•Peut-on envisager une vésiculectomie incomplète?
Ceci pose le problème de la vésiculectomie et du
contrôle carcinologique.
La vésiculectomie complète est une des étapes de la
prostatectomie radicale, que ce soit par voie rétropu-
bienne ou périnéale, en chirurgie conventionnelle ou
laparoscopique [3, 12].
La prostatectomie étant un traitement à visée curative
du cancer de la prostate, on considère a priori que les
V.S. sont indemnes d’envahissement tumoral chez le
patient bénéficiant d’une prostatectomie radicale pour
un cancer localisé. Or, les constatations anatomopatho-
logiques font état d’un envahissement des V.S. de 9 à
19% pour les stades cliniques T1c, T2a et T2b [4, 13]
et de 20% tous les spécimens confondus [17]. La signi-
fication pronostique de l’envahissement des V.S. étant
péjorative [5], certains auteurs ont tentés de limiter ce
risque en sélectionnant les patients sur des biopsies pré-
opératoires des V.S. [5, 11]. D’autres auteurs rapportent
une récidive postopératoire biologique (PSA) plus pré-
coce lors de l’excision incomplète des V.S. qu’en cas
d’exérèse complète, ce risque étant plus élevé pour la
voie périnéale [16]. Or, le risque de pénétration capsu-
laire apparaît lui aussi plus élevé par la voie périnéale,
probablement pour des raisons anatomiques (par cette
voie, la dissection se fait à l’intérieur du fascia prosta-
tique viscéral, ce qui, seul, pourrait suffire à expliquer
la récidive [18].
Lorsqu’il existe un envahissement des V.S., il se fait
par contiguïté à la partie médiane de la base prosta-
tique, près des canaux éjaculateurs, dans 91 % des cas
[17]. L’extrémité des V.S. étant très rarement envahie
(<1 % des cas), certains auteurs ont proposé une exé-
rèse incomplète des V.S. [8, 9]. Nous ne recomman-
dons pas d’exérèse incomplète, d’une part pour des
raisons anatomiques (la morphologie des V.S. étant
très variée), d’autre part, pour le contrôle carcinolo-
gique de la prostate elle même car, en général, des
incisions capsulaires accompagnent l’exérèse incom-
plète des V.S. [5, 17].
•Les lésions urétérales
Les lésions urétérales au cours des prostatectomies
radicales représentent un risque de 1% [6]. Néanmoins,
les lésions attribuées à la vésiculectomie sont excep-
tionnelles.
•Les lésions des nerfs
Les lésions des nerfs caverneux au cours de la prosta-
tectomie radicale pour cancer surviennent lors de la dis-
section de l’apex [10]. En raison des rapports anato-
miques des vésicules séminales, le plexus hypogas-
trique inférieur est au contact de la face postéro-exter-
ne de la vésicule séminale : elle répond également au
passage des nerfs caverneux. La vésiculectomie réglée
permet d’éviter sa lésion accidentelle car les fibres ner-
veuses sont écartées de la vésicule séminale lors de la
dissection.
CONCLUSION
A l’heure où la prostatectomie radicale pour cancer est
de plus en plus discutée dans ses indications et ses voies
d’abord, la vésiculectomie anatomique demeure une
étape parfois techniquement difficile et incomplète, à la
fois par méconnaissance anatomique et par absence de
protocole précis de dissection. Il est possible de réaliser
une vésiculectomie réglée intra-fasciale au cours de la
prostatectomie radicale. Notre étude anatomique fait
apparaître trois repères essentiels : le septum rectovési-
cal, le canal déférent et les pédicules vasculaires des
vésicules séminales. Ces éléments peuvent guider et
faciliter les vésiculectomies, tout en en diminuant les
risques hémorragiques et d’exérèse incomplète.
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