Les Conditions Postmodernes et l’Emergence du Nouveau Consommateur Abderrazak Gharbi Professeur Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis Manel Hamouda Doctorante Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis e-mail : [email protected] Résume : Notre article vise à comprendre le consommateur postmoderne à travers une étude théorique des cinq conditions qui caractérisent la société postmoderne à savoir: l’hyperréalité, la fragmentation, le sujet décentré, le renversement production-consommation et la juxtaposition paradoxale. L’objectif de la recherche consiste donc à déceler les caractéristiques du nouveau consommateur qui émerge de ces conditions. A partir d’une profonde revue de la littérature, il en ressort que chaque condition postmoderne affecte d’une manière bien déterminée le consommateur ainsi que le processus de consommation, ce qui va générer des implications importante sur les pratiques marketing. Mots clés : Postmodernisme-Conditions postmodernes-nouveau consommateur. Abstract: Our paper aims to understand the postmodern consumer through a theoretical study of the five conditions of postmodern society which are: hyperreality, fragmentation, decentred subject, the production-consumption and the paradoxical juxtaposition of opposites. The purpose of the research is therefore to identify the characteristics of the new consumer that emerges from these conditions. From a deep literature review, it appears that each postmodern condition affects in a definite way the consumer and the consumption process, which will generate important implications for marketing practices. Keywords: Postmodernism- Postmodern conditions- new consumer INTRODUCTION Le postmodernisme était une théorie sociale saillante pendant presque trois décennies, (Christensen et al ; 2005) mais le domaine du marketing n'a pas explicitement reconnu le postmodernisme comme un descripteur important de la condition sociale actuelle qu’à partir des années 90 ( Lo´ pez-bonilla et Lo´ pez-bonilla 2009). Le postmodernisme s’est développé progressivement en marketing, et a contribué à la naissance de réflexions autour des paradigmes qui permettent d’appréhender la complexité de la consommation postmoderne (Hirschman, Holbrook, 1992) ; le rôle du marketing dans la société de consommation actuelle (Firat, Venkatesh, 1993 ; Badot et Cova 1992) et surtout la compréhension du comportement du consommateur. En effet, de nombreux chercheurs sont attirés par le postmodernisme en raison de sa nature interdisciplinaire qui permet le franchissement des limites théoriques qui permet potentiellement une vision plus riche et moins bornée du consommateur (Miles, 1999). Cette conception élargie du postmodernisme a permis d’envisager les modalités à travers lesquelles les individus pensent en tant que consommateurs dans les sociétés contemporaines (Hirschman et Holbrook, 1992 ; Holt, 1997 ; Thompson, 2002). De nombreux chercheurs (Baudrillard, 1968, 1986; Cova, 1995; Featherstone, 1991 ; Firat, 1991, 1992 ; Firat et Venkatesh, 1995 ; Firat, Sherry et Venkatesh, 1994 ; Firat, Dholakia et Venkatesh, 1995 ; Holt, 1997 ) ont contribué à la définition des fondements de la société postmoderne. Ces derniers la synthétisent en cinq points : l’hyperréalité, la fragmentation, le renversement de la production et de la consommation, la décentralisation du sujet au profit de l’objet, et enfin, la juxtaposition paradoxale des opposés. Ainsi notre article vise à comprendre le consommateur dit postmoderne à travers une étude théorique des cinq conditions qui caractérisent la consommation postmoderne à savoir: l’hyperréalité, la fragmentation, le sujet décentré, le renversement production-consommation et la juxtaposition paradoxale des opposées. L’objectif de la recherche consiste donc à déceler les caractéristiques du consommateur qui émerge des conditions postmodernes. D’abord, nous présenterons le postmodernisme et la naissance du marketing postmoderne. Ensuite, nous allons essayer de montrer les effets des cinq conditions postmodernes sur le consommateur, la consommation et les implications marketing qui en découlent. 2 I. Postmodernisme et Marketing Postmoderne Le concept de postmodernisme lui-même est une question controversée sur laquelle il ya peu de cohésion ou de consensus sur les définitions, les origines et les applications. Selon Denzin (1993), il s’agit d’un «terme glissant sans référents clair", tandis que Firat et Vankatech (1995) plaident pour le terme "postmodernisme" pour être utilisé afin de refléter l'essence pluraliste de ce mouvement intellectuel. Nous allons donc essayer d’expliquer, en premier lieu le postmodernisme de manière générale ; et en second lieu, nous présenterons l’effet du postmodernisme sur le marketing et la naissance du marketing postmoderne I.1. Le postmodernisme Au fond, les racines philosophiques du postmodernisme résident dans le rejet du poststructuraliste et le déni de la possibilité de «vérité» absolue et du questionnement de la métaphysique occidentale dont l’objectif perçu est de définir, nommer et connaître le monde. Essentiellement, le postmodernisme repose sur l'idée que nous sommes entrés dans une nouvelle phase ou époque, une ère post-industrielle caractérisée par des modes schizophrénique de l'espace et du temps (Harvey, 1989).C'est un concept qui distingue entre les stades d'évolution qui marquent chaque nouvelle époque. En tant que tel, la modernité, est un construit culturel basées sur des conditions spécifiques, limitées historiquement (Foster, 1990). Il est impossible d’expliquer postmodernisme sans aborder tout d’abord les principaux éléments du modernisme. En effet, la tradition sociologique découpe l’histoire de l’Europe selon un schéma simple : périodes pré-modernes ou « holistiques » ; période « moderne » et pour certains période postmoderne. L’idée de modernité est partagée en fait par toutes les sciences sociales (histoire, économie, sociologie…) et désigne fondamentalement l’avènement de la société moderne, industrielle, à partir du XVIIIè siècle, puis postindustrielle / postmoderne depuis les années 60. Il convient donc tout d’abord de définir la modernité avant d’aborder le concept de postmodernité. 3 I.1.1. Les Fondements philosophiques du modernisme et ses critiques Le terme «modernité» se réfère généralement à la période de l'histoire occidentale qui a débuté avec de la fin du XVIe siècle (Borgmann, 1992). La modernité se réfère généralement à la période de temps et le modernisme renvoie aux idées et conditions philosophiques et socioculturelles qui ont marqué cette période. Le modernisme se manifeste à travers les conditions suivantes analysées par Firat et Venkatesh (1995) ainsi que Piquet et Marchandet (1998) : la règne de la raison et l'établissement de l'ordre rationnel, l'émergence du sujet cognitif , le développement de la science et l'accent mis sur le progrès matériel à travers l'application des technologies scientifiques , Le réalisme et la représentation et l’objectif unique de l'art et l'architecture , l'émergence du capitalisme industriel et enfin la séparation de la sphère de la production, qui est institutionnellement contrôlées et publique de la sphère de la consommation, qui est privé. Cependant, plusieurs critiques ont été adressées au modernisme, parmi lesquelles nous pouvons citer : Critique 1 : Dans la modernité, les notions qui constituent un individu moderne ou la société moderne ont été guidées par des forces historiques (la science, la technologie et le rationalisme) (Foucault, 1984).Le modernisme selon cette critique n'est pas en mesure d’exploiter la richesse de l'expérience humaine en et traite superficiellement les réalités avec des solutions simples (vattimo, 1992). Le modernisme tend à représenter une vue de l'individu (ou le consommateur) qui est limité à un simple agent cognitif. Critique 2 : La seconde critique fait état que le modernisme a manqué à son éthique pour assurer une commande, rationnellement construite, à vocation technologique, en apparence progressive, et une perpétuelle unification de l’ordre sociale (Rosenau, 1992). Le modernisme a échoué parce que le progrès matériel promis s'est avéré illusoire, dans la mesure où, la pauvreté, la misère, et la violence marquent encore notre vie. Critique 3 : Le modernisme réduit le monde en des catégories dichotomiques: sujet / objet, masculin / féminin, producteur / consommateur, culture / nature, signifié / signifiant, occident / orient et ainsi de suite. Chaque paire représente une différence et généralement le premier terme à un statut supérieur par rapport au second. Critique 4 : Cette critique concerne le caractère paradoxal de la modernité, où le réel (imaginaire) devient imaginaire (réel), la représentation devient l'interprétation, le fond devient la forme, et les objets deviennent des images. Le Modernisme, tout en intégrant 4 l'unicité, produit effectivement la conformité (Ross 1988). Ainsi, le paradoxe de la modernité est l’incompatibilité de son idéal à sa réalité. Critique 5 : Dans le domaine de l'art et de l'architecture, les notions modernistes se sont révélées très étouffantes et répressives en raison de l'accent principal mis sur le rationalisme, le fonctionnalisme et l'universalisme (Jenks, 1987). Critique 6 : la dernière critique trouvée dans les Ecrits féministes (Bristor et Fischer, 1993; Fraser et Nicholson, 1990; Joy et Vankatech, 1994).Les attaques féministes contre le modernisme font valoir que le sujet cartésien est finalement une construction philosophique du sujet masculin, sous le couvert d'un sujet plus universellement sexuée. Ainsi, le courant postmoderne défendait la possibilité de rompre avec la tyrannie de l’innovation du modernisme en s’accordant le droit de renouer avec le passé. I.1.2. L'origine du terme « postmoderne » La première apparition du mot « postmoderne » était en 1934. L’adjectif été utilisé pour désigner la poésie espagnole et sud-américaine produite de 1905 à 1914. Les secondes occurrences de l'adjectif « postmoderne » apparaissent à partir de 1939 dans l'œuvre de l'historien Arnold Toynbee et désignent une époque qui commence avec la guerre de 1914 et dont le début sera ramené par la suite, par Toynbee, à une date antérieure, soit en 1875. a. Postmodernisme, postmodernité et postmoderne Dans l'histoire de la terminologie du mot « postmoderne » et de ses dérivés, Rose (1991) distingue 38 usages originaux du mot « postmoderne » et des autres termes formés à partir de cet adjectif. Dans trois de ces usages, le terme sert à des historiens pour désigner une période de l'histoire. Dans 9 autres cas, cette terminologie est utilisée pour dénoter des concepts empruntés à la philosophie ou aux sciences sociales. Dans les 26 autres usages, la terminologie du mot « postmoderne » renvoie à diverses écoles dans le domaine de la poésie et de la littérature (7 usages) et surtout dans celui des beaux-arts (19 occurrences). En se basant sur cette analyse, nous pouvons distinguer trois formes de la terminologie « postmoderne » (Brodeur, 1993) : - la première forme est une esthétique des arts visuels de façon plus particulière à l'architecture et à la peinture (Jencks, 1987 ; Portoghesi, 1983) et une théorie de la littérature (Hassan, 1971, 1975,1985 et 1987) reconnues sous l'appellation de postmodernisme. 5 - La seconde forme fait référence à une époque de l'histoire de l'Occident. L'expression « postmodernité » est utilisée pour nous référer à cette époque, dont les limites sont déterminées de façon variable selon les auteurs. - Enfin, l'adjectif « postmoderne » peut être utiliser de deux façons : d'abord pour qualifier un courant de pensée théorique, ensuite pour caractériser l'interprétation de ce courant .Selon le premier usage de l'adjectif « postmoderne », on parle de la pensée postmoderne, l'adjectif « postmoderne » est appliqué à la source d'une interprétation qui est donc la pensée postmoderne. Selon le second usage, il s’agit de la condition postmoderne, il est donc appliqué au produit du processus d'interprétation, à savoir la condition postmoderne, qui est un objet construit. I.1.3. Les approches du postmodernisme Dans la littérature, trois approches du postmodernisme ont été identifiés (Firat et Vankatech, 1995) : le postmodernisme affirmatif, le postmodernisme critique et le postmodernisme libérateur, les particularités de chaque approche sont résumées dans le tableau suivant : Auteurs Vattimo (1988) Approche Définition « Celebratory » Le postmodernisme critique postmodernisme / Le le modernisme et met fin à postmodernisme affirmatif ses grands projets et ses métarécits. Baudrillard (1981, 1983) Le « critical » Le postmodernisme est Jameson (1984) postmodernisme/Le l'excès du modernisme avec Ziegler (1991) postmodernisme critique/ Le une rupture radicale avec la postmodernisme sceptique culture du capitalisme tardif. Le « Liberatory » Le postmodernisme est une postmodernisme/ extension et une maturation Le postmodernisme du Modernisme. Firat et Venkatesh (1995) libérateur 6 I.2. La naissance du marketing Postmoderne La modernité définit une culture qui s’oppose à toutes les autres cultures antérieures ou traditionnelles. Le monde est entré dans cette culture à partir de 1850 selon la pensée individualiste de Descartes. Cette nouvelle ère est caractérisée par le progrès prodigieux des sciences et de techniques, le développement du machinisme industriel et la révolution des transports. Cinq traits distinguent la modernité (Curbatov, 2003) : une production de masse, émergence des moyens de communication (la publicité et les forces de vente), mode dominant de la rationalité scientifique et enfin l’organisation de type bureaucratique. Certains auteurs font aussi comprendre que ces traits sont révélateurs non seulement d’une ère nouvelle mais aussi d’une société nouvelle, de type capitaliste. Dans la modernité du marketing, l’accent est mis sur la rationalité de l’acteur. Celle-ci vise à identifier, à comprendre et à satisfaire les besoins des consommateurs, plutôt qu’à les persuader simplement d’acheter un produit qu’il est techniquement possible de fabriquer. Pour réaliser sa libération, le « modernisme » a développé l’économie de marché qui est alors apparue comme le plus fort agent de dissolution des communautés anciennes que l’on ait pu trouver (Cova et Badot, 1994). Dans cette ère moderne, le rôle du marketing management à une combinaison optimale des variables de décision présentées par McCarthy à travers les « 4 P ». Ce raisonnement de type marginaliste est hérité de la théorie micro-économique classique. La fonction de vente se présente alors dans le marketing-mix comme analogue à la combinaison des facteurs dans la fonction de production (Lancaster, 1971). Dans cette perspective, le marketing est une science, car il est en mesure de répondre aux conditions exigées par la communauté des scientifiques : d’abord, il y a une unité de base d’échange (les transactions), ensuite, le marketing cherche à découvrir les uniformités et les régularités entre eux, et enfin, les théories, les lois et les explications du marketing sont testables. Avec le début de la postmodernité et selon l’analyse proposée par Cova (1995), l’incrédibilité, le doute, la distance, l’ironie ont donc succédés à la confiance et à l’optimisme. D’autres visions sur les modes de vie, ainsi que les relations entre les communautés, vont apparaître dans l’approche postmoderne, la philosophie opposée à la modernité. Le concept de postmodernisme a fait donc son apparition en marketing grâce à des auteurs nord américains comme Hirchman et Holbrook, (1992), Firat et Venkatesh (1993). Il est considérée par un nombre de chercheurs en marketing (Badot et Cova, 1992 ; Brown, 7 1993 et 1994 ; Cova et Svanfeldt, 1992 ; Firat et Vankatesh, 1993 ; Firat, Dholakia et Vankatesh, 1995 ; Hirschman et Holbrook, 1992) comme un cadre conceptuel majeur permettant de mieux comprendre les changements sociétaux actuels et notamment les mouvements de la consommation. En Marketing, Cova et Badot (1994) proposent à la suite des sociologues anglais et français, de nommer : - postmodernité : un glissement ou une césure avec la modernité : une nouvelle condition sociale émerge qui semble commander une adaptation des pratiques marketing pour faire face à une consommation individualisée et tribalisée. - postmodernisme : une perspective philosophique spécifique riche d’hypothèses épistémologiques et de préférences méthodologiques qui pousse à repenser les principes généraux de la théorie en marketing; I.2.1 Les approches du Marketing postmoderne a. L’approche nord-américaine et anglo-saxonne Le but principal de cette approche initiée par Firat (1991), Van Raaij (1993), Firat, et Venkatesh, (1993) est de bâtir, de développer et de maintenir la relation avec un client clairement identifié, plutôt que de bombarder un marché composé d’une masse d’inconnus regroupés en segments homogènes. b. L’approche latine Les tenants du courant latin (Badot et al, 1993 ; Bucci, 1992 ; Cova et Svanfeldt, 1992 ; Cova, 1995) s’appuient sur la vision prospective d’une personne postmoderne ne recherchant pas des produits et des services pour être plus libre (comme le préconise le courant nord-américain) mais plutôt à la recheche des objets et des lieux de services pour se relier aux autres, à une communauté, à une tribu. c. Vers une approche mixte L’approche latine du Marketing se distingue de son homologue anglo-saxonne par l’importance qu’elle donne non seulement à la "fonctionnalité de l’offre" et au "service au client", mais aussi au "partage" ainsi qu’à l’importance que revêt l’établissement de relations entre les individus eux-mêmes, plutôt qu’entre l’entreprise et chaque individu particulier comme le suggère l’approche américaine et anglo-saxonne (Badot et Cova, 1995). 8 Mais malgré cette différence entre les deux approches, elles ont pourtant un trait commun, la recherche de la "proximité du consommateur"(Brown, 1993). En effet, la finalité des deux approches est de bâtir, développer et maintenir sur le long terme une relation privilégiée avec un client clairement identifié plutôt que d’accabler un marché composé d’une masse d’inconnus regroupés en segments homogènes. C’est pour cette raison, que durant notre recherche, dont l’objectif primordial est de comprendre le consommateur qui est en fait la finalité des deux propositions, nous ferons donc appel aux deux approches afin de mieux cerner le profil du consommateur postmoderne. II. Effets des conditions postmodernes sur le consommateur et la consommation Firat et Vankatech (1993), ont identifié cinq conditions du postmodernisme : Hyperréalité, la Fragmentation, le Renversement production-consommation, le sujet décentré, la Juxtaposition paradoxales des opposés . Les deux auteurs identifient la perte de l’engagement comme conséquence de ces conditions qui signifie que le consommateur ne s’engage plus à aucune action qu’il entreprend avec l’exemple le plus marquent est celui de la fidélité dont le consommateur résiste voire s’échappe de plus en plus. Van Raaij (1993), ajoute aux conditions du postmodernisme déjà évoqué, le pluralisme ou l’acceptation des différences comme approche dominante de toutes les relations. En 1997, Firat et Shultz proposent d’autres conditions de la société postmoderne à savoir : Ouverture et tolérance, Présentéisme, Acceptation du désordre et du chaos, Importance du style et de la forme. Les conditions les plus utilisés et qui ont fait un consensus de la part des auteurs et chercheurs en postmodernisme comme le suggèrent Firat et Shultz (2001), ce sont celles avancées par Firat et Vankatech (1993) qui regroupent les conditions postmodernes dans ces cinq catégories, ainsi, dans les sections qui suivent, nous allons essayer d’expliquer ces conditions, et de présenter les conséquences sur le consommateur. 9 II. 1. Hyperréalité Dans la pensée moderne, la représentation cherche à saisir la réalité objective à l’aide de l’observation et de la pratique artistique ( Firat et Vankatech ,1995). Par contre, le postmodernisme rejette l’idée reçue d’une réalité universelle et uniforme pour permettre la « ré-creation » de nouvelles réalités particulières en libérant le signe de ce qu’il signifie et de son référent. Dans cette perspective, la représentation signifie la construction du réel sans référence à la réalité objective (Firat et Vankatech, 1995). D’ailleurs l’analyse des recherches menées par Firat (1991, 1992), Van Raaij (1993), Brown (1994) ou encore Firat et Vankatech (1995) révèle que l’hyperréalité est une dimension systématiquement identifiée parmi les différentes dimensions du postmodernisme. I.1.1. Cadre théorique postmoderne de l’Hyperréalité Les principales approches qui s’intéressent au phénomène de l’hyperréalité (Debord, 1992; Baudrillard, 1976, 1981 ; Eco, 1985, 1986 ; Firat, 1992 ; Van Raaij, 1993 ; Firat et Venkatesh, 1995) adoptent une perspective philosophique matérialiste. En effet, ces approches relèvent du constructivisme socio-économique puisqu’elles considèrent que la réalité est une construction sociale, les relations entre les signifiants et les signifiés sont définies de manière arbitraire. D’après Perry (1998), définir le phénomène d’hyperréalité ne peut représenter qu’une tentative car, face à la pluralité de ses manifestations, il est difficile d’élaborer une théorie et une définition de ce phénomène. Il est toutefois possible d’établir que l’hyperréalité représente une réalité, différente de la réalité objective – matérielle – perceptible, qui conduit à ne plus pouvoir faire la différence entre le « vrai » et le « faux ». Cette réalité différente est générée par un processus, celui de simulation, qui remplace le réel par ses signes, par sa (re)construction. II.1.2. Effets de l’ Hyperréalité sur l’individu et la consommation postmoderne L’hyperrealité est la condition la plus étudiée et la plus discutée de la postmodernité (Baudrillard, 1983 ; Eco, 1986; Jameson, 1984). Elle a été discutée comme étant une condition que nous vivons comme notre réalité (sociale) qui est culturellement construite, et dépendante du pouvoir de l’individu. 10 L’ Hyperréalité, est ainsi la condition de la constitution de la réalité sociale à travers des significations puissantes et des représentations de simulation ou « hype » (Firat et Venkatech, 1993), ce qui va avoir une incidence sur le processus de construction du (social) de l'identité du consommateur, ainsi que ses expériences de consommation. a) Les nouvelles significations et la construction identitaire L’ Hyperréalité, est ainsi la condition de la constitution de la réalité sociale à travers des significations puissantes, est c’est ainsi que le consommateur peut se construire une identité. Ce processus de construction identitaire joue un rôle important dans la façon dont le consommateur perçoit soi-même, comment il identifie son but et sa raison d'être et constituer un sens pour sa vie. L’hyperréalité qui illustre ces faits, est celle rencontrée dans les formes de communication. En effet, à travers les formes de communication, les signifiants peuvent être détachés de leurs référents d'origine et donc de leurs significations d'origine et peuvent donc être attachés à des nouvelles significations. Comme exemple qui met en évidence ces propos, on retrouve le cas de la dentifrice. Dans les publicités, le terme est séparée de la pâte dentifrice et devient indépendant de l'élément d'origine (une pâte qui sert à nettoyer les dents,) et il va acquérir de nouvelles significations symboliques, tels que la beauté, le bonheur, l'attractivité,… etc Ces nouvelles significations simulées, conduit à une nouvelle réalité grâce à la puissance de la communication. C'est une communauté des consommateurs qui se sentent ou qui s’attribuent ces nouvelles significations (d'attractivité, de beauté,..) d’une marque (dentifrice) dont ces significations sont initialement attachées. b) La simulation de la réalité et les expériences de consommation La culture de l'hyperréel, semble afficher d'autres aspects et une de ces tendances est la volonté des consommateurs à préférer la simulation à la «Réalité». Comme le montrent Firat et Venkatesh(1993), la caractéristique distincte du postmodernisme est son aspect culturel, plutôt que économique ou social qui a dominé la période moderne, ce qui mène à la reconnaissance que la simulation est relativement indépendante de la réalité sociale. Le consommateur postmoderne se sent plus dans le plaisir ludique de la simulation plutôt que dans la recherche en permanence des moments de la «réalité». Les Postmodernistes évoquent 11 souvent Disneyland ou Las Vegas à titre d'exemples qui illustrent cette tendance (Baudrillard, 1987). L’hyperréalité constitue une variable qui permet de produire une expérience de consommation apte à réenchanter le consommateur (Ritzer, 1999 ; Filser, 2002 ; Hetzel, 2002). En effet, les environnements simulés apparaissent comme étant plus spectaculaire que le monde réel (Ritzer, 1999), cette caractéristique représente un avantage puisque les individus postmodernes recherchent le spectaculaire et les expériences (Holbrook et Hirschmann, 1982), cette quête s’inscrivant dans une tendance plus générale, à savoir celle des émotions (Graillot, 2004, 2010). En outre, d’après Riou (1999), l’existence du spectacle accompagnant l’hyperréalité contribue au succès plus grand qu’elle rencontre par rapport à la réalité et à l’attrait qu’elle exerce sur les individus postmodernes. Un environnement hyperréel peut proposer à ces individus de vivre des expériences non disponibles à proximité en raison d’un climat défavorable ou de caractéristiques géologiques inadéquates à la pratique de ces expériences. Par conséquent, ce type de lieu rapproche les expériences des individus. La construction de tels sites répond, en fait, à la quête frénétique de individus postmodernes désireux de vivre un maximum d’expérience ( Holbrook et Hirschman, 1982 ; Firat et Vankatech, 1995) sans perte de temps. Pour illustrer cette tendance, considérons le grand nombre des touristes qui visitent la salle IMAX à côté du Grand Canyon pour le regarder sur un film et «vivre réellement l'expérience" ou encore les parcs thématiques et de simulation, telles que le « Fossil Rim » au Texas, qui recrée le safari Africain, ce qui induisent beaucoup d'excitation chez leurs visiteurs. Le regroupement de reconstructions en un même lieu donne la possibilité aux individus de voyager dans le temps et de faire le tour du monde dans un laps de temps relativement court, pour un coût financier moindre (Hetzel, 2002). c) L’émergence de la cyberculture Une évolution étroitement liée à la condition de hyperréalité est celle de l’émergence de la cyberculture. C’est une transformation sociale majeure provoquée par les technologies de l'informatique, de l'information et des télécommunications, qui sont considérés comme des technologies postmodernes (Lanham , 1993; Poster, 1990; 1995; Vattimo, 1992) . Alors que les technologies modernes étaient considérées comme des machines de production instrumentales, les technologies postmodernes sont considérées comme des outils de 12 communication qui permettent le mouvement dans les cyberespaces, les réalités virtuelles et des environnements informatiques médiatisés. Poster (1995) se réfère à ces évolutions, pour créer de nouvelles formes d'identités et de nouveaux symboles de la communication et de consommation. Dans ses travaux antérieurs (Poster 1990), les a identifiés comme «mode d’information», par opposition au «mode de production» (en modernité). Goldman et Sapson (1994) appellent cette culture : la culture de "hypersignification". II. 2. Fragmentation II. 2.1. Le cadre théorique de la fragmentation Dans la postmodernité, la fragmentation est une autre caractéristique majeure de la société. Sa formulation théorique est due à Lyotard (1984) qui refuse d’une manière absolue toute forme d’universalisme dans la vie sociale. La fragmentation en fait, envahit toutes les activités, y compris la consommation. La période postmoderne serait ainsi une ère sans idéologie dominante, caractérisée par le pluralisme des styles et la sensibilité aux différences (Lyotard, 1984) ; ce que qualifie Smith (1990) de « vrai mélange de composants disparates venus de partout et de nulle part ». II. 2.2. La fragmentation des expériences de consommation dans la société postmoderne Les consommateurs postmodernes veulent aussi éprouver la diversité dans beaucoup de secteurs et aspects de leurs vies et ne pas se fixer seulement sur un secteur ou un aspect. Le marché devient de plus en plus fragmenté parce qu'il est construit par un nombre croissant de consommateurs individuels (Bond et Morris, 2003). D’autre part, les individus postmodernes sont prêts à vivre des moments fragmentés et des émotions différentes durant les spectacles sans s’engager ou se conformer à aucun d’entre eux. Ils sont donc capables de vivre les paradoxes que génèren la fragmentation ( Firat et Vankatech, 1995). Cette fragmentation se manifeste à travers : 13 a) Les moments de consommation Les moments de consommation sont de plus en plus fragmentés (diner, regarder la télévision, …). Le consommateur s’engage dans une série d’actes de consommation indépendants ( Firat et Vankatech, 1993), et chaque acte demande un produit différent, qui remplit un besoin spécifique. Ces multiples moments de consommation ont un effet sur le consommateur lui même, car la fragmentation des expériences de la vie exige souvent une fragmentation de soi pour vivre pleinement chaque situation rencontrée. Les entreprises doivent faire face à un consommateur « pluriel», changeant son comportement au gré des influences situationnelles (Dubois, 1990 ; 1994) b) Les produits Comme la vie consommatoire des individus est segmentée, fragmentée, sur des moments distincts, les produits à leurs tours sont plus spécialisés et diversifiés, ils communiquent des images différentes. Chacun de ces produits est utilisé d’une façon à refléter une image différente du soi afin d’atteindre la différentiation et l’individualité. c) Les environnements commerciaux Les expériences de vie fragmentées du consommateur sont également représentées dans les environnements commerciaux contemporains qui deviennent de plus en plus des centres pour des activités récréatives et de loisir pour les consommateurs ( shopping, espaces réservées pour les enfants, organisation des défilés de mode, des salles de cinéma,…). II.2.3. La fragmentation de l’individu postmoderne a) La fragmentation des émotions Puisqu’il n’existe plus d’idéologie dominante, il n’existe plus un style de vie unique. Les consommateurs adoptent des modes de vie selon les produits qu’ils utilisent (Van Raaij affirment et Verhallen, 1994). Certains auteurs vont même plus loin et que les consommateurs vivent le moment, par leur état d'esprit et l'humeur, et devrait être segmentés en fonction de leur état momentané et parlent de "Market sentimentation » (Michiels, 1992) au lieu de segmentation de marché ( Market segmentation). 14 b) L’individu pluriel La fragmentation des expériences de la vie exige souvent une fragmentation de soi pour vivre pleinement chaque situation rencontrée : Par exemple, gérer les relations en milieu de travail, exige pour la femme une identité différente que celle utilisée pour gérer ces relations dans son foyer ( Firat et Shultz ; 2001 ).Il peut y avoir même la possibilité de l'existence de personnalités incompatibles ou contradictoires chez un même individu : les « multiphrenic selves ». Firat, sherry et vankatech (1994), utilisent et préfèrent le terme "multiphrenic : en français l’état mental pluriel» à «schizophrène» que d'autres auteurs ont utilisé ( Deleuze et Guattari, 1983 ; Jameson 1984). Par conséquent, le « multiphrenic self » est une représentation de l’effet des conditions postmodernes sur le comportement du consommateur. c) L’appartenance aux micro-groupes Cette fragmentation permet aux individus de s’intégrer dans la société postmoderne, car l’intégration passe par le partage d'expériences de consommation communes. L’individu appartient alors à divers micro-groupes réunissant des personnes qui entretiennent un lien émotionnel fort par opposition aux liens sociaux forts de la société traditionnelle (Maffesoli, 1998, Oettgen et Oettgen, 2004). II.3. Le sujet Décentré Une autre condition du postmodernisme, en résonance avec la fragmentation et l’hyperréalité, à savoir le décentrage du sujet. Cette condition atteste de l'invraisemblance de la centralité du le sujet humain, pris dans la pensée moderne. II. 3.1. Le sujet dans la pensée postmoderne L’individu postmoderne (le sujet) fragmenté, discuté précédemment, représente un état de déstabilisation du sujet cartésien unifié rencontré dans la pensée moderne. Cette déstabilisation signifie également le décentrage du sujet de sa position privilégiée. Autre conséquence postmoderne donc est que le "sujet" des récits modernistes est devenu décentré et confondu avec l'objet. Il est également décentré dans la mesure où il ne s’agit plus d’un unique mais d’un multiple de sujet changeant en fonction de la situation qu’il rencontre (Gergen, 1991 ; Solomon, 1992). 15 II.3.2. Sujet Décentré et consommateur postmoderne La relation entre le sujet et l'objet devient plus compliquée, ce qui rend redoutable la supériorité assumé du sujet. Souvent, les objets exercent un pouvoir sur les sujets à l’exemple des « objets de désir » (Baudrillard, 1990). En outre, des exemples de l'objectivation des êtres humains se multiplient (Guilbert, 2002; Levine, 1998; Sacks, 1982). a) Le contrôle des objets et l’interpassivité du consommateur Dans son travail sur les possessions du consommateur et l'application de la théorie des relations de l’objet, Belk (1988) a ajouté de nouvelles dimensions pour comprendre la façon dont les consommateurs contrôlent les objets et les objets contrôlent consommateurs (Sherry 1986, 1993, 1995). La Subjectivité postmoderne, de sa part, problématise cette relation dans la mesure où les consommateurs sont de plus en plus aptes à déterminer le processus et les procédures de l'activité de consommation, plutôt que suivre les instructions dictés par produit. Désormais, c’est l’objet qui contrôle les conditions, le processus de la consommation et l’interaction avec l'objet, est non plus le sujet (Baudrillard, 1983). Par conséquent au lieu de considérer que c’est le sujet qui contrôle les circonstances et les processus de sa vie courante lors de ses interactions avec les objets, ces derniers sont considérés en postmodernité comme étant ceux qui déterminent les conditions les processus de consommation : En conduisant les voitures, en utilisant les micro-ondes, les machines à laver, ordinateurs, et l’individu est généralement le suiveur d'instructions, les manières correctes de faire les choses. Les actions de chaque individu sont déterminées par la conception et la structure de ces produits. Nous pouvons ainsi déduire que le rôle de l’individu est de permettre aux produits d'exercer leurs fonctions est non plus les produits qui permettent la réalisation des objectifs de l’individu. On est donc passé à l’inverse de la vision selon laquelle les produits sont destinés à permettre à l’être humain de réaliser ses objectifs. Certains auteurs parlent même d’interpassivité qui se définit comme la délégation de la jouissance du consommateur à un objet (Carù et Cova, 2008). 16 b) L’objectivisation de l’individu La confusion entre le sujet et l'objet est encore renforcée d’une part par le fait que les consommateurs ont tendance à se percevoir comme des items vendables. Cette tendance est appuyée par les systèmes de marketing qui encouragent les représentations de soi comme des images. Le marketing ne s’intéresse pas uniquement au positionnement des produits sur le marché, mais aussi par le positionnement des consommateurs eux même sur le marché social. Comme nous l’avons déjà discuté plus tôt, d’une situation à une autre, les consommateurs prennent différentes images et jouent le rôle de différentes personnalités pour se faire accepter. Cette multiplicité d’images et de personnalités n’est pas adoptée par les consommateurs d’une manière délibérée et autonome, elle est plutôt imposée par les attentes culturelles qui sont déjà intériorisées par la société. Les individus sont toujours préoccupés d’avoir une image qui correspond à celle nécessaire pour réussir. Dans ce sens, la mode devient la métaphore de la culture (Faurschou, 1990; Sawchuk, 1987). Par exemple, de nombreux consommateurs, mâle et femelle, ont recours de plus en plus la chirurgie plastique et les implants pour améliorer une partie ou plusieurs de leurs corps. L’objectification que fait l’individu de son corps et de son identité lui permet d’être acheté et consommé, comme un produit. Les consommateurs deviennent des produits consommés pour la production d’autres objets ou d’autres services dans les usines, dans les bureaux ou ailleurs. Enfin, cette dimension du sujet décentré suggère un lien potentiel avec la perte de contrôle dans la vie du consommateur postmoderne. En effet, le sujet moderne avait la particularité de présomption d’avoir un contrôle sur les objets ainsi que sur son destin. Par contre l'individu postmoderne décentré, semble présenter une orientation paradoxale en termes de lieu de contrôle. (Firat et Shultz, 2001). II.4. Renversement Production-Consommation La primauté donnée à la production dans les métarécits modernes a été remise en cause avec la pensée postmoderne. L'idée qui stipule que la valeur est créé dans la production et détruite dans l’acte de consommation est considérée comme l'une des mythes de la rhétorique et du projet moderne. Dans le processus de fusion du sujet et l'objet postmoderne, un autre mythe d’idéologie moderniste est exposée: il n'ya pas de distinction naturelle entre la consommation 17 et la production. Chaque acte de production est aussi un acte de consommation, et vice-versa, c'est à dire il ya un cycle de production et de consommation ( Firat et Venkatech, 1995). Ainsi, le renversement de la production – consommation est apparu lorsque la production a perdu son statut privilégié dans la culture et la consommation qui devient le moyen par lequel les individus définissent leur propre image pour eux ainsi que pour les autres; les pratiques marketings, bien sûr, étant le premier facteur qui renforce cette tendance. II.4.1. L’impact sur la consommation postmoderne La consommation détient aujourd’hui un niveau élevé de signification sociale. La nature symbolique de processus de consommation s’impose. En effet, les symboles créent les significations et les consommateurs négocient le processus de consommation à travers ces significations. Par ailleurs, les produits qui permettent aux consommateurs une autoexpression individuelle, à l’exemple de la nourriture et de la mode sont des produits qui attirent certains segments de consommateurs à travers les cultures (Domzal et Kernana, 1993). a) la consommation individuelle Il y a eu une confusion voire une réversibilité de la consommation et de la production et de son rôle de destructeur dévolu par la théorie économique ; le consommateur est désormais considéré comme acteur et créateur de sens. Grâce au système marketing, la consommation est devenue, le processus par lequel les individus définissent eux-mêmes et leurs statuts ou images dans la société contemporaine (Bourdieu, 1984; Ewen, 1988). L'identité personnelle est de plus en plus recherchée par le consommateur, même dans ses formes fragmentées, non sur la base de ce que l'on produit mais sur la base de ce que l'on consomme. L'acte de consommation est en effet au cœur du processus de construction identitaire, "consommer ce n'est pas seulement acquérir des produits, mais s'acheter une identité .(Gabriel and Lang , 1995). Comme les postmodernistes l’indiquent, la consommation n'est pas seulement un acte personnel de destruction accompli par le consommateur, mais plutôt un acte social de significations symboliques, codes sociaux et de relations. En effet, le consommateur produit et reproduit son identité (Poster, 1995). En d'autres termes, chaque individu est différent d’un autre par un ensemble de choix de consommation et des expériences. 18 b) la consommation des groupes Les études postmodernes sur les groupes permettent de mettre en évidence différentes fonctions symboliques de la consommation, vue non plus comme un acte de destruction, mais comme un acte de production d’images (Firat et Venkatesh 1995). Ainsi, « pour devenir objet de consommation, il faut que l’objet devienne signe » (Baudrillard 1968). La consommation revêt alors les fonctions suivantes : Révélateur du système de valeurs : Les activités de consommation des groupes postmodernes permettent de refléter leur système de valeurs micro-culturel (Thompson et Troester, 2002). Révélateur de l’appartenance: Certaines pratiques de consommation, marques et produits reflètent l’appartenance au groupe, et permettent de distinguer les membres des non-membres (Holt 1995, 1997 ; Kates 2000 ; Schouten et Mc Alexander 1995 ; Holt et Thompson 1996). Moyen d’action sociale : Les groupes postmodernes, possédant leur propre microsystème de valeurs, utilisent également les activités de consommation comme moyen d’action sociale. Ainsi, la possession et l’utilisation spécifique de certaines marques et objets marquent l’appartenance au groupe, tout comme l’hostilité voire le boycott de certaines autres (Kates 2000 ; Schouten et Mc Alexander 1995 ; Thomson et Troester 2002). II.5. Juxtaposition paradoxale Le changement de la forme entre modernité et postmodernité est un changement massif mais qui n’implique pas d’opposition ». D’une manière très synthétique, Freitag (1994) stipule: « Autre trait essentiel à retenir, la modernité accumule des contradictions, qu’elle affronte de manière agnostique, conflictuelle, la postmodernité dissous les contradictions sans les « dépasser » dans le mouvement, et elle s’engage processuellement de manière toujours positive » La postmodernité est une phase transitoire où il n’y a pas une idéologie dominante mais elle se caractérise par la pluralité des styles et la coexistence des éléments qui auparavant étaient considérés opposés. Par conséquent, le postmodernisme refuse de privilégier une seule perspective, de reconnaître une seule différence et d’admettre des fragments, jamais de conflits ni d’inégalité (Wilson, 1989).». C’est alors une ère où règne la tolérance « rien n’y 19 est a priori frappé d’illégitimité. Tous les styles, toutes les époques, bénéficient du droit à la différence ». La juxtaposition paradoxale, quand elle devient une orientation dominante elle tend à créer une totale ironie, ambiguïté, et enfin, le pastiche. Dans la culture postmoderne, il n'ya pas d'ordres à respecter. Le postmodernisme s’engage plutôt dans un mode de présentation qui suggère les potentialités et les possibilités d’accepter l’autre, le «irreprésentable» et le nonfamilier (Caputo, 1997), dans le but de rechercher et d'explorer la richesse de la substance et de sens qui pourrait être vécues dans les moments de vie actuel. Cependant, parmi les conséquences de cette juxtaposition paradoxale des perspectives, des engagements, des idées et des objets, est que toute chose soit en même temps, acceptable et suspecte. La Créativité en postmodernisme est définie comme une combinaison originale d'éléments opposés (Van Raaij 1993). Ce phénomène de juxtaposition paradoxale à été d’abord observé dans la culture contemporaine, comme dans l’art et l'architecture, où les normes et les exigences universelles ainsi que l'efficacité technique et fonctionnelle ont été abondonnés (Jenks, 1987). Par la suite, il s’est manifesté à travers la publicité, les centres commerciaux ou encore dans la mode. Dans la publicité, par exemple, au Royaume Uni, une marque de cigarettes est devenue populaire car elle a été vendue dans un emballage noir avec un crâne et un nom de marque de « La Mort ». Tous les avertissements sont clairement indiqués sur l'emballage, y compris le message: «10% des bénéfices seront donnés au recherches de la lutte contre le Cancer ". Dans les environnements commerciaux, la juxtaposition des opposées peut être repérée dans la mesure où le consommateur peut s'acheter des chaussures, tout en regardant en direct un spectacle de musique classique (Firat et Venkatech, 1993) et enfin la a mode Postmoderne tend elle aussi à juxtaposer des vêtements de et des styles qui ont été considérés incohérents dans la vision moderne de la mode (Kroker et Kroker, 1987). II.5.1. L’effet sur L’individu Un consensus entre les théoriciens postmodernes que l'une des principales caractéristiques de la culture postmoderne est son caractère paradoxal qui permet la juxtaposition de tous. Ces contradictions, peuvent se présenter, par exemple, sous forme d’émotions opposées (amour et haine, mépris et admiration), de cognitions opposés (croyance et doute) qui se produisent chez l’individu de manière simultanée (Foster, 1983; Gitlin, 1989; Hutcheon, 1988; Wilson, 1989). 20 La juxtaposition paradoxale se rapporte à également la possibilité de l'existence de personnalités incompatibles ou contradictoires chez un même individu, « multiphrenic selves ». Firat, sherry et vankatech (1994) (comme nous l’avons vu dans la condition de la fragmentation), est l’apparition de ce que les auteurs appellent le « multiphrenic self » ou encore l’individu pluriel. En postmodernité, on ne peut plus avoir de dissonance cognitive, le consommateur peut simultanément être sceptique et heureux de son comportement et de sa consommation et il trouvera dans tous les cas le plaisir de vivre cette expérience. II.5.2. L’effet sur les expériences de consommations De même, les expériences de consommation postmoderne sont opposés et contradictoires. Plusieurs exemples mettent en évidence les expériences de consommation surtout avec les cas des restaurants "ethniques" : Il ya essentiellement deux sortes de restaurants ethniques: ceux qui servent les immigrants ethniques et ceux qui se sont transformé en "nouvelles" cuisines et qui s'adressent généralement aux consommateurs de haute classe (Firat et Venkatech, 1993). Les consommateurs du second type de ces restaurants savent que la cuisine a été «modifiée» en fonction de leurs goûts, mais ça ne les dérangent pas parce qu’ils sont là pour vivre l’expérience dans une autre culture ethnique. Même si ces exemples actuels de situations paradoxales font partie de la critique moderniste, elles représentent pour le consommateur postmoderne des épisodes d’expérience ludique. Un restaurant ethnique, ce n'est pas simplement un repas délicieux que les gens goûtent, mais plutôt ce sont des styles de vie différents qu’ils vivent dont la nourriture est juste une manifestation. Ainsi, le consommateur postmoderne juge l'expérience selon ce qu’elle présente de passionnant, d’intéressant et surtout selon ce qu’elle contribue à donner une signification pour sa vie. III. L’émergence du nouveau consommateur Avec le réexamen de la nature de la société et de l'être humain et à travers les conditions postmodernes, un nouveau consommateur semble naitre. En effet, il s’est avéré que : le consommateur postmoderne n’est plus matérialiste : Firat et Dholakia (2006), stipulent que les consommateurs modernes, (cohérents avec les définitions modernes de la prospérité et la bonne vie), ont cherché toujours à s'entourer de biens matériels. En contrepartie, le consommateur postmoderne qui émerge à tendance à être moins préoccupé par les valeurs matérielles et beaucoup plus intéressés par l'expérience et les valeurs des activités. La sensibilité postmoderne, semble susciter un intérêt dans la consistance et le 21 sens des expériences présentes, plutôt que dans la richesse matérielle offerte par les acquisitions et de leur valeur promise vers la réalisation d'un grand futur (Kozinets, 2002). le consommateur postmoderne est à la recherche des expériences et de l’immersion : L'immersion dans ces expériences exige une gamme complète de stimulation sensorielle, ce qui donne au consommateur la chance d'extraire un sens riche et profond. Les Thèmes culturels sont souvent les mieux à fournir une immersion impressionnante dans l'expérience de consommation(les musées, les spectacles de musique, ..). Ces thèmes et l’expérience qui ont découlent sont donc très recherchées. L’approche expérientielle s’insère aussi dans une vision postmoderne de la consommation. La transition vers une société postmoderne et un réenchantement de la consommation ont entraîné le désir des consommateurs de vivre des expériences variées à travers leurs actes quotidiens (Firat et Venkatesh, 1995). Dans le cadre théorique de l’expérience de consommation, le simple acte de consommer est un moyen permettant d’enchanter son quotidien. Firat et Dholakia (1998) notent que « Pour le consommateur postmoderne, consommer n’est pas un simple acte d’absorption, de destruction ou d’utilisation de quelque chose. Ce n’est pas non plus le dernier maillon de la chaîne du processus économique ; c’est un acte de production d’expérience et d’identités ou d’images de soi-même. Le moyen d’enrichir et d’enchanter la vie est de permettre de multiples expériences, vécues à la fois émotionnellement et rationnellement, et utilisant toutes les dimensions de l’être humain. La vie doit être produite et créée, en fait, construite au travers des multiples expériences dans lesquelles le consommateur s’immerge » le consommateur postmoderne est un constructeur de sens et de symbole : les consommateurs postmodernes tendent à devenir des acteurs dans la construction des significations, soit par le biais de l’implication dans les communautés de consommateur (Fish, 1980) ; soit par l'intermédiaire de leur propre déconstruction des textes de consommation (Stern, 1998). le consommateur postmoderne est un constructeur d’identité « l’individu pluriel » L'objectif du consommateur postmoderne ne consiste pas à s’attacher à aucune culture ou à un seul mode d'existence, mais plutôt à naviguer dans plusieurs et d'explorer les alternatives possibles et significatives de la manière d'être, enrichissant ainsi le processus de sa vie. Le nouveau consommateur qui émerge des conditions postmodernes devient aussi de plus en plus virtuel, il est le résultat d’une superposition de quatre images qu’il faudrait analyser 22 simultanément et non pas séparément : l’image qu’il a de lui-même, l’image qu’il a des autres, l’image que les autres ont de lui et l’image de l’image que les autres ont de lui. (Gharbi, 2011). Enfin, le tableau suivant résume les différentes caractéristiques du consommateur moderne et celui de l’ère postmoderne, et les implications marketing qui en découlent. Orientation moderne - le but du consommateur est de reconstituer les énergies et d'accumuler des biens matériels Caractéristiques du consommateur Implication Marketing - le Marketing identifie les besoins des clients et fournit des produits pour satisfaire ces besoins -Le consommateur à la liberté de choisir entre diverses options qui sont disponibles sur - Le marketing le marché est une activité destinée à - Les satisfaire les consommateurs besoins des s'expriment à consommateurs travers leur consommation - Le consommateur est un «client» Orientation postmoderne - le but du consommateur postmoderne est de produire des expériences de vie et des sens Implication Marketing - le Marketing fournit des processus pour le consommateur postmoderne lui permettant ainsi de construire plusieurs expériences -Le consommateur postmoderne est un constructeur d’alternative (options de choix) - Le marketing est en partenariat avec le consommateur - Le postmoderne consommateur pour leur postmoderne permettre de produit son construire des identité dans le significations et processus des expériences - Le consommateur postmoderne est un « marketer » Tableau 1 : Les caractéristiques du consommateur et de la consommation « postmoderne » ( Firat et Dholakia, 2006) Des changements certes, ont été apportés par les orientations postmodernes sur le comportement de consommateur, ces changements peuvent annoncer des conséquences majeures pour la théorie et la pratique du marketing. Par exemple, une implication immédiate et évidente a 23 trait au marketing non pas comme un fournisseur de produits, mais comme un partenaire dans la construction des cultures de la communauté ( McAlexander et al., 2002; Muniz et O'Guinn, 2001). Quelques tendances et pratiques de marketing déjà préfigurent l'avenir. Le Marketing aura besoin de devenir un processus de partenariat dans cette quête, plutôt qu’une mise en scène d'un spectacle d’actions au nom des consommateurs. Si le Marketing doit être réussi dans ses tentatives de se relier aux consommateurs dans une culture postmoderne, le «marketing» (au sens moderne du terme) doit remettre en cause ses conceptions et ses définitions du consommateur et de consommation. Le marketing doit être redéfini comme un générateur des processus pour les consommateurs, plutôt que fournisseur de produits finaux (Fırat et al., 1995). Il pourrait être admis alors selon Firat et Dholakia (2006) qu'aucun produit offert au consommateur n'est jamais un produit fini et que la consommation a toujours été un processus de transformation du produit à partir du moment même où le produit est à la possession de consommateur. CONCLUSION Dans la littérature académique en marketing, et surtout en comportement du consommateur, les sujets qui traitent de la position des consommateurs sur le marché et dans la société ont récemment reçu une certaine attention, à la suite d’un travail théorique critique (Fırat et al, 1987; Murray et Ozanne, 1991) et un travail qui évalue de façon critique les tendances postmodernes (Cova, 1999; Fırat et Dholakia, 1998; Fırat et Venkatesh, 1995; Holbrook, 1993), ainsi que les perspectives postmodernes (Brown, 1995). Notre recherche s’intègre dans cette optique, et vise à étudier le consommateur qui émerge des conditions postmodernes qui ont prévalues sur la société. Plusieurs caractéristiques du nouveau consommateur postmoderne ont été mises en évidence : les consommateurs deviennent des producteurs de sens, jouant avec les significations que peuvent transmettre les produits et services consommés. En outre, les groupes sociaux jouent un rôle croissant dans les comportements des individus postmodernes (Cova et Cova, 2001 ; Firat et Shultz, 1997). Une voie future de recherche peut être suivie qui va permettre de vérifier si le consommateur postmoderne rompt définitivement avec celui moderne, dans la mesure où le postmodernisme est un terme fortement basée sur une opposition à la modernité, exprimant une rupture définitive avec les caractéristiques de l'ère moderne (Featherstone, 1991). Il signifie «l’après», c'est-à-dire une cassure ou une rupture avec l'ère moderne. Ses caractéristiques omniprésentes d’ironie, de fragmentation et de paradoxe sont clairement en contraste avec la modernité. Par conséquent, la postmodernité suggère une rupture avec 24 l’époque de la modernité, rupture impliquant l'émergence de nouveaux principes sociaux (Featherstone, 1991), est donc un nouveau consommateur en rupture avec l’ancien. Ou bien si comme l’affirment Firat et Venkatesh (1995), que le postmodernisme ne serait, qu’une extension du modernisme, qui a pour principale conséquence de dépasser les distinctions traditionnelles entre consommation et production et donc le consommateur n’a subit qu’une simple mutation. Bibliographie Addis M. and Podestà S. , (2005), « Long life to marketing research: a postmodern view», European Jounal of Marketing, 39, 3/4, p.386-412. Badot O. et Cova B., (1995), "Communauté et consommation : prospective pour un « marketing tribal », Revue Française du Marketing, 151, p.5-17 Badot, O et Cova, B., (1992a), « Des marketing en mouvement vers un néomarketing », Revue Française du Marketing, 136, p. 5-27. Badot, O., Bucci, A. et Cova, B. 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