DOCUMENT 34
Les fonctions logarithmes
1. Existence des fonctions logarithmes
1.1. L’aspect alg´ebrique. L’id´ee de transformer les produits de nombres r´eels en sommes,
afin de simplifier les calculs num´eriques, est apparue au XVIesi`ecle et sa concr´etisation a ´et´e
l’œuvre de Neper (1550-1617) qui a ´etabli les premi`eres tables de logarithmes. D’un point de
vue math´ematique, il s’agit d’´etudier les fonctions fv´erifiant
f(xy) = f(x) + f(y) (L)
Si dans (L) on prend y= 0 alors f(0) = f(0) + f(x) et donc, pour pour tout xR,f(x) = 0.
La fonction nulle est la seule fonction d´efinie sur Rv´erifiant (L). Ce cas ´etant sans int´erˆet, on
consid`ere maintenant (L) pour des fonctions d´efinies sur R. Avec x=y= 1, on a f(1) = 2f(1)
d’o`u f(1) = 0. Si x=y=1 alors f(1) = 2f(1) et donc f(1) = 0. Ainsi, f(x) =
f(1.x) = f(1) + f(x) = f(x) et fest une fonctions paire. On peut donc se limiter `a chercher
les applications de R
+dans Rv´erifiant la relation fonctionnelle (L).
Propri´et´es alg´ebriques d’une solution fde (L)sur R
+.
f(1) = 0
Pour tout x > 0, f(1
x) = f(x) (0 = f(1) = f(x1
x) = f(x) + f(1
x)).
Pour tout entier nZet tout x > 0, f(xn) = nf(x).
On d´emontre d’abord la relation pour nNpar r´ecurrence et ensuite on ´ecrit
f(xn) = f(1
xn) si n < 0 et on utilise f(1
x) = f(x).
Pour tout rQet tout x > 0, f(xr) = rf (x)
En effet, si r=p
q,pZ,qZalors
qf(x
p
q) = f((x
p
q)q) = f(xp) = pf(x)
d’o`u f(x
p
q) = p
qx.
l’application identiquement nulle de R
+dans Rest solution de (L) et c’est la seule
fonction constante solution de cette ´equation.
Si fest solution de (L) alors, pour tout kR, la fonction kf est aussi solution de (L).
Remarques. 1) Une solution de (L) sur R
+est un morphisme du groupe (R
+, .) dans le groupe
(R,+). Les propri´et´es pr´ec´edentes, autres que f(xr) = rf (x), r´esultent de ce fait.
371
372 34. LES FONCTIONS LOGARITHMES
2) Si x > 0 et yRalors on sait que ln xy=yln xmais ce r´esultat n’est pas a mentionner
dans ce document car pour d´efinir en g´en´eral xyil est n´ecessaire de disposer de la fonction
exponentielle qui sera d´efinie comme fonction r´eciproque de la fonction logarithme n´ep´erien
(xy=eyln x).
1.2. Existence de solutions de (L)continues et non constantes. Il est naturel de
chercher les solutions de (L) v´erifiant une condition de continuit´e. La proposition suivante va
montrer que la plus faible, la continuit´e en un point, entraine la continuit´e et mˆeme la d´erivabilit´e
sur R+. Cette proposition permettra aussi de montrer l’existence de solutions de (L) continues
et non constantes.
Proposition 34.1.Pour toute application fde R+dans R, il y a ´equivalence entre :
(1) La fonction fest continue en un point et v´erifie
x, y R+, f(xy) = f(x) + f(y) (L);
(2) f(1) = 0, la fonction fest d´erivable sur R+et il existe kRtel que
f0(x) = k
x.
Preuve. (1) (2). On sait que f(1) = 0. Supposons fcontinue en aR+et soit x0R+.
Pour tout xR,ona:
|f(x)f(x0)|=|f(x)f(a) + f(a)f(x0)|=|f(ax
x0
)f(a)|.
En utilisant le th´eor`eme sur la limite d’une fonction compos´ee et la continuit´e de fen a,
lim
xx0
f(ax
x0
) = f(a) d’o`u lim
xx0|f(x)f(x0)|= 0 et la continuit´e de fen x0et donc sur R+.
Les applications yf(xy) et yf(y) sont continues sur R+et donc inegrables sur [1,2].
La relation (L) entraine
Z2
1
f(xy)dy =Z2
1
f(x)dy +Z2
1
f(y)dy =f(x) + Z2
1
f(y)dy.
Le changement de variable u=xy dans la premi`ere int´egrale donne
Z2
1
f(xy)dy =1
xZ2x
x
f(u)du
et finalement
f(x) = 1
xZ2x
x
f(u)du Z2
1
f(y)dy
ce qui montre que fest d´erivable sur R+. Pour trouver une expression simple de sa fonction
d´eriv´ee, on d´erive les deux membres de (L) par rapport `a yce qui donne xf0(xy) = f0(y). La
valeur y= 1 conduit `a f0(x) = f0(1)
xd’o`u, en posant k=f0(1), f0(x) = k
x.
(2) (1). Soit fv´erifiant 2). Les applications get hefinies sur R+pour y > 0 par
g(x) = f(xy) et h(x) = f(x) + f(y) sont d´erivables et g0(x) = ky
xy =k
x,h0(x) = k
x=g0(x).
Il existe donc λRtel que, pour tout xR+,g(x) = h(x) + λet la valeur x= 1 donne
g(1) = h(1) + λd’o`u λ= 0 car h(1) = f(1) + f(y) = f(y) = g(1). Finalement, pour tout
2. D´
EFINITION ET ´
ETUDE DES FONCTIONS LOGARITHMES 373
x, y R+,f(xy) = f(x)+f(y). La relation (L) est v´erifi´ee et, f´etant d´erivable, fest continue
en un point.
La proposition pr´ec´edente entraine que l’´equation fonctionnelle (L) admet comme ensemble
de solutions continues en un point toutes les application xR
+kZx
1
dt
t,kR. Toutes les
solutions de (L) continues en un point sont d´erivables. On a donc trouv´e toutes les solutions
continues de (L) `a l’aide du th´eor`eme affirmant que toute fonction continue sur un intervalle
admet une primitive.
2. D´efinition et ´etude des fonctions logarithmes
D´
efinition 34.1.Les fonctions diff´erentes de la fonction nulle et qui v´erifient les conditions
´equivalentes 1) et 2) de la proposition pr´ec´edente sont appel´ees les fonctions logarithmes.
Si pour une fonction logarithme f, on a f0(x) = k
x, alors la condition f(1) = 0 entraine que
f(x) = kZx
1
1
tdt.
Toutes les fonctions logarithmes sont donc proportionnelles `a l’une d’entre elles. Celle qui est
obtenue en prenant k= 1 est appel´ee fonction logarithme ep´erien et not´ee ln. On a pour
x > 0,
ln(x) = Zx
1
1
tdt.
2.1. Etude de la fonction logarithme n´ep´erien.
Th´
eor`
eme 34.1.La fonction logarithme n´ep´erien est une bijection strictement croissante
et ind´efiniment d´erivable de R
+sur R. C’est une application strictement concave.
Preuve. Par d´efiniton, la fonction logarithme n´ep´erien est d´erivable sur R
+avec (ln)0(x) = 1
x.
Elle est donc strictement croissante et ind´efiniment d´erivable. Le fait que son image soit Rva
r´esulter de la partie 2) de la proposition suivante qui donne quelques limites li´ees `a cette fonction.
On peut aussi dire que l’image de cette application est `a la fois un intervalle (c’est une application
continue) et un sous groupe additif de R(c’est un homomorphisme). Son image est donc Rsi
l’on sait que les sous groupes de Rsont discrets ou partout denses.
Comme ln00(x) = 1
x2<0, la fonction logarithme n´ep´erien est strictement concave sur R
+.
Proposition 34.2.(1) Pour tout x > 0,ln xx1avec ln x=x1si et seulement
si x= 1. Pour x > 1, on a de plus x1
x<ln x.
(2) lim
x+ln x= +et lim
x0ln x=−∞.
(3) lim
x+
ln x
x= 0 et lim
x0xln x= 0.
(4) lim
x0
ln(1 + x)
x= 1 . Autrement dit, au voisinage de 0, ln(1 + x)x.
374 34. LES FONCTIONS LOGARITHMES
Preuve. 1). Soit h:R
+Rd´efinie par h(x) = x1ln x. La fonction hest d´erivable et
h0(x) = 1 1
x=x1
x.La fonction hest strictement d´ecroissante sur ]0,1] et strictement crois-
sante sur [1,+[. Comme h(1) = 0, elle est positive et strictement positive sur ]0,1[]1,+[.
(L’in´egalit´e h(x)0 peut aussi se d´emontrer en utilisant la concavit´e de la fonction logarithme
et la tangente au point (1,0). On peut aussi l’obtenir en int´egrant entre 1 et xla fonction
t11
t.)
Pour obtenir la seconde in´egalit´e, il suffit de remplacer xpar 1
xdans la premi`ere.
2). Soit AR. La fonction logarithme n´ep´erien ´etant strictement croissante , ln 2 >ln 1 = 0,
et R´etant archim´edien, il existe nNtel que n > A
ln 2. Posons B= 2n. Si x>Balors
ln x > ln B=nln 2 > A et par suite, lim
x+ln x= +.
On a lim
x0
1
|x|= +et, par le th´eor`eme sur la limite d’une fonction compos´ee, lim
x0ln 1
|x|=
+= lim
x0ln |x|. A fortiori, lim
x0ln x=−∞ (limite d’une restriction).
3). Par l’in´egalit´e 1), ln xx1<x. On a donc 1
2ln x < xd’o`u, pour x > 1,
0<ln x
x<2
xet par suite lim
x+
ln x
x= 0.
Le th´eor`eme sur la limite d’une fonction compos´ee donne lim
x0
ln 1
|x|
1
|x|
= 0 d’o`u lim
x0|x|ln |x|= 0
et lim
x0xln x= 0.
4). Cette ´egalit´e ne fait que traduire ln0(1) = 1.
Repr´esentation graphique. En utilisant les deux r´esultats pr´ec´edents on peut repr´esenter
le graphe de la fonction logarithme n´ep´erien dans un plan affine euclidien muni d’un rep`ere
2. D´
EFINITION ET ´
ETUDE DES FONCTIONS LOGARITHMES 375
orthonorm´e (O,
i ,
j). Ce graphe poss´ede l’asymptote y= 0 pour x0 et a une branche
parabolique de direction (O,
i) pour x+.
Le nombre e
La fonction ln ´etant une bijection de R
+sur R, il existe un unique nombre r´eel, not´e e, tel
que ln e= 0. Comme ln est croissante et ln 1 = 0, e > 1.
On a
1 = Ze
1
dt
t
et l’application t1
t´etant convexe sur [1, e] son graphe est au-dessous de la corde d´efinie par
les points (1,1) et (e, 1
e). Il est aussi au-dessus de la tangente au point milieu (1 + e
2,2
1 + e).Il
en r´esulte que
2
1 + e(e1) 11
2(e1)(1 + 1
e).
La premi`ere in´egalit´e donne e3 et la seconde ´equivaut `a 0 e22e1 ce qui montre que e
n’appartient pas `a l’intervalle des racines du trinˆome xx22x1. Quelques calculs et on a
e1 + 2. Finalement
1 + 2e3.
Dans le document 31, on a montr´e que e= lim
n→∞ unavec un= 1 + 1
1! +. . . +1
n!. Si la suite
(vn) est d´efinie par vn=un+1
n!alors on montre facilement que les suites (un) et (vn) sont
adjacentes d’o`u pour tout entier n1,
un< e < vn.
Ces in´egalit´es permettent d’obtenir des encadrements de eplus pr´ecis que le pr´ec´edent et aussi
de prouver que e /Q.
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