales (promotions, publicités, etc.). Selon Le Guen (2005), l’environnement global agit sur le comportement alimentaire, aussi bien l’environnement « physique » que « commercial, publicitaire et informationnel ». Dans une seconde partie, il s’agira d’étudier la publicité télévisée considérée cette fois-ci comme une opportunité face au développement de l’obésité infantile. Nous évoquerons à ce titre la notion de marketing social et son utilité dans le cadre d’une lutte contre l’obésité de l’enfant. Ensuite, nous présenterons différents programmes de santé publique visant, en tout ou partie, la diminution de cette épidémie. Il est question ici du PNNS (Programme National Nutrition Santé), du programme EPODE (Ensemble, Prévenons l’obésité de l’enfant) et de quelques exemples de programmes mis en place à l’étranger et visant un changement de comportement alimentaire par l’utilisation de la publicité télévisée. Nous allons donc étudier succinctement ces différents facteurs car il semble important de les connaître pour, par la suite, les mettre en perspective, en particulier l’influence de la publicité télévisée comparée aux autres facteurs. Pour présenter ces différents facteurs, nous pouvons nous appuyer sur la classification proposée par Livingstone (2005). L’auteur distingue les différents niveaux d’influence, du niveau individuel au niveau sociétal. LA PUBLICITE TELEVISEE : UNE MENACE FACE A L’OBESITE INFANTILE ? Nous étudierons pour commencer le contexte environnemental dans lequel se situe la publicité télévisée pour les produits alimentaires pour enfant. Ceci permettra de mettre en perspective les différents déterminants de l’alimentation de l’enfant qui sont susceptibles de s’ajouter à l’influence de la publicité. Par la suite, nous ferons une synthèse d’études portant sur l’impact de la publicité sur les Les facteurs d’influence au niveau individuel (le consommateur) Le facteur socio-économique Cité dans Le Guen (2005). Claude BERNARD était un médecin français du 19ème siècle (1813-1878). 1 -3- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen Du point de vue de l’enfantconsommateur en lui-même, différents facteurs étant directement liés à lui peuvent influencer son comportement alimentaire et une éventuelle survenance d’obésité. est un signe de richesse. Tandis que dans certains pays d’Afrique, le surpoids est « recherché », la situation est inversée en Europe. Bellisle (1999) affirme également que l’origine ethnique peut avoir une influence sur le développement de l’obésité. En effet, dans les pays asiatiques tels que la Chine notamment, le taux d’obésité est inférieur aux pays européens globalement, même si la prévalence de cette maladie ne cesse d’augmenter ces dernières années en Asie. L’origine familiale joue un rôle à travers les habitudes alimentaires associées aux populations culturellement différentes. Tout d’abord, le statut socioéconomique est un élément qui peut agir sur le comportement alimentaire d’un enfant. En effet, selon Charles (2003), en France, la prévalence de l’obésité a tendance à diminuer avec l’augmentation du revenu du foyer. Selon Crockett et Sims (1995), l’influence du statut socio-économique transparaît à travers le coût des produits. Il semblerait que les produits les moins coûteux (et le plus souvent, consommés par les ménages à faibles revenus) bénéficient de moins de substances nutritives que les produits plus onéreux et sont plus riches en sucre, graisse et/ou sel, qui donnent du goût aux produits. Enfin, Charles (2003) évoque le rôle des valeurs véhiculées dans les différentes cultures de la population. Le facteur psychologique L’état psychologique de l’enfant peut modifier son comportement alimentaire. En effet, selon Bellisle (1999), il est tout à fait possible que la consommation alimentaire réduise l’anxiété de la personne obèse. Le facteur culturel, ethnique D’après une étude de Locard et al. (1992), l’origine familiale peut être un facteur d’influence sur le développement d’une obésité chez l’enfant. D’après Crockett et Sims (1995), la diversité culturelle et ethnique semble jouer un rôle sur la consommation alimentaire de l’enfant. En effet, l’alimentation n’est pas toujours appréhendée de la même façon dans les différentes cultures. Par exemple, dans certains pays d’Afrique, pouvoir s’alimenter abondamment peut être vu comme un indice de richesse. Nous observons l’effet contraire dans la majeure partie des pays européens où la minceur Selon Basdevant (2004), un problème d’ordre psychologique peut amener à une modification du comportement alimentaire, pouvant ellemême favoriser le développement d’une obésité. En effet, la consommation alimentaire est en partie fonction « des émotions et des affects » du consommateur. Le Barzic (2004) développe un schéma de la « multifactorialité des déterminants de l’obésité ». -4- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen Figure 1 : Multifactorialité des déterminants de l’obésité GENETIQUE ENVIRONNEMENT POIDS COMPORTEMENT Comportement alimentaire Activité physique PSYCHISME Source : D’après Le Barzic, M. (2004), Analyse clinique du comportement alimentaire, in Basdevant A. et Guy-Grand B., Médecine de l’obésité, éditions Flammarion, Paris, pp. 99-109. Une vie plus sédentaire Cette figure montre le rôle du psychisme sur le comportement alimentaire. Nous voyons dans ce schéma les différentes inter-relations existantes entre les facteurs d’influence du comportement alimentaire. Le psychisme de l’individu est au cœur du processus. Un style de vie sédentaire est un facteur important de risque de développer une obésité. En effet, lorsque l’enfant a une activité passive telle que regarder la télévision, utiliser l’ordinateur ou faire des jeux vidéo, il dépense peu d’énergie et donc peu de calories. De ce fait, les activités passives, qui occupent généralement une partie importante dans la journée de l’enfant, sont susceptibles de favoriser l’obésité. Le Barzic (2004) affirme que « l’obésité de développement » est plus répandue chez l’enfant que chez l’adulte. Selon cet auteur, « l’incapacité à distinguer ses besoins physiologiques, tels que la faim, de ses états émotionnels, serait responsable de l’hyperphagie à l’origine de l’obésité chez ces enfants ». Il s’agit de l’obésité réactionnelle. Selon Basdevant (2003) et Poulain (2004), le développement de la société et de l’environnement quotidien de l’individu le pousse à diminuer ses dépenses énergétiques. Nous pouvons évoquer à ce titre le développement des moyens de communication et des moyens de transport notamment. Le style de vie Le mode de vie de l’enfant est un facteur important d’influence sur la consommation alimentaire. -5- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen Une évolution des modes de consommation alimentaire La consommation alimentaire de l’enfant peut être influencée par les individus faisant partie de son environnement. La famille de l’enfant et ses pairs sont les principales sources d’influence au niveau interpersonnel. Pour l’enfant, une des premières modifications du modèle alimentaire a été le développement de la pratique du « snacking ». Ceci fait référence à ce que nous pouvons aussi appelé le grignotage. Il va favoriser la surconsommation alimentaire par rapport aux besoins énergétiques. L’influence de la famille La famille peut influencer la consommation alimentaire de l’enfant à différents niveaux. Pour Simon (2003), il apparaît vraisemblable que la déstructuration des repas soit associée de façon directe et indirecte à la télévision, de part la situation qu’elle provoque (l’enfant va s’occuper en mangeant pendant qu’il regarde la télévision) et de part les modèles alimentaires véhiculés à travers les programmes télévisés. Familiarité de l’enfant avec les produits L’exposition de l’enfant aux produits alimentaires permet d’en améliorer l’acceptation par ce dernier. En effet, l’enfant a tendance à refuser de consommer les produits avec lesquels il n’est pas familier. De ce fait selon Hammer (1992), la familiarité de l’enfant avec un produit alimentaire permet de modifier ses préférences initiales. Si le produit est présenté de façon répétée et familière, il sera probablement plus facilement accepté par l’enfant. Crockett et Sims (1995) rejoignent les propos de Hammer (1992) sur ce point. Parmi les autres modifications du modèle alimentaire classique, nous pouvons évoquer le développement des dépenses alimentaires hors domicile. Selon Crockett et Sims (1995), aux Etats-Unis en 1995, presque la moitié des dépenses de consommation alimentaire était pour des produits à consommer à l’extérieur du domicile. Or, nous savons que ce type de produits est souvent riche en graisse, sucre et/ou sel. Nous parlons ici du « home eating ». Selon Escobar (1999), les enfants voyant leurs parents consommer certains produits alimentaires vont avoir tendance à mettre en place une attitude mimétique. Cette situation leur permet de se familiariser avec les produits consommés par les autres membres de la famille. De par ces différentes études, ils semble que l’évolution des modes de consommation alimentaire se fait en partie au sein de la famille, comme pour la déstructuration des repas ou le développement des dépenses alimentaires hors domicile. Les comportements et préférences alimentaires de la famille Les préférences familiales vont également influencer la consommation alimentaire de l’enfant à travers un comportement mimétique de la part de l’enfant, comme nous avons pu le voir cidessus. Selon Corbeau (2005), les parents font de moins en moins de repas à domicile et les enfants font de même. Ils Nous allons à présent étudier les facteurs d’influence sur le comportement alimentaire, au niveau interpersonnel. Les facteurs d’influence au niveau interpersonnel -6- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen L’éducation des parents et l’éducation de l’enfant par ses parents s’alimentent alors dans des points de vente où les produits ne sont pas toujours diététiques. De plus, on laisse souvent les enfants composer leurs repas parmi une offre de produits importante sans qu’ils ne sachent toujours déchiffrer les données nutritionnelles s’y rapportant. De ce fait, le comportement des parents à ce niveau influence celui des enfants. Selon Crockett et Sims (1995), le niveau d’éducation de l’enfant par ses parents affecte l’attention portée par lui aux programmes éducatifs mis en place dans la famille. Notamment, les parents peuvent apprendre à leurs enfants en termes de nutrition et les habituer à avoir conscience de l’importance d’une bonne alimentation. L’évolution des modes de consommation au sein de la famille peut aussi influencer la consommation alimentaire de l’enfant, comme nous avons pu l’évoquer précédemment. Il s’agit du développement du « snacking » à domicile, pour les parents comme pour les enfants. Ceci fait également référence à la déstructuration des repas au sein de la famille (Simon, 2003), ainsi qu’au développement des dépenses hors domicile par la famille (Crockett et Sims, 1995). Nous pouvons noter que, selon Palojoki et Tuomi-Grohn (2001), il est souvent considéré que les personnes ayant une éducation à la nutrition font des choix alimentaires plus diététiques. L’influence des pairs L’influence peut aussi provenir des pairs qui, nous le savons, peuvent imposer une forte pression sociale sur l’enfant et modifier de ce fait son comportement général et son comportement alimentaire plus particulièrement. La disponibilité des parents Moins les parents sont disponibles, plus ils vont acheter et consommer des produits « prêts-à-manger » et achetés à l’extérieur, par manque de temps à consacrer à la préparation des repas. Nous savons que ce type de produit est souvent riche en sucre, graisse et/ou sel. Le manque de disponibilité des parents peut aussi avoir des conséquences au moment des repas, car l’enfant n’est pas contrôlé et peut donc voir son comportement dévier. Peu d’études ont été menées sur ce thème. Mais selon une recherche de O’Dea (2003), une des raisons qui amènent l’enfant à diminuer sa consommation de produits sains en termes de santé est le renforcement social. Il peut s’agir en particulier de la pression sociale due aux pairs. En effet, l’enfant peut ressentir le besoin de consommer des produits peu diététiques mais « à la mode » dans son groupe de pairs, pour ne pas ressentir de sentiment d’exclusion sociale. Dans une étude de O’Dea (2003), des enfants et adolescents proposent même d’améliorer le support et l’implication parentales pour tenter de développer la consommation de produits sains (fruits et légumes généralement) au détriment de la « junk food » (produits riches en sucre, graisse et/ou sel). Selon Young (2003), les pairs peuvent influencer les enfants de 3 à 4 ans à partir du moment où ils commencent à prendre leurs repas en communauté, et en particulier à l’école. -7- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen La famille et les pairs sont les deux principaux agents qui peuvent influencer directement la consommation alimentaire de l’enfant. Nous pouvons à présent évoquer les facteurs d’influence se situant au niveau communautaire. L’influence des lieux commerciaux Nous observons une recrudescence de la présence de fast-food près des écoles. Les jeunes sont relativement friands de ce type de nourriture particulièrement riche en calories. Mais l’influence de cette restauration reste limitée en ce qui concerne les enfants d’école primaire, qui ne sont pas libres de consommer seuls, à l’extérieur de l’enceinte de leur école. Les facteurs d’influence au niveau communautaire Il s’agit ici de l’école, des lieux commerciaux et du marché de l’agroalimentaire lui-même, à travers les produits disponibles à la consommation. En France, les distributeurs automatiques de produits alimentaires peu diététiques ont été interdits dans les écoles. Dorénavant, il n’existe plus cette influence sur la consommation des enfants au sein de l’école. L’influence de l’école sur la consommation alimentaire de l’enfant L’école est susceptible d’influencer l’alimentation de l’enfant à travers la restauration scolaire et l’éducation qu’elle diffuse. L’influence du marché agroalimentaire Le marché dans sa globalité a une influence sur le comportement alimentaire de l’enfant. Tout d’abord, selon Crockett et Sims (1995), compte tenu des données sur lesquelles il s’appuient (étude aux EtatsUnis), les centres pour enfants fournissent une variété de produits alimentaires limitée, avec peu d’apport énergétique, des repas et des produits de grignotage excédant les niveaux maximum recommandés par les nutritionnistes, et l’emploi de personnel généralement peu qualifié en matière de nutrition. La disponibilité des produits alimentaires A l’heure actuelle, les produits alimentaires ne sont plus des biens rares. En effet, ils sont disponibles dans de nombreux lieux de vente, à des plages horaires étendues. De plus en plus de repas sont pris à l’extérieur, pour les parents comme pour les enfants. De ce fait, nous assistons au développement de la vente de produits alimentaires, « prêts-àmanger ». Ces produits ne sont généralement pas recommandés par les nutritionnistes car trop riches en sucre, graisse et/ou sel. Ce problème est soulevé notamment par Le Guen (2005). Aux Etats-Unis, nous pouvons également noter la présence des grandes marques agroalimentaires dans les écoles. En effet, elle ont intégré le milieu scolaire à travers l’utilisation du sponsoring et de la publicité. Notamment, certaines marques ont pu fournir aux écoles des packs éducatifs pour les enfants, en y intégrant des éléments de la marque voire le produit en lui-même. -8- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen De plus, les enfants choisissent souvent les produits qui vont composer leurs repas parmi une offre importante, sans qu’ils ne comprennent toujours les informations nutritionnelles s’y rapportant. De ce fait, ils sont susceptibles d’effectuer de mauvais choix, privilégiant l’aspect « plaisir » dans la consommation alimentaire à l’aspect « nutrition ». Il est soutenu par le Ministère de la Santé et des Solidarités, et l’INPES (Institut National de Prévention et d’Education pour la Santé). Il ne s’adresse pas uniquement aux enfants et ne se focalise pas uniquement sur la prévention de l’obésité mais sur la prévention de toutes les maladies dont le développement est influencé par la consommation alimentaire. S’ajoute à la disponibilité des produits une augmentation des portions proposées au consommateur. EPODE, Ensemble, Prévenons l’obésité de l’enfant La qualité des produits offerts sur le marché Dans le cadre d’une société dite « obésitogène » (qui favorise le développement de l’obésité), EPODE est un programme qui a été mis en place par l’Observatoire des Habitudes Alimentaires et du Poids et l’Association pour la Prévention et la Prise en Charge de l’Obésité en Pédiatrie (APOP) pour une durée de cinq ans. Selon Borys (in UNAF, 2005), ce programme fait suite à « une prise de conscience politique et scientifique du problème de l’obésité ». Depuis quelques années, nous assistons à un développement des produits peu diététiques, apportant plaisir dans la consommation alimentaire. Mais ces produits palatables (qui procurent du plaisir lors de leur consommation) sont généralement particulièrement caloriques, ce qui favorise l’augmentation de l’apport énergétique du consommateur. De plus, ce sont des produits qui limitent la sensation de rassasiement après consommation, d’où un risque plus important de surconsommation. EPODE a pour objectif de modifier les comportements alimentaires de l’enfant et de lutter contre la sédentarité, s’appuyant sur les différentes recommandations de santé du PNNS. Il bénéficie du soutien de différents partenaires tels que Nestlé Nutrition, Assureurs Prévention Santé et Fondation Carrefour. Nous pouvons à présent évoquer le dernier niveau d’influence sur le comportement alimentaire, le niveau sociétal. Les facteurs d’influence au niveau sociétal A travers cette présentation des différents facteurs environnementaux d’influence sur le comportement alimentaire de l’enfant, nous voyons que la publicité télévisée n’est qu’un facteur parmi beaucoup d’autres. En effet, l’alimentation de l’enfant est susceptible d’être influencée par des facteurs très divers et interagissant entre-eux. Ceci pose la question de l’influence relative de la publicité télévisée une fois repositionnée dans son contexte. Ce questionnement semble légitime compte tenu de la forte Nous pouvons évoquer à ce titre les programmes de lutte contre le développement de l’obésité infantile. PNNS, Programme National Nutrition Santé Le Programme National Nutrition Santé (PNNS) a été mis en place dans le but d’améliorer la santé des français, adultes comme enfants, de façon générale. -9- 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen influence que peuvent avoir certains facteurs tels que le style de vie mais également la famille. épidémiologique géographiquement limitée à une région du nord-est de la France (deux régions lorraines). La recherche a porté sur 509 enfants de 6 à 10 ans. Des questionnaires on été administrés aussi bien aux enfants qu’aux parents. A présent, nous allons évoquer les principales études empiriques qui ont étudié l’influence de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire. L’auteur amène aux conclusions suivantes. Selon lui, l’augmentation du temps passé devant la télévision par l’enfant engendre : L’influence de la publicité télévisée : résultats et limites d’études empiriques - Nous commencerons par présenter les principaux résultats évoqués dans la littérature, pour ensuite les étudier d’un point de vue critique. - L’influence de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire : résultats proposés par la littérature - une augmentation du grignotage une plus forte incitation à consommer des produits présentés en publicité une diminution de l’alimentation qu’il qualifie de « normale » une augmentation du niveau de connaissance des produits une augmentation de la demande aux parents. La conclusion générale proposée par cet auteur est comme suit : « Plus ils (les enfants) sont en contact avec la TV et les publicités TV, et plus leur comportement alimentaire est déséquilibré ». Les différentes études menées sur l’impact de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant ne proposent pas de consensus permettant de répondre de façon catégorique à la question posée. Néanmoins, nous pouvons présenter ici les résultats de quelques études que nous pouvons regrouper par type de méthodologie utilisée. Une autre recherche précède celleci. Bolton (1983) a travaillé sur l’influence de la publicité télévisée pour des produits alimentaires peu diététiques sur les préférences alimentaires de l’enfant et la composition de son alimentation. L’étude porte sur 262 enfants de 2 à 11 ans, appartenant à des familles avec deux parents, équipées en matériel de télévision. Les répondants sont d’un haut niveau socio-économique. Recherches réalisées à base de questionnaires uniquement Une étude a été réalisée par Langinier (1988). L’objectif de cette recherche est de montrer un éventuel rôle de la publicité télévisée dans le cadre de l’apparition de maladies cardiovasculaires. Plus spécifiquement, l’auteur a étudié l’influence de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant. Son but est de mettre en évidence un lien de causalité entre certaines publicités en faveur de produits peu diététiques et le grignotage des enfants. Il s’agit d’une étude L’auteur représente l’exposition aux publicités commerciales alimentaires par une moyenne des minutes de publicités diffusées à la télévision et visionnées par l’enfant. L’auteur arrive à la conclusion principale suivante : quand l’exposition de l’enfant aux publicités alimentaires - 10 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen télévisées augmente, l’enfant grignote significativement plus. autres facteurs agissant sur le comportement alimentaire de l’enfant. Plus précisément, Bolton affirme l’existence d’une influence de l’exposition des enfants aux publicités télévisées sur trois niveaux : Pour résumer, ces différentes recherches empiriques basées sur l’utilisation de questionnaires uniquement affirment l’existence d’une influence de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant. Mais ces études souffrent de limites méthodologiques importantes que nous aborderons plus en avant dans cet article. - - - l’exposition augmente significativement le niveau de grignotage de l’enfant le grignotage additionnel de l’enfant augmente son apport calorique d’environ 1.5 % et diminue son efficience nutritionnelle d’environ 1.5 %. En effet, les enfants ont tendance à grignoter peu d’aliments diététiquement bons pour la santé et plus de produits très caloriques. l’exposition des enfants aux publicités alimentaires diminue leur efficience nutritionnelle. Recherches réalisées à base d’expérimentation Les recherches empiriques réalisées au travers d’expérimentations sont plus nombreuses. Nous pouvons présenter ces études en deux parties distinctes : celles qui proposent à l’enfant de choisir un ou des produit(s) à consommer après l’exposition à des publicités ou programmes (dans des conditions se rapprochant alors de la réalité) et celles basées sur des questionnaires après l’exposition. Cette distinction semble importante du fait des conditions de déroulement. En effet, les premières études se basent sur un choix réel de produits à consommer et les secondes se basent sur des réponses verbales et non sur un comportement effectif. Nous savons aujourd’hui qu’il peut exister une différence non négligeable entre une réponse verbale et un comportement effectif. Nous pouvons prendre un dernier exemple de recherche basée sur la méthode du questionnaire. Il s’agit d’une étude plus récente de Eagle et al. (2004). Cette étude a été réalisée par l’administration de questionnaires à des parents d’enfants en école primaire, en Nouvelle-Zélande. Les résultats de cette recherche sont alors basés sur les perceptions parentales du rôle de la publicité télévisée sur la consommation alimentaire des enfants. Ces auteurs affirment que l’influence de la publicité télévisée sur l’alimentation de l’enfant est dépendante notamment du statut socio-économique des parents et de l’environnement de l’enfant (influence de l’école, des pairs, etc.). Expérimentation et questionnaire Il existe une première étude de Wiman et Newman (1989) qui tente de tester l’influence de la publicité télévisée sur l’enfant. Il s’avère que leur étude porte sur l’impact des publicités sur les connaissances nutritionnelles de l’enfant. L’échantillon est constitué de 327 enfants de deux écoles primaires. L’étude consiste en l’administration de questionnaires aux Cette recherche aboutit au résultat suivant : il existe une influence de la publicité télévisée sur l’alimentation de l’enfant, mais cet impact semble plus indirect que direct selon eux, et le niveau d’influence semble faible comparé aux - 11 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen enfants. Elle repose donc sur du « selfreporting » pour la semaine précédente. Par cette méthode, on cherche à mesurer le temps passé devant l’écran de télévision par l’enfant et à évaluer ses connaissances nutritionnelles. le choix pour un produit ayant fait l’objet d’une publicité est significativement plus important dans le groupe soumis à ces publicités, en comparaison avec le groupe témoin. - le taux de choix est plus élevé pour les produits dont la publicité a été vue à deux reprises. Cette étude confirme l’influence de la publicité sur le choix de consommation de produits peu diététiques par l’enfant. - En fonction de la cible normalement visée par la publicité, l’effet sur les connaissances nutritionnelles de l’enfant n’est pas le même. Si la publicité est destinée à un autre public que l’enfant lui-même, il ne semble pas y avoir d’effet négatif sur les connaissances de l’enfant. Au contraire, pour les publicités qui lui sont directement destinées, l’effet semble être plus négatif sur les connaissances et la compréhension de la phraséologie nutritionnelle utilisée dans la publicité, chez l’enfant. La conclusion de l’auteur est alors que les publicités alimentaires pour des produits peu diététiques, et destinées aux enfants, semble avoir des effets négatifs en terme de connaissances nutritionnelles. Expérimentation et choix d’un produit à consommer Une des premières études ayant été menées sur le sujet est celle de Goldberg, Gorn et Gibson (1978). Ces auteurs ont étudié l’influence de la publicité sur les choix alimentaires des enfants à travers une expérimentation. Les enfants sont soit soumis à des publicités pour des produits peu diététiques à une seule reprise, soit soumis à ces publicités à deux reprises, soit soumis à des PSA à une seule reprise (Public Service Announcements, des publicités du service public en faveur d’une alimentation équilibrée), soit soumis à des PSA à deux reprises. Par la suite, on propose à chaque enfant de consommer un produit de son choix parmi six produits de « snacking » présentés : des produits diététiques, peu diététiques, ayant fait l’objet d’une publicité ou non. Plus récemment, Borzekowski et Robinson (2001) ont tenté de mesurer l’impact d’un programme pour enfant où des publicités ont été intégrées, sur les choix alimentaires de l’enfant. 46 enfants de 2 à 6 ans sont sollicités pour mettre en place cette expérimentation. On y ajoute les interviews de 39 parents. Certains enfants sont exposés au programme contenant des publicités (soit une exposition aux publicités, soit deux), d’autres visionnent le programme sans les publicités. A la suite de l’exposition, on demande aux enfants de choisir un produit qu’ils aimeraient consommer parmi plusieurs produits proposés à travers des images. Les enfants choisissent entre deux images celle qu’ils préfèrent. Les auteurs confirment l’existence d’un effet significatif des publicités sur les choix des enfants. Les enfants qui ont été soumis aux publicités ont donc tendance à sélectionner plus de produits riches en sucre, graisse et/ou sel que ceux du groupe de contrôle. Par contre, il semblerait que la fréquence d’exposition aux publicités n’ait pas de conséquence en termes de quantité de produits consommés. Il faut noter que les PSA ont eu tendance à réduire le nombre de produits sucrés sélectionnés par les enfants. Les auteurs proposent les résultats suivants : - 12 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen enfants obèses reconnaissent une plus grande quantité de publicités alimentaires que de publicités non-alimentaires. De plus, selon les auteurs, une plus forte capacité à reconnaître les publicités alimentaires est significativement corrélée avec une forte consommation de produits alimentaires. Pour finir, que les enfants soient obèses ou non, ils semblent consommer plus de produits peu diététiques après une exposition aux publicités alimentaires. Ceci amène à une confirmation de l’influence de la publicité sur le comportement alimentaire de l’enfant. Par la suite, Galst (1980) a mis en place une expérimentation du même type, mais sur une période plus étendue, pendant quatre semaines, avec l’aide de 65 enfants de 3 à 6 ans. Par contre, on ne propose à l’enfant de choisir qu’entre différents produits de grignotage. Ceci pose problème dans le cadre de notre article car nous ne pouvons en conclure un éventuel effet de la publicité sur l’équilibre alimentaire de l’enfant. En effet, on ne lui propose que des produits similaires, certains ayant fait l’objet d’une publicité et d’autres pas. Les auteurs arrivent à la conclusion que les enfants ont une forte tendance à la consommation de produits les plus sucrés. Ici, l’auteur ne répond finalement pas réellement au problème posé par les publicités pour des produits peu diététiques. Les différentes études procédant à une expérimentation confirment l’existence d’un impact des publicités télévisées pour des produits peu diététiques sur les choix alimentaires des enfants. Néanmoins, nous sommes confrontés à un réel problème de validité de ces différents résultats. En effet, d’importantes limites liées à ces études permettent de relativiser les résultats proposés. Gorn et Goldberg (1982) ont mis en place une expérimentation sur une longue période. Des enfants ont été soumis à une expérience pendant 14 jours, lors d’un camp de vacances. Ceci a permis notamment de contrôler l’exposition en dehors de l’expérience en elle-même. On leur demande, comme précédemment, de choisir des produits alimentaires parmi différents produits proposés, diététiques ou non. Les choix des enfants concernant les boissons et les produits de grignotage sont significativement affectés par leur exposition à différents messages publicitaires alimentaires sur cette période de 14 jours. Les publicités pour les confiseries vont avoir tendance à inciter les enfants à consommer ces produits plutôt que des fruits. Limites méthodologiques des études empiriques Il existe des limites de différents ordres. Hétérogénéité méthodologique des études empiriques Les études empiriques évoquées cidessus présentent l’inconvénient d’être très hétérogènes les unes par rapport aux autres. De ce fait, il est difficile d’en faire une synthèse. Enfin, nous pouvons évoquer une dernière étude de Halford et al. (2003). Cette recherche a porté sur 42 enfants de 9 à 11 ans. On soumet des enfants à des programmes contenant des publicités pour des produits alimentaires. Par la suite, on leur demande de faire un choix parmi plusieurs produits proposés. Les auteurs sont amenés à la conclusion suivante : les En effet, certaines études mettent en place une expérimentation dans des conditions relativement proches du réel en proposant le choix d’un produit à consommer effectivement (Goldberg, Gorn - 13 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen et Gibson, 1978 ; Galst, 1980 ; Gorn et Glodberg, 1982 ; Halford et al., 2003). concernant des corrélation entre différentes variables, qui sont généralement l’exposition à la publicité télévisée et les produits alimentaires consommés par l’enfant. Hors, la mise en évidence d’un lien de corrélation ne peut pas aboutir à celle d’un lien de cause à effet entre les variables étudiées. C’est le cas pour l’étude de Langinier (1988), Bolton (1983) et Eagle et al. (2004). Ces recherches ont la particularité de ne pas procéder à une expérimentation mais simplement à l’administration d’un questionnaire. D’autres mettent en place une expérimentation en s’appuyant sur le choix d’un produit à consommer virtuellement (Wiman et Newman, 1989 ; Borzekowski et Robinson, 2001). Hors, nous savons qu’il peut exister une différence significative entre les propos d’un individu et son comportement effectif. Enfin, certaines recherches utilisent la méthode du questionnaire ou de l’entretien semi-directif avec parents et/ou enfants pour tenter de démontrer un lien de cause à effet entre l’exposition à des publicités alimentaires pour des produits peu diététiques et le choix alimentaire de l’enfant. Selon Livingstone (2004), l’expérimentation est la meilleure méthode à utiliser pour mettre en évidence un lien de cause à effet entre les deux variables en question qui sont l’exposition à des publicités alimentaires pour des produits peu diététiques et les choix alimentaires des enfants. De plus, au-delà de la différence de méthodologie utilisée, les échantillons choisis sont très divers en termes d’âge pour les enfants, en termes de quantité d’enfants soumis à l’étude. Les résultats qui ressortent d’une étude portant sur des enfants de 2 à 6 ans ne sont pas généralisables aux enfants de 9 à 11 ans par exemple. Mais toutes les recherches expérimentales ne sont pas pour autant exemptes de vices méthodologiques. Notamment, la plupart des recherches expérimentales ne prennent pas en compte la complexité du comportement alimentaire. De ce fait, ces études amènent à des conclusions erronées quant au problème posé. C’est ce que nous allons évoquer ci-dessous. Nous débouchons alors sur le problème de l’absence de généralisation possible des résultats. Absence de prise en compte de la complexité du comportement alimentaire Confusion entre corrélation et causalité Nous pouvons noter que beaucoup d’études empiriques posent problème quant aux résultats divulgués. Un consensus est actuellement répandu sur la meilleure méthodologie à adopter pour mettre en évidence un lien de causalité entre deux variables. Il s’agit de l’expérimentation. En effet, un certain nombre d’études tentent de montrer une éventuelle influence de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant en évoquant des conclusions très hâtives. Beaucoup de recherches empiriques amènent à des résultats Mais dans la plupart des études expérimentales, les auteurs ne prennent pas en compte la complexité du comportement alimentaire de l’enfant. Hors, la publicité n’est qu’un des éléments - 14 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen susceptibles d’agir sur l’alimentation de l’enfant. ou un légume) à un produit dit « junk food » (riche en sucre, sel et/ou graisse). Dans ce cas, pourrait se poser la question de l’influence de la publicité sur le niveau de consommation de l’enfant en termes caloriques et donc sur son équilibre alimentaire et sur la participation au développement de l’obésité de l’enfant. Nous avons vu précédemment qu’il existe beaucoup de déterminants au comportement alimentaire de l’enfant. Certains d’entre eux ont probablement un rôle plus important à jouer dans l’alimentation de l’enfant comparés à d’autres. De ce fait, il semble nécessaire de prendre en compte la complexité qu’est le choix alimentaire pour relativiser l’impact de certaines variables par rapport à d’autres plus essentielles. Notamment, la plupart des études précédemment citées se focalisent uniquement sur l’influence de la publicité télévisée. Mais les résultats obtenus restent relatifs car nous ne connaissons pas l’impact des autres variables. Notamment, selon Brée (2005), la publicité télévisée a un rôle dans le développement de l’obésité infantile, mais ce n’est pas l’unique moyen de communication utilisé auprès des enfants qui est susceptible d’avoir une influence sur leur comportement. Il semble alors important de relativiser son impact. A travers la première partie de cet article, nous voyons que la publicité télévisée pour des produits alimentaires destinés aux enfants est souvent considérée comme une menace en période de développement de l’obésité infantile. En effet, les différentes études menées sur ce thème de recherche arrivent généralement à la conclusion suivante malgré un certain nombre de limites : la publicité télévisée a un impact sur les choix alimentaires des enfants. Elle est donc susceptible de favoriser le développement de l’obésité infantile selon les différents auteurs cités. Mais nous avons également pu évoquer qu’il existe un certain nombre d’autres déterminants qui peuvent agir sur l’étendue du phénomène. Ces éléments se situent à différents niveaux et sont parfois très ancrés dans l’environnement de l’enfant, tels que l’éducation ou l’influence des pairs notamment. Dans ce cas de non prise en compte de la complexité des choix alimentaires de l’enfant, il est difficile, voire impossible, de conclure de façon objective à un éventuel impact de la publicité télévisée sur ce comportement. De ce fait, il semble important de relativiser l’impact de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant et d’autant plus sur le développement de l’obésité infantile. Pour finir, nous savons que la publicité télévisée influence les comportements, et tel est son rôle. Mais il est important et nécessaire de bien différencier deux types d’influence. Un consensus est admis à l’heure actuelle concernant l’influence de la publicité sur le choix des marques. Mais pour affirmer que la publicité télévisée a une réelle influence importante et directe sur l’équilibre alimentaire des enfants, il est nécessaire de prouver qu’elle influence le choix du type de produit alimentaire consommé. Il s’agirait par exemple de faire transférer le choix d’un enfant d’un produit dit « diététique » (tel qu’un fruit A présent, nous allons nous intéresser à l’autre vision de l’impact de la publicité télévisée sur le comportement alimentaire de l’enfant. En effet, même si beaucoup voient la publicité comme un moyen d’influence négative sur l’enfant et sur le développement de l’obésité infantile, il est possible de l’envisager comme une opportunité face à l’épidémie d’obésité de l’enfant en France. - 15 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen pour les associations ou les pouvoirs publics notamment. LA PUBLICITE TELEVISEE : UNE OPPORTUNITE FACE A L’OBESITE INFANTILE ? Goldberg (1995) ajoute une seconde dimension à cette notion de marketing social. Pour cet auteur, il existe un marketing social d’amont et un marketing social d’aval. Le premier consiste à réfléchir à un niveau « macro ». Par exemple, concernant notre thème de recherche, se pose la question de la responsabilité et des actions de l’industrie et de l’Etat face au développement de l’obésité infantile. Le marketing d’aval va faire appel à un niveau d’étude « micro » où se pose cette fois-ci la question de la responsabilité et des actions individuelles face à l’obésité infantile. Il s’agit ici d’aborder la notion de marketing social, ainsi que d’évoquer les programmes de lutte contre l’obésité infantile faisant appel aux techniques du marketing, parfois à travers la publicité télévisée. La publicité télévisée, le marketing social et l’obésité infantile L’utilisation de la publicité télévisée dans le cadre de la lutte contre l’obésité infantile est une des applications possibles du principe du marketing social. Pour tenter de mieux comprendre ce qu’est le marketing social, parfois confondu avec le marketing sociétal, nous allons commencer par en exposer les principaux fondements. Le marketing social et l’obésité infantile Selon Courbet (2003)2, dans le domaine de la santé, le marketing social peut être utilisé dans le but de « créer, renforcer ou modifier certaines attitudes afin qu’elles génèrent des comportements davantage bénéfiques pour la santé ». De ce fait, il semble cohérent de pouvoir mettre en place une politique de lutte contre l’obésité infantile faisant appel aux techniques du marketing, notamment la publicité. Une définition du marketing social Dans un article publié en 2003, Rodhain donne une définition concise de ce qu’est le marketing social : « Le marketing social est une branche du marketing qui utilise des techniques de marketing du changement dans le but de faire évoluer les idées, attitudes, valeurs et comportements des individus dans une société pour l’adoption d’une cause sociale ». Selon Kraak et Pelletier (1998), le marketing social peut être utilisé pour fournir des informations nouvelles aux consommateurs, compenser les effets négatifs d’une pratique ou d’un effort promotionnel d’une autre organisation et motiver les individus pour passer de l’intention d’un changement de comportement à l’action effective. Ceci correspond bien au cadre de la lutte contre l’obésité infantile qui a pour objectif de De par cette définition, nous comprenons que le marketing social a pour objet de soutenir un phénomène social par l’utilisation des techniques du marketing. En effet, la notion de marché est aujourd’hui applicable à la « sphère sociale ». Il ne s’agit plus d’utiliser le marketing uniquement à des fins de profit mais pour le « bien-être social ». Le marketing social est donc applicable dans divers domaines non-marchands tels que Courbet (2003), cité dans Marchioli A. (2006), Marketing social et efficacité des campagnes de prévention de santé publique : apports et implications des récents modèles de la communication persuasive, Marketing & Communication, 1, 17-36. 2 - 16 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen modifier les comportements alimentaires des enfants. EPODE, évoqués brièvement dans la première partie de cet article. Par la suite, nous présenterons quelques exemples étrangers d’utilisation de la communication publicitaire dans ce cadre. Selon ces mêmes auteurs, les différentes interventions du marketing social peuvent être la mise en place de campagnes publicitaires, des interventions de politiques publiques ou bien basées dans les écoles ou la mise en place de coalition entre organisations pour le développement d’actions collectives. Le PNNS (Programme National Nutrition Santé) Un premier programme a été mis en place pour la période allant de 2001 à 2005. Le PNNS 2 concerne la période 2006 à 2010. Brownell et Battle Horgen (2004) vont également dans le sens de l’utilisation de la publicité télévisée pour promouvoir la consommation de produits sains diététiquement parlant, tout comme Nestlé et Jacobson (2000). Un des principes fondamentaux du PNNS est que « le choix alimentaire individuel est un acte libre ». De ce fait, ce programme s’appuie en bonne partie sur l’individu lui-même pour changer son comportement. Quant à Wansink et Huckabee (2005), ils évoquent la notion de « démarketing de l’obésité » pour montrer des actions potentielles de lutte contre l’obésité par l’utilisation des techniques du marketing. Il peut s’agir en particulier d’une modification de la taille des paquets et des portions proposés aux consommateurs, d’une modification du prix des produits pour en influencer le niveau de consommation ou bien améliorer l’information nutritionnelle par l’élaboration d’étiquettes de produits plus compréhensibles pour l’ensemble des consommateurs. Le levier principal d’action du PNNS est la promotion d’un certain nombre de recommandations nutritionnelles permettant d’atteindre des objectifs fixés. Nous pouvons citer ces différents objectifs, visant l’ensemble de la population : - Après avoir évoqué la possible application des techniques du marketing à la lutte contre l’obésité infantile de façon générale, nous pouvons présenter des exemples de programmes de lutte contre l’obésité élaborés notamment à partir des techniques utilisées dans le marketing et notamment la communication publicitaire. - La communication publicitaire pour la lutte contre l’obésité augmenter la consommation de fruits et légumes, augmenter la consommation de calcium, réduire la contribution moyenne des apports lipidiques totaux, augmenter la consommation de glucides, réduire l’apport d’alcool, réduire de 5% la cholestérolémie, réduire de 10 mm de mercure la pression artérielle, réduire de 20% la prévalence du surpoids et de l’obésité, augmenter l’activité physique. Nous voyons que l’objectif de diminution de l’obésité en France n’est qu’un seul objectif parmi les neuf principaux. Tout d’abord, les deux principaux programmes français participant à la lutte contre l’obésité de l’enfant sont le PNNS et - 17 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen Le programme repose sur une éducation nutritionnelle qui a pour but de modifier les comportements individuels des consommateurs. Pour se faire, le PNNS a défini des recommandations générales, applicables à l’ensemble de la population. Ces recommandations se décomposent en quatre parties faisant référence à quatre comportements distincts : - nutritionnels du PNNS. La presse féminine est privilégiée car elle permet de faire prendre conscience aux mères de l’importance de la nutrition pour leur enfant. C’est le cas pour la promotion de la consommation de féculents. Enfin, le site Internet du PNNS est une source d’information pour toute personne intéressée par la nutrition. Le programme lui-même est disponible et téléchargeable, les différents objectifs nutritionnels y sont présentés, ainsi que les repères, les campagnes de communication associées, les guides nutrition. Les différentes catégories de population (adolescents, adultes, parents, personnes de plus de 55 ans et aidants) ont une partie du site qui leur est spécialement consacrée. Il en est de même pour les professionnels (santé, éducation, social, collectivités et presse) susceptibles d’être intéressés par la promotion de la nutrition. la consommation des féculents, la consommation des produits sucrés, l’activité physique, la consommation de fruits et légumes. Le PNNS s’appuie sur une promotion de ces différentes recommandations, ainsi que sur la diffusion de guides nutrition, spécifiques ou non à chaque type de population. Notamment, il existe un guide pour les personnes âgées, les enfants et un guide « pour tous ». EPODE (Ensemble, Prévenons l’obésité de l’enfant ) Le guide nutrition pour la population enfantine est destiné en premier lieu aux parents. Il est susceptible de leur permettre de poser les repères nutritionnels de base à une bonne alimentation pour leur enfant. EPODE se positionne sur deux fronts, celui de la prévention primaire de l’obésité infantile et celui de la prévention secondaire. Nous pouvons rappeler que la prévention primaire a pour but de prévenir l’apparition de l’obésité chez l’enfant. La prévention secondaire lutte pour la diminution de l’obésité déjà installée. Des campagnes publicitaires sont diffusées à la télévision. Leur objectif est de faire connaître les repères nutritionnels du PNNS et de développer de nouveaux réflexes en matière de consommation alimentaire. Nous pouvons donner l’exemple de la campagne télévisée dont le but est de limiter la consommation de produits sucrés, en incitant les enfants à substituer aux produits sucrés des produits tels que les fruits et l’eau. Ces publicités visent aussi les parents qui sont une source d’influence importante sur la consommation alimentaire de leur enfant. Ce programme s’appuie en priorité sur le soutien de la famille, élément principal de l’environnement de l’enfant, où se prennent généralement les décisions en termes de nutrition. Mais EPODE fait également appel aux collectivités locales dans ses actions car elles sont aussi des acteurs essentiels dans la vie de l’enfant. En effet, la ville est un élément primordial pour le programme car elle permet de coordonner les autres acteurs autour d’un objectif commun. La presse écrite est également utilisée pour promouvoir les repères - 18 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen Borys (in UNAF, 2005) regroupe ces différents acteurs de la façon suivante : pour une efficacité dans le cadre d’une politique de santé publique. l’école : elle peut permettre à l’enfant de bénéficier d’une information nutritionnelle dans le cadre scolaire. les professionnels de santé : ils peuvent communiquer auprès des enfants sur le problème de l’obésité de par leur niveau d’expertise. le monde du travail : l’auteur regroupe ici la restauration collective, la médecine du travail, les comités d’entreprise notamment. En effet, il semble nécessaire de faire prendre conscience du problème de l’obésité infantile auprès des parents. les commerçants : de par les opérations promotionnelles ou commerciales qu’ils sont susceptibles de pouvoir mettre en place autour de produits diététiques tels que les fruits et légumes, ils ont la possibilité de pouvoir modifier les achats de la famille et la consommation alimentaire. le tissu associatif : il peut apporter son soutien pour la mise en place des différentes actions du programme. les médias locaux : il peut s’agir de la presse locale, de la radio notamment. EPODE est un programme qui se met en place au niveau local et non national. De ce fait, le média publicitaire télévisé tel qu’utilisé par le PNNS n’est pas sollicité par EPODE. Néanmoins, selon Ezan et Ayadi (2006), EPODE fait appel à d’autres techniques du marketing pour promouvoir des changements de comportements favorables à un ralentissement voire à une diminution de l’obésité de l’enfant. Notamment, les auteurs proposent l’exemple d’Evreux, qui fait appel au sponsoring, au marketing sensoriel, à la répétition de messages nutritionnels en particulier. - - - - - - Dans la ville d’Evreux, l’information nutritionnelle est diffusée auprès des enfants au sein du programme scolaire. Des ateliers sont organisés à l’école autour de la nutrition et des panneaux d’affichage EPODE sont présents dans l’établissement. Il existe un réelle éducation à la nutrition au sein de l’école, par le biais notamment de l’analyse des informations nutritionnelles présentées sur les emballages des produits. Un accent est également mis sur l’aspect ludique de l’activité physique dans le but d’inciter les enfants à changer leur comportement. La ville d’Evreux participe également au programme en se présentant comme le « relais d’information du système scolaire ». L’objectif est la promotion du programme EPODE au delà du cadre scolaire, en visant notamment les parents qui représentent une source d’influence importante sur le comportement alimentaire et physique de leur enfant. La ville propose en particulier des incitations à l’activité physique pour les parents comme pour les enfants, tels que des « programmes d’incitation à la marche ». Selon le même auteur, la particularité du programme EPODE est « la participation des intervenants perçue comme une action collective en réseau, entraînant responsabilisation et cohésion dans le groupe ». Ceci rejoint les propos de Le Guen (2005) selon lesquels « il n’existe pas de prise en charge sérieuse de l’obésité qui ne soit pluridisciplinaire ». Cet auteur ajoute que des programmes de type EPODE doivent être généralisés et doivent s’appuyer sur des données incontestables Le monde de la distribution s’intéresse également au programme. - 19 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen L’enseigne Cora prend part au déroulement du programme EPODE. En effet, elle organise en particulier des journées thématiques, pendant lesquelles les enfants sont invités dans le magasin Cora pour divers ateliers. Il peut s’agir d’ateliers de découverte de produits et de leur fabrication notamment. En dehors de ces différentes manifestations au sein du magasin Cora d’Evreux, des panneaux et des affiches sont présents pour montrer l’intérêt que porte l’enseigne à ce programme EPODE. pouvoir influencer plus fortement les enfants. Nous pouvons évoquer une dernière recherche plus récente de Reger et al. (1999). Ces auteurs ont pour objectif de montrer si l’utilisation des médias de masse peut à elle-seule modifier des comportements de consommation concernant certains types de produits alimentaires et de façon durable. Le principe de cette étude, la « 1 % Or Less campaign » qui se décline en deux formules, est de tenter de diminuer la consommation de lait riche en graisse au profit de lait plus léger et donc moins calorique. La seconde formule nous intéresse plus particulièrement du fait de l’utilisation de médias de masse pour promouvoir les changements de comportements souhaités. Enfin, des enseignes telles que Decathlon et GO Sport mettent en place des animations sportives dans le cadre du programme. Quelques études empiriques… Depuis déjà plusieurs décennies, des recherches ont été menées pour étudier l’influence de l’exposition de l’enfant à des PSA (Public Service Announcements) sur ses choix alimentaires. Ces PSA sont des programmes sous forme publicitaire diffusant des messages nutritionnels. Les auteurs sont amenés aux résultats suivants : l’utilisation d’une campagne publicitaire semble efficace pour modifier les comportements de consommation. De plus, les changements de comportement subsisteraient six mois après l’intervention, même si l’on peut noter une légère diminution de leur effet. Mais il ne s’agit ici que de la consommation de lait, un produit de base, ne faisant pas partie de la catégorie des produits non-diététiques. Goldberg, Gorn et Gibson (1978) ont étudié les effets de la diffusion de ces publicités non-commerciales auprès des enfants. Ces auteurs en ont conclu, après avoir mis en place une expérimentation, que les PSA ont été efficaces pour réduire le nombre de produits sucrés sélectionnés en créant un contexte affectif positif autour des messages nutritionnels proposés. Dans cette seconde partie, nous avons pu exposer une seconde vision de la publicité face à l’obésité infantile. En effet, celle-ci peut aussi être considérée comme une opportunité face à son développement. Mais il faut tout de même relativiser les retombées de ce type de programmes. En effet, il est tout d’abord complexe de mesurer leurs effets sur le développement de l’obésité, et l’éducation à la nutrition n’implique pas nécessairement un changement effectif et durable du comportement alimentaire et physique de l’enfant. De même, en 1982, Gorn et Goldberg réitèrent leur expérience avec exposition des enfants à des publicités commerciales et non-commerciales, sur une période de deux semaines. Selon eux, les PSA sont susceptibles d’avoir des conséquences positives sur l’alimentation de l’enfant à condition d’une exposition plus importante aux messages nutritionnels véhiculés dans ces publicités. En effet, la répétition des messages semble - 20 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen dans les stratégies de prévention de l’obésité chez l’enfant. En effet, il est possible d’imaginer que les interventions relatives à l’éducation à la nutrition et l’incitation pure et simple à consommer des produits « sains » se fassent par l’intermédiaire de la publicité télévisée, qui est un moyen de communication n’ayant pas son pareil pour toucher une large cible. De plus, la publicité télévisée actuelle (pour des produits peu diététiques) étant considérée comme ayant des effets négatifs sur le comportement alimentaire de l’enfant, utiliser la publicité dans le cadre d’une stratégie de prévention de l’obésité de l’enfant, de façon « intensive », pourrait éventuellement contrer ces effets négatifs des publicités commerciales. CONCLUSION La publicité télévisée est un moyen de communication très répandu et fortement utilisé lorsqu’il s’agit de toucher le public enfantin en matière alimentaire. En effet, l’enfant est soumis à un nombre important de messages publicitaires en faveur de produits souvent riches en sucre, graisse et/ou sel. De ce fait, elle est régulièrement considérée comme favorisant le développement de l’obésité à travers la diffusion de messages nutritionnels négatifs, d’habitudes alimentaires néfastes. Dans ces messages, sont utilisés des éléments de persuasion publicitaire spécifiques aux enfants : présence de personnages familiers, de couleurs attrayantes, parfois de l’humour, présentation de situation de « snacking », etc. Ce sont notamment les différents processus de persuasion publicitaire utilisés qui sont considérés comme ne prenant pas en compte une population enfantine « sans défense » face à ces « agressions extérieures ». Si nous considérons que la publicité télévisée a donc la capacité d’éduquer les enfants à la nutrition, de transmettre des informations sur les produits, d’inciter purement et simplement à la consommation de produits « sains » (en faisant intervenir la famille ou les pairs notamment), elle pourrait alors être considérée comme un support essentiel à la prévention de l’obésité de l’enfant. Nous pouvons faire référence à ce titre aux publicités contre la consommation de tabac, l’objectif étant également d’améliorer le capital-santé de la population. Mais il faut relativiser la comparaison. En effet, la consommation alimentaire est plus complexe que celle du tabac car il ne s’agit pas ici de manger ou de ne pas manger (contrairement à l’action de fumer qui n’est pas vitale), mais il s’agit de consommer les bons produits, en bonne quantité. Le message de la lutte anti-tabac est simple : il ne faut pas fumer pour conserver son capital-santé. Dans le domaine alimentaire, la difficulté réside en la transmission de messages nutritionnels « multiples et complexes » (Vanchieri, 1998), ce qui amène également à réfléchir aux processus de persuasion publicitaire à mettre en place. Il est nécessaire par ailleurs d’avoir à l’esprit que, comme pour Au-delà de cette impression très répandue de la responsabilité de la communication publicitaire dans le développement de l’obésité de l’enfant, il faut noter qu’un bon nombre d’autres déterminants peuvent agir sur son alimentation. Ils se retrouvent à différents niveaux, personnel, interpersonnel, communautaire ou sociétal. De ce fait, la publicité télévisée n’est qu’un élément parmi beaucoup d’autres. Son effet potentiellement néfaste est donc à relativiser compte tenu du grand nombre d’éléments environnementaux pouvant agir sur le comportement alimentaire. D’un autre côté, la seconde partie de cet article a permis de mettre en évidence l’importance de l’utilisation de la communication publicitaire télévisée pour modifier les comportements de consommation alimentaire. D’après les différents éléments qui ressortent, il semble évident que la publicité a sa place - 21 - 6èmes Journées de Recherche sur la Consommation : Sociétés et consommations 19 - 20 Mars 2007, Groupe ESC Rouen les publicités anti-tabac, l’utilisation de la publicité télévisée peut être un support essentiel à la lutte contre l’obésité infantile mais insuffisant, d’où la nécessité de l’incorporer à une stratégie de prévention globale faisant appel aux différents autres acteurs concernés, notamment l’industrie agroalimentaire, la distribution, etc. Children’s Diets, Current Issues and Research in Advertising, 173-199. Borzekowski D.L.G. and Robinson T.N. 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En effet, il est possible de percevoir la publicité télévisée comme une menace quant au développement de l’obésité, mais également comme un moyen de prévention. Cette relation de la publicité télévisée au développement de l’obésité infantile est alors ambiguë, mais ceci ne change en rien l’intérêt à porter, dans les futures recherches, à ces deux aspects de la relation. BIBLIOGRAPHIE Basdevant, A. (2003), Obésité humaine : origine et conséquences, in Basdevant A. et Ricquier D., Pour une approche scientifique de l’obésité, Annales de l’Institut Pasteur/Actualités, édition Elsevier, 11-26. Basdevant, A. (2004), Origine des obésités, in Basdevant A. et Guy-Grand B., Médecine de l’obésité, éditions Flammmarion, Paris, 33-45. Basdevant A. et Guy-Grand B. (2004), Médecine de l’obésité, éditions Flammmarion, Paris. Basdevant A. et Ricquier D. (2003), Pour une approche scientifique de l’obésité, Annales de l’Institut Pasteur/Actualités, édition Elsevier. Bellisle F. 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