A.P.I.C. Accompagnement
Psychologique Individuel et
Collectif Rhône Alpes
INTERVENTIONS DU 10 JUIN 2011
3 / INTERVENTION DE MESDAMES GERVAIS-BERNARD, WILLOCQ ET
SALETTE :
DIAGNOSTIC D’UNE MALADIE NEUROLOGIQUE : ANNONCE ET
ERRANCE DIAGNOSTIQUE
1. DES MALADIES NEUROLOGIQUES, RARES, GENETIQUES POUR
LESQUELS LES PERSONNES MALADES, LEURS PROCHES ET LES
PROFESSIONNELS POURRONT BENEFICIER DE L’A.P.I.C.
Hélène GERVAIS-BERNARD, neurologue, Hôpital neurologique, C.H.U. Lyon
2. LA DEMARCHE DIAGNOSTIQUE ET SES IMPACTS PSYCHOLOGIQUES
Patricia WILLOCQ, psychologue, Hôpital neurologique, C.H.U. Lyon
3. L’ERRANCE DIAGNOSTIQUE, PRESENTATION D’UN SUIVI
Nathalie SALETTE, psychologue, C.H.U. Saint Etienne
4. RETENTISSEMENTS PSYCHIQUES LIES A L’ANNONCE
DIAGNOSTIQUE : aspects positifs et négatifs
Patricia WILLOCQ, psychologue, Hôpital neurologique, C.H.U. Lyon
INTRODUCTION:
Ce thème de l’annonce est sans doute, le plus familier pour les psychologues, parmi trois interventions proposées aujourd’hui.
Quels que soient nos lieux d’exercice:
- nous accompagnons des patients ayant reçu de bonne ou de mauvaise nouvelles sur les plans : personnel, social,
professionnel…
- nous accompagnons des patients suite à l’annonce d’un diagnostic en psychiatrie, en médecine…
- nous accompagnons dans l’après coup, des patients traversant une période de vulnérabili, réactivant une annonce reçue
antérieurement
-
Nous souhaitons témoigner ici de l’articulation entre le temps médical (la démarche d’un diagnostic neurologique) et le temps
psychologique du patient.
1. DES MALADIES NEUROLOGIQUES, RARES, GENETIQUES POUR LESQUELS LES PERSONNES MALADES, LEURS
PROCHES ET LES PROFESSIONNELS POURRONT BENEFICIER DE L’APIC :
Hélène GERVAIS-BERNARD nous a présenté succinctement les Myopathies (FSH, ceintures, Duchenne, Becker, Steinert),
l’amyotrophie spinale infantile et la S.L.A., l’ataxie spino-cérébelleuse, la maladie de Parkinson, et la chorée de Huntington.
Le schéma ci-dessous résume le processus diagnostique.
Errance diagnostique
1ère annonce
ANNONCE
Un ou plusieurs diagnostics
évoqués
Tests génétiques Biopsie musculaire
Diagnostic
confirmé Diagnostic
non confirmé
Tests génétiques
Symptômes
Confrontation
anatamo-
clinique
Un ou plusieurs
diagnostics
évoqués
Négatifs = dautres
gènes sont en cause
Interrogatoire, examen clinique,
examens complémentaires
(CPK, IRM, EMG)
Un processus parfois long et complexe
Un processus parfois long et complexe
Diagnostic « partiel »
1. LA DEMARCHE DIAGNOSTIQUE ET SES IMPACTS PSYCHOLOGIQUES :
Diagnostiquer vient du grec diagnosi => dia : à travers, induit la notion de séparation, de distinction ; gnosie : c’est la
connaissance, le discernement.
Le diagnostique médical rassemble l’ensemble de signes évocateurs. Cet ensemble constitue un tableau clinique présentant une
étiologie et une symptomatologie, comme nous venons de le voir succinctement par Hélène GERVAIS-BERNARD.
La démarche diagnostique commence dès la première consultation.
- Elle se présente comme méthode de l’entonnoir : production d’hypothèses puis confirmation ou non, de ces hypothèses par les
examens médicaux
- Elle se solde par une confirmation diagnostique que constitue l’annonce d’une maladie connue ou s’éternise, en présentant des
signes pathologiques sur le plan somatique, mais trop épars pour constituer un tableau clinique.
L’impact psychologique de la démarche :
- Consulter la première fois un neurologue après le généraliste, c’est vivre très souvent avec le sentiment que quelque chose
s’annonce, se prépare et quelque chose laisse présager une mauvaise nouvelle, un mauvais présage ?...
- Si la démarche est courte : l’annonce est souvent brutale.
Si elle est longue : c’est période génératrice d’anxiété liée à l’attente des résultats, animée par des mouvements paradoxaux qui
oscillent entre illusion et désillusion, entre envie de savoir et de ne pas savoir, entre ce qui est réel et fantasmé... la durée ce cette
attente peut variée de 3 mois à 1 an1/2 pour les maladies connues, répertoriées.
=> C’est la gestion de l’attente des résultats, sans délai… le temps des incertitudes, de l’inconnu. Dans le cadre
psychothérapeutique les mécanismes de défense du patient pour faire face naturellement dans son quotidien, sont exacerbés.
Résumé du cas clinique : Mme C….
Agée de 39 ans, Mme C est célibataire, sans enfant et n’a jamais pu construire une relation de couple stable. Elle préfère
vivre seule plutôt que d’être trahie ou déçue. Elle décrit un parcours personnel et professionnel chaotique elle s’est
toujours sentie intimement, différente des autres.
Les questions narcissiques et du lien seront au centre de ces rencontres.
M C. se décide à consulter avec l’idée de faire reconnaître son « mal ». « On lui a toujours fait comprendre que ses
plaintes étaient dans sa tête », de la simulation ? Le « on » représente pour elle : ses parents et sa sœur, mais elle l’attribue
spontanément au regard d’autrui… Elle pense que qu’un regard médical pourrait changer le regard des autres sur elle.
Très logorrhéique, elle tente de tout contrôler, tout maîtriser… Je l’invite à accorder de l’attention à son propre regard
puisqu’il est tout aussi précieux. L’estime d’elle même est particulièrement atteinte, complexée…
Elle vient seule à toutes les consultations neurologiques.
Après 3 mois d’investigation, elle obtient un diagnostic partiel. Elle a une myopathie.
Cette annonce produit d’emblée un soulagement, quelque peu euphorique, comme une victoire : elle me confie « vous
voyez, j’avais raison, ce n’est pas dans ma tête ».
En arrière plan, se joue une autre musique qu’elle ne peut encore entendre, qui devra malheureusement la suivre: être
atteinte d’une myopathie.
Je la verrai a deux reprises par la suite, où elle décrit le lien entre les changements climatiques et ses symptômes moteurs :
tremblements, raideur… « Je suis une station météo ambulante » me dit d’elle. Au cours de ces deux entretiens,
elle expérimente des situations génératrices de plaisir. Elle recommence à prendre plaisir à peindre à prendre soin d’elle
malgré tout, s’accorde du temps pour écouter de la musique et s’autorise à me dire « Je m’écoute » => j’écoute mes
désirs.
Le troisième entretien, signe un coup d’éclat dans le lien avec le milieu médical, elle vient de recevoir une deuxième
annonce. Les derniers résultats laisseraient penser que sa myopathie est extrêmement rare ; seulement quelques cas sont
dénombrés dans le monde. Les recherches se font hors de l’hexagone. Ses résultats sont alors envoyés à l’étranger. Le
délai d’attente des résultats sur la précision diagnostique (de quelle myopathie s’agit t’il ?) sera long ; il est inconnu des
neurologues à l’heure actuelle.
Elle perçoit de la part des médecins, la joie du chercheur qui a fait une avancée dans la quête du savoir. Mais, son vécu
est tout autre, « moi, je ne veux plus savoir, je veux être tranquille, je ne maîtrise plus rien, ça me dépasse ». Elle a
l’impression « d’être un cobaye ». Elle se plaint qu’ « on » ne lui demande pas son avis… Les résultats envoyés à l’étranger,
la renvoie à une profonde insécurité, à l’étrange mais aussi implicitement, à quelque chose qu’elle a toujours ressentie :
« être intimement différente des autres » quelque chose ayant trait dans son vécu intime, à la peur de la folie, de l’exception.
Le suivi psychologique a permis d’ouvrir un entre-deux pour accueillir ses préoccupations personnelles et médicales et
essentiellement d’éprouver un lien de confiance avec une attention bienveillante.
Ce suivi n’est pas terminé... Il nécessite d’avancer pas à pas avec elle, dans cette phase d’attente de résultats.
Elle n’envisage pas revoir le neurologue tout de suite, « tant qu’elle n’a rien de nouveau », mais souhaite que nous nous
revoyons pour parler. Mme C qui avait déjà connue un parcours psychiatrique, accepte de mettre des mots cette
souffrance intriquée dans ses problématiques personnelles et médicales.
En conclusion, ce suivi me fait penser à une phrase d’ OVIDE :
« Nous sommes lents à croire ce qui fait mal à croire » ….
1. L’ERRANCE DIAGNOSTIQUE :
L’errance se caractérise par une période de doutes et d’incertitudes qui s’éternise.
Elle est très souvent liée à une maladie orpheline ou un tableau clinique atypique (certaines maladies expriment des
variations intra et interindividuelles importantes).
Le patient peut se vivre comme une énigme pour la science, être sans repère, face à lui même. Pour lui, les signes émis,
ressenti sur le plan corporel, sont analysés, décortiqués, mis en doute ou complètement banalisés.
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