Les Conditions Postmodernes et l’Emergence du Nouveau
Consommateur
Abderrazak Gharbi
Professeur
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis
Manel Hamouda
Doctorante
Faculté des Sciences Economiques et de Gestion de Tunis
Résume : Notre article vise à comprendre le consommateur postmoderne à travers une étude
théorique des cinq conditions qui caractérisent la société postmoderne à savoir: l’hyperréalité,
la fragmentation, le sujet décentré, le renversement production-consommation et la
juxtaposition paradoxale. L’objectif de la recherche consiste donc à celer les
caractéristiques du nouveau consommateur qui émerge de ces conditions. A partir d’une
profonde revue de la littérature, il en ressort que chaque condition postmoderne affecte d’une
manière bien déterminée le consommateur ainsi que le processus de consommation, ce qui va
générer des implications importante sur les pratiques marketing.
Mots clés : Postmodernisme-Conditions postmodernes-nouveau consommateur.
Abstract: Our paper aims to understand the postmodern consumer through a theoretical
study of the five conditions of postmodern society which are: hyperreality, fragmentation,
decentred subject, the production-consumption and the paradoxical juxtaposition of opposites.
The purpose of the research is therefore to identify the characteristics of the new consumer
that emerges from these conditions. From a deep literature review, it appears that each
postmodern condition affects in a definite way the consumer and the consumption process,
which will generate important implications for marketing practices.
Keywords: Postmodernism- Postmodern conditions- new consumer
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INTRODUCTION
Le postmodernisme était une théorie sociale saillante pendant presque trois décennies,
(Christensen et al ; 2005) mais le domaine du marketing n'a pas explicitement reconnu le
postmodernisme comme un descripteur important de la condition sociale actuelle qu’à partir
des années 90 ( Lo´ pez-bonilla et Lo´ pez-bonilla 2009). Le postmodernisme s’est développé
progressivement en marketing, et a contribué à la naissance de réflexions autour des
paradigmes qui permettent d’appréhender la complexité de la consommation postmoderne
(Hirschman, Holbrook, 1992) ; le rôle du marketing dans la société de consommation actuelle
(Firat, Venkatesh, 1993 ; Badot et Cova 1992) et surtout la compréhension du comportement
du consommateur. En effet, de nombreux chercheurs sont attirés par le postmodernisme en
raison de sa nature interdisciplinaire qui permet le franchissement des limites théoriques qui
permet potentiellement une vision plus riche et moins bornée du consommateur (Miles,
1999).
Cette conception élargie du postmodernisme a permis d’envisager les modalités à travers
lesquelles les individus pensent en tant que consommateurs dans les sociétés contemporaines
(Hirschman et Holbrook, 1992 ; Holt, 1997 ; Thompson, 2002).
De nombreux chercheurs (Baudrillard, 1968, 1986; Cova, 1995; Featherstone, 1991 ; Firat, 1991,
1992 ; Firat et Venkatesh, 1995 ; Firat, Sherry et Venkatesh, 1994 ; Firat, Dholakia et Venkatesh,
1995 ; Holt, 1997 ) ont contribué à la définition des fondements de la société postmoderne. Ces
derniers la synthétisent en cinq points : l’hyperréalité, la fragmentation, le renversement de la
production et de la consommation, la décentralisation du sujet au profit de l’objet, et enfin, la
juxtaposition paradoxale des opposés.
Ainsi notre article vise à comprendre le consommateur dit postmoderne à travers une
étude théorique des cinq conditions qui caractérisent la consommation postmoderne à savoir:
l’hyperréalité, la fragmentation, le sujet décentré, le renversement production-consommation
et la juxtaposition paradoxale des opposées.
L’objectif de la recherche consiste donc à celer les caractéristiques du
consommateur qui émerge des conditions postmodernes. D’abord, nous présenterons le
postmodernisme et la naissance du marketing postmoderne. Ensuite, nous allons essayer de
montrer les effets des cinq conditions postmodernes sur le consommateur, la consommation et les
implications marketing qui en découlent.
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I. Postmodernisme et Marketing Postmoderne
Le concept de postmodernisme lui-même est une question controversée sur laquelle il
ya peu de cohésion ou de consensus sur les définitions, les origines et les applications. Selon
Denzin (1993), il s’agit d’un «terme glissant sans référents clair", tandis que Firat et
Vankatech (1995) plaident pour le terme "postmodernisme" pour être utilisé afin de refléter
l'essence pluraliste de ce mouvement intellectuel. Nous allons donc essayer d’expliquer, en
premier lieu le postmodernisme de manière générale ; et en second lieu, nous présenterons
l’effet du postmodernisme sur le marketing et la naissance du marketing postmoderne
I.1. Le postmodernisme
Au fond, les racines philosophiques du postmodernisme résident dans le rejet du
poststructuraliste et le déni de la possibilité de «vérité» absolue et du questionnement de la
métaphysique occidentale dont l’objectif perçu est de définir, nommer et connaître le monde.
Essentiellement, le postmodernisme repose sur l'idée que nous sommes entrés dans une
nouvelle phase ou époque, une ère post-industrielle caractérisée par des modes
schizophrénique de l'espace et du temps (Harvey, 1989).C'est un concept qui distingue entre
les stades d'évolution qui marquent chaque nouvelle époque. En tant que tel, la modernité, est
un construit culturel basées sur des conditions spécifiques, limitées historiquement (Foster,
1990).
Il est impossible d’expliquer postmodernisme sans aborder tout d’abord les principaux
éléments du modernisme. En effet, la tradition sociologique découpe l’histoire de l’Europe
selon un schéma simple : périodes pré-modernes ou « holistiques » ; riode « moderne » et
pour certains riode postmoderne. L’idée de modernité est partagée en fait par toutes les
sciences sociales (histoire, économie, sociologie…) et désigne fondamentalement
l’avènement de la société moderne, industrielle, à partir du XVIIIè siècle, puis postindustrielle
/ postmoderne depuis les années 60.
Il convient donc tout d’abord de définir la modernité avant d’aborder le concept de
postmodernité.
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I.1.1. Les Fondements philosophiques du modernisme et ses critiques
Le terme «modernité» se réfère généralement à la période de l'histoire occidentale qui
a débuté avec de la fin du XVIe siècle (Borgmann, 1992). La modernité se réfère
généralement à la période de temps et le modernisme renvoie aux idées et conditions
philosophiques et socioculturelles qui ont marqué cette période.
Le modernisme se manifeste à travers les conditions suivantes analysées par Firat et Venkatesh
(1995) ainsi que Piquet et Marchandet (1998) : la règne de la raison et l'établissement de l'ordre
rationnel, l'émergence du sujet cognitif , le développement de la science et l'accent mis sur le
progrès matériel à travers l'application des technologies scientifiques , Le réalisme et la
représentation et l’objectif unique de l'art et l'architecture , l'émergence du capitalisme
industriel et enfin la séparation de la sphère de la production, qui est institutionnellement
contrôlées et publique de la sphère de la consommation, qui est privé.
Cependant, plusieurs critiques ont été adressées au modernisme, parmi lesquelles nous
pouvons citer :
Critique 1 : Dans la modernité, les notions qui constituent un individu moderne ou la
société moderne ont été guidées par des forces historiques (la science, la technologie et le
rationalisme) (Foucault, 1984).Le modernisme selon cette critique n'est pas en mesure
d’exploiter la richesse de l'expérience humaine en et traite superficiellement les réalités avec
des solutions simples (vattimo, 1992). Le modernisme tend à représenter une vue de l'individu
(ou le consommateur) qui est limité à un simple agent cognitif.
Critique 2 : La seconde critique fait état que le modernisme a manqué à son éthique pour
assurer une commande, rationnellement construite, à vocation technologique, en apparence
progressive, et une perpétuelle unification de l’ordre sociale (Rosenau, 1992). Le modernisme
a échoué parce que le progrès matériel promis s'est avéré illusoire, dans la mesure , la
pauvreté, la misère, et la violence marquent encore notre vie.
Critique 3 : Le modernisme réduit le monde en des catégories dichotomiques: sujet / objet,
masculin / féminin, producteur / consommateur, culture / nature, signifié / signifiant, occident
/ orient et ainsi de suite. Chaque paire représente une différence et généralement le premier
terme à un statut supérieur par rapport au second.
Critique 4 : Cette critique concerne le caractère paradoxal de la modernité, où le réel
(imaginaire) devient imaginaire (réel), la représentation devient l'interprétation, le fond
devient la forme, et les objets deviennent des images. Le Modernisme, tout en intégrant
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l'unicité, produit effectivement la conformité (Ross 1988). Ainsi, le paradoxe de la modernité
est l’incompatibilité de son idéal à sa réalité.
Critique 5 : Dans le domaine de l'art et de l'architecture, les notions modernistes se sont
révélées très étouffantes et répressives en raison de l'accent principal mis sur le rationalisme,
le fonctionnalisme et l'universalisme (Jenks, 1987).
Critique 6 : la dernière critique trouvée dans les Ecrits féministes (Bristor et Fischer, 1993;
Fraser et Nicholson, 1990; Joy et Vankatech, 1994).Les attaques féministes contre le
modernisme font valoir que le sujet cartésien est finalement une construction philosophique
du sujet masculin, sous le couvert d'un sujet plus universellement sexuée.
Ainsi, le courant postmoderne défendait la possibilité de rompre avec la tyrannie de
l’innovation du modernisme en s’accordant le droit de renouer avec le passé.
I.1.2. L'origine du terme « postmoderne »
La première apparition du mot « postmoderne » était en 1934. L’adjectif été utilisé
pour désigner la poésie espagnole et sud-américaine produite de 1905 à 1914. Les secondes
occurrences de l'adjectif « postmoderne » apparaissent à partir de 1939 dans l'œuvre de
l'historien Arnold Toynbee et désignent une époque qui commence avec la guerre de 1914 et
dont le début sera ramené par la suite, par Toynbee, à une date antérieure, soit en 1875.
a. Postmodernisme, postmodernité et postmoderne
Dans l'histoire de la terminologie du mot « postmoderne » et de ses dérivés, Rose (1991)
distingue 38 usages originaux du mot « postmoderne » et des autres termes formés à partir de
cet adjectif. Dans trois de ces usages, le terme sert à des historiens pour désigner une période
de l'histoire. Dans 9 autres cas, cette terminologie est utilisée pour dénoter des concepts
empruntés à la philosophie ou aux sciences sociales. Dans les 26 autres usages, la
terminologie du mot « postmoderne » renvoie à diverses écoles dans le domaine de la poésie
et de la littérature (7 usages) et surtout dans celui des beaux-arts (19 occurrences). En se
basant sur cette analyse, nous pouvons distinguer trois formes de la terminologie
« postmoderne » (Brodeur, 1993) :
- la première forme est une esthétique des arts visuels de façon plus particulière à
l'architecture et à la peinture (Jencks, 1987 ; Portoghesi, 1983) et une théorie de la littérature
(Hassan, 1971, 1975,1985 et 1987) reconnues sous l'appellation de postmodernisme.
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