De l’un à l’autre Spiritualité du yoga et psychanalyse BERTHELET LORELLE Christiane, De l’un à l’autre Spiritualité du yoga et psychanalyse, Montréal, LIBER, Voix psychanalytique, 2007, 142 pages Autres ouvrages de l’auteur: - la sagesse du désir, Paris, Seuil, Couleur psy, 2003 les créations du corps et de l’inconscient, Lyon, Cahiers de Présence d’Esprit, 2004 A également écrit des articles dans la revues française du yoga dont certains articles sont repris ou issus de ce livre. L’auteur : Christiane Berthelet Lorelle (CBL) : psychanalyste, psychologue clinicienne et psychomotricienne de formation initiale elle s’intéresse depuis de longues années à la philosophie et à la pratique du yoga. Elle est également professeur de yoga. Ses écrits reprennent ainsi son expérience en tant que pratiquante /enseignante de yoga et psychanalyste. Elle retrace dans cet ouvrage la manière dont elle a découvert le yoga, et comment la pratique du yoga lui a permit de faire une analyse et le rapport qu’elle a pu établir entre le yoga et la psychanalyse à travers son vécu. Cbl reprend également l’ashtânga yoga ce qui peut-être un plus car cela offre une nouvelle manière de définir les notions qui composent ces 8 membres du yoga. Elle explique également comme à travers la pratique l’on peut s’ouvrir, faire se relâcher des résistances et comment ensuite cela peut laisser de la place à la parole. Et c’est notamment celà qu’elle va développer tout au long de son ouvrage, avec certains chapitres plus axés sur le yoga et d’autre sur la psychanalyse, mais de manière général il y a toujours un lien qui est fait entre les deux. Composition : 6 chapitres - Chapitre 1 : le pari de Patanjali Cbl explique, toujours a travers son expérience, comment le yoga, a travers le travail du corps et du souffle permet de relâcher certaines résistances, pour faire place un espace où l’on peut enfin se poser en sujet et être à l’écoute. Et une fois espace créer, le sujet peut avoir besoin parole et cette parole peut être libérée grâce au travail yoga qui induit une étude de soi( svâdhyâya). Patanjali, dans le Yoga Sûtra décrit ce travail et préconise 8 étapes pour arriver à cette libération (ashtânga yoga). Cbl les développe dans ce 1er chapitre. Elle fait également le lien entre le yoga de Patanjali et Freud, expliquant qu’il y a des notions communes même si les approches différentes du fait que 25 siècles d’écart entre les deux . Ainsi par exemple, Patanjali avait identifié les cause de souffrances à travers notamment l’ignorance/avidité./angoisse de la mort , là où Freud parle de la part narcissique du moi, pulsion insatisfaite , refoulement, l’angoisse de la castration. Dans le Yoga, comme en psychanalyse: accepter de perdre quelque chose, mais pour libérer un espace qui permettre alors seulement de laisser de la place à autre chose. Citation p 38: « si le sujet consent à s’ouvrir au manque et à la perte, à se dévêtir de ses apprêts narcissiques, à lâcher son goût de la force et du pouvoir, il s’offre alors à la sagesse d’un désir autre et peut-être à l’avènement de l’amour ». - Chapitre 2 : un espace à ouvrir Cbl met en avant la notion de bienveillance comme enjeu fondamental du yoga. On ne peut accéder à ce état d’esprit et prendre acte de l’autre que s’il on arrive à se dégager de sa souffrance et créer un « bon espace ». Cbl développe là la notion de l’éthique. Elle indique aussi que l’homme est naturellement être enclin à la violence et qu’il doit faire un effort pour lutter contre et que la pratique du yoga peut justement permettre de se dégager de cette violence. Cbl présente le yoga comme une transformation d’un état d’esprit, libre, dégagé de souffrance et donc apte à vivre sereinement. Citation p 63 : « L’énergie de vie, appelée prâna, dont les textes disent qu’elle est « l’amie de la conscience », lorsqu’elle pousse à l’analyse, finit par atténuer les ravages du passé. L’existence prend alors une autre saveur et son approche devient plus spirituelle : elle permet de percevoir, d’éclairer et de goûter tout simplement à la vie qu’il y a dans la vie… » - Chapitre 3 : méditation sur une fracture, une approche psychanalytique de l’altérité On est plutôt du coté de la psychanalyse dans ce chapitre. Il est question de la souffrance générée dans la relation avec l’autre. Cbl y décrit notamment comment Lacan aborde la notion de l’altérité : le sujet quand il est séparé de l’autre dans lequel il avait confiance, qui était tout pour lui (ex : mère/enfant) cela créer un intervalle qu’il appartient d’apprendre à appréhender pour ne pas en souffrir. Pour bien vivre cette rupture, le sujet doit être capable d’assumer sa solitude et renoncer à toute puissance que la relation avec l’autre est susceptible de lui donner. Cbl énonce le risque de la non-acceptation de cette scission quand le sujet idéalise l’autre et le vénère en supprimant l’intervalle entre lui et cet autre. Elle donne à titre d’exemple le cas des fanatiques prêts à tuer au nom de leur Dieu, qui est, en l’espère leur Autre dont ils ont refusé de se séparer. L’absence d’altérité générée par la séparation entre le sujet et l’autre permet, si on l’accepte, de créer un espace de liberté justement pour accueillir un autre pour ce qu’il est et de ne pas l’idéaliser ou de lui conférer tout pouvoir sur nous même. - Chapitre 4 : retour à Freud, le combat d’une humanisation Cbl reprend issu des réflexions de Freud. Pour lui, l’homme a tendance à l’agressivité mais cela n’est pas une fatalité. C’est la peur et/ou la culpabilité de perdre l’autre, de perdre son amour, de le décevoir qui peut amener à renoncer à l’agressivité. Il y a alors une élévation de la conscience, un surmoi qui vient fixer des règles. Citation, p 85 : « Pour résumer, le surmoi devient donc, par l’angoisse de perdre l’amour (paternel ou maternel) le siège de la conscience morale, le frein à la sauvagerie. C’est donc cette angoisse – c’est-à-dire la peur de perdre l’autre- en même temps que « l’élévation du sentiment de culpabilité » qui sont repérés par Freud comme étant les moteurs de la conscience. C’est cette élévation qui s’avère à ses yeux comme le garant du progrès de la civilisation. » On intériorise une partie de l’autre (mimétisme, adoption de certaines manières, du langage) qu’on intègre pour pouvoir laisser partir l’autre sans le perdre totalement. Cela permet en même temps de faire de la place à de nouveaux autres. Pour Freud, l’élévation de la conscience est donc capitale pour le bien-être de l’humanité et cela asse par l’éthique car l’absence d’altérité peut conduire le sujet à rejet violement l’autre qui lui prend son espace. Pour Cbl il est donc important de transmettre l’éthique de yoga dans la mesure où son enseignement permet au sujet de créer un espace en lui-même et donc de créer du lien humain, puisque cet espace est une condition pour donner et recevoir. - Chapitre 5 : un souffle pour la paix Citation p97 : « Parler d’une éthique de la différence et de la vigilance qu’elle implique incline à parler du yoga comme d’un travail qui se soucie du monde et de sa manière de l’habiter, un travail dont la perspective morale est censées donner à nos actes et à nos relations une certaines qualité d’humanité. » En mettant en avant la bienveillance comme donnée fondamentale, Cbl fait un retour sur les yama de Patanjali et décrit leur inter action. Citation p108 : « C’est cela le yoga au quotidien, croire en la vertu (yama) gagnée sur l’ignorance (avidyâ), non pas fermer les yeux sur le monde mais décider de les ouvrir, accepter de voir l’inhumain dans l’humain, et opter délibérément pour l’envers de sa brutalité. » Citation p 112 : « dans la langue de Patanjali, les yama tentent de faire limite aux ravages des klesha.Ce travail est donc un combat, mu par un désir éthique, une position à tenir (âsana). » Elle fait état de son constat que dans la société l’autre est souvent victime de violence au quotidien (de par l’indifférence qu’on lui porte, l’irrespect ou les violences quelles qu’elles soient qu’on lui inflige…) Cbl parle même dans ce chapitre de racisme, du nazisme pour montrer à quel point le rejet de l’autre peut être violent. Elle évoque également le monde politique où le manque d’honnêteté et de vérité peut conduire l’homme vers sa destruction car le profit financier et le bien-être matériel est mis en avant. Elle indique comment Patanjali avait déjà cerné cette donnée et rappelle encore pour elle l’importance de mettre en avant l’éthique du yoga pour apprendre à faire de la place à l’autre en le respectant, en lui disant la vérité, en étant désintéressé, même si cela implique une lutte avec ses propres souffrances. Souffrances qu’il appartient au yoga de déceler et d’appréhender pour pouvoir se transformer et pouvoir aller vers l’autre. - Chapitre 6 : une spiritualité en acte Cbl fait état du fait que si l’on a subi un traumatisme, on a tendance à le reproduire et ainsi par exemple le fait d’avoir été exclu à un moment donné pour conduire ensuite à exclure autrui quand l’occasion se présente. Risque que celui a qui on a menti un moment donné se rebelle surtout qu’il n’est peut être pas prêt ou ne s’attendait pas l’agression dont il est victime. Pour pouvoir comprendre l’autre il faut pouvoir aller vers l’autre et donc avoir laisser un espace pour pouvoir le laisser venir : il faut pour cela avoir été d’abord capable de se débarrasser de ses propres souffrances. Cbl fait état là de l’importance et l’apport d’une cure analytique. Citation p 124 : « Car il faut avoir pu reconnaitre en soi-même les causes de ses traumatismes et en avoir saisi toutes les cordonnées, s’être abandonné à un être de confiance et avoir reconquis avec lui cette part de vérité, pour être capable d’entendre, ici ou là, ce cri désespérément muet, semblable à celui de Munch, de la souffrance d’autrui. » Cbl note également la nécessité de ne pas tout accepter, de ne pas tout tolérer sous prétexte d’acquérir la sagesse faite de tolérance. Et pour ce faire montre la nécessité de se rattacher au beau, au positif et donc s’arracher du négatif. Pour accéder à cette intelligence, acquérir une lumière intérieur qui permet de vivre ce monde, les spiritualités préconisent une purification ( pour Freud= psychanalyse, pour Patanjali= niyama) afin d’acquérir la capacité de discernement. Citation p140 : « Il se peut qu’on reproche à ce livre de sortir le spirituel des chapelles de silence, pour en faire une spiritualité pragmatique, militante et politique, mais il s’agit de s’approcher d’une spiritualité vigilante et philosophique, c’est-à-dire , tout simplement , qui aime la sagesse. Aussi est-il important de sortir le yoga de ses techniques de bien-être isolées de leur contexte philosophique pour lui restituer sa valeur morale. Car il est une chose de s’approcher puis de connaître la nature de l’esprit, mais il en est une autre de savoir qu’en faire en ce monde. »