Prise en charge urologique de la lithiase cystinique du

Progrès en Urologie (1998), 8, 32-40
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Prise en charge urologique de la lithiase cystinique
du haut appareil urinaire. Modalités et indications
Maxime ROBERT, Eric RAKOTOMALALA, Jacques GUITER, Henri NAVRATIL
Service d’Urologie I, Hôpital Lapeyronie, CHU de Montpellier, France
RESUME
Relativement rare, la lithiase cystinique urinaire
traduit un trouble héréditaire du transport des
acides aminés dibasiques et se caractérise par de
fréquentes récidives. Malgré les remarquables pro-
grès du traitement urologique de la lithiase du haut
appareil urinaire, sa prise en charge demeure pro-
blématique. Les calculs de cystine sont en effet tout
particulièrement résistants aux ondes de choc extra-
corporelles et relativement peu accessibles au laser
pulsé à colorant (504 nm). A cette exception près, les
techniques endo-urologiques représentent souvent
la solution thérapeutique la mieux adaptée mais
leur morbidité ne doit pas être négligée. Les carac-
téristiques physico-chimiques de cette lithiase per-
mettent d’autre part d’envisager une dissolution
par alcalinisation urinaire ou formation de compo-
sés disulfures. Parallèlement aux traitements oraux,
qui constituent la base de la prévention des réci-
dives, la dissolution peut être obtenue par perfusion
d i recte de la voie excrétrice urinaire . C e t t e
approche requiert souvent une irrigation de plu-
sieurs semaines et expose aux complications spéci-
fiques du cattérisme notamment perc u t a n é .
Associant essentiellement dilution et solubilisation
de la cystine urinaire, la prophylaxie pose le problè-
me des effets secondaires potentiels du traitement
pharmacologique. Aisément accessible, le dépistage
de la cystinurie peut être systématique ou limité aux
familles concernées. L’incidence ainsi que la fré-
quente bénignité de la cystinurie tendent cependant
à limiter son intérêt ainsi que ses indications.
Mots clés : Lithiase urinaire, cystinurie.
Progrès en Urologie (1998), 8, 32-40..
La lithiase cystinique urinaire est la traduction clinique
d’une anomalie héréditaire autosomale récessive du
transport des acides aminés dibasiques au niveau intes-
tinal et rénal. Relativement rare, elle se caractérise cli-
niquement par de fréquentes récidives.
La solubilité urinaire de la cystine est médiocre mais
susceptible d’être améliorée par la dilution et l’alcalini-
sation des urines ou sous l’action de divers composés
sulfhydriles. Ces propriétés constituent la base de la
prophylaxie de la lithiase cystinique mais les effets
secondaires du traitement pharmacologique pénalisent
régulièrement ses applications.
Malgré les remarquables progrès du traitement urolo-
gique de la lithiase du haut appareil urinaire, la prise en
c h a rge de cette varié physico-chimique demeure
actuellement difficile. Les calculs de cystine sont en
effet particulièrement résistants aux ondes de choc
extracorporelles et quasiment inaccessibles au laser
pulsé à colorant (504 nm).
Sur la base d’une revue de la littérature, clinique et fon-
damentale, nous nous sommes intéressés à l’approche
urologique moderne de la lithiase cystinique du haut
appareil urinaire et notamment à sa problématique.
NOTIONS FONDAMENTALES
Epidémiologie
La lithiase cystinique représente classiquement 1 à 2%
des calculs du haut appareil urinaire mais son incidence
relative peut atteindre 6 à 10% chez l’enfant. Cette
affection est susceptible de se manifester à tout âge de
la vie mais l’épisode lithiasique inaugural survient le
plus souvent au cours de la deuxième ou de la troisième
décennie. La distribution ainsi que l’expression clinique
de cette pathologie relativement rare paraissent indé-
pendantes du sexe et de la race [4, 19, 23, 27, 35, 50].
La fréquence de la cystinurie sous-jacente est difficile à
évaluer précisément. L’incidence de la cystinurie hété-
rozygote varierait cependant de 0,2 à 1% de la popula-
tion globale et la forme homozygote concernerait 1
naissance sur 12500 au Québec et 1 sur 20000 aux
Etats-Unis et en Grande Bretagne [45, 47, 61, 63].
Physiopathologie
La cystinurie correspond schématiquement à une
défaillance du transfert membranaire des acides ami-
nés dibasiques, et notamment de la cystine, au niveau
de l’épithélium jéjunal ainsi que du tube contourné
Manuscrit reçu : janvier 1997, accepté : mai 1997.
Adresse pour correspondance : Dr. M. Robert, Service d’Urologie I, Hôpital
Lapeyronie, 371, avenue du Doyen G.Giraud, 34295 Montpellier Cedex 5.
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proximal. Cette affection se traduit ainsi par une
malabsorption intestinale et un défaut de réabsorption
rénale de la cystine, de l’ornithine, de la lysine et de
l’arginine, ces divers aminés faisant normalement l’ob-
jet d’une réabsorption quasiment complète au décours
de la filtration gloméluraire [4].
Au niveau cellulaire, différents mécanismes de trans-
fert membranaire actifs ou passifs sont susceptibles
d’être affectés, éventuellement de façon distincte pour
la cystine et les trois autres acides aminés dibasiques
concernés. Les perturbations du transfert intestinal sont
actuellement mieux connues que les anomalies de la
réabsorption tubulaire rénale [35, 45].
Le défaut d’absorption jéjunale de la cystine, de l’or-
nithine, de la lysine et de l’arginine permet ainsi de dis-
tinguer trois types de cystinurie. Le transport membra-
naire intestinal des acides aminés dibasiques est glo-
balement inexistant dans le type I, limité pour la cys-
tine et nul pour la lysine dans le type II et réduit pour
la cystine, la lysine ainsi que l’arginine dans le type III.
D’autre part, une charge orale de cystine n’induit aucu-
ne élévation de la cystinémie dans les types I et II mais
se traduit par une élévation de la cystine plasmatique
et urinaire dans le type III [4, 35, 55].
Les anomalies du transfert membranaire intestinal des
acides aminés dibasiques de même que la fuite urinai-
re de la lysine, de l’ornithine ou de l’arginine n’ont
aucune traduction clinique patente mais le trouble de la
réabsorption rénale de la cystine représente un facteur
lithogène urinaire potentiel.
Le processus lithogène refte directement un état de sur-
saturation instable des urines en cystine. Les lithiases
mixtes, contenant en particulier des sels calciques, sont
fréquentes mais aucun phénomène de nucation ou
d’épitaxie n’a été mis en évidence [16, 48].
En solution hydrique, la solubilité de la cystine est infé-
rieure à 1200 umol/l (300 mg/l) pour un pH compris
entre 5 et 7 mais augmente significativement pour un pH
supérieur à 7,6. Lélévation du pH, et en particulier l’al-
calinité du milieu, favorise la dissociation de la cystine
en compos plus solubles. Malgré la présence de macro-
mocules et délectrolytes, la solubilité urinaire de la
cystine ne passe pas 1000 umol/l (250 mg/l) aux
valeurs de pH physiologiques [4, 35, 45, 47, 48, 63].
La cystinurie, qui est normalement inférieure à 400 umol/l
(100 mg/l), passe constamment 1600 umol/l (400 mg/l)
pour les patients homozygotes et peut atteindre 1500
umol/l chez certains sujets rozygotes.
Outre la cystinurie, le bilan métabolique des patients
présentant une lithiase cystinique révèle régulièrement
des anomalies potentiellement lithogènes telles
qu’une hypercalciurie, une hypocitraturie ou une
hyperuricurie. L’étiopathogénie de ces troubles suscep-
tibles de favoriser la formation de lithiases mixtes, dont
l’incidence peut atteindre 50%, demeure méconnue.
L’hypothèse d’une dysfonction tubulaire rénale paraît
toutefois plus vraisemblable qu’un simple déséquilibre
diététique [53, 57, 63].
Génétique
La cystinurie traduit un désordre génétique complexe
et relativement énigmatique. Les trois expressions phé-
notypiques classiquement décrites reflètent très vrai-
semblablement des mutations distinctes et susceptibles
d’être diversement combinées. Malgré les progrès
récents de la biologie moléculaire qui a permis d’iden-
tifier plusieurs protéines de membrane vectrices
d’acides aminés, la nature et la localisation génomique
exactes de ces anomalies demeurent incomplètement
déterminées. Des mutations du gène rBAT (related b°+
+ 5 aminoacid transport), localisé dans le bras court du
chromosome 2, ont cependant été caractérisées en
matière de cystinurie de type I [4, 26, 35, 43, 57].
Les homozygotes de types I, II et III, qui présentent
une cystinurie spontanée très élevée, sont exposés à un
risque majeur de lithiase urinaire. Les hétérozygotes de
type II se caractérisent par une élévation potentielle-
ment lithogène de la concentration cystinique urinai-
re. La cystinurie des hétérozygotes de type III n’est que
très modérément augmentée et les sujets concernés ne
développent pas de lithiase urinaire de même que les
hétérozygotes de type I dont l’excrétion urinaire de
cystine est strictement normale.
Les constatations concernant notamment les hétérozy-
gotes de types II et III sont en faveur d’une transmis-
sion autosomique incomplètement récessive de cette
pathologie [4, 8, 35, 45].
La sélection des sujets à risque lithogène urinaire
patent, dans l’optique d’une prise en charge prophylac-
tique, représente la vocation du dépistage et du conseil
génétique en matière de cystinurie. Cette approche qui
n’est pas actuellement systématique, est essentielle-
ment basée sur la recherche néonatale d’une éventuel-
le aminoacidurie et la détermination du génotype des
patients cystinuriques ainsi que de leurs parents.
L’immaturité rénale néonatale, qui se traduit par une
excrétion urinaire temporairement accrue de cystine,
impose cependant une réévaluation différée des
enfants précocement dépistés afin de distinguer les
lithiasiques potentiels des hétérozygotes de type III
qui, malgré une concentration cystinique urinaire
accrue, sont indemnes de cette pathologie [28, 61].
Diagnostic
A défaut d’un dépistage néonatal systématique, la cys-
tinurie est généralement révélée par une lithiase, volon-
tiers récidivante, du haut appareil urinaire. En l’absen-
ce d’explorations compmentaires rigoureuses et
notamment d’analyse méthodique des calculs, le dia-
gnostic étiologique est régulièrement différé de plu-
sieurs années par rapport à l’épisode lithiasique initial
[13, 22].
Les calculs de cystine sont souvent multiples, bilaté-
raux et volumineux voire coralliformes. Sur le plan
radiographique, ils se distinguent par une opacité infé-
rieure aux structures osseuses adjacentes ainsi qu’aux
lithiases calciques, des contours émoussés en tache de
bougie étant relativement caractéristiques [4, 35].
L’aspect macroscopique des calculs composés de cysti-
ne pure, sphériques ou ovoïdes et de couleur jaune
clair, est spécifique mais certaines lithiases, notamment
mixtes, peuvent avoir une apparence plus équivoque.
L’alcalinisation urinaire à visée thérapeutique favorise
ainsi le dépôt d’une pellicule périphérique de phospha-
te de calcium susceptible de modifier la morphologie,
la texture et la pigmentation lithiasiques [6, 17].
L’observation macroscopique n’est dont qu’un préam-
bule à l’analyse du calcul qui constitue l’élément fon-
damental du diagnostic de la lithiase cystinique. Cet
examen, basé sur des calculs intacts ou plus souvent
fragmentés et idéalement réalisé par spectrophotomé-
trie infrarouge, permet ainsi de caractériser la présence
de cystine ainsi que d’éventuelles structures cristallines
associée [17].
Les cristaux urinaires de cystine, hexagonaux et sou-
vent volumineux, sont relativement typiques. En l’ab-
sence d’élément lithiasique accessible à l’analyse,
l’étude de la cristallurie, en particulier matinale, peut
contribuer au diagnostic mais l’évaluation du pronostic
et la surveillance évolutive constituent les principales
indications de cette modalité d’investigation en matiè-
re de lithiase cystinique [17].
La réaction de Brand au nitroprussiate de sodium repré-
sente actuellement un excellent examen de pistage de
cystinurie. Cette thode coloritrique purement qua-
litative permet ainsi de tecter la présence de cystine
dans les urines au-delà d’une concentration de lordre de
200 à 300 umol/l (50 à 75 mg/l). Certains térozygotes
peuvent échapper à ce test mais ces sujets ne sont a prio-
ri pas expos au risque de lithiase urinaire. Les faux
positifs sont rares et essentiellement enregistrés en cas
d’homocystinurie et dacétonurie ou sous traitement
pharmacologique contenant de la cystéine [4, 45, 47].
Les techniques de chromatographie des acides aminés
urinaires fournissent non seulement une identification
formelle mais encore une quantification très précise de
l’excrétion anormale de cystine. Ce type d’exploration
permet ainsi de caractériser la cystinurie et d’établir les
modalités de sa prise en charge qui sont essentielle-
ment dictées par l’abondance de la cystine dans les
urines [35, 47].
MODALITES THERAPEUTIQUES
Traitement médical
La prévention du processus lithogène représente la
vocation principale du traitement médical qui tend
essentiellement à diminuer l’excrétion urinaire de la
cystine et à favoriser sa solubilité.
Mesures diététiques
La thionine est un précurseur de la cysine particu-
lrement abondant dans les proines animales. Un
appauvrissement du régime alimentaire en méthionine
peut être envisagé mais sont intérêt demeure controver
et son application stricte est fortement déconseillée pen-
dant la riode de croissance. Un apport limité aux
besoins de lorganisme, de l’ordre de 1200 à 1400 mg/j
chez ladulte, doit être recommandé. La morue chée, l a
viande de cheval, les écrevisses, le caviar et le parmesan
sont particulièrement riches en thionine [4, 35, 47].
L’effet bénéfique, ponctuellement rapporté, d’une prise
de glutamine sur l’excrétion urinaire de cystine a été
initialement mis sur le compte d’une éventuelle action
au niveau de la bordure en brosse des cellules du tube
contourné proximal. Actuellement, cet effet paraît
plutôt directement conditionné par l’importance de la
natriurèse dont la réduction isolée peut induire une
diminution significative de la cystinurie. Un régime
raisonnablement appauvri en sodium pourrait ainsi
contribuer favorablement à la prophylaxie de la lithia-
se cystinique.[4, 33, 34, 35, 46, 65].
L’état de sursaturation des urines dépend étroitement
de la diurèse dont l’augmentation permet d’améliorer
sensiblement la solubilité de la cystine. La prévention
du processus de cristallisation cystinique exclusive-
ment par cette méthode impose cependant un volume
d’apports hydriques et une distribution sur le nycthé-
mère d’application souvent problématique à moyen et
long termes. Des boissons abondantes( 3 à 4 litres/j) et
régulièrement réparties sont ainsi régulrement
recommandées en association avec d’autres mesures
préventives et notamment une alcalinisation des urines
[4, 45, 47].
Alcalinisation urinaire
Un pH urinaire supérieur à 7,6 majore très significati-
vement la solubilité de la cystine. Son maintien impo-
se cependant un apport conséquent d’alcalins dont les
e ffets secondaires potentiels ne doivent pas être
méconnus.
Une alcalinisation massive expose ainsi à l’alcalose
métabolique et aux troubles digestifs, sous la forme en
particulier d’une diarrhée. Le risque de fluorose inhé-
rent à la consommation abondante et régulière d’eau de
Vichy est accru par l’insuffisance rénale [4, 47].
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L’alcalinisation urinaire permanente favorise, notam-
ment en présence d’une hypercalciurie, la lithogénèse
phosphocalcique et donc le développement de calculs
mixtes dont la prise en charge urologique peut être
ponctuellement dif
férente du traitement de la lithiase
cystinique pure [45, 47].
Les conséquences potentielles de l’apport sodé sur
l’excrétion urinaire de la cystine tendent à privilégier
le citrate de potassium par rapport à la solution alcali-
nisante classique que représente le bicarbonate de
sodium [4, 35].
Options pharmacologiques
Le traitement pharmacologique de la cystinurie est
actuellement basé sur des composés sulfhydryles aptes
à induire la rupture du pont disulfure de la cystine et la
formation de complexes cystéine-sulfhydryle ou disul-
fure mixte nettement plus solubles dans les urines que
la cystine libre. Au-delà de leurs performances cli-
niques et biologiques, ces diverses drogues posent
essentiellement le problème de leurs effets secondaires
et de leur tolérance à long terme [4, 35].
La D-pénicillamine [Trolovol] représente le premier
composé sulfhydryle prescrit dans cette indication.
Elle expose principalement à des manifestations d’hy-
persensibilité aiguë, à une agueusie, à une déplétion en
pyridoxine et à des complications rénales allant de la
proinurie au syndrome néphrotique. L’ a t t e i n t e
néphrologique traduit généralement une glomérulo-
néphrite extramembraneuse. Ces différents troubles
concernent, selon les protocoles appliqués, 30 à 84%
des patients traités. La suspension temporaire de la D-
penicillamine voire la simple réduction de sa posologie
entraîne leur régression complète quasiment dans la
totalité des cas. Une introduction prudente et progres-
sive de ce traitement assortie d’une surveillance stricte
et prolongée est donc particulièrement recommandée .
Une posologie de l’ordre de 1 à 2 g/j permet d’obtenir
une excrétion urinaire de cystine libre inférieure à 1,5
mmol/j (375 mg/j) peu propice, sous réserve d’une diu-
rèse suffisante, à la lithogénèse cystinique urinaire.
Malgré toutes les précautions et modulations thérapeu-
tiques envisagées, plus de 60% des patients doivent
cependant interrompre leur traitement à plus ou moins
longue échéance [4, 13, 35, 45, 47].
La mercaptopropionylglycine [MPG, Thiola,
Acadione] a un potentiel d’oxydoréduction et de for-
mation de disulfure supérieur à la D-pénicillamine qui
permet d’obtenir un effet thérapeutique comparable à
des doses nettement plus faibles. Les effets secondaires
potentiels de ces deux composés sont relativement
similaires. A la posologie usuelle de 900 à 1200 mg/j,
la mercaptopropionylglycine se caractérise toutefois
par une toxicité nettement moindre et une meilleure
tolérance à long terme, l’incidence des interruptions
définitives du traitement étant inférieure à 30 % [4, 10,
29, 30, 35, 40 , 45, 47, 49, 50, 52, 54, 64].
Le captopril est un composé sulfhydryle d’introduction
plus récente en matière de cystinurie. A la dose de 100
à 150 mg/j, la diminution de l’excrétion urinaire de
cystine libre est significative et les manifestations
intercurrentes apparemment limitées. En terme de réci-
dive lithiasique, le captopril est cependant moins per-
formant à cette posologie que la D-pénicillamine ou la
mercaptopropionylglycine et son association à ces
molécules n’améliore pas leur efficacité. Des études
complémentaires sont donc indispensables pour appré-
cier objectivement les performances du captopril et
préciser ses indications ainsi que sa posologie. L’effet
bénéfique de cette drogue, dont sont dépourvus les
autres inhibiteurs de l’enzyme de conversion, pose
avec une acuité accrue le problème des modalités d’ac-
tion exactes des composés sulfhydryles. La réduction
constatée de la cystinurie paraît en effet nettement
supérieure à la simple formation de complexes solubles
et d’autres niveaux d’interférence avec le métabolisme
de la cystine ou de la méthionine peuvent être envisa-
gés [4, 10, 12, 14, 35, 45, 51, 66, 68].
Techniques urologiques
Les calculs de cystine se caractérisent par une résistan-
ce notable aux ondes de choc extracorporelles ainsi que
par une accessibilité potentielle à la dissolution in situ.
Ces propriétés contribuent à singulariser leur prise en
charge urologique par rapport aux autres lithiases,
notamment calciques, du haut appareil urinaire.
Chirurgie
Progressivement marginalisées par le remarquable
développement de l’endo-urologie et de la lithotritie
extracorporelle (LEC), les techniques classiques d’ex-
traction lithiasique posent, tout particulièrement en
matière de lithiase cystinique, le problème de la com-
plexité croissante des interventions chirurgicales itéra-
tives sur un même site. L’approche chirurgicale, qui a
longtemps résumé le traitement urologique de cette
pathologie, se traduisait ainsi par une incidence relati-
vement élevée de néphrectomies totales ou partielles
[22, 32, 44].
Lithotritie extracorporelle
Face aux calculs de cystine, l’efficacité des ondes de
choc électro-hydrauliques, électro-magnétiques ou
piézo-électriques sont globalement médiocres mais la
relative rareté de cette pathologie pénalise l’évaluation
objective des performances de la LEC.
En l’absence de recueil systématique et d’analyse
fiable des fragments lithiasiques évacués, la fréquence
élevée des calculs mixtes tend d’autre part à compli-
quer l’interprétation des résultats disponibles.
35
L’efficacité de la LEC est tout particulièrement remar-
quable chez l’enfant mais la lithiase cystique représen-
te souvent une de ses principales causes d’échec [1, 9,
41, 73].
Les publications spécifiquement consacrées à cette
démarche thérapeutique sont extrêmement rares. A
titre indicatif, la notion d’un taux de succès maximal de
55% de la LEC électro-hydraulique des calculs pyé-
liques de grand axe 20 mm peut cependant être rete-
nue. De même pour les calculs urétéraux de mensura-
tion maximale moyenne proche de 10 mm pris en char-
ge avec la même technologie, une élimination complè-
te de l’ordre de 40% après une première séance et de
80% grâce à un traitement itératif paraît vraisemblable
[25, 32, 36, 37, 44].
Les études in vitro confirment la remarquable résis-
tance des calculs de cystine aux ondes de choc usuelle-
ment appliquées. L’examen morphologique, macrosco-
pique et microscopique, des produits de la lithotritie
met en évidence une fragmentation relativement gros-
sière et régulière. Des différences structurelles peuvent
être envisagées pour expliquer la variabilité de la sensi-
bilité des différents types physico-chimiques de lithia-
se urinaire aux ondes de choc extracorporelles mais
l’origine exacte de cette dissemblance demeure inexpli-
quée. En matière de lithiase cystinique, la présence
d’un réseau périphérique, dense et régulier, de petits
cristaux a été envisagée pour expliquer la résistance
particulière de certains calculs lisses et jaunâtres par
rapport à des pierres brunâtres et rugueuses essentielle-
ment composées de volumineux cristaux organisés en
blocs hexagonaux séparés par des plans de clivage, cor-
respondant sur le plan structurel à des points faibles
potentiels [6, 11, 21, 38, 71, 72].
Endo-urologie
Les propriétés physiques des calculs de cystine condi-
tionnent directement leur approche endo-urologique et
imposent régulièrement le recours à certaines modalités
spécifiques de lithotritie endocorporelle.
Les sondes à ultrasons sont ainsi remarquablement effi-
caces, tout particulièrement en matière de néphrolitho-
tomie percutanée (NLPC), de même que les lithotri-
teurs balistiques. Le volume et la dureté lithiasiques
justifient cependant souvent des traitements prolongés
exposant à un risque accru de traumatisme et de perfo-
ration de la voie excrétrice urinaire [32, 36, 44, 60, 62].
Les études in vitro démontrent clairement les limites
dans ce domaine des ondes de choc électro-hydrau-
liques et du laser pulsé à colorant (504 nm, vert cou-
marine). Les calculs de cystine se caractérisent en effet
par une très faible absorption de l’énergie de ce type de
laser par rapport aux autres lithiases urinaires, en parti-
culier calciques [5, 74].
L’expérience clinique confirme les données théoriques
et la lithiase cystinique est fréquemment rebelle aux
lasers pulsés à colorant (504 nm). Une certaine photo-
sensibilisation, basée sur la coloration du liquide d’irri-
gation, notamment avec une solution de rifamycine à
2%, pourrait cependant permettre d’abaisser le seuil de
formation du plasma au niveau de la surface lithiasique
et améliorer ainsi l’efficacité du laser. Récemment rap-
portées, les performances du laser pulsé holmium Y
AG
(2100 mm) demandent à être confirmées. Cette techno-
logie présente un potentiel de fragmentation lithiasique
intéressant mais ses modalités spécifiques d’absorption
tissulaire posent le problème de ses conséquences,
immédiates ou différées, sur la voie excrétrice urinaire
[18, 23, 24, 69].
L’extraction percutanée complète des calculs rénaux de
cystine, en particulier coralliformes, est souvent diffici-
le. L’incidence des récidives paraît principalement dic-
tée par le niveau de maîtrise du processus lithogène
sous-jacent mais l’élimination de tous les fragments
résiduels demeure néanmoins un objectif urologique
prioritaire. Parallèlement à une éventuelle LEC com-
plémentaire, les caractéristiques physico-chimiques de
la lithiase cystinique permettent d’envisager une solubi-
lisation par irrigation directe des cavités pyélocali-
cielles [2, 36, 39, 42].
Les composés sulfhydryles ont, in vitro, un potentiel de
dissolution de la cystine nettement supérieur à l’alcali-
nisation isolée. Leur efficacité spontanée est quasiment
comparable mais, en milieu alcalin, la N acétyl cystéi-
ne est beaucoup plus performante que la D-penicillami-
ne ou la mercaptopropionylglycine. La pharmacociné-
tique de la N acétyl cystéine n’est cependant pas com-
patible avec un traitement de la lithiase cystinique par
voie orale ou systémique [7, 57, 59, 70].
Dans la perspective d’une perfusion continue de la voie
excrétrice urinaire avec des solutions alcalines ou des
composés sulfhydryles, éventuellement associés, l’im-
plantation d’une sonde de néphrostomie est préférable
au cathétérisme urétéral rétrograde. Cette approche a
permis d’obtenir des succès thérapeutiques remar-
quables face à des lithiases rénales non coralliformes et
des calculs urétéraux. Au-de des complications,
notamment infectieuses, du drainage prolongé de la
voie excrétrice urinaire sa morbidité spécifique est
assez limitée. La perfusion alcaline expose cependant
au risque de développement d’un dépôt phosphatique
susceptible de nuire à l’action dissolvante des compo-
sés sulfhydryles. Aucune complication métabolique
notable n’a été constatée mais une réaction inflamma-
toire urothéliale, importante et spontanément régressi-
ve, secondaire à la perfusion directe de N acétyl cys-
téine a été ponctuellement rapportée. La durée du trai-
tement en milieu hospitalier, qui fluctue entre plusieurs
semaines et quelques mois, est d’autre part relative-
ment dissuasive [3, 7, 15, 20, 31, 36, 67, 72].
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