Prostatectomie radicale avec dissection transurétrale de

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◆ TECHNIQUE CHIRURGICALE
Progrès en Urologie (2004), 14, 1224-1227
Prostatectomie radicale avec dissection transurétrale de la prostate
et des vésicules séminales
Raouf SALTI, Fayez ADAWI, Dominique WOLFF
Clinique Générale de Savoie, Chambéry, France
RESUME
La dissection trans-urétrale de la prostate et des vésicules séminales a été faite en premier temps d'une prostatectomie radicale sus pubienne.
La dissection est faite à l'aide d'un résecteur double courant. La libération de la face antérieure des vésicules
séminales et des ampoules déférentielles commence au niveau du col vésical, dans un plan sous trigonal. Ensuite la section partielle de l'urètre est faite en amont du sphincter strié sous contrôle visuel et digital pour libérer
la face postérieure de la prostate et des vésicules séminales.
Techniquement, la préparation trans-urétrale d'une prostatectomie radicale est faisable dans notre expérience
(10 patients).
Ce type de dissection endoscopique du bloc prostato-vésiculaire évite la traction sur la prostate, et diminue théoriquement le risque de lésion de la bandelette neuro-vasculaire (érection conservée chez 6 patients sur 10). De
même la section endoscopique de l'urètre diminue à priori les lésions traumatiques du sphincter strié (continence à l’ablation de la sonde vésicale chez 9 patients sur 10).
Sur le plan carcinologique le résultat est comparable à celui de la prostatectomie radicale sus pubienne classique,
ainsi que la durée opératoire.
Le risque de réabsorption du liquide d’irrigation a été négligeable.
Une série plus importante est naturellement nécessaire pour savoir s'il s'agit d'une amélioration réelle, en particulier pour la préservation de la continence et de l’érection.
Mots clés : Prostatectomie radicale, hydrodissection, dissection endoscopique.
La prostatectomie radicale est considérée de nos jours comme l’intervention de référence pour le traitement chirurgical du cancer
localisé de la prostate.
Instruments spécifiques
Plusieurs techniques opératoires ont été développées (la voie sus
pubienne, périnéale, et cœlioscopique). Les avantages, la morbidité
et les séquelles de chacune sont maintenant bien connus.
- Un résecteur à double courant avec une aspiration qui permet de
minimiser l’absorption du liquide d’irrigation
La particularité de notre technique est d’utiliser la voie endoscopique trans-urétrale en se servant des repères anatomiques endoluminaux pour disséquer la face postérieure de la prostate et les
vésicules séminales. La dissection habituellement instrumentale est
remplacée par “l’hydrodissection” par le liquide de lavage, ce qui
réduit le traumatisme subi par les structures fragiles représentées en
particulier par la capsule prostatique, le sphincter strié, et les bandelettes neuro-vasculaires. Ainsi mieux respectées, on peut espérer
un bénéfice sur le plan carcinologique et sur le plan fonctionnel, en
particulier sexuel (Figure 1).
1. Instruments spécifiques concernent le temps endoscopique :
- Un optique de 12°
- Une électrode à pointe utilisée habituellement pour l’incision cervico-prostatique.
2. Les instruments chirurgicaux habituels de la prostatectomie
radicale :
Technique
L’intervention débute par une incision sus-pubienne pour un éventuel curage ganglionnaire ilio-obturateur, et l’aspiration du liquide
d’irrigation.
LA TECHNIQUE OPERATOIRE
Installation
Manuscrit reçu : juillet 2003, accepté : septembre 2004
Le malade est installé en décubitus dorsal avec une “légère” position gynécologique afin de pratiquer les deux temps opératoires
sans changer la position du patient.
Adresse pour correspondance : Dr. R. Salti, 88, rue Freizier, 73000 Chambéry.
e-mail : [email protected]
Ref : SALTI R., ADAWI F., WOLFF D., Prog. Urol., 2004, 14, 1224-1227
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R. Salti et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 1224-1227
La dissection de la face antérieure des vésicules séminales :
Le résecteur étant introduit et positionné au niveau du col vésical
après avoir repéré les orifices urétéraux, une incision circonférencielle est faite à ce niveau en utilisant le courant de section à faible
intensité. Cette incision expose les fibres musculaires du col vésical
qui seront sectionnées en arrière entre 3 et 9 h afin de faire le décollement sous trigonal.
La dissection est faite en poussant les tissus à l’aide de la pointe du
résecteur.
Dans cet espace on peut très bien distinguer le feuillet antérieur du
fascia de Denonvilliers qui sera refoulé par le liquide d’irrigation et
l’avancement du résecteur, les ampoules déférentielles de chaque côté
de la ligne médiane puis les vésicules séminales qui seront bien libérées sur leurs faces antérieures (Figures 2, 3 et 4). L’hémostase des
petits vaisseaux est faite aisément avec le courant de coagulation.
Figure 1. Schéma.
En cas de présence de lobe médian, une résection première de ce
lobe permettra de trouver le passage dans le plan sous-vésical.
La partie antérieure de l’incision entre 9 et 3 h doit être limitée
en profondeur afin d’éviter le saignement difficile à contrôler
qui pourrait provenir des vaisseaux situés sur la face antérieure
du col vésical et qui seront mieux contrôlés par le temps suspubien.
La libération de la face postérieure de la prostate et les vésicules
séminales
Après avoir terminé la première étape, le résecteur est retiré progressivement afin de bien repérer le sphincter strié. Il est placé à ce niveau
pour faire une incision circonférencielle quelques millimètre en amont
du sphincter strié (un toucher rectal est utile à ce stade pour pousser
l’apex prostatique, sentir l'extrémité du résecteur et mettre en évidence la distance entre le sphincter et le veru montanum).
Figure 2. Exposition de la face antérieure de l’ampoule dérérentielle gauche.
La profondeur de l’incision ne doit pas dépasser la longueur de la
pointe du résecteur au niveau du tiers supérieur entre 10 et 2 h (risque
hémorragique), alors que la partie postérieure entre 2 et 10 h sera incisée en profondeur, sur toute l’épaisseur de l’urètre pour pouvoir passer sous l’apex prostatique. Dans cet espace les fibres musculaires
recto-prostatiques sont très bien identifiées et seront sectionnées, ce
qui permet de décoller l’apex prostatique du rectum (Figure 5).
Après la dissection de la partie caudale de la prostate, on se trouve
devant la fusion de la capsule prostatique avec le fascia de Denonvilliers (lisière jaunâtre un peu nacrée). Le feuillet rectal de ce fascia
sera sectionné afin de faire le passage vers la face postérieure des vésicules séminales et rejoindre l’espace sous trigonal (Figures 6 et 7).
A la fin de ce temps endoscopique la prostate reste attachée aux
points suivants :
- Le pédicule de Santorini
- Le fascia endo-pelvien
- La partie antérieure du col vésical
Figure 3. Exposition de la face antérieure de la V.S.G.
- Les pédicules latéraux prostatiques.
Le temps endoscopique
Le temps sus-pubien
Cette étape a pour but de réaliser la dissection des vésicules séminales dans le plan retro-vésical, et la face postérieure de la prostate
dans le plan recto-prostatique.
Ce temps est le même que celui d’une prostatectomie radicale classique. Il consiste à ouvrir le fascia endo-pelvien de chaque côté,
sectionner les ligaments pubo-prostatiques, lier le pédicule de San-
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R. Salti et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 1224-1227
Figure 4. Exposition de la face antérieure de la vésicule séminale droite.
Figure 6. Ouverture de l’aponévrose de Denonvilliers.
Figure 5. Section des muscles recto-prostatiques
Figure 7. Exposition de la face postérieure de la vésicule séminale gauche.
torini et compléter la section de la partie antérieure de l’urètre et du
col vésical. Les bandelettes neuro-vasculaires sont mieux identifiées par la dissection endoscopique préalable, et les pédicules latéraux seront sectionnés facilement et avec précision au contact de la
prostate (Figure 8).
L’anastomose urétro-vésicale est faite par la suite selon la technique
habituelle.
Résultats préliminaires
Les premiers résultats ont été analysés afin de voir la faisabilité de
cette procédure, sa sécurité et d’apprécier les bénéfices attendus de
cet artifice lors d’une prostatectomie radicale. Ils seront bien entendu plus concluants après avoir réalisé une plus grande série.
Cette technique a d’abord été pratiquée chez cinq patients entre mai
et octobre 2001. Après un suivi de deux ans environ, la technique a
été reprise en 2003 (10 nouveaux malades).
Figure 8. La pièce opératoire.
La durée de l’intervention n’est guère supérieure à celle d’une prostatectomie radicale sus-pubienne selon la technique habituelle type
P.WALSH : moins de trois heures au total, temps endoscopique
compris (20-30 min).
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R. Salti et coll., Progrès en Urologie (2004), 14, 1224-1227
Tableau I. stade clinique et anatomo-pathologique des 5 premiers
patients.
Stade pré-op
Stade post-op
Nombre
des
malades
T1c
T2a
pT2a
pT2b
pT3a
2/5
3/5
2/5
2/5
1/5
Tableau II. Résultats préliminaires pour 10 patients.
Durée op moy.
Hémorragie
Continence
Erection
150 (120-300)
400 (200-1200)
9/10
6/10
Tableau III. *envahissement antérieur et postérieur ; ** emboles péri-nerveux.
Stade
post-op
pre-op
T2a
T1c
T2a
T2a
T1c
pT3a
pT2a
pT2b
pT2a
pT2b
pré-op
6 mois
PSA
1 an
2 ans
Marges
chir
Env
cap
Poid
prost
17.6
4.4
7.43
?
?
< 0.03
< 0.03
< 0.01
0.16
< 0.02
< 0.07
< 0.03
< 0.01
0.39
< 0.02
0.12
< 0.07
< 0.01
0.61
< 0.02
NEG
NEG
NEG
NEG
NEG
OUI*
NON
NON
NON**
NON
41
46
35
40
50
La perte de sang est en moyenne inférieure à 400 ml
L’absorption du liquide d’irrigation a été négligeable, sans aucune
anomalie sur le bilan hydroélectrolytique post-opératoire.
La durée de l'hospitalisation a été d’une semaine, la sonde vésicale
a été retirée à J5 post opératoire avec une continence d'emblée à l'ablation de la sonde (9 fois sur 10).
Les patients ont retrouvé une érection spontanée à des degrés variables dans les deux mois (6 fois sur 10) ce que nous espérions sans
trop y compter.
Sur le plan carcinologique 1 malade (T2a- pT3a) qui avait un PSA
pre- opératoire à 17.6 est en récidive biologique, ainsi qu’un autre
pT2a avec des emboles péri nerveux (Tableaux I, II, III).
CONCLUSION
Commentaire de Marc Zerbib, Service d’Urologie, Hôpital Cochin,
Paris.
Cet article rapporte une technique ingénieuse et originale dont l’application
pourrait éventuellement être utile en cours d’une prostatectomie radicale
coelioscopique où le repérage anatomique du col vésical, la dissection des
vésicules séminales peuvent être difficiles en début d’expérience et "chronophage". Par contre, son application à la chirurgie ouverte ne paraît ni utile
ni à conseiller. En effet la pratique régulière de cette chirurgie et la connaissance des repères anatomiques font que la dissection urétrale et des vésicules séminales dans le bon plan anatomique, est dans l’immense majorité des
cas facile et rapide. Quant à l’éventuel intérêt par cette technique d’éviter
toute traction sur les bandelettes neuro-vasculaires, il ne paraît que théorique eu égard au développement de la dissection intra-fasciale du bloc prostatique qui respecte l’anatomie des bandelettes. A une époque où la chirurgie ouverte est pratiquée par la majorité des urologues pluri-mensuellement,
l’apport technique ici publié, ne paraît plus d’actualité.
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La dissection trans-urétrale de la prostate et des vésicules séminales a été réalisée sans problème particulier, avec un apprentissage
relativement rapide, le maniement du résecteur étant familier aux
Urologues.
Les avantage attendus de ce procédé sont :
- L’hydro-dissection endoscopique du plan recto-prostatique et des
vésicules éloigne les bandelettes neuro-vasculaires de la prostate et
minimise probablement le risque de les blesser lorsqu’on veut les
conserver.
- Elle évite également de disséquer trop près de la prostate, et diminue le risque d’effraction capsulaire iatrogène sur sa face postérieure.
- La section endoscopique de l’urètre protège les fibres musculaires
du sphincter strié des lésions traumatiques souvent provoquées par
la tension même modérée sur l’urètre (arrachement des fibres
striées de leurs insertions sur l’urètre) lorsqu’elle est faite par la
technique habituelle, ce qui joue probablement un rôle dans la
continence post-opératoire.
Tous ces éléments seront mieux appréciés avec un plus grand nombre
d’interventions, mais les premiers résultats semblent encourageants.
SUMMARY
Radical prostatectomy with transurethral dissection of the prostate
and seminal vesicles.
Transurethral dissection of the prostate and seminal vesicles was performed as the first step of suprapubic radical prostatectomy. Dissection was
performed with a two-channel resector. Release of the anterior surface of
the seminal vesicles and ampullae of the vas deferens was started at the
bladder neck, in an infratrigonal plane. Partial section of the urethra
was then performed proximally to the striated sphincter under visual and
digital control to release the posterior surface of the prostate and seminal vesicles. Transurethral preparation of radical prostatectomy is technically feasible on the basis of our brief experience. This type of endoscopic prostatovesicular dissection avoids traction on the prostate, and
theoretically decreases the risk of damage to the neurovascular pedicles
(erection preserved in 6 out of 10 patients). Similarly, endoscopic section
of the urethra theoretically decreases traumatic lesions of the striated
sphincter (continence after removal of the bladder catheter in 9 out of 10
patients). The oncological result and operating time were comparable to
those of conventional suprapubic radical prostatectomy. The risk of
absorption is negligible in our experience. A large series is obviously
necessary to confirm whether this technique constitutes a real improvement, particularly in terms of preservation of continence and erection.
Key Words : Radical prostatectomy, hydrodissection, transurethral dissection.
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