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BACTERIES ET MALADIES INFLAMMATOIRES DE L’INTESTIN
Philippe Seksik
Service d’Hépato-Gastroentérologie Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France
L’écosystème du tractus digestif est caractérisé par une importante biodiversité.. En raison des
variations des conditions physico-chimiques, la microflore subit des modulations importantes
qualitatives et quantitatives tout au long du tube digestif. C’est au niveau du côlon que les populations
microbiennes sont les plus abondantes, avec environ 1011 bactéries par gramme de contenu. On
individualise une flore dominante (en nombre supérieur à 108 bactéries par gramme de contenu)
composée d’espèces anaérobies strictes des genres Bacteroides, Eubacterium, Bifidobacterium,
Peptostreptococcus, Ruminococcus et une flore sous-dominante constituée principalement de bactéries
anaérobies facultatives qui sont 100 à 1000 fois moins représentées (Lactobacillus, Streptococcus et
entérobactéries). La microflore associée aux muqueuses a été moins étudiée et représente une niche
écologique de bactéries plus ou moins profondément enchâssées dans le mucus voire adhérentes à la
paroi colique et ainsi à proximité des cellules de l’hôte. Il existe trois difficultés majeures pour l’études
de ces écosystèmes : 1) l’accès à l’écosystème que l’on veut étudier, ce qui nécessite des techniques
d’échantillonnage adaptées, 2) l’impossibilité de cultiver l’ensembles des bactéries intestinales ce qui
requiert des techniques indépendantes de la culture, 3) la variabilité inter-individuelle de la microflore
digestive. Pour palier les difficultés liées à la cultures, une discipline émergeante, l’écologie
moléculaire, a développé des outils basés sur la détection de bio-marqueurs tels que les ARN
ribosomaux 16S. Cette molécule possède des caractéristiques qui ont permis la descritpion
d’écosystèmes complexes et l’avènement d’une nouvelle taxonomie moléculaire complémentaire de la
taxonomie phénotypique classique. A partir d’échantillons (selles et/ou biopsies digestives) plusieurs
techniques telles que la TTGE (Temporal Temperature Gradient-gel Electrophoresis ou électrophorèse
en gradient dénaturant de température) et l’hybridation in situ ou en dot-blot permettent d’analyser la
composition en groupes phylogénétique et la biodiversité d’écosystèmes digestifs. La microflore fécale
a ainsi été étudié et paraît remarquablement stable au cours du temps chez un même sujet. La flore du
caecum diffère de la flore fécale (représentative du côlon distal) ; elle contient moins de bactéries et
une proportion plus importante de bactéries anaérobies facultatifs (entérobacteries).
Le rôle délétère de certains micro-organismes de la flore intestinale et de la réponse
immunitaire intestinale est démontré au cours des (MICI). Les arguments incriminant la microflore
digestive dans les MICI peuvent être énoncés comme suit : a) les lésions surviennent au lieu de
concentration élevée de bactéries (iléo-côlon), b) la microflore est nécessaire au déclenchement des
lésions sur des modèles de colites expérimentales, c) il existe un modèle animal de transfert de colite
par lymphocytes T réactifs vis-à-vis d’antigènes bactériens, d) le rôle du chyme dans la récidive
postopératoire de la maladie de Crohn est clairement démontré, e) il existe une rupture de tolérance
immunitaire au cours des poussées de MICI, f) il existe des anticorps anti-microorganismes chez les
patients atteints de MICI, g) l’efficacité dans certaines conditions (récidive post-opératoire, pochite) de
traitements visant à modifier la microflore digestive (antibiotiques, probiotiques ou prébiotiques).
L’étude de la microflore digestive au cours des MICI peut être envisagées selon deux axes différents :
l’étude d’un micro-organisme candidat ou une stratégie de description globale. La deuxième stratégie a
permis de montrer qu’il existe des différences entre les écosystèmes digestifs des sujets atteints de
MICI et les sujets sains, caractérisées par : a) une grande instabilité de la flore luminale, b) l’émergence
des entérobactéries dans la flore dominante au cours des MICI (en rémission), c) le rôle possible de