
108 Chirurgie Thoracique et Cardio-Vasculaire 2015 ; 19(2) : 104-109
P.-B. Pagès et al. | Chirurgie des métastases pulmonaires des cancers colorectaux : analyse de survie
montré sur une population de cancers bronchiques opérés que
les patients avaient un score ASA supérieur ou égal à 3 dans 29%
des cas et un nombre de comorbidités supérieur ou égal à 2 dans
29,7% des cas, alors qu’ils étaient respectivement de 20,54 %
et de 18,5% pour notre population [13]. Beaucoup de patients
(60,3%) ont reçu au préalable une chimiothérapie néoadjuvante.
En eet, dans la plupart des cas, ces patients sont initialement
pris en charge par les oncologues concernant leur CCR et un
très faible nombre de patients seront proposés par les oncolo-
gues aux chirurgiens thoraciques pour la prise en charge chirur-
gicale de leurs métastases pulmonaires [tableau 1].
La grande majorité des résections réalisées (70,8 %) sont des
résections infralobaires (wedges uniques ou multiples et seg-
mentectomies) et peu de résections pulmonaires majeures sont
réalisées [tableau 2].
Dans une récente publication, Salah et al. rapportent les don-
nées d’une méta-analyse sur les résections de métastases pul-
monaires de CCR [15]. Parmi les 759 patients opérés, 19,5% de
patients (n=148) ont nécessité une seconde chirurgie, ce taux
étant comparable à celui retrouvé par Meimarakis et al. (18 à
20%) [14]. Dans notre étude, seuls 13,5% (n=273) des patients
ont nécessité une seconde chirurgie, ce taux étant plus faible
que dans les séries décrites précédemment, témoignant d’une
excellente sélection des patients opérés dans Epithor®. De plus
dans notre étude, quelques patients ont bénéficié de chirurgies
répétées, avec des survies prolongées, cette notion ayant déjà
été mise en évidence par Salah et al. [15].
Dans 76,4% des cas de notre étude (n=1544), une thoracotomie
a été réalisée, permettant une palpation de l’ensemble du paren-
chyme pulmonaire du côté opéré et ainsi de ne pas méconnaître
une lésion de petite taille non repérée par l’imagerie préopéra-
toire [tableau 3]. Cette attitude est largement retrouvée dans la
pratique des chirurgiens ayant répondu à l’étude de l’ESTS [9].
Cette attitude est basée sur de récents travaux qui montrent que
l’imagerie haute résolution est insusante pour dépister les mé-
tastases pulmonaires. En eet, deux études récentes montrent
que le nombre de métastases retrouvées lors de la palpation bi-
digitale du poumon est supérieure de 34 à 36% au nombre de
métastases pulmonaires retrouvées lors de l’imagerie préopéra-
toire [16,17]. De plus, Eckardt et al. ont mis en évidence que la
réalisation d’une thoracotomie à la suite d’une chirurgie de mé-
tastases par VATS permettait de trouver 36% de lésions malignes
supplémentaires [18]. La thoracotomie avec palpation bidigi-
tale du parenchyme pulmonaire semble donc la meilleure voie
d’abord pour la chirurgie des métastases pulmonaires.
Dans notre étude, un curage ganglionnaire médiastinal n’était
réalisé que dans 39,5% des cas, le plus souvent en cas de thora-
cotomie, témoignant de l’absence de consensus sur l’intérêt de
cette pratique [9,19]. En eet, les données actuelles de la litté-
rature mettent en évidence que l’envahissement ganglionnaire
médiastinal est un facteur de mauvais pronostic pour les patients
présentant des métastases pulmonaires de CCR [19,20]. Cepen-
dant, Hamaji et al., dans une récente série de la Mayo Clinic, ont
montré qu’il n’existait pas de diérence significative en terme de
survie prolongée concernant le curage ganglionnaire médiastinal
systématique au cours d’une chirurgie de métastases pulmonaires
de CCR [20]. Ainsi l’intérêt du curage ganglionnaire médiastinal
systématique n’est que pronostique, en permettant de mieux
classer les patients en fonction de leur statut ganglionnaire.
4.3. Morbidité
D’après notre étude, la chirurgie des métastases pulmonaires est
une chirurgie sûre, pour laquelle les patients présentent peu de
complications respiratoires postopératoires et peu de fuites aé-
riennes prolongées. En eet, dans notre série, on ne retrouve que
6,8% de patients présentant une complication respiratoire post-
opératoire de type : fuites aériennes prolongées, atélectasie ou
pneumopathie. Cela s’explique par le fait que la grande majorité
des résections sont infralobaires, les complications postopéra-
toires survenant significativement plus souvent chez les patients
opérés par lobectomies, bilobectomie ou pneumonectomie. De
plus, les patients pris en charge pour des métastases pulmonaires
de CCR avaient dans près de 80% des cas un score ASA infé-
rieur ou égal à 2, dans 47% des cas n’avaient aucune comorbidité
et 73,6% avaient un score de dyspnée à 1, pouvant expliquer un
faible taux de complications respiratoires postopératoires.
4.4. Mortalité à 30 jours
La mortalité à 30 jours est de 0,5% dans notre série, similaire à
celle rapportée par Meimarakis et al. [14]. Il s’agit d’une mortalité
à 30 jours très faible, largement inférieure aux 3,8% (95% CI:
3,8%-4,1%) de mortalité à 30 jours de la chirurgie du cancer
du poumon [13]. Bernard et al. ont montré que les facteurs in-
fluençant la mortalité postopératoire de la chirurgie du cancer
du poumon sont, pour partie, les mêmes que ceux de la chirurgie
des métastases des CCR, c’est-à-dire l’étendue de la résection
parenchymateuse, le score ASA et l’âge [13]. Enfin, dans notre
série, la réalisation d’un curage ganglionnaire médiastinal était un
facteur aggravant la mortalité à 30 jours. Cette donnée n’a pas
été retrouvée dans la littérature [20].
4.5. Survie à 5 ans
Les patients opérés de métastases pulmonaires de CCR dans la
base de données Epithor® ont une survie globale à 5 ans de 73,8%,
Tableau 6. Analyse des facteurs influençant la survie à 5 ans (les données
entre parenthèses correspondent à l’intervalle de confiance à 95%).
Variables Survie à 5 ans P-value
Sexe
Masculin
Féminin
73,34 % (64,98-80,01)
74,54 % (63,28-82,81)
0,12
Type de résection
Wedge unique
Wedge multiple
Segmentectomie
Lobectomie
Bilobectomie
Pneumonectomie
74,44 % (63,38-82,61)
63,15 % (47,21-75,46)
81,05 % (57,11-92,42)
76,39 % (62,45-85,73)
88,24 % (41,08-98,25)
70 % (31,18-89,66)
0,32
Voie d’abord
VATS
Thoracotomie
78,85 % (61,15-89,15)
72,54 % (65,30-78,52)
0,2046
Résection pulmonaire élargie
Oui
Non
41,09 % (08,06-73,04)
75,37 % (68,92-80,67)
0,0697
Curage ganglionnaire médiastinal
ou sampling
Oui
Non
80,91 % (70,24-88,07)
71,97 % (62,47-79,45)
0,98
Chimiothérapie néoadjuvante
Oui
Non
76,66 % (68,64-82,89)
67,45 % (55,06-77,12)
0,01
Âge (années)
< 70
> 70
78,77 % (70,76-84,82)
64,67 % (52,61-74,39)
0,001
Nombre d’interventions
Unique
Multiple
74,30 % (66,24-80,71)
74,82 % (61,82-83,95)
0,12
Résection pulmonaire
Unilatérale
Bilatérale
73,20 % (66,24-78,95)
81,68 % (56,42-93,10)
0,1363