L’alcalinisation peut être assurée par la prise de bicar-
bonate de sodium à la dose de 8 à 16 grammes par jour
selon le poids corporel (4 à 8 grammes par jour chez
l'enfant), dilués dans 2 à 3 litres d'eau et bien répartis
sur l'ensemble du nycthémère. En particulier, il est
recommandé de prendre 4 à 6 grammes de bicarbonate
de sodium au moment du coucher, et de reprendre un
grand verre d'eau alcaline à l'occasion de tout lever
nocturne [13].
L'alcalinisation pourrait être assurée par la prise d'eau
de Vichy (qui contient environ 3,5 g/l de bicarbonate de
sodium), mais l'eau de Vichy, tant Célestins que Saint-
Yorre, contient également 7 à 9 mg/l de fluor, exposant
ainsi au risque de fluorose, si bien qu'il est déconseillé
de consommer plus de 1,5 l/j d'eau de Vichy, surtout
lorsqu'il existe une insuffisance rénale. Les boissons
gazeuses et sucrées du type du Coca-Cola sont décon-
seillées, en raison de leur effet acidifiant et de leur
teneur élevée en sucre.
La grande quantité de sodium apportée par le CO3HNa
tend à majorer le débit de la cystinurie d'environ 20%
[11, 15]. Toutefois, le bénéfice de l'alcalinisation l'em-
porte sur cet inconvénient. Le citrate de potassium offre
l'avantage d'assurer la même alcalinisation sans aug-
menter la natriurèse. Le citrate tripotassique officinal
est la seule préparation disponible en France. Il s'utili-
se à la dose de 6 à 8 grammes par jour, dilués dans 1,5
à 2 litres d'eau, mais sa tolérance gastrique est
médiocre. Des préparations sous forme de tablettes à
libération prolongée, bien tolérées au plan digestif,
existent à l'étranger et sont d'utilisation beaucoup plus
aisée, notamment chez l'enfant, l'adolescent et les sujets
actifs.
L'efficacité de l'alcalinisation et de la dilution doit être
vérifiée par la mesure du pH urinaire couplée à celle de
la densité urinaire, cette dernière devant être, dans
l'idéal, inférieure à 1010 sur tous les échantillons d'uri-
ne. Un contrôle annuel de la fluorémie est recommandé
chez les patients traités par l'eau de Vichy.
TRAITEMENT COMPLEMENTAIRE
PAR LES SULFHYDRYLES
Les sulfhydryles ont la propriété de rompre le pont
disulfure réunissant les deux molécules de cystéine qui
composent la cystine, pour former un disulfure mixte
cystéine-sulfhydryle 50 fois plus soluble que la cystine
elle-même [7, 8, 16, 17]. Les plus utilisés sont la D-
pénicillamine (Trolovol®) et l'alpha-mercaptopropio-
nylglycine ou tiopronine (Acadione®). Sachant qu'il
faut une molécule de D-pénicillamine ou de tiopronine
pour se coupler à une molécule de cystéine, et sachant
que le rendement de la complexation est incomplet, une
dose de 600 mg de D-pénicillamine (soit 2 comprimés)
peut complexer au maximum 250 mg de cystine, et 500
mg de tiopronine (soit 2 comprimés) peuvent com-
plexer tout au plus 200 milligrammes de cystine.
La posologie usuelle est de 3 à 6 comprimés de
Trolovol® ou d'Acadione® par jour (20 à 30
mg/kg/jour chez l'enfant), la moitié de la dose quoti-
dienne étant prise au coucher, car la concentration des
urines en cystine est maximale au cours de la nuit. Une
posologie plus élevée majore le risque d'accidents
i m m u n o - a l l e rgiques, notamment d'une protéinurie
pouvant aller jusqu'à un syndrome néphrotique par
glomérulonéphrite extra-membraneuse, obligeant à
l'arrêt du sulfhydryle. La tiopronine aurait une
moindre fréquence d'effets secondaires que la D-péni-
cillamine; de plus, elle n'entraîne pas d'agueusie ni de
déplétion en pyridoxine, si bien qu'elle constitue le
traitement de choix à l'heure actuelle [16, 17]. Le
Captopril®, qui est le seul des inhibiteurs de l'enzyme
de conversion de l'angiotensine (IEC) à posséder un
groupement thiol, a également été proposé pour le trai-
tement de la cystinurie [6]. Les résultats rapportés sont
contradictoires. La posologie maximale autorisée étant
de 150 mg par jour, sa capacité de complexation paraît
minime.
CAS PARTICULIERS
Traitement médical de la cystinurie chez l’enfant
Chez un enfant ayant une cystinurie sans lithiase, le
traitement préventif associe une hydratation abon-
dante (supérieure à 1,5 litre/m
2
/jour), bien répartie
sur le nycthémère, et une alcalinisation des urines. La
mesure la plus simple et la mieux acceptée est de
faire prendre, 2 à 4 fois par jour, 1 à 2 grammes de
bicarbonate de sodium, ou mieux de potassium, le pH
urinaire étant contrôlé régulièrement avec l’aide des
p a r e n t s .
En cas de cystinurie compliquée de lithiase, l’hyperhy-
dratation et l’alcalinisation continues sont indispen-
sables. En cas de lithiase persistante ou récidivante, on
leur adjoindra la prise de D-pénicillamine, à la dose de
2 à 5 comprimés (300 à 1500 mg/jour), selon l’âge et le
poids de l’enfant [19].
Traitement de la cystinurie au cours de la grossesse
En raison des effets tératogènes possibles de la D-péni-
cillamine et de la tiopronine, il convient d'éviter ces
médicaments au cours de la grossesse, notamment au
cours du premier trimestre. Le traitement doit alors
s'appuyer sur l'hyperdiurèse et sur l'alcalinisation. En
cas de migration urétérale d'un calcul, une sonde
double J peut être mise en place jusqu'à la fin de la
grossesse.
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P.Jungers et coll., Progrès en Urologie (2001), 11, 122-126