LE SÉMINAIRE DE MATHÉMATIQUES
1933–1939
édition réalisée et annotée par
Michèle Audin
1. Année 1933-1934
Théorie des groupes et des algèbres
Jean Dieudonné
Théorie des Corps Gauches
Séminaire de mathématiques (1933-1934), Exposé 1-G, 17 p.
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Séminaire de mathématiques 26 février 1934
Exposé 1-G, p. 1 à 17
THÉORIE DES CORPS GAUCHES
par Jean Dieudonné
1.– Rappel de définitions et résultats antérieurs. Tous[1] les corps et algèbres
envisagés sont pris sur un même corps de base commutatif et parfait.
On sait qu’un corps commutatif Z, de degré fini nsur Pest engendré par une racine
θd’une équation irréductible de degré n:
f(x)=0
à coefficients dans P. Le corps Zest dit galoisien s’il contient aussi les n1autres
racines de f(x)=0. Le groupe des 1-automorphismes de Zlaissant fixes les nombres[2]
de Pest le groupe de Galois Gde Z. C’est un groupe d’ordre n[3] dont chaque sub-
stitution change θen une autre racine de f(x)=0. Si Sest une substitution de G,z
un nombre de Z, on désigne par zSle transformé de zpar S.
Soit Aune algèbre sur un corps K(commutatif ou non). Le K-rang de Aest le
nombre d’éléments de base de A, considéré comme K-module. On définit de même le
K-rang des idéaux de A.
Si Aest une algèbre simple, et Kle centre de A, on sait que le K-rang de Aest
un carré parfait m2. On appelle degré d’un élément ade Apar rapport à K, le degré
minimum du polynome ϕ(x)à coefficients dans K, tel que ϕ(a)=0. On démontre
que le degré maximum des éléments de Aest égal à m.mest dit[4] le degré de l’algèbre
Apar rapport à K.1/2
2.– Théorie des produits croisés. (dûe [sic] à Mlle E.Nöther [re-sic]) exposée
d’après un mémoire de Hasse, Transactions of the American mathematical Société
[sic], 1932, t.34.)[5]
Soit Zun corps galoisien de degré nsur P,Gle groupe de Galois de Z; on désignera
par S, T, U, . . . les substitutions de G, par Ela substitution unité.
Un produit croisé (verschränktes Produkt) sur Zest une algèbre Adéfinie comme
Z-module à droite de rang n.
A=uEZ+uSZ+· · · +uTZ
2J. DIEUDONNÉ
uE, uS, . . . , uTdésignant la Z-base de A(chaque ucorrespondant à une substitution
de G), la loi de multiplication de deux éléments de Aétant définie par les conditions :
(1) (zuS=uSzSsi zZ
uSuT=uST aS,T
aS,T est un élément 6= 0 de Z. L’ensemble des n2nombres aS,T constitue le système
de facteurs qui définit le produit croisé, et qu’on désigne par (a). Ces n2nombres ne
sont pas arbitraires : on vérifie que, pour que la multiplication soit associative, ils
doivent satisfaire aux conditions :
(2) aU
S,T =aST,U aT ,U
aST,U
Si z1, z2, . . . , znest une P-base de Z, on voit immédiatement que Aest un système
hypercomplexe de rang n2sur P, la P-base de Aétant constituée par les éléments
uSzk.2/3
On écrit : A= (a, Z)
Propriétés élémentaires des produits croisés.
1eApossède une unité.
e=uEa1
E,E
comme on le vérifie sans difficulté à l’aide de (1) et (2). On identifie cette unité
avec celle de Z, en écrivant :
e= 1,et pas suite: uE=aE,E
Zest donc contenu dans A.
2eZest un sous-corps commutatif maximum de A; les éléments de Zsont les
seuls éléments de Acommutatifs avec tous les éléments de Z.
Soit aun élément de A
a=XuSzSzSZ
tel que : az =za quel que soit zZ, on en tire d’après (1) :
XuSzS(zzS)=0
ou zS(zzS)=0
En prenant pour zun élément primitif de Z,z6=zSsi S6=S, donc zS= 0,
sauf pour S=E, d’où :
a=uEzE=aE,E zEZ
3euSpossède un inverse u1
S.
u1
S=uS1a1
S,S1a1
E,E
comme on le vérifie sans peine.3/4
(1-G) THÉORIE DES CORPS GAUCHES 3
4eLa condition nécessaire et suffisante pour que :
(a, Z)=(a, Z)
est que l’on ait
(3) aS,T =aS,T
cTcT
S
cST
cS6= 0 et dans Z
ce qui peut encore s’exprimer en disant que l’on a entre les deux Z-bases de A
la relation
(3’) uS=uScS.
On écrit dans ce cas : (a)(a).
a) la condition est cessaire, car des relations
zuS1=uS1zS1, zuS=uSzS
valables pour tout zZ, on tire que uS1uSest commutatif avec tous les
éléments de Z, donc est dans Zd’après 2e; par suite : u1
SuSest aussi dans
Z, donc :
uS=uScS
d’où la relation (3).
b) la condition est évidemment suffisante, car de (3’) on tire que Aest un Z-
module de base uS, satisfaisant aux relations (1) où l’on remplace les apar
des a, donc que Aest égal au produit croisé (a, Z).
3.– Structure des produits croisés.
Théorème I.
1e) Tout produit croisé est une algèbre simple.
2e) Tout corps Zisomorphe à Zest un corps de décomposition de A.
4/5
1e) Soit Bun idéal bilatère de A,bun nombre de B
b=XuSySySZ
Soient R, T, . . . , U les substitutions de Gpour lesquelles yS6= 0,zb et bz sont
dans B, quelque soient zet zet aussi
b1=zb bz =XuSyS(zSz)
Prenons zprimitif dans Z, et z=zU;b1ne contient plus uU; on recommence
l’opération et on arrive finalement à
uRyRB, donc aussi uR,et
uS=uRuR1Sa1
R,R1S
ce qui montre que B=A.
4J. DIEUDONNÉ
2e) Désignons par Mla matrice à une ligne
M= (uE, uS, . . . , uT)
soit a=PuSzSun nombre quelconque de A. On a :
(4) aM=M(ζS,T )
(ζS,T )étant la matrice carrée d’ordre n.
ζS,T =aST 1,T zT
ST 1
On a ainsi une représentation Ade Adans l’anneau total de matrices Zn. Si Zest
un corps isomorphe de Z, on en déduit aussi une représentation de Adans Znpar
l’isomorphisme ZZ.
Considérons maintenant l’algèbre A×Z(Zet Zdoivent être considérés comme
indépendants).[6] On a :
A×Z=XuSzk·Z
et en passant de uSzkà sa représentation dans Znon a une représentation de A×Z5/6
dans Zn. Cette représentation est une isomorphie de A×Zsur un sous-anneau de Zn,
car A×Zest simple, et si ce n’était pas une isomorphie A×Zserait représenté sur
le seul élément 0, ce qui n’est pas. Mais A×Zest de rang n2sur Z, donc aussi le
sous-anneau de Znqui lui est isomorphe, et comme Znest lui-même de rang n2sur Z,
ce sous-anneau coïncide avec Zn, ce qui montre que Zest corps de décomposition
de A.[7]
4.–. On peut donner du théorème précédent une réciproque qui montre l’intérêt de
l’introduction des produits croisés pour l’étude des corps gauches.
Théorème II.
1e) Tout corps gauche K(et par suite, toute algèbre simple) est semblable à un
produit croisé.
2e) À chaque corps galoisien de décomposition Zde K, correspond un produit croisé
A= (a, Z)semblable à K,Zétant un corps isomorphe à Z.
a) Le degré nde Zest un multiple du degré mde K.
En effet, par hypothèse, K×Zest isomorphe à un anneau complet de matrices
d’ordre mdans Z: soit eik le système d’unités matricielles correspondant, et
soit R=e11(K×Z)=(e11, e12, . . . , e1m)un idéal à droite minimum de K×Z.
Soit rle K-rang de R;Kétant de rang m2sur P, le P-rang de Rest rm2;
d’autre part le Z-rang de Rest m, et le rang de Zsur Pétant n, le P-rang de6/7
Rest aussi nm, d’où
rm2=nm
n=rm
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