Atelier D 02 / Nouvelles recherches sur l'histoire des représentations en Extrême-Orient au début du
XXème siècle
Une identité complexe à facettes multiples ? Les acteurs coréens dans les années 1930, à travers les
figures de Sin Eun-bong reflétées dans la presse écrite / CHA Yejin / 5
dans le fait de devenir serveuse, courtisane, danseuse ou actrice. Alors, tout d’abord, dites-nous ce
que vous pensez des hommes à partir de vos expériences. »xiv La mise au point est faite.
Après l'intervention d'une courtisane qui, écartant rapidement tous facteurs possibles liés aux
hommes, appuie sa volonté d'être financièrement indépendante, l'actrice Sin Eun-bong prend la
parole pour s'opposer à l'idée que l'argent soit le moteur crucial du choix de métier. Elle souligne sa
passion pour les arts du spectacle tout en rappelant que le métier d'actrice ne remplit pas la bourse :
« […] Si celles qui comprennent quand même un peu le théâtre ne se lancent pas dans ce métier,
quelle femme oserait se plonger dans un milieu d’art comme le théâtre, où l'on se fait critiquer sans
même gagner d’argent ? »xv Devant l'actrice qui se positionne en tant qu'artiste ayant des idées en
avance pour son temps, le journaliste s'impatiente : « Oui, ça, j’ai compris, mais alors, les hommes,
qu’en pensez-vous ? »xvi L'actrice lui rétorque brièvement : « Pourquoi cette question, comme si
nous étions de jeunes adolescentes ? Les hommes sont des êtres humains : ni supérieurs ni inférieurs
aux femmes. »xvii A côté de cette réplique, une note de l'éditeur précise que Sin Eun-bong s'en retire
un instant plus tard pour une représentation au théâtre. Après son départ, la discussion se déroule
autour de sujets tels que « les clients pécuniairement généreux », « les types d'homme
convenables », « les expériences d'avoir échappé au risque de se faire violer ».
2. L'actrice – à travers ses écrits
Sin Eun-bong connut une rupture de carrière, après 6 à 7 années d'expériences au théâtre : en
1933, elle décide de changer de métier, devenant employée de bureau chez une maison de disque.
Dans l'article « Confession : ce qui m'a fait perdre mon attachement à la vie sur scène » publié à ce
moment-là, elle énonce les facteurs qui l'ont incité à quitter les planches. Le regard malveillant de la
société sur les actrices est la première chose qu'elle évoque : « Croyez-vous que les gens de cette
terre traitent les actrices comme des êtres humains ? Non, pas du tout. Pour eux, elles ne sont que de
jolies poupées. Qui pourrait dire, en outre, qu'elles ne sont pas prises pour des demi-mondaines ?
»xviii. Sur un ton à la fois furieux et frustré, elle rappelle les images fréquemment associées à celle
de l'actrice.
Or, son profond dégoût envers son métier ne semble pas découler seulement des facteurs
extérieurs. Elle met en cause le mode de production théâtrale de l'époque : « Outil de commerce
pour l'entrepreneur de troupe, pantin cherchant à plaire à de riches spectateurs oisifs, je ne pouvais
plus me retrouver moi-même. »xix En effet, à la fin des années vingt, les troupes théâtrales souffrant
d'une extrême précarité penchaient de plus en plus vers un but lucratif. Aussi, l'actrice exprime ses
sentiments éprouvés devant le public, et laisse paraître sa conscience de la façon dont elle est vue
sur scène, tout en mettant en contraste ses raisons originelles d'y monter :
« Dans une telle réalité, je ne voudrais plus devenir un objet érotique pour des publics
vulgaires et désœuvrés qui ne cherchent que la volupté. A chaque fois que je monte sur