Progrès en Urologie (1998), 8, 32-40 Prise en charge urologique de la lithiase cystinique du haut appareil urinaire. Modalités et indications Maxime ROBERT, Eric RAKOTOMALALA, Jacques GUITER, Henri NAVRATIL Service d’Urologie I, Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier, France sulfhydriles. Ces propriétés constituent la base de la prophylaxie de la lithiase cystinique mais les effets secondaires du traitement pharmacologique pénalisent régulièrement ses applications. RESUME Relativement rare, la lithiase cystinique urinaire traduit un trouble héréditaire du transport des acides aminés dibasiques et se caractérise par de fréquentes récidives. Malgré les remarquables progrès du traitement urologique de la lithiase du haut appareil urinaire, sa prise en charge demeure problématique. Les calculs de cystine sont en effet tout particulièrement résistants aux ondes de choc extracorporelles et relativement peu accessibles au laser pulsé à colorant (504 nm). A cette exception près, les techniques endo-urologiques représentent souvent la solution thérapeutique la mieux adaptée mais leur morbidité ne doit pas être négligée. Les caractéristiques physico-chimiques de cette lithiase permettent d’autre part d’envisager une dissolution par alcalinisation urinaire ou formation de composés disulfures. Parallèlement aux traitements oraux, qui constituent la base de la prévention des récidives, la dissolution peut être obtenue par perfusion directe de la voi e excrétrice urinaire. Cette approche requiert souvent une irrigation de plusieurs semaines et expose aux complications spécifiques du cathétéri sme notamment percutané. Associant essentiellement dilution et solubilisation de la cystine urinaire, la prophylaxie pose le problème des effets secondaires potentiels du traitement pharmacologique. Aisément accessible, le dépistage de la cystinurie peut être systématique ou limité aux familles concernées. L’incidence ainsi que la fréquente bénignité de la cystinurie tendent cependant à limiter son intérêt ainsi que ses indications. Malgré les remarquables progrès du traitement urologique de la lithiase du haut appareil urinaire, la prise en charge de cette variété physico-chimique demeure actuellement difficile. Les calculs de cystine sont en effet particulièrement résistants aux ondes de choc extracorporelles et quasiment inaccessibles au laser pulsé à colorant (504 nm). Sur la base d’une revue de la littérature, clinique et fondamentale, nous nous sommes intéressés à l’approche urologique moderne de la lithiase cystinique du haut appareil urinaire et notamment à sa problématique. NOTIONS FONDAMENTALES Epidémiologie La lithiase cystinique représente classiquement 1 à 2% des calculs du haut appareil urinaire mais son incidence relative peut atteindre 6 à 10% chez l’enfant. Cette affection est susceptible de se manifester à tout âge de la vie mais l’épisode lithiasique inaugural survient le plus souvent au cours de la deuxième ou de la troisième décennie. La distribution ainsi que l’expression clinique de cette pathologie relativement rare paraissent indépendantes du sexe et de la race [4, 19, 23, 27, 35, 50]. La fréquence de la cystinurie sous-jacente est difficile à évaluer précisément. L’incidence de la cystinurie hétérozygote varierait cependant de 0,2 à 1% de la population globale et la forme homozygote concernerait 1 naissance sur 12500 au Québec et 1 sur 20000 aux Etats-Unis et en Grande Bretagne [45, 47, 61, 63]. Mots clés : Lithiase urinaire, cystinurie. Progrès en Urologie (1998), 8, 32-40.. Physiopathologie La lithiase cystinique urinaire est la traduction clinique d’une anomalie héréditaire autosomale récessive du transport des acides aminés dibasiques au niveau intestinal et rénal. Relativement rare, elle se caractérise cliniquement par de fréquentes récidives. La cyst inurie correspond schématiquement à une défaillance du transfert membranaire des acides aminés dibasiques, et notamment de la cystine, au niveau de l’épithélium jéjunal ainsi que du tube contourné La solubilité urinaire de la cystine est médiocre mais susceptible d’être améliorée par la dilution et l’alcalinisation des urines ou sous l’action de divers composés Manuscrit reçu : janvier 1997, accepté : mai 1997. Adresse pour correspondance : Dr. M. Robert, Service d’Urologie I, Hôpital Lapeyronie, 371, avenue du Doyen G. Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5. 32 proximal. Cette affection se traduit ainsi par une malabsorption intestinale et un défaut de réabsorption rénale de la cystine, de l’ornithine, de la lysine et de l’arginine, ces divers aminés faisant normalement l’objet d’une réabsorption quasiment complète au décours de la filtration gloméluraire [4]. tibles de favoriser la formation de lithiases mixtes, dont l’incidence peut atteindre 50%, demeure méconnue. L’hypothèse d’une dysfonction tubulaire rénale paraît toutefois plus vraisemblable qu’un simple déséquilibre diététique [53, 57, 63]. Génétique Au niveau cellulaire, différents mécanismes de transfert membranaire actifs ou passifs sont susceptibles d’être affectés, éventuellement de façon distincte pour la cystine et les trois autres acides aminés dibasiques concernés. Les perturbations du transfert intestinal sont actuellement mieux connues que les anomalies de la réabsorption tubulaire rénale [35, 45]. La cystinurie traduit un désordre génétique complexe et relativement énigmatique. Les trois expressions phénotypiques classiquement décrites reflètent très vraisemblablement des mutations distinctes et susceptibles d’être diversement combinées. Malgré les progrès récents de la biologie moléculaire qui a permis d’identifier plusieurs protéines de membrane vectrices d’acides aminés, la nature et la localisation génomique exactes de ces anomalies demeurent incomplètement déterminées. Des mutations du gène rBAT (related b°+ + 5 aminoacid transport), localisé dans le bras court du chromosome 2, ont cependant été caractérisées en matière de cystinurie de type I [4, 26, 35, 43, 57]. Le défaut d’absorption jéjunale de la cystine, de l’ornithine, de la lysine et de l’arginine permet ainsi de distinguer trois types de cystinurie. Le transport membranaire intestinal des acides aminés dibasiques est globalement inexistant dans le type I, limité pour la cystine et nul pour la lysine dans le type II et réduit pour la cystine, la lysine ainsi que l’arginine dans le type III. D’autre part, une charge orale de cystine n’induit aucune élévation de la cystinémie dans les types I et II mais se traduit par une élévation de la cystine plasmatique et urinaire dans le type III [4, 35, 55]. Les homozygotes de types I, II et III, qui présentent une cystinurie spontanée très élevée, sont exposés à un risque majeur de lithiase urinaire. Les hétérozygotes de type II se caractérisent par une élévation potentiellement lithogène de la concentration cystinique urinaire. La cystinurie des hétérozygotes de type III n’est que très modérément augmentée et les sujets concernés ne développent pas de lithiase urinaire de même que les hétérozygotes de type I dont l’excrétion urinaire de cystine est strictement normale. Les anomalies du transfert membranaire intestinal des acides aminés dibasiques de même que la fuite urinaire de la lysine, de l’ornithine ou de l’arginine n’ont aucune traduction clinique patente mais le trouble de la réabsorption rénale de la cystine représente un facteur lithogène urinaire potentiel. Les constatations concernant notamment les hétérozygotes de types II et III sont en faveur d’une transmission autosomique incomplètement récessive de cette pathologie [4, 8, 35, 45]. Le processus lithogène reflète directement un état de sursaturation instable des urines en cystine. Les lithiases mixtes, contenant en particulier des sels calciques, sont fréquentes mais aucun phénomène de nucléation ou d’épitaxie n’a été mis en évidence [16, 48]. La sélection des sujets à risque lithogène urinaire patent, dans l’optique d’une prise en charge prophylactique, représente la vocation du dépistage et du conseil génétique en matière de cystinurie. Cette approche qui n’est pas actuellement systématique, est essentiellement basée sur la recherche néonatale d’une éventuelle aminoacidurie et la détermination du génotype des patients cystinuriques ainsi que de leurs parents. L’immaturité rénale néonatale, qui se traduit par une excrétion urinaire temporairement accrue de cystine, impose cependant une réévaluation différée des enfants précocement dépistés afin de distinguer les lithiasiques potentiels des hétérozygotes de type III qui, malgré une concentration cystinique urinaire accrue, sont indemnes de cette pathologie [28, 61]. En solution hydrique, la solubilité de la cystine est inférieure à 1200 umol/l (300 mg/l) pour un pH compris entre 5 et 7 mais augmente significativement pour un pH supérieur à 7,6. L’élévation du pH, et en particulier l’alcalinité du milieu, favorise la dissociation de la cystine en composés plus solubles. Malgré la présence de macromolécules et d’électrolytes, la solubilité urinaire de la cystine ne dépasse pas 1000 umol/l (250 mg/l) aux valeurs de pH physiologiques [4, 35, 45, 47, 48, 63]. La cystinurie, qui est normalement inférieure à 400 umol/l (100 mg/l), dépasse constamment 1600 umol/l (400 mg/l) pour les patients homozygotes et peut atteindre 1500 umol/l chez certains sujets hétérozygotes. Outre la cystinurie, le bilan métabolique des patients présentant une lithiase cystinique révèle régulièrement des anomalies potentiellement lithogènes telles qu’une hypercalciurie, une hypocitraturie ou une hyperuricurie. L’étiopathogénie de ces troubles suscep- Diagnostic A défaut d’un dépistage néonatal systématique, la cystinurie est généralement révélée par une lithiase, volontiers récidivante, du haut appareil urinaire. En l’absen33 ce d’explorations complément aires rigoureuses et notamment d’analyse méthodique des calculs, le diagnostic étiologique est régulièrement différé de plusieurs années par rapport à l’épisode lithiasique initial [13, 22]. MODALITES THERAPEUTIQUES Traitement médical La prévention du processus lithogène représente la vocation principale du traitement médical qui tend essentiellement à diminuer l’excrétion urinaire de la cystine et à favoriser sa solubilité. Les calculs de cystine sont souvent multiples, bilatéraux et volumineux voire coralliformes. Sur le plan radiographique, ils se distinguent par une opacité inférieure aux structures osseuses adjacentes ainsi qu’aux lithiases calciques, des contours émoussés en tache de bougie étant relativement caractéristiques [4, 35]. Mesures diététiques La méthionine est un précurseur de la cystéine particulièrement abondant dans les protéines animales. Un appauvrissement du régime alimentaire en méthionine peut être envisagé mais sont intérêt demeure controversé et son application stricte est fortement déconseillée pendant la période de croissance. Un apport limité aux besoins de l’organisme, de l’ordre de 1200 à 1400 mg/j chez l’adulte, doit être recommandé. La morue séchée, la viande de cheval, les écrevisses, le caviar et le parmesan sont particulièrement riches en méthionine [4, 35, 47]. L’aspect macroscopique des calculs composés de cystine pure, sphériques ou ovoïdes et de couleur jaune clair, est spécifique mais certaines lithiases, notamment mixtes, peuvent avoir une apparence plus équivoque. L’alcalinisation urinaire à visée thérapeutique favorise ainsi le dépôt d’une pellicule périphérique de phosphate de calcium susceptible de modifier la morphologie, la texture et la pigmentation lithiasiques [6, 17]. L’observation macroscopique n’est dont qu’un préambule à l’analyse du calcul qui constitue l’élément fondamental du diagnostic de la lithiase cystinique. Cet examen, basé sur des calculs intacts ou plus souvent fragmentés et idéalement réalisé par spectrophotométrie infrarouge, permet ainsi de caractériser la présence de cystine ainsi que d’éventuelles structures cristallines associée [17]. L’effet bénéfique, ponctuellement rapporté, d’une prise de glutamine sur l’excrétion urinaire de cystine a été initialement mis sur le compte d’une éventuelle action au niveau de la bordure en brosse des cellules du tube contourné proximal. Actuellement, cet effet paraît plutôt directement conditionné par l’importance de la natriurèse dont la réduction isolée peut induire une diminution significative de la cystinurie. Un régime raisonnablement appauvri en sodium pourrait ainsi contribuer favorablement à la prophylaxie de la lithiase cystinique.[4, 33, 34, 35, 46, 65]. Les cristaux urinaires de cystine, hexagonaux et souvent volumineux, sont relativement typiques. En l’absence d’élément lithiasique accessible à l’analyse, l’étude de la cristallurie, en particulier matinale, peut contribuer au diagnostic mais l’évaluation du pronostic et la surveillance évolutive constituent les principales indications de cette modalité d’investigation en matière de lithiase cystinique [17]. L’état de sursaturation des urines dépend étroitement de la diurèse dont l’augmentation permet d’améliorer sensiblement la solubilité de la cystine. La prévention du processus de cristallisation cystinique exclusivement par cette méthode impose cependant un volume d’apports hydriques et une distribution sur le nycthémère d’application souvent problématique à moyen et long termes. Des boissons abondantes( 3 à 4 litres/j) et régulièrement réparties sont ainsi régul ièrement recommandées en association avec d’autres mesures préventives et notamment une alcalinisation des urines [4, 45, 47]. La réaction de Brand au nitroprussiate de sodium représente actuellement un excellent examen de dépistage de cystinurie. Cette méthode colorimétrique purement qualitative permet ainsi de détecter la présence de cystine dans les urines au-delà d’une concentration de l’ordre de 200 à 300 umol/l (50 à 75 mg/l). Certains hétérozygotes peuvent échapper à ce test mais ces sujets ne sont a priori pas exposés au risque de lithiase urinaire. Les faux positifs sont rares et essentiellement enregistrés en cas d’homocystinurie et d’acétonurie ou sous traitement pharmacologique contenant de la cystéine [4, 45, 47]. Alcalinisation urinaire Un pH urinaire supérieur à 7,6 majore très significativement la solubilité de la cystine. Son maintien impose cependant un apport conséquent d’alcalins dont les effets secondaires potentiels ne doivent pas être méconnus. Les techniques de chromatographie des acides aminés urinaires fournissent non seulement une identification formelle mais encore une quantification très précise de l’excrétion anormale de cystine. Ce type d’exploration permet ainsi de caractériser la cystinurie et d’établir les modalités de sa prise en charge qui sont essentiellement dictées par l’abondance de la cystine dans les urines [35, 47]. Une alcalinisation massive expose ainsi à l’alcalose métabolique et aux troubles digestifs, sous la forme en particulier d’une diarrhée. Le risque de fluorose inhérent à la consommation abondante et régulière d’eau de Vichy est accru par l’insuffisance rénale [4, 47]. 34 définitives du traitement étant inférieure à 30 % [4, 10, 29, 30, 35, 40 , 45, 47, 49, 50, 52, 54, 64]. L’alcalinisation urinaire permanente favorise, notamment en présence d’une hypercalciurie, la lithogénèse phosphocalcique et donc le développement de calculs mixtes dont la prise en charge urologique peut être ponctuellement différente du traitement de la lithiase cystinique pure [45, 47]. Le captopril est un composé sulfhydryle d’introduction plus récente en matière de cystinurie. A la dose de 100 à 150 mg/j, la diminution de l’excrétion urinaire de cystine libre est significative et les manifestations intercurrentes apparemment limitées. En terme de récidive lithiasique, le captopril est cependant moins performant à cette posologie que la D-pénicillamine ou la mercaptopropionylglycine et son association à ces molécules n’améliore pas leur efficacité. Des études complémentaires sont donc indispensables pour apprécier objectivement les performances du captopril et préciser ses indications ainsi que sa posologie. L’effet bénéfique de cette drogue, dont sont dépourvus les autres inhibiteurs de l’enzyme de conversion, pose avec une acuité accrue le problème des modalités d’action exactes des composés sulfhydryles. La réduction constatée de la cystinurie paraît en effet nettement supérieure à la simple formation de complexes solubles et d’autres niveaux d’interférence avec le métabolisme de la cystine ou de la méthionine peuvent être envisagés [4, 10, 12, 14, 35, 45, 51, 66, 68]. Les conséquences potentielles de l’apport sodé sur l’excrétion urinaire de la cystine tendent à privilégier le citrate de potassium par rapport à la solution alcalinisante classique que représente le bicarbonate de sodium [4, 35]. Options pharmacologiques Le traitement pharmacologique de la cystinurie est actuellement basé sur des composés sulfhydryles aptes à induire la rupture du pont disulfure de la cystine et la formation de complexes cystéine-sulfhydryle ou disulfure mixte nettement plus solubles dans les urines que la cystine libre. Au-delà de leurs performances cliniques et biologiques, ces diverses drogues posent essentiellement le problème de leurs effets secondaires et de leur tolérance à long terme [4, 35]. La D-pénicillamine [Trolovol] représente le premier composé sulfhydryle prescrit dans cette indication. Elle expose principalement à des manifestations d’hypersensibilité aiguë, à une agueusie, à une déplétion en pyridoxine et à des complications rénales allant de la protéinurie au syndrome néphrotique. L’atteinte néphrologique traduit généralement une glomérulonéphrite extramembraneuse. Ces différents troubles concernent, selon les protocoles appliqués, 30 à 84% des patients traités. La suspension temporaire de la Dpenicillamine voire la simple réduction de sa posologie entraîne leur régression complète quasiment dans la totalité des cas. Une introduction prudente et progressive de ce traitement assortie d’une surveillance stricte et prolongée est donc particulièrement recommandée . Une posologie de l’ordre de 1 à 2 g/j permet d’obtenir une excrétion urinaire de cystine libre inférieure à 1,5 mmol/j (375 mg/j) peu propice, sous réserve d’une diurèse suffisante, à la lithogénèse cystinique urinaire. Malgré toutes les précautions et modulations thérapeutiques envisagées, plus de 60% des patients doivent cependant interrompre leur traitement à plus ou moins longue échéance [4, 13, 35, 45, 47]. Techniques urologiques Les calculs de cystine se caractérisent par une résistance notable aux ondes de choc extracorporelles ainsi que par une accessibilité potentielle à la dissolution in situ. Ces propriétés contribuent à singulariser leur prise en charge urologique par rapport aux autres lithiases, notamment calciques, du haut appareil urinaire. Chirurgie Progressivement marginalisées par le remarquable développement de l’endo-urologie et de la lithotritie extracorporelle (LEC), les techniques classiques d’extraction lithiasique posent, tout particulièrement en matière de lithiase cystinique, le problème de la complexité croissante des interventions chirurgicales itératives sur un même site. L’approche chirurgicale, qui a longtemps résumé le traitement urologique de cette pathologie, se traduisait ainsi par une incidence relativement élevée de néphrectomies totales ou partielles [22, 32, 44]. Lithotritie extracorporelle La mercaptopropionylglycine [MPG, Thi ola, Acadione] a un potentiel d’oxydoréduction et de formation de disulfure supérieur à la D-pénicillamine qui permet d’obtenir un effet thérapeutique comparable à des doses nettement plus faibles. Les effets secondaires potentiels de ces deux composés sont relativement similaires. A la posologie usuelle de 900 à 1200 mg/j, la mercaptopropionylglycine se caractérise toutefois par une toxicité nettement moindre et une meilleure tolérance à long terme, l’incidence des interruptions Face aux calculs de cystine, l’efficacité des ondes de choc élect ro-hydrauliques, él ectro-magnétiques ou piézo-électriques sont globalement médiocres mais la relative rareté de cette pathologie pénalise l’évaluation objective des performances de la LEC. En l’absence de recueil systématique et d’analyse fiable des fragments lithiasiques évacués, la fréquence élevée des calculs mixtes tend d’autre part à compliquer l’interprétation des résultats disponibles. 35 L’efficacité de la LEC est tout particulièrement remarquable chez l’enfant mais la lithiase cystique représente souvent une de ses principales causes d’échec [1, 9, 41, 73]. L’expérience clinique confirme les données théoriques et la lithiase cystinique est fréquemment rebelle aux lasers pulsés à colorant (504 nm). Une certaine photosensibilisation, basée sur la coloration du liquide d’irrigation, notamment avec une solution de rifamycine à 2%, pourrait cependant permettre d’abaisser le seuil de formation du plasma au niveau de la surface lithiasique et améliorer ainsi l’efficacité du laser. Récemment rapportées, les performances du laser pulsé holmium YAG (2100 mm) demandent à être confirmées. Cette technologie présente un potentiel de fragmentation lithiasique intéressant mais ses modalités spécifiques d’absorption tissulaire posent le problème de ses conséquences, immédiates ou différées, sur la voie excrétrice urinaire [18, 23, 24, 69]. Les publications spécifiquement consacrées à cette démarche thérapeutique sont extrêmement rares. A titre indicatif, la notion d’un taux de succès maximal de 55% de la LEC électro-hydraulique des calculs pyéliques de grand axe ≤ 20 mm peut cependant être retenue. De même pour les calculs urétéraux de mensuration maximale moyenne proche de 10 mm pris en charge avec la même technologie, une élimination complète de l’ordre de 40% après une première séance et de 80% grâce à un traitement itératif paraît vraisemblable [25, 32, 36, 37, 44]. L’extraction percutanée complète des calculs rénaux de cystine, en particulier coralliformes, est souvent difficile. L’incidence des récidives paraît principalement dictée par le niveau de maîtrise du processus lithogène sous-jacent mais l’élimination de tous les fragments résiduels demeure néanmoins un objectif urologique prioritaire. Parallèlement à une éventuelle LEC complémentaire, les caractéristiques physico-chimiques de la lithiase cystinique permettent d’envisager une solubilisation par irrigation directe des cavités pyélocalicielles [2, 36, 39, 42]. Les études in vitro confirment la remarquable résistance des calculs de cystine aux ondes de choc usuellement appliquées. L’examen morphologique, macroscopique et microscopique, des produits de la lithotritie met en évidence une fragmentation relativement grossière et régulière. Des différences structurelles peuvent être envisagées pour expliquer la variabilité de la sensibilité des différents types physico-chimiques de lithiase urinaire aux ondes de choc extracorporelles mais l’origine exacte de cette dissemblance demeure inexpliquée. En matière de lithiase cystinique, la présence d’un réseau périphérique, dense et régulier, de petits cristaux a été envisagée pour expliquer la résistance particulière de certains calculs lisses et jaunâtres par rapport à des pierres brunâtres et rugueuses essentiellement composées de volumineux cristaux organisés en blocs hexagonaux séparés par des plans de clivage, correspondant sur le plan structurel à des points faibles potentiels [6, 11, 21, 38, 71, 72]. Les composés sulfhydryles ont, in vitro, un potentiel de dissolution de la cystine nettement supérieur à l’alcalinisation isolée. Leur efficacité spontanée est quasiment comparable mais, en milieu alcalin, la N acétyl cystéine est beaucoup plus performante que la D-penicillamine ou la mercaptopropionylglycine. La pharmacocinétique de la N acétyl cystéine n’est cependant pas compatible avec un traitement de la lithiase cystinique par voie orale ou systémique [7, 57, 59, 70]. Endo-urologie Dans la perspective d’une perfusion continue de la voie excrétrice urinaire avec des solutions alcalines ou des composés sulfhydryles, éventuellement associés, l’implantation d’une sonde de néphrostomie est préférable au cathétérisme urétéral rétrograde. Cette approche a permis d’obtenir des succès thérapeutiques remarquables face à des lithiases rénales non coralliformes et des calculs urétéraux. Au-delà des complications, notamment infectieuses, du drainage prolongé de la voie excrétrice urinaire sa morbidité spécifique est assez limitée. La perfusion alcaline expose cependant au risque de développement d’un dépôt phosphatique susceptible de nuire à l’action dissolvante des composés sulfhydryles. Aucune complication métabolique notable n’a été constatée mais une réaction inflammatoire urothéliale, importante et spontanément régressive, secondaire à la perfusion directe de N acétyl cystéine a été ponctuellement rapportée. La durée du traitement en milieu hospitalier, qui fluctue entre plusieurs semaines et quelques mois, est d’autre part relativement dissuasive [3, 7, 15, 20, 31, 36, 67, 72]. Les propriétés physiques des calculs de cystine conditionnent directement leur approche endo-urologique et imposent régulièrement le recours à certaines modalités spécifiques de lithotritie endocorporelle. Les sondes à ultrasons sont ainsi remarquablement efficaces, tout particulièrement en matière de néphrolithotomie percutanée (NLPC), de même que les lithotriteurs balistiques. Le volume et la dureté lithiasiques justifient cependant souvent des traitements prolongés exposant à un risque accru de traumatisme et de perforation de la voie excrétrice urinaire [32, 36, 44, 60, 62]. Les études in vitro démontrent clairement les limites dans ce domaine des ondes de choc électro-hydrauliques et du laser pulsé à colorant (504 nm, vert coumarine). Les calculs de cystine se caractérisent en effet par une très faible absorption de l’énergie de ce type de laser par rapport aux autres lithiases urinaires, en particulier calciques [5, 74]. 36 L’irrigation directe des cavités pyélocalicielles représente donc une option potentielle de la prise en charge endo-urologique de la lithiase cystinique du haut appareil urinaire dont les modalités, et tout spécialement la composition de la solution dissolvante, ainsi que les indications demandent à être précisées par des études complémentaires. pas être négligée. Les impératifs ainsi que les performances et conséquences potentielles de la dissolution in situ tendent à préconiser de réduire ses applications à la période postopératoire immédiate [32, 36, 44, 63]. Malgré une élimination lithiasique initialement complète, l’incidence des récidives à court et moyen terme est très élevée; Une telle évolutivité pathologique témoigne directement de l’intérêt majeur d’une prise en charge complémentaire durable du processus lithogène urinaire [39]. INDICATIONS THERAPEUTIQUES Traitement curatif Traitement préventif Outre les caractéristiques lithiasiques, les indications du traitement curatif sont principalement conditionnées par les antécédents thérapeutiques et notamment le nombre ainsi que le type d’actes urologiques préalablement pratiqués. La morbidité différée des séances itératives de LEC et la difficulté prévisible de certaines reprises chirurgicales représentent souvent des paramètres déterminants. Essentiellement, voire exclusivement destinées aux sujets lithiasi ques, les mesures prophyl actiques ne sont pas univoques. Le maintien d’une diurèse élevée et d’un pH urinaire adapté est fondamental de même que le contrôle des apports alimentaires sodés et protéiques (méthionine < 1500 mg/j ou 1,5 g/j). Les recommandations diététiques, en particulier nocturnes, peuvent êt re très contraignantes dans les formes évolutives. Leurs performances sont vraisemblablement pénalisées par le manque d’assiduité des patients ainsi traités [4, 35]. La fréquence des formes mixtes, témoignant d’une lithogénèse associée indépendante ou d’origine iatrogène, impose d’autre part d’intégrer cette éventualité à tout algorithme décisionnel [63]. Les prescriptions pharmacologiques ne sont indiquées qu’en complément d’un traitement de base mal toléré ou manifestement insuffisant. Isolément, les diverses drogues disponibles paraissent en effet impropres à assurer une prévention efficace des rédicives lithiasiques. Leur posologie doit tenir compte de leurs effets secondaires potentiels ainsi que de l’évolution nycthémérale du risque lithogène. Une introduction très progressive et une dose de charge vespérale ou nocturne, correspondant schématiquement à la moitié de la prise quotidienne totale, sont classiquement recommandées [4, 35, 45]. Les calculs de cystine sont théoriquement accessibles à la dissolution par voie orale mais les perspectives de succès absolus ne dépassent pas 30 à 40% des cas. Cette approche thérapeutique, qui requiert souvent plusieurs mois de traitement alcalin ou pharmacologique, n’est pas spécialement adaptée à la prise en charge d’une lithiase symptomatique. L’élimination complète des calculs représente l’objectif optimal mais, dans ce contexte, la simple stabilisation du processus lithogène est déjà bénéfique. Actuellement, les indications de la dissolution par voie orale concernent essentiellement des calculs cliniquement imperceptibles ainsi que des fragments résiduels après LEC, NLPC voire lithotomie chirurgicale, dont les mensurations ou le retentissement sont insuffisants pour justifier d’emblée un acte urologique complémentaire [36, 40, 47, 52]. Parmi les molécules successivement introduites, les connaissances actuelles incitent à privilégier la mercaptopropionylglycine par rapport à la D-penicillamine et à réserver le captopril aux cas d’intolérance ou de résistance à ces drogues voire aux sujets qui présentent une hypertension artérielle associée à la cystinurie [10, 12]. En matière de lithiases inaccessibles à une élimination spontanée, les extractions chirurgicales classiques sont réservées à certains calculs complexes notamment coralliformes ainsi qu’aux échecs de l’endo-urologie et de la LEC. Ces différentes techniques constituent en effet les principales modalités du traitement urologique moderne de la lithiase cystinique du haut appareil urinaire. La limitation des indications des traitements par ondes de choc extracorporelles aux calculs de mensuration maximale inférieure ou égale à 15, voire 10 mm paraît raisonnable, la répétition des séances après un échec initial flagrant n’étant pas recommandée. La NLPC ou l’urétéroscopie représentent très souvent la solution thérapeutique la mieux adaptée à cette pathologie mais leur morbidité spécifique ne doit toutefois Les anomalies métaboliques potentiellement lithogènes fréquemment associées nécessitent une prise en charge complémentaire adaptée. Selon les cas, l’hyperuricurie, l’hypercalciurie ou une hypocitraturie peuvent ainsi motiver de simples conseils diététiques ou un traitement pharmacologique spécifique [35, 62]. Surveillance évolutive Sous traitement prophylactique, les patients doivent contrôler strictement le volume ainsi que le pH de leurs urines. Une diurèse supérieure à 3 l/j et régulièrement répartie sur le nycthémère est recommandée de même qu’un pH constamment supérieur à 7 voire 7,5. 37 L’alcalinisation urinaire impose un suivi cytobactériologique urinaire ainsi qu’un dosage annuel de la fluorémie en cas de consommation importante d’eau de Vichy [4, 35]. CONCLUSION A l’ère du traitement par LEC de la majorité des calculs du haut appareil urinaire, la lithiase cystinique se caractérise par une approche urologique originale. En l’absence d’élimination spontanée ou de dissolution satisfaisante, les techniques endoscopiques sont actuellement les plus performantes. L’extraction chirurgicale représente cependant parfois la meilleure solution et les potentialités de la LEC ne doivent pas être méconnues, notamment en matière de calculs de grand axe ≤ 10 mm. L’éventualité d’une lithiase mixte ou de nature différente mérite d’autre part d’être envisagée avant toute indication thérapeutique. Parallèlement au dépistage systématique des manifestations d’intolérance médicamenteuse, la surveillance du traitement pharmacologique oral repose essentiellement sur l’évaluation périodique, sur la base d’un échantillon d’urines de 24 h conservé à 4° C, du débit urinaire de cystine libre, idéalement inférieur à 1500 µmol/j (375 mg/j). L’étude de la cristallurie matinale représente un paramètre potentiel de suivi évolutif qui impose cependant une méthodologie rigoureuse. La réaction colorimétrique de Brand peut être utilisée au même titre mais la normalisation de ce test requiert une réduction de la cystinurie qui dépasse l’objectif thérapeutique usuel [35, 47]. Malgré la progression des connaissances fondamentales, la prévention des récidives lithiasiques demeure relativement problématique. Les mesures diététiques sont souvent contraignantes et mal acceptées et les effets secondaires des traitements pharmacologiques imposent fréquemment la diminution de leur posologie voire leur arrêt complet. Une modulation du programme thérapeutique, basée sur une stricte surveillance évolutive et une coopération étroite avec le patient, est recommandée. Des études complémentaires sont nécessaires dans la perspective d’une prophylaxie plus efficace et mieux tolérée. La surveillance iconographique associe actuellement clichés radiographiques de l’ASP et échographies de l’appareil urinaire. La périodicité de ces examens dépend directement du potentiel évolutif de la pathologie lithiasique cystinique. L’analyse de leurs résultats doit tenir compte de l’éventualité d’une lithiase urinaire mixte voire de nature complètement différente [4, 62]. Dépistage de la cystinurie REFERENCES La grande variabilité des modalités du dépistage de la cystinurie pose le problème de son intérêt pratique et de ses indications éventuelles. L’expression clinique de cette affection relativement rare se limite en effet à la formation, dans une minorité de cas, de calculs de l’appareil urinaire, volontiers itératifs. Malgré des excrétions remarquablement élevées de cystine dans les urines, bon nombre de sujets, homozygotes ou hétérozygotes, demeurent durablement indemnes de toute pathologie lithiasique. Les évolutions péjoratives vers l’insuffisance rénale et la transplantation sont actuellement exceptionnelles [4, 35]. 1. ABARA E., MERGUERIAN P.A., Mc LORIE G.A., PSIHRAMIS K.E., JEWETT M.A.S., CHURCHILL B.M. Lithostar extracorporeal shock wave lithotripsy in children. J. Urol., 1990, 144, 489-491. 2. ASSIMOS D.G., WRENN J.J., HARRISON L.H., Mc CULLOUGH D.L., BOYCE W.H., TAYLOR C.L., ZAGORIA R.J., DYER R.B. 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The management of these stones remains problematical despite the remarkable progress in the urological treatment of upper urinary tract stones. Cystine stones are particularly refractory to extracorporeal shock waves and relatively inacces sible to dye pulsed laser (504 nm). Apart from this exception, endourological techniques often represent the most appropriate therapeutic solution, but they are associated with significant morbidity. The physicochemical characteristics of these stones also allow dissolution by urinary alkalinization or the formation of disulfide compounds. In parallel with oral treatments, which constitute the basis of prevention of recurrence, dissolution can be obtained by direct perfusion of the urinary tract. This approach often requires irrigation for several weeks with a risk of the specific complications of catheterization, especially per cutaneous catheterization. Prophylaxis, essentially consisting of dilution and dissolution of urinary cystine, raises the problem of the potential adverse effects of drug treatment. Cystinuria is easily detectable and can be investigated either systematically or only in the families concerned. However, the incidence as well as the frequently benign nature of cystinuria tend to limit its value and its indications. 57. SAKHAEE K., POINDEXTER J.R., PAK C.Y.C. The spectrum of metabolic abnormalities in patients with cystine nephrolithiasis. J. Urol., 1989, 141, 819-821. 58. SALTZMAN N., GITTES R.F. Chemolysis of cystine calculi. J. Urol., 1986, 136, 846-849. 59. SCHMELLER N.T., KERSTING H., SCHULLER J., CHAUSSY C., SCHMIEDT E. Combination of chemolysis and shock wave lithotripsy in the treatment of cystine renal calculi. J. Urol., 1984, 131, 434-438. 60. SCHULZE H., HAUPT G., PIERGIOVANNI M., WISARD M., Von NIEDERHAUSERN W., SENGE T. The Swiss Lithoclast: A new device for endoscopic stone disentegration. J. 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