EZ 1 EZ - SUITES RECURRENTES LINEAIRES Voir aussi AR. Une suite a = (an )n≥0 à coefficients dans C est dite récurrente linéaire s’il existe un polynôme non nul r X ξk X k Q(X) = k=0 tel que, pour tout entier naturel n, r X ξk an+k = 0 . k=0 Un tel polynôme est appelé polynôme caractéristique de la suite a. Théorème 1 L’ensemble Q(a) formé des polynômes caractéristiques de a et du polynôme nul constitue un idéal et un sous-espace vectoriel de C[X]. a) Soit λ et µ deux nombres complexes et Q1 et Q2 deux éléments de Q(a). On peut les écrire Q1 (X) = r X ξk X k et Q2 (X) = k=0 et l’on a, pour tout n ≥ 0, r X ζk X k , k=0 ξk an+k = 0 et k=0 Alors r X r X ζk an+k = 0 . k=0 r X (λξk + µζk )an+k = 0 , k=0 et le polynôme λQ1 + µQ2 est un polynôme caractéristique de a. Donc Q(a) est un sous-espace vectoriel de C[X]. b) Si Q(X) = r X ξk X k k=0 est dans Q(a), alors en particulier, pour tous entiers naturels k et s, on a r X k=0 ξk an+k+s = 0 . EZ 2 cela montre que le polynôme X s Q est dans Q(a). Alors si R est un polynôme quelconque, le polynôme RQ s’écrit comme combinaison linéaire des polynômes X s Q et appartient à Q(a) par linéarité. Donc Q(a) est un idéal de C[X]. Dans ce qui suit on appellera polynôme minimal de a, le polynôme générateur unitaire de Q(a). Il sera noté r−1 X r Qa (X) = X − ξk X k . k=0 On a donc, si n ≥ 0, an+r = r−1 X ξk an+k . k=0 Remarques 1. Si la suite a est la suite nulle, alors Q(a) est C[X] tout entier. 2. Si le polynôme minimal de a a un terme constant nul, on a Qa (X) = X r − r−1 X ξk X k k=q avec ξq non nul et, si n ≥ 0, an+r = r−1 X ξk an+k . k=q Alors r−q−1 r−1 X X Qa (X) r−q k−q r−q = X − ξ X = X − ξk+q X k k Xq k=q et an+r = k=0 r−q−1 X ξk+q an+k+q . k=0 Posons bn = an+q . On obtient bn+r−q = r−q−1 X ξk+q bn+k , k=0 et le polynôme Qa (X)/X q est le polynôme minimal Qb (X) de la suite b = (bn )n≥0 . Par ailleurs on constate que r−1 X r r−q X Qa (1/X) = X Qb (1/X) = 1 − ξk X r−k . k=q EZ 3 Changement de variable Théorème 2 Soit a une suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique minimal Qa . Alors, si λ est un nombre complexe non nul, la suite b définie par bn = λ n a n , a pour polynôme caractéristique minimal r Qb (X) = λ Qa X λ . En effet, si l’on a an+r = ξr−1 an+r−1 + · · · + ξ0 an , en multipliant par λn+r , il vient bn+r = ξr−1 λbn+r−1 + · · · + ξ0 λr bn , et donc r Qb (X) = X − ξr−1 λX r−1 r r − · · · − ξ 0 λ = λ Qa X λ . Majoration de la suite Démontrons pour commencer un résultat sur les polynômes. Lemme Soit P un polynôme de degré r > 0, de la forme r P (X) = X − r−1 X βk X k , k=0 où les coefficients βk sont réels positifs, mais ne sont pas tous nuls. Alors le polynôme P possède une racine réelle strictement positive et une seule. De plus cette racine est simple. EZ 4 1) Calculons rP (X) − XP ′ (X). On obtient r ′ rP (X) − XP (X) = r X − r−1 X βk X k=0 k ! −X rX r−1 − r−1 X k=1 r−1 X = (k − r)βk X k , kβk X k−1 ! k=0 et cette expression est strictement négative sur ] 0, +∞ [ . Il en résulte que sur cet intervalle, les polynômes P et P ′ ne peuvent s’annuler simmultanément. S’il existe une racine positive de P elle est donc simple. 2) Montrons par récurrence sur le degré r que le polynôme P possède une racine réelle strictement positive et une seule. Un polynôme de degré 1 est de la forme X − β0 avec β0 > 0. Il y a donc bien une racine réelle strictement positive et une seule qui est β0 . Supposons la propriété vraie jusqu’à l’ordre r − 1 où r ≥ 2, et soit P un polynôme de degré r. Trois cas peuvent se produire. a) Les coefficients β0 , . . . , βq−1 sont nuls et βq ne l’est pas. Alors r−1 X P (X) βk X k−q . = X r−q − q X k=q Ce polynôme vérifie les conditions du lemme et est de degré r − q ≤ r − 1. Alors par hypothèse de récurrence, il possède une racine réelle strictement positive et une seule, donc P également. b) Tous les coefficents autres que β0 sont nuls, c’est-à-dire P (X) = X r − β0 . 1/r Donc P possède une racine réelle strictement positive et une seule β0 . c) Le nombre β0 et un autre coefficient ne sont pas nuls. On a alors P ′ (X) = rX r−1 − r−1 X kβk X k−1 . k=1 On peut appliquer l’hypothèse de récurrence à P ′ /r qui possède alors une racine réelle λ strictement positive et une seule. Comme cette racine est simple, la fonction P ′ change de signe en λ. Alors P décroît de P (0) = −β0 < 0 à P (λ) qui par suite est négatif, puis croît strictement de P (λ) à +∞. Donc P possède une racine réelle strictement positive et une seule. La propriété est donc vraie à l’ordre r, donc pour tout r ≥ 1. EZ 5 Théorème 3 Pour toute suite a récurrente linéaire de polynôme caractéristique minimal Qa , il existe deux nombres réels K positif, et λ strictement positif, tels que, pour tout entier n, |an | ≤ K λn . Si les coefficients ξk sont tous nuls, on a an = 0 pour n ≥ r et le résultat est évident en prenant λ = 1 et K = max |ak | . 0≤k≤r−1 Supposons désormais que l’on n’est pas dans cette situation. ea le polynôme Notons Q e a (X) = X r − Q r−1 X |ξk |X k , k=0 e a telle que, pour k compris entre 0 et et e a la suite récurrente linéaire de polynôme caractéristique Q r − 1, e ak = |ak | . On montre par récurrence que, pour tout entier k ≥ 0, |ak | ≤ e ak . On a égalité lorsque 0 ≤ k ≤ r − 1. Supposons l’inégalité vraie jusqu’à l’ordre n + r − 1. Alors |an+r | = |ξr−1 an+r−1 + · · · + ξ0 an | ≤ |ξr−1 | |an+r−1 | + · · · + |ξ0 | |an | ≤ |ξr−1 | e an+r−1 + · · · + |ξ0 | e an . Mais le membre de droite vaut e an+r , donc |an+r | ≤ e an+r , et l’inégalité est vraie au rang n + r. Il en résulte qu’elle est vraie quel que soit k. ea possède une racine Si les coefficients ξk ne sont pas tous nuls, alors d’après le lemme, le polynôme Q λ strictement positive. Posons K = max |ak | λ−k . 0≤k≤r−1 Lorsque 0 ≤ k ≤ r − 1, on a donc e ak = |ak | ≤ K λk . Montrons par récurrence que, pour tout entier naturel k, e ak ≤ K λk . EZ 6 Supposons l’inégalité vraie jusqu’à l’ordre n + r − 1. Alors e an+r = |ξr−1 | e an+r−1 + · · · + |ξ0 | e an ≤ |ξr−1 | K λn+r−1 + · · · + |ξ0 | K λn ≤ K λn (|ξr−1 | λr−1 + · · · + |ξ0 |) . e a , on a mais, puisque λ est racine du polynôme Q |ξr−1 | λr−1 + · · · + |ξ0 | = λr et finalement e an+r ≤ K λn+r , ce qui montre que l’inégalité est vraie au rang n + r. Il en résulte qu’elle est vraie quel que soit k. On déduit alors des deux résultats précédents que, pour tout entier k, |ak | ≤ K λk . Fonction génératrice Notons ∞ X Φa (x) = an x n k=0 la fonction génératrice de la suite a. Théorème 4 Soit a une suite récurrente linéaire non nulle. Soit µ la borne supérieure des modules des racines de Qa . Pour tout nombre complexe x de module inférieur à 1/µ, on a Φa (x) = où P (x) = a0 + r−1 X am − m=1 et Q(x) = 1 − r−1 X k=0 P (x) Q(x) r−1 X ξk am+k−r k=r−m ξk x r−k ! 1 . = x Qa x De plus les polynômes P et Q sont premiers entre eux. r xm , EZ 7 Il résulte du théorème 3 que la série entière Φa a un rayon de convergence R non nul. Les calculs suivants sont valides pour une valeur de x de module inférieur à ce rayon R. On a r−1 X Φa (x) = n=0 r−1 X = ∞ X an xn + n=r ∞ X an xn + an x n an+r xn+r , n=0 n=0 et en utilisant la relation de récurrence, r−1 X Φa (x) = n=0 r−1 X = n=0 r−1 X = n an x + an x n + n an x + n=0 r−1 ∞ X X n=0 r−1 X k=0 r−1 X ξk an+k k=0 ξk xr−k ξk x r−k k=0 ! ∞ X n=0 ∞ X xn+r an+k xn+k an x n n=k ! ! . On voit réapparaître la fonction Φa et donc Φa (x) = r−1 X an xn + ξ0 xr Φa (x) + n=0 = r−1 X ξk xr−k k=1 n an x + Φa (x) n=0 On en déduit Φa (x) r−1 X 1− r−1 X ξk x r−k k=0 r−1 X k=0 ξk xr−k ! = r−1 X ! an x n − n=0 Φa (x) − k−1 X an xn n=0 − r−1 X r−1 X k−1 X ξk k=1 n+r−k n=0 k=1 ξk an x ! k−1 X an xn+r−k n=0 ! ! . . Dans la somme de droite, effectuons le changement de variable m = r + n − k. On obtient alors ! ! r−1 r−1 r−1 r−1 X X X X m n r−k am+k−r x ξk an x − = ξk x Φa (x) 1 − k=0 = n=0 k=1 r−1 X r−1 X an x n − m=1 n=0 = a0 + r−1 X m=1 am − m=r−k r−1 X ξk am+k−r k=r−m r−1 X ξk am+k−r k=r−m On trouve bien la formule proposée. On remarque en particulier que Q(0) = 1. ! ! xm xm . EZ 8 Inversement, si P et Q sont les polynômes définis dans le théorème, la fraction rationnelle P/Q se décompose en série entière dont le rayon de convergence R est le plus petit des modules des racines du polynôme Q, c’est-à-dire l’inverse du plus grand des modules des racines du polynôme Qa . On a donc R = 1/µ. Enfin, si les polynômes P et Q n’étaient pas premiers entre eux, on pourrait simplifier la fraction P/Q sous la forme P/Q avec Q de degré s tel que Q(0) = 1. Si Qa (0) n’est pas nul, le polynôme caractéristique de la suite a serait alors X s Q(1/X) et Qa ne serait pas minimal. Cela reste vrai si Qa (0) = 0 en considérant la suite b de la remarque 2. Coefficients du polynôme caractéristique Théorème 5 Soit A un sous-corps de C, et a une suite récurrente linéaire à coefficients dans A. Alors les coefficients de Qa appartiennent à A. Si, pour tout n ≥ 0, an+r = r−1 X ξk an+k , k=0 on obtient en faisant varier n de 0 à r − 1 un système de r équations à r inconnues ξ0 , . . . , ξr−1 qui s’écrit matriciellement : ar ar+1 .. = . a2r−1 a0 a1 .. . a1 a2 .. . ··· ··· ar−1 ar .. . ar−1 ar−2 · · · a2r−2 ξ0 ξ1 .. . . ξr−1 Si le déterminant du système était nul, il existerait une combinaison linéaire non triviale entre les lignes de la matrice du système, donc, il existerait des coefficients non tous nuls, λ0 , . . . , λr−1 tels que, pour p compris entre 0 et r − 1 on ait r−1 X λj ap+j = 0 . j=0 Alors on en déduit par récurrence que cette relation est vraie pour tout entier p. En effet, si la relation est vraie jusqu’à l’ordre p ≥ r − 1, on a, en utilisant la relation de récurrence, r−1 X j=0 λj ap+1+j = r−1 X j=0 λj r−1 X k=0 ξk ap+1+j−r+k = r−1 X k=0 ξk r−1 X j=0 λj ap+1+j−r+k , EZ 9 et puisque 0 ≤ p + k − r + 1 ≤ p, il résulte de l’hypothèse de récurrence que les sommes r−1 X λj ap+1+j−r+k sont toutes nulles, et donc que j=0 r−1 X λj ap+1+j = 0 . j=0 La relation est donc vraie au rang p + 1 donc quel que soit p entier. Ceci montre que la suite a possèderait un polynôme caractéristique de degré strictement inférieur à r, donc que Qa ne serait pas de degré minimal. Le déterminant du système n’est donc pas nul. Alors les inconnues s’expriment comme fractions rationnelles des coefficients, et sont des éléments de A. Suites à coefficients entiers Le résultat précédent reste vrai si l’on se place dans Z. Pour le montrer indiquons auparavant quelques résultats sur les séries formelles. Soit f une série formelle non nulle à coefficients dans un anneau intègre A. On note val(f ) la valuation de f . Si f et g sont deux séries formelles non nulles on a alors val(f g) = val(f ) + val(g) , et f g n’est pas nulle, ce qui montre que l’anneau A[[X]] des séries formelles à coefficients dans A est intègre. Une série formelle à coefficients entiers est dite primitive si aucun nombre premier ne divise tous ses coefficients. On a alors les deux propriétés suivantes : – Si f est une série formelle à coefficients entiers, il existe une nombre entier strictement positif δ et une série formelle primitive g tels que f = δg . Il suffit de mettre en facteur dans f le PGCD δ de ses coefficients. – Le produit de deux séries formelles primitives f1 et f2 est une série primitive. Pour le démontrer, considérons un nombre premier α et soit f˙1 et f˙2 les séries formelles à coefficients dans Z/αZ obtenues à partir de f1 et f2 en remplaçant les coefficients par leur classe modulo α. Alors ⌢ ˙ f1 f2 = f˙1 f˙2 . EZ 10 ⌢ ˙ Si f1 et f2 sont primitives, alors f˙1 et f˙2 ne sont pas nulles et donc f1 f2 non plus, ce qui montre que f1 f2 est primitive. Théorème 6 Soit a une suite récurrente linéaire à coefficients entiers. Alors les coefficients de Qa appartiennent à Z. On suppose la suite a non nulle à partir d’un certain rang. En divisant éventuellement les coefficients de la suite a par leur PGCD, ce qui ne change pas le polynôme caractéristique, on peut toujours supposer qu’il n’existe aucun nombre premier divisant tous les coefficients an . La fonction génératrice Φa définit alors une série formelle primitive. D’aprés le théorème 5 les coefficients ξk sont rationnels. Les coefficients ξi non nuls étant écrits sous forme de quotients irréductibles de nombres entiers, notons ∆ le PPCM de leurs dénominateurs. Si l’on considère les polynômes P et Q du théorème 3, les polynômes P0 = ∆P et Q0 = ∆Q sont à coefficients entiers. De plus aucun nombre premier ne divise tous les coefficients de Q0 sinon il diviserait à la fois le numérateur et le dénominateur d’un coefficient ξk . Par ailleurs on a encore Φa = P0 , Q0 et les polynômes P0 et Q0 sont de nouveau premiers entre eux. En écrivant la relation de Bezout, il existe deux polynômes A et B à coefficients rationnels tels que AP0 + BQ0 = 1 . En multipliant cette relation par le PPCM m des dénominateurs des coefficients non nuls de A et B écrits sous forme irréductible, et en notant A0 = mA et B0 = mB , on a donc A0 P0 + B0 Q0 = m , et les polynômes A0 et B0 sont à coefficients entiers. Alors Q0 (A0 Φa + B0 ) = m . On peut écrire A0 Φa + B0 = δg où g est primitive et δ entier, donc Q0 g = m , δ EZ 11 mais puisque Q0 g est primitive, comme produit de deux séries formelles primitives, il en résulte que m/δ vaut 1. En particulier le terme constant de Q0 g vaut 1 et donc Q0 (0), le terme constant de Q0 , également. Mais Q0 (0) = ∆ = 1 , ce qui signifie que les dénominateurs des coefficients ξp sont tous égaux à 1, donc Q0 = Q ainsi que Qa sont à coefficients entiers.