EVIDENCE-BASED MEDICINE niveau de preuve 2 Question non résolue »» Quel est le traitement le plus efficace entre la ciclosporine et l’infliximab à proposer après échec des corticoïdes en intraveineux lors d’une poussée sévère de rectocolite hémorragique ? MICI à l’AZA, auquel cas la seule possibilité est l’IFX en induction puis en entretien, car un traitement en bridge par la CsA ne sera pas possible, soit il s’agit d’un malade naïf pour l’AZA et le choix reste ouvert. C’est dans cette dernière situation que le GETAID a mené un essai contrôlé randomisé comparant en ouvert la CsA administrée par voie intraveineuse (2 mg/kg/j) relayée ensuite par l’IFX administré par voie orale (5 mg/kg aux semaines 0, 2 et 6) sur une durée de 3 mois (2). Chez les malades qui avaient répondu dans les 7 jours, un traitement de fond par l’AZA était commencé. L’hypothèse de cette étude était que la CsA était supérieure à l’IFX. Le critère de jugement principal était l’échec du traitement défini par l’absence de réponse clinique à 7 jours, l’absence de rémission clinique et endoscopique à 98 jours, la survenue d’une rechute clinique entre ces 2 dates, la colectomie, un effet indésirable grave imposant l’arrêt du traitement et le décès. Parmi les 111 malades analysés, l’échec du traitement était observé chez 60 % des 55 malades traités par CsA et chez 54 % de ceux ayant reçu IFX (différence absolue de 6 % ; IC95 : −12 à 25 % ; p = 0,49). Les taux de réponse obtenus dès la première semaine de traitement étaient de 85 % avec CsA et de 86 % avec IFX (p = 0,66). La proportion de malades colectomisés dans les 3 premiers mois était de 18 % sous CsA et de 21 % sous IFX (p = 0,66). Enfin, les effets indésirables graves observés dans les 2 groupes de traitement étaient comparables et correspondaient aux profils de tolérance attendus : infections, aggravation de la maladie, cytolyse à l’introduction de l’AZA... Cet essai clinique n’a donc pas démontré que la CsA était plus efficace que l’IFX dans le traitement de la poussée sévère et corticorésistante de RCH. Références bibliographiques 1. Travis SP, Stange EF, Lemann M et al. European evidence-based consensus on the management of ulcerative colitis: current management. J Crohn Colitis 2008;2:24-62. 2. Laharie D, Bourreille A, Branche J et al. Ciclosporine versus infliximab in acute severe colitis refractory to intravenous steroids: a randomized study. J Crohns Colitis 2011;5:S8. Conflit d’intérêts. Interventions ponctuelles auprès de MSD. Les 5-aminosalicylés protègent-ils contre le cancer colorectal ? V. Abitbol (Paris) Ce qu’il faut retenir Un effet protecteur antitumoral du 5-ASA est probable, mais des preuves solides manquent. Seules des études cas-témoins ont été publiées. L’association entre la réduction du risque de cancer colorectal et la prise de salicylés n’est pas nécessairement causale et peut être le résultat de biais. niveau de preuve 4 L es patients souffrant de rectocolite hémorragique (RCH) ont un risque augmenté de cancer colorectal (CCR). Le rôle protecteur des 5-aminosalicylés (5-ASA) dans le cancer a été avancé et leur utilisation a été recommandée dans la RCH (1, 2). Néanmoins, les résultats des études publiées restent contradictoires. En 2005, une méta-analyse a regroupé 9 études et a inclus au total 1 932 patients chez lesquels 24 | La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012 334 cancers et 140 dysplasies ont été diagnostiqués. La prise de 5-ASA était associée à une diminution du risque de CCR (odds-ratio [OR] = 0,51 ; IC95 : 0,370,69) et du risque de cancer et de dysplasie (OR = 0,51 ; IC95 : 0,38-0,69). Le bénéfice était observé pour une prise régulière ou pour une dose supérieure à 1,2 g/j. La salazopyrine paraissait avoir un effet moins protecteur que la mésalazine. Cette métaanalyse n’avait inclus que des études de cohorte et de cas-contrôles de méthodologies disparates (3). Une des premières études négatives a été publiée par C.N. Bernstein et al. en 2003. Utilisant la base de données des MICI du Manitoba au Canada, 25 patients ayant eu un CCR entre 1995 et 2000 avaient été comparés à 348 sujets contrôles ; il n’y n’avait pas d’effet bénéfique du 5-ASA sur le risque de CCR (4). Cette étude avait été critiquée en raison de la durée limitée des traitements par 5-ASA. Cette cohorte a été suivie jusqu’en 2008 et l’absence de MICI rôle protecteur du 5-ASA a été confirmée dans une nouvelle étude (5). Ce travail associait, d’une part, une étude rétrospective qui évaluait l’incidence du CCR parmi 8 744 patients ayant une MICI − en comparant les usagers de 5-ASA (≥ 1 fois, ≥ 1 an, ≥ 5 ans, ≥ 7,5 ans cumulés) à des non-usagers −, d’autre part, une étude cas-témoins évaluant l’exposition aux 5-ASA chez 101 patients ayant eu un CCR par comparaison avec 303 contrôles. Ces 2 nouvelles évaluations ne montrent pas d’effet protecteur des 5-ASA, même en excluant les patients sous salazopyrine. L’étude de C.N. Bernstein et al. a le mérite d’évaluer une large population de patients souffrant de MICI avec un long suivi prospectif et des précisions sur les doses et les durées de traitement par 5-ASA. La sévérité de la RCH et l’extension de la maladie qui sont des facteurs de risque reconnus du CCR n’ont pas été prises en compte dans ce travail. En conclusion, les données disponibles évaluant le rôle protecteur des 5-ASA dans le CCR sont contradictoires. Ce sont des études de cohorte et de cas- EVIDENCE-BASED MEDICINE témoins qui comportent des biais. La relation causale n’est pas démontrée. Les malades qui prennent des salicylés sont peut-être ceux qui ont le suivi le plus régulier et qui sont les plus attentifs à leurs symptômes et au dépistage par coloscopie. Références bibliographiques 1. Biancone L, Michetti P, Travis S et al. European evidence-based consensus on the management of ulcerative colitis: special situations. J Crohns Colitis 2008;2:63-92. 2. AGA Medical Position Statement on the Diagnosis and management of Colorectal Neoplasia in Inflammatory Bowel Disease. Gastroenterology 2010;138:738-45. 3. Velayos FST, Jonathan P, Walsh JM et al. Effect of 5-aminosalicylate use on colorectal cancer and dysplasia risk: a systematic review and metaanalysis of observational studies. Am J Gastroenterol 2005;100:1345-53. 4. Bernstein CN, Metge C, Blanchard JF, Yogendran M. Does the use of 5-aminosalicylates in infl ammatory bowel disease prevent the development of colorectal cancer? Am J Gastroenterol 2003;98:2784-8. 5. Bernstein CN, Nugent Z, Blanchard JF. A population-based study of 5-aminosalicylate use and colorectal cancer in IBD. Am J Gastroenterol 2011;106:731-6. Les anti-TNFα diminuent-ils le recours à la chirurgie dans la RCH ? J. Filippi (Nice) U Ce qu’il faut retenir Les anti-TNF diminuent significativement le recours à la chirurgie dans la rectocolite hémorragique (RCH) à 1 an, dans les essais randomisés contrôlés contre placebo. Dans la vraie vie, environ 1 patient sur 5 atteint de RCH devra bénéficier d’une colectomie à long terme sous anti-TNF. En l’état actuel des connaissances, on ne peut recommander la prescription d’anti-TNF chez tous les sujets avec RCH afin de modifier l’histoire naturelle de la maladie. modification notable sur une période de 30 ans (2). En situation de corticorésistance, la ciclosporine a largement été utilisée comme traitement de secours avant le recours à la chirurgie. Dans l’étude la plus vaste concernant cette molécule, 73 patients étaient randomisés pour en recevoir 2 ou 4 mg/kg par voie intraveineuse. Les taux de réponse à 8 jours étaient similaires dans les 2 groupes (respectivement 82 et 83 %) et les taux de colectomie à court niveau de preuve ne mise au point récemment publiée dans la revue Current Drug Targets (1) apportera au lecteur des données exhaustives sur ce sujet d’actualité. Pour la question qui nous est posée dans ce numéro spécial, il convient de réduire notre champ d’exploration aux essais contrôlés randomisés, seuls essais pouvant satisfaire aux exigences de l’EvidenceBased Medicine (EBM). ➤➤ Avant l’ère des biothérapies : les données concernent uniquement le sous-groupe de patients présentant une rectocolite hémorragique (RCH) sévère. En effet, aucune étude n’a évalué le risque de colectomie à long terme chez les patients atteints de RCH sans critère de sévérité et traités par dérivés des 5-aminosalicylés (5-ASA) ou par traitement immunosuppresseur “classique” (azathioprine, méthotrexate). L’on dispose donc de données pour les corticoïdes et la ciclosporine. Dans une revue récente ayant compilé les résultats de 32 essais (2 000 patients traités par corticoïdes pour colite aiguë grave, entre 1974 et 2006), le taux moyen de colectomie à court terme était de 27 % sans 1 La Lettre de l’Hépato-Gastroentérologue • Vol. XV - n° 1 - janvier-février 2012 | 25