Urgences infectieuses chez le diabétique - Infections

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diabétologie
Urgences en endocrinologie,
et maladies métaboliques
Urgences infectieuses chez le diabétique
Infections emergencies in diabetic patients
G. Ozenne*
L
a grande susceptibilité des diabétiques aux infections est
bien connue. Elle concerne
aussi bien les diabétiques de type I
que ceux de type II. Le risque infectieux est d’autant plus grand que le
diabète est déséquilibré, négligé ou
méconnu.
Certaines infections aiguës surviennent exclusivement chez les patients
diabétiques. D’autres ont, sur ce
terrain, une évolution plus sévère et
un risque plus élevé de complications. Leur évolution défavorable,
en l’absence d’une prise en charge
rapide et adaptée, met en jeu le pronostic vital ou fonctionnel. Ce
risque rend nécessaire une bonne
connaissance de ces infections, tant
par les praticiens qui prennent initialement en charge ces patients que
par les spécialistes concernés : ORL,
chirurgiens, diabétologues.
Ces infections sont responsables
d’un important déséquilibre du diabète. En conséquence, la situation
nécessitera le plus souvent la mise
en route d’une insulinothérapie par
voie veineuse ou, à défaut, l’injection discontinue d’insuline si la voie
veineuse est impossible ou dangereuse.
Quatre urgences infectieuses aiguës
atteignent plus spécifiquement les
diabétiques. Il s’agit :
✓ des infections des tissus souscutanés à anaérobies ;
✓ de l’otite maligne externe ;
* Service d’endocrinologie, diabète et maladies
métaboliques, CHU de Rouen.
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✓ de la cholécystite aiguë emphysé-
mateuse ;
✓ de la pyélonéphrite aiguë emphysémateuse.
Les infections
à anaérobies des tissus
sous-cutanés
sont fréquentes
Elles sont favorisées par la présence
d’une neuropathie périphérique
(insensibilité aux blessures) et d’une
hygiène défectueuse.
Le diagnostic doit être évoqué
devant :
✓ une plaie du pied ou de la main,
d’allure nécrotique et malodorante ;
✓ associée à une altération profonde
de l’état général ;
✓ avec hyperthermie à 39 °C ou 40 °C.
Une crépitation peut être notée à la
palpation.
La présence de gaz est révélée par la
mise en évidence de bulles d’air sur
la radio des pieds, de la jambe ou
de la main. Il est recommandé de
commencer à lire les radios en examinant attentivement les tissus
mous en regard de la plaie, avant de
s’intéresser au squelette osseux.
L’infection des tissus sous-cutanés à
anaérobies nécessite la mise en
route rapide d’une antibiothérapie
par voie parentérale contre les
germes anaérobies (Augmentin® i.v.
3 g/24 h ou Flagyl® i.v. 2 x 500 mg).
L’évolution du syndrome inflammatoire, clinique et biologique,
permettra de décider, en cas d’évolution défavorable, de faire appel au
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
chirurgien pour débridement, voire
amputation, d’un doigt ou d’un
membre, seule manière d’éviter
l’évolution septique fatale.
L’otite “maligne” externe
C’est une affection du conduit auditif
externe avec ostéomyélite de la base
du crâne.
Elle débute par une infection des
tissus mous du conduit auditif
externe qui s’étend ensuite au cartilage et à l’os. En l’absence de traitement, l’infection se propage dans
le compartiment intracrânien.
Le diagnostic doit être évoqué devant :
✓ une pathologie du conduit auditif
externe traînante, avec otalgie et
otorrhée verdâtre ;
✓ l’examen clinique retrouve un
conduit auditif externe rétréci par
l’inflammation, avec un bourgeon
granulomateux.
La notion d’un diabète ou d’un terrain
fragilisé doit faire demander une
consultation ORL spécialisée en
urgence afin que soient pratiqués :
✓ un prélèvement bactériologique,
qui retrouvera dans 80 % des cas un
pyocyanique ;
✓ un bilan sanguin incluant HbA1c,
NFS, VS et CRP ;
✓ une tomodensitométrie de la base
du crâne pour détecter précocement
une érosion osseuse.
Le traitement consiste en :
un débridement des tissus nécrotiques et infectés ;
✓ l’instillation de gouttes auriculaires
(Oflocet® gouttes auriculaires) ;
✓
Deuxième partie : urgences métaboliques
✓ une antibiothérapie par fluoroquinolone, par voie systémique ou
orale. Elle sera maintenue pendant
2 à 4 semaines au stade précoce de
cellulite du conduit auditif externe.
Au stade d’otite externe avec
atteinte osseuse, le traitement
consistera en une bithérapie par
voie parentérale associant ceftazidine (Fortum®) ou ticarcilline
(Ticarpen®) à une fluoroquinolone
(Ciflox®) pendant 8 à 10 jours suivant l’évolution. Ce traitement sera
suivi par une monothérapie per os
par fluoroquinolone pendant 6 à
8 semaines.
Une surveillance étroite associant
l’ORL et le diabétologue en vue
d’obtenir le meilleur équilibre possible du diabète est le garant d’une
évolution favorable. En cas de prise
en charge tardive, l’évolution sera
défavorable vers la constitution
d’abcès cérébraux, de thrombophlébites cérébrales et, in fine, le décès
du patient.
La cholécystite aiguë
emphysémateuse
La cholécystite aiguë emphysémateuse ou gangréneuse est l’infection
abdominale associée de façon
caractéristique au diabète. Elle se
grève d’un taux de mortalité très
élevé, de l’ordre de 50 %.
Le tableau clinique réalisé est celui
d’une cholécystite aiguë avec une
altération très profonde de l’état
général qui s’aggrave rapidement.
Le diagnostic repose sur une radiographie d’abdomen sans préparation
et un scanner abdominal retrouvant
la présence de gaz dans les voies
biliaires. La lithiase n’est présente
que dans 50 % des cas. Les germes
responsables sont des bactéries anaérobies (Clostridium welchii ou Clostridium perfringens) ou des bactéries
aérobies (Escherichia coli).
Le diagnostic repose sur une radiographie d’abdomen sans préparation
et un scanner abdominal retrouvant
la présence de gaz dans les cavités
rénales. E. coli est le germe le plus
souvent en cause.
Elle peut se compliquer de nécrose
papillaire ou de destruction infectieuse du rein.
Le traitement consiste en :
✓ une hydratation importante ;
✓ une antibiothérapie par voie paren-
térale adaptée à l’antibiogramme ;
et, le plus souvent, une intervention chirurgicale recherchant une
obstruction sur les voies urinaires,
mais qui est susceptible de se terminer par une néphrectomie.
✓
Le traitement consiste en :
✓ une cholécystectomie en urgence ;
✓ associée à une antibiothérapie par
voie parentérale adaptée (Augmentin® i.v. 3 g/j).
Il empêchera l’évolution vers l’ischémie et la nécrose de la vésicule
biliaire, avec ses conséquences de
péritonite gravissime.
La pyélonéphrite aiguë
emphysémateuse
La pyélonéphrite aiguë emphysémateuse est une infection survenant
essentiellement chez le diabétique.
Le tableau est celui d’une pyélonéphrite aiguë, incluant douleurs lombaires, altération de l’état général et
hyperpyrexie, et dont l’évolution
n’est pas favorable sous traitement
antibiotique au bout de 48 heures.
Conclusion
La connaissance de ces urgences
infectieuses du diabétique et leur
prise en charge multidisciplinaire
rapide doit en améliorer le pronostic. Cette action coordonnée doit
associer le diabétologue qui prend
en charge l’équilibre du diabète de
façon rigoureuse et les spécialistes
concernés.
La prévention repose sur l’équilibre
rigoureux de la maladie diabétique.
Référence
• Joshi N, Caputo GM, Weitekamp MR, Karchmer AW. Infections in patients with diabetes mellitus. N Engl J Med 1999;341(25):1906-12.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
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