Urgences infectieuses chez le diabétique - Infections

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Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
Urgences
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
en endocrinologie, diabétologie
et maladies métaboliques
Urgences infectieuses chez le diabétique
Infections emergencies in diabetic patients
G. Ozenne*
L
a grande susceptibilité des dia-
bétiques aux infections est
bien connue. Elle concerne
aussi bien les diabétiques de type I
que ceux de type II. Le risque infec-
tieux est d’autant plus grand que le
diabète est déséquilibré, négligé ou
méconnu.
Certaines infections aiguës survien-
nent exclusivement chez les patients
diabétiques. D’autres ont, sur ce
terrain, une évolution plus sévère et
un risque plus élevé de compli-
cations. Leur évolution défavorable,
en l’absence d’une prise en charge
rapide et adaptée, met en jeu le pro-
nostic vital ou fonctionnel. Ce
risque rend nécessaire une bonne
connaissance de ces infections, tant
par les praticiens qui prennent ini-
tialement en charge ces patients que
par les spécialistes concernés : ORL,
chirurgiens, diabétologues.
Ces infections sont responsables
d’un important déséquilibre du dia-
bète. En conséquence, la situation
nécessitera le plus souvent la mise
en route d’une insulinothérapie par
voie veineuse ou, à défaut, l’injec-
tion discontinue d’insuline si la voie
veineuse est impossible ou dange-
reuse.
Quatre urgences infectieuses aiguës
atteignent plus spécifiquement les
diabétiques. Il s’agit :
des infections des tissus sous-
cutanés à anaérobies ;
de l’otite maligne externe ;
de la cholécystite aiguë emphysé-
mateuse ;
de la pyélonéphrite aiguë emphy-
sémateuse.
Les infections
à anaérobies des tissus
sous-cutanés
sont fréquentes
Elles sont favorisées par la présence
d’une neuropathie périphérique
(insensibilité aux blessures) et d’une
hygiène défectueuse.
Le diagnostic doit être évoqué
devant :
une plaie du pied ou de la main,
d’allure nécrotique et malodorante ;
associée à une altération profonde
de l’état général ;
avec hyperthermie à 39 °C ou 40 °C.
Une crépitation peut être notée à la
palpation.
La présence de gaz est révélée par la
mise en évidence de bulles d’air sur
la radio des pieds, de la jambe ou
de la main. Il est recommandé de
commencer à lire les radios en exa-
minant attentivement les tissus
mous en regard de la plaie, avant de
s’intéresser au squelette osseux.
L’infection des tissus sous-cutanés à
anaérobies nécessite la mise en
route rapide d’une antibiothérapie
par voie parentérale contre les
germes anaérobies (Augmentin®i.v.
3g/24 h ou Flagyl®i.v. 2 x 500 mg).
L’évolution du syndrome inflam-
matoire, clinique et biologique,
permettra de décider, en cas d’évo-
lution défavorable, de faire appel au
chirurgien pour débridement, voire
amputation, d’un doigt ou d’un
membre, seule manière d’éviter
l’évolution septique fatale.
L’otite “maligne” externe
C’est une affection du conduit auditif
externe avec ostéomyélite de la base
du crâne.
Elle débute par une infection des
tissus mous du conduit auditif
externe qui s’étend ensuite au carti-
lage et à l’os. En l’absence de trai-
tement, l’infection se propage dans
le compartiment intracrânien.
Le diagnostic doit être évoqué devant :
une pathologie du conduit auditif
externe traînante, avec otalgie et
otorrhée verdâtre ;
l’examen clinique retrouve un
conduit auditif externe rétréci par
l’inflammation, avec un bourgeon
granulomateux.
La notion d’un diabète ou d’un terrain
fragilisé doit faire demander
une
consultation ORL spécialisée en
urgence
afin que soient pratiqués :
un prélèvement bactériologique,
qui retrouvera dans 80 % des cas un
pyocyanique ;
un bilan sanguin incluant HbA1c,
NFS, VS et CRP ;
une tomodensitométrie de la base
du crâne pour détecter précocement
une érosion osseuse.
Le traitement consiste en :
un débridement des tissus nécro-
tiques et infectés ;
l’instillation de gouttes auriculaires
(Oflocet®gouttes auriculaires) ;
* Service d’endocrinologie, diabète et maladies
métaboliques, CHU de Rouen.
Métabolismes Hormones Diabètes et Nutrition (IX), n° 5, septembre/octobre 2005
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Deuxième partie : urgences métaboliques
une antibiothérapie par fluoroqui-
nolone, par voie systémique ou
orale. Elle sera maintenue pendant
4semaines au stade précoce de
cellulite du conduit auditif externe.
Au stade d’otite externe avec
atteinte osseuse, le traitement
consistera en une bithérapie par
voie parentérale associant cefta-
zidine (Fortum®) ou ticarcilline
(Ticarpen®) à une fluoroquinolone
(Ciflox®) pendant 8 à 10 jours sui-
vant l’évolution. Ce traitement sera
suivi par une monothérapie per os
par fluoroquinolone pendant 6 à
8semaines.
Une surveillance étroite associant
l’ORL et le diabétologue en vue
d’obtenir le meilleur équilibre pos-
sible du diabète est le garant d’une
évolution favorable. En cas de prise
en charge tardive, l’évolution sera
défavorable vers la constitution
d’abcès cérébraux, de thrombophlé-
bites cérébrales et, in fine, le décès
du patient.
La cholécystite aiguë
emphysémateuse
La cholécystite aiguë emphyséma-
teuse ou gangréneuse est l’infection
abdominale associée de façon
caractéristique au diabète. Elle se
grève d’un taux de mortalité très
élevé, de l’ordre de 50 %.
Le tableau clinique réalisé est celui
d’une cholécystite aiguë avec une
altération très profonde de l’état
général qui s’aggrave rapidement.
Le diagnostic repose sur une radio-
graphie d’abdomen sans préparation
et un scanner abdominal retrouvant
la présence de gaz dans les voies
biliaires. La lithiase n’est présente
que dans 50 % des cas. Les germes
responsables sont des bactéries anaé-
robies (
Clostridium welchii
ou
Clostri-
dium perfringens
) ou des bactéries
aérobies
(Escherichia coli)
.
Le traitement consiste en :
une cholécystectomie en urgence ;
associée à une antibiothérapie par
voie parentérale adaptée (Augmen-
tin®i.v. 3 g/j).
Il empêchera l’évolution vers l’is-
chémie et la nécrose de la vésicule
biliaire, avec ses conséquences de
péritonite gravissime.
La pyélonéphrite aiguë
emphysémateuse
La pyélonéphrite aiguë emphysé-
mateuse est une infection survenant
essentiellement chez le diabétique.
Le tableau est celui d’une pyéloné-
phrite aiguë, incluant douleurs lom-
baires, altération de l’état général et
hyperpyrexie, et dont l’évolution
n’est pas favorable sous traitement
antibiotique au bout de 48 heures.
Le diagnostic repose sur une radio-
graphie d’abdomen sans préparation
et un scanner abdominal retrouvant
la présence de gaz dans les cavités
rénales.
E. coli
est le germe le plus
souvent en cause.
Elle peut se compliquer de nécrose
papillaire ou de destruction infec-
tieuse du rein.
Le traitement consiste en :
une hydratation importante ;
une antibiothérapie par voie paren-
térale adaptée à l’antibiogramme ;
et, le plus souvent, une interven-
tion chirurgicale recherchant une
obstruction sur les voies urinaires,
mais qui est susceptible de se termi-
ner par une néphrectomie.
Conclusion
La connaissance de ces urgences
infectieuses du diabétique et leur
prise en charge multidisciplinaire
rapide doit en améliorer le pronos-
tic. Cette action coordonnée doit
associer le diabétologue qui prend
en charge l’équilibre du diabète de
façon rigoureuse et les spécialistes
concernés.
La prévention repose sur l’équilibre
rigoureux de la maladie diabétique.
Référence
Joshi N, Caputo GM, Weitekamp MR, Karch-
mer AW. Infections in patients with diabetes mel-
litus. N Engl J Med 1999;341(25):1906-12.
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