Pyélonéphrite emphysémateuse sur rein lithiasique

CAS CLINIQUE Progrès en Urologie (2000), 10, 89-91
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Pyélonéphrite emphysémateuse sur rein lithiasique
causée par un acinétobacter
Abdellatif BENCHEKROUN, Mohammed GHADOUANE, Mohammed ALAMI, Yassine NOUINI,
Mohamed MARZOUK, Mohamed FAIK
Clinique Urologique A, Hôpital Avicenne, Rabat, Maroc
La pyélonéphrite emphysémateuse est une inflamma-
tion nécrotique du parenchyme rénal.
Elle est observée
surtout chez des femmes diabétiques. Elle est caracté-
risée par la formation de gaz intra-rénal, et occasion-
nellement périrénal, par une bactérie anaérobie qui fer-
mente le lactose.
La pyélonéphrite emphysémateuse est de mauvais pro-
nostic et demande un traitement médical et chirurgical
urgent et agressif. La mortalité est de 40 à 90% des cas
[10].
Nous rapportons une observation de pyélonéphrite
emphysémateuse due à un acinétobacter et associée à
une lithiase de la jonction pyélo-urétérale (J.P.U.) droi-
te obstructive.
OBSERVATION
Mr S.A..., âgé de 50 ans, diabétique depuis 10 ans, a été
admis en août 1998 pour une tuméfaction lombaire
droite, fébrile avec frissons. L’examen a découvert une
rougeur, un empâtement, et une crépitation au niveau
du flanc et au niveau de la paroi thoracique droite.
La glycémie à jeun est de 1,71 g/l. L’urée sérique est de
0,51 g/l et la créatinine de 9,2 mg/l. L’hémoglobine est
de 9,5 g/l et l’hématocrite de 29,4%. L’examen cyto-
bactériologique des urines met en évidence un acinéto-
bacter.
La tomodensitométrie abdominale montre des images
gazeuses dans la paroi abdominale postérieure, dans
l’espace périnéphrétique droit, et dans le rein droit
(Figure 1). Elle met en évidence une dilatation pyélo-
calicielle droite sur calcul obstruant la jonction pyélo-
urétérale droite (Figure 2). La radiographie pulmonaire
montre la présence des gaz au niveau de la paroi thora-
cique. Le diagnostic de pyélonéphrite emphysémateuse
est retenu chez ce patient diabétique.
Le malade est aussitôt mis sous insuline ordinaire, et
sous antibiotiques (triple association : ceftazidime,
gentaline et métronidazole). Une lombotomie dans le
11ème espace intercostal est réalisée. Celle-ci permet
de drainer 2 litres de pus et le débridement de logettes
de pus périrénales. Une toilette laborieuse est prati-
quée. Les remaniements très importants nous obligent
au seul drainage dans un premier temps pour réaliser
ultérieurement la néphrectomie à froid. La paroi est
fermée sur des lames de Delbet; des incisions de
décharges sont réalisées au niveau de la paroi thora-
cique. Les suites seront simples et les lames de Delbet
seront retirées au 9ème jour post-opératoire. Une uro-
graphie intraveineuse est réalisée au 21ème jour post-
opératoire. Elle montre un rein droit muet sur une
lithiase de la J.P.U. obstructive. Au 2ème mois, une
néphrectomie droite est réalisée dans des conditions
Manuscrit reçu : juin 1999, accepté : septembre 1999.
Adresse pour correspondance : Pr.A. Benchekroun, Clinique Urologique A,
Hôpital Avicenne, Rabat, Maroc.
RESUME
La pyélonéphrite emphysémateuse est rare. Elle est exceptionnellement associée à
une lithiase obstructive de la voie excrétrice supérieure. Elle est couramment obser-
vée chez des femmes diabétiques lors d’infections à germes anaérobies pouvant déga-
ger des gaz. Les auteurs rapportent une observation où la pyélonéphrite emphysé-
mateuse est due à un acinétobacter, et est associée à une lithiase obstructive de la
jonction pyélo-urétérale. Le traitement a consisté en un drainage de l’abcès dans un
premier temps, puis en une néphrectomie dans un deuxième temps.
Mots clés : Rein, pyélonéphrite, emphysème, lithiase urinaire, acinétobacter.
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idéales en reprenant l’ancienne incision. Le patient se
porte bien avec une fonction rénale normale. Le rein
gauche est normal à l’échographie. Son diabète est
équilibré.
DISCUSSION
La pyélonéphrite emphysémateuse (PE) est rare; 114
cas, la plupart sporadiques, sont rapportés dans la litté-
rature jusqu’en 1995 [9].Le premier cas est décrit par
GILLES et FLOCKS en 1941; il s’agissait d’une pyéloné-
phrite emphysémateuse bilatérale [10]. La PE touche
essentiellement la femme; elle est rare chez l’homme
sauf au Japon [9]. Notons que notre patient est de sexe
masculin. Cette affection survient chez les diabétiques,
l’insulinodépendance n’étant pas un facteur pronos-
tique significatif [3]. La lithiase urinaire avec obstruc-
tion des voies excrétrices est exceptionnelle [9].
La pyélonéphrite emphysémateuse est due à la produc-
tion intraparenchymateuse rénale de gaz et dans l’espa-
ce périrénal [10]. Le gaz intrarénal peut être localisé ou
généralisé.La présence de gaz dans le bassinet et l’ure-
tère n’est pas synonyme d'obstruction urétérale [1, 8,
10]. Les germes anaérobies provoquent la fermentation
du glucose tissulaire en lactate en produisant le dioxy-
de de carbone (CO2) et l’hydrogène (H2) [5]. Selon
AHLERING [1], l’augmentation du métabolisme anaéro-
bie entraîne la diminution de la perfusion du rein et de
la pression partielle d’oxygène dans le rein.C’est la
raison pour laquelle les gaz ne sont pas éliminés immé-
diatement. Le bas débit rénal diminue l’efficacité des
antibiotiques, ce qui explique l’évolution rapide vers le
choc septique, la défaillance multiviscérale et le décès.
La formation de gaz se fait autour de la papille où la
vascularisation est pauvre. Le gaz passe dans le pyélon,
ensuite il fuse le long des pyramides et dans l’espace
périnéphrétique. La présence de gaz dans l’espace péri-
néphrétique n’aggrave pas le pronostic [9, 5].
Une infection significative du tractus urinaire est mise
en évidence dans tous les cas. Les germes les plus fré-
quents sont : Escherichia Coli, Klebsiella pneumonia,
et Proteus mirabilis, Aerobacter aerogenes,
Pseudomonas aeruginosa, Citobacter, Cryptococcus [3,
7]. Notre patient a présenté dans les urines un acinéto-
bacter non décrit auparavant comme responsable de la
pyélonéphrite emphysémateuse. L’obstruction du trac-
tus urinaire et l’immunodépression sont des facteurs
favorisant la pyélonéphrite emphysémateuse [3, 10].
La symptomatologie clinique est faite essentiellement de
douleur et de rougeur du flanc. Lexamen physique met
en évidence un empâtement, parfois une crépitation au
niveau du flanc. La pneumaturie est exceptionnelle [1,
9 ] .La tomodensitométrie représente la méthode de
choix pour le diagnostic [3, 9, 10]. Elle met en évidence
les bulles de gaz, leur localisation (dans les voies excré-
trices, le parenchyme rénal ou l’espace rirénal), leur
d i ffusion dans d’autres organes notamment la veine
rénale, les veines hépatiques et la veine porte. Deux cas
de plonéphrite emphysémateuse avec gaz dans les
veines patiques ont été rappores dans la litrature
[2, 6]. La TDM permet la surveillance en cas de traite-
ment conservateur. La radiographie d’abdomen sans
préparation et léchographie peuvent orienter vers le dia-
g n o s t i c .Chez les malades obèses, il est souvent diff i c i l e
de distinguer ces sions des gaz intestinaux [9]. Il faut
éliminer une obstruction urérale qui peut prêter à
confusion. Lapparition spontanée de gaz dans le tractus
urinaire supérieur peut cependant avoir d’autres
causes : gaz atmosphérique introduit par manipulation
iatrogénique ou gaz résultant dune fistule digestive.
Léquilibration de la gycémie en utilisant l’insuline, et
lantibiothérapie à dose suffisante et à large spectre sont
i m p é r a t i v e s .Le traitement radical comprend le drainage
de l’abcès et/ou la phrectomie. Le drainage percutané
comme propo par KO H [7] doit être appliq dans des
cas exceptionnels : rein intact à la TDM, patients ne pou-
A.Benchekroun et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 89-91
Figure 1. TDM abdominale : bulles de gaz intrarénale droite,
dans l’espace périrénal et dans la paroi abdominale.
Figure 2. TDM abdominale : hydronéphrose droite sur cal -
cul obstruant la jonction pyélo-urétérale droite.
vant supporter une anesthésie générale, plonéphrite
emphymateuse localisée. Si le drainage percutané est
propo, la surveillance par la TDM est obligatoire.
Le traitement conservateur est assoc à une mortalité de
plus de 75%, alors quune réanimation suivie d’une
phrectomie simple en urgence entraîne une mortali
inférieure à 50% [4, 7].
C O N C L U S I O N
La pyélonéphrite emphymateuse est encore trop sou-
vent mortelle du fait de lévolution favorable du choc
septique qui l’accompagne (50%). La prévention repose
essentiellement sur la prise en charge rapide, chez tout
patient diabétique, des sepsis du tractus urinaire supé-
r i e u r. Le pourcentage de mortalité dépasse 50% en lab-
sence d’intervention chirurg i c a l e .
R E F E R E N C E S
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S U M M A RY
Acinobacter emphysematous pyelonephritis in a patient with
renal stones.
Emphysematous pyelonephritis is rare. It is exceptionally associa -
ted with urolithiasis with obstruction of the collecting system. It is
generally observed in female diabetic patients. It is caused by gas-
p roducing bacteria. We re p o rt a case in which emphysematous
pyelonephritis was caused by an acinetobacter, associated with
pelvic ureteral junction lithiasis.Drainage and nephrectomy were
n e c e s s a ry to overcome this life threatening situation.
Key words : Kidney, pyelonephritis, emphysema, urolithiasis, aci -
n e t o b a c t e r.
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A. Benchekroun et coll., Progrès en Urologie (2000), 10, 89-91
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