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Actividades 2010 Barcelona, España.
Histoire d’une rencontre entre la pédiatrie, la Médecine et
la psychanalyse : hasard, besoin, désir ?
Conférence du 15 Octobre 2010 - Barcelone
Danièle Brun
Professeur émérite à l’université Paris-Diderot
Membre d’Espace analytique
Présidente de la Société Médecine et psychanalyse (SMP)
Je voudrais d’abord vous parler de la rencontre entre médecine et psychanalyse avant
de parler de la pédiatrie. Car ces deux disciplines ont lié une partie de leur histoire avec
Freud.
Freud qui ne se destinait pas à la médecine dans ses jeunes années raconte comment il
s’y décida
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. A l’époque, il s’intéressait surtout à Darwin et à l’âge de 18 ans, il est allé
écouter une conférence dont le thème portait sur un essai de Goethe intitulé La Nature qui
l’impressionna fortement. Cela se passait peu de temps avant son baccalauréat et c’est cela
qui décida de son inscription en médecine. Goethe est d’ailleurs l’un de ses auteurs de
référence les plus importants et il cite Faust à maintes reprises, comme pour transmettre avec
les mots du poète les images nécessaires à son propos. L’histoire de Faust et de
Méphistophélès peut également illustrer certains aspects de la relation médecin-malade.
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Sigmund Freud, présenté par lui-même, Gallimard, Paris.
Asociación
Española de
Historia del
Psicoanálisis
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J’espère avoir un peu de temps pour vous en donner un exemple. Freud au cours de ses
études et de ses premiers passages en laboratoire passa donc de l’histologie du système
nerveux à la neuropathologie et à l’étude des névroses. « Mon manque de véritable
disposition médicale n’a pas beaucoup nui à mes patients. Car le malade n’a pas grand
avantage à ce que, chez le médecin, l’intérêt thérapeutique soit à prédominance affective. Le
mieux pour lui est que le médecin travaille avec sang-froid et le plus correctement
possible
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. » La phrase n’a rien perdu de sa vérité aussi bien pour comprendre la place de la
psychanalyse dans la médecine moderne que les modalités de la collaboration entre
médecins et psychanalystes à l’hôpital comme en privé.
Cela dit la phrase permet aussi de revenir aux débuts de Freud avec Joseph Breuer, son
aîné et ami, médecin réputé dans la Vienne de la fin du 19 ème siècle. Leur rencontre a été
doublement déterminante pour la Naissance de la psychanalyse et pour le statut de la
médecine dans la psychanalyse.
C’est dans le laboratoire de physiologie du professeur Ernst Brücke où il resta 6 ans de
1876 à 1882 que Freud rencontra Joseph Breuer et que Breuer le remarqua.
Je vais revenir sur les enjeux de cette rencontre car ils illustrent bien, à mon sens, les
relations entre médecine et psychanalyse. Breuer s’occupa d’Anna O. pendant presque 2 ans
et au cours de l’été 1881, il vint souvent rendre visite à Freud dans sa chambre d’étudiant
pour lui parler de cette jeune malade si intelligente et assaillie de symptômes hystériques :
troubles de la vue et du langage, anorexie, toux nerveuse, et difficultés à marcher. Freud ne
rencontra jamais Anna O mais je crois qu’elle exerça une forte influence sur ses travaux
ultérieurs et notamment sur la distance que Freud prit avec la médecine. On sait maintenant
que l’hystérie était un fléau pour la médecine depuis le Moyen-âge, un peu comme le fut la
lèpre ou comme l’est aujourd’hui le Sida. Pourquoi cette comparaison ? parce que c’est sur
l’impuissance de la médecine à guérir l’hystérie que Freud a bâti la psychanalyse.
Impuissance de la médecine devant des symptômes extrêmement handicapants mais sans
lésion neurologique repérables.
Si l’impuissance de la médecine à guérir l’hystérie est à l’origine de la création de la
psychanalyse, ce fut d’abord une question de hasard. Je pense en particulier au hasard de la
rencontre entre Freud et Joseph Breuer dans le laboratoire de physiologie du Pr. Brücke en
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La question de l’analyse profane, Gallimard, Paris.
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1878. À cela s’ajouta l’intérêt de Breuer, praticien confirmé, pour ce jeune et brillant
collègue qu’était Freud et l’éveil partagé de leur désir de comprendre et de savoir pour la
jeune patiente de Breuer : la fameuse Bertha Pappenheim, dite Anna O., pour la postérité. Et
puis il y eut ces soirées d’été 1882 à Vienne Breuer éprouva le besoin d’aller voir Freud
dans sa chambre d’étudiant pour lui raconter ses séances avec Anna O. le désir de Freud
s’éveilla alors pour cette jeune fille et surtout pour sa pathologie. Il n’oublia jamais ce que
Breuer lui raconta bien qu’il n’ait jamais rencontré cette patiente. Et il est vraisemblable que
cette influence se fit sentir lorsque Freud vint à Paris suivre les leçons de Charcot à La
Salpétrière.
L’impuissance de la médecine est un élément important qui traverse l’histoire des
relations entre les deux disciplines et que les médecins redécouvrent aujourd’hui quelles que
soient les avancées scientifiques, les progrès thérapeutiques et l’allongement des survies.
Nous avons encore affaire à cela aujourd’hui, simplement on ne pense pas à y réfléchir
à l’appui de ces critères. Ce facteur organise les besoins des médecins et il est donc très
important de les prendre en considération.
Confrontés à l’impuissance de leurs moyens thérapeutiques, étonnés devant les
obstacles et les résistances qu’oppose le corps à la diversité des thérapeutiques, les médecins
découvrent de plus en plus souvent la part psychique qui tente de se frayer un passage dans
la maladie. C’est alors qu’à l’occasion d’une forme conjointe d’écoute et de prise en charge,
les manifestations de l’inconscient logées dans le corps malade peuvent être prises en
compte.
Ce sont des circonstances qui, de quelque côté qu’on les prenne, sont certainement
liées à l’histoire des sciences mais de façon plus essentielle et indépendamment des périodes
à au croisement de trois facteurs : le hasard, le besoin et le désir. Je veux parler du hasard de
la rencontre entre Breuer et Freud hasard dont chacun de nous peut faire l’expérience à
un moment ou à un autre de sa vie —, du besoin de soigner ou d’être soigné et de
comprendre ou d’être compris pour ce qui est du point de vue thérapeutique. Je veux enfin
parler du désir, non seulement celui de guérir mais aussi celui de satisfaire un narcissisme
dont on peut penser qu’il trouve ses origines dans l’enfance de tout un chacun et qu’il
s’accomplit par des voies différentes. sbesoin-désir se sont ainsi entremêlés sur le fond
d’impuissance séculaire de la médecine à soigner et à guérir les troubles de l’hystérie qui
atteignaient les fonctions vitales sans lésion apparente.
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Hasard, besoin, désir : voilà le modèle dont chacun de nous peut, me semble-t-il,
s’inspirer pour retrouver les différentes étapes de sa rencontre avec la médecine et avec la
psychanalyse. Que l’on soit ou non médecin, chacun peut, je crois, y couvrir les sources
de son intérêt et éventuellement les mesures de repli qu’il ou elle impose à son désir pour
faire prévaloir le besoin de soigner, quitte à oublier le hasard qui mène jusque-là.
Du côté des patients maintenant, à un premier niveau, celui des faits, on sait que la
découverte de la maladie comporte toujours une part de hasard, quels que soient les progrès
de l’épidémiologie ou des facteurs prédisposant. Le besoin de soins est alors évident et il
organise la relation entre le médecin et son malade. La place à accorder au désir, et plus
particulièrement aux désirs inconscients est plus subtile. Disons qu’ils s’avancent masqués
dans le besoin de soins. L’irrationnel qui caractérise les manifestations du désir inconscient
est déjà perceptible à ce moment-là. On en découvre les indices dans la multiplicité des
réactions des patients aux effets des traitements. N’oublions pas que le traitement est
l’attribut du médecin, son accessoire principal de sorte que sa mise en cause par le patient,
même lorsqu’elle est justifiée par des malaises ou par des intolérances, traduit une demande
adressée à celui qui l’a prescrit et dont la bienveillance et bienfaisance sont ainsi
soupçonnées. Que me veut-il ? du bien ? du mal ?
C’est sous la rubrique : hasard, besoin, désir que je souhaite poursuivre et vous
présenter le parcours de notre association la société Médecine et Psychanalyse au sein
duquel mon parcours personnel trouve évidemment une place. En matière de psychanalyse
comme en matière de médecine d’ailleurs, il est tout à fait important d’examiner comment
ces trois registres s’imbriquent et se recoupent. D’une certaine façon, c’est ce qui guide les
travaux de thèse à l’université j’ai pu faire habiliter un centre de recherches qui s’appelle
CRPM et qui permet à des psychologues de terrain ou à de jeunes psychologues de venir
élaborer des thèmes de recherche théorico-cliniques.
Dans un premier temps, pour faire évoluer une collaboration sur le terrain, à l’hôpital
ou dans les cliniques, il faut accorder beaucoup d’attention à la demande d’aide des
médecins, surtout si elle est soutenue par un sentiment d’impuissance ou de malaise dans la
relation avec leurs malades. Telles furent les circonstances qui ont présidé à ma rencontre
avec la pédiatrie dès les années 70, et qui ont guidé mes travaux dans le service de
cancérologie de l’enfant de l’Institut Gustave Roussy.
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Ce fut pour moi un hasard de rencontrer la fondatrice de la cancérologie de l’enfant en
France, de trouver chez elle des vacations de psychologue et d’être incitée par elle à
entreprendre des recherches sur la guérison du cancer chez l’enfant. C’était un besoin pour
le service et la question du désir pour l’enfant s’est très vite posée au cours de mes
rencontres avec les familles et de mes échanges avec les soignants. La triade hasard, besoin,
désir convient en ce cas aussi à restituer les différentes étapes de ce travail.
Demander l’aide des psychanalystes : c’est ce que des pédiatres de renom, engagés
dans le traitement de maladies graves de l’enfant : cancer, leucémies …, ont fait dans les
années 60 à Paris et c’est ce qui a ouvert la voie à une collaboration plus systématique. Elle
a démarré au nom de la mère et de l’enfant, au nom des parents de l’enfant, au nom des
soignants qui les accompagnaient. Les demandes d’aide ont émergé de la part des médecins
et bien que cela se soit fait sur un mode très médical, l’importance de la collaboration s’est
précisée. Le travail effectué par Ginette Raimbault pendant de longues années auprès des
familles et des enfants a fait date. Son patron, célèbre néphrologue, le Pr. Pierre Royer
voulait simplement, comme il le dit lui-même dans une intervention au Collège de médecine
dont je parlerai bientôt, devenir plus habile « dans le maniement des rapports humains. »
On peut tenir cette demande, quelle que soit l’ambiguïté de sa formulation, pour le
paradigme de ce qui justifie aujourd’hui encore l’essence des rapports entre psychanalyse,
médecine et pédiatrie. Je pourrai parler pendant des heures des recherches que j’ai menées
en pédiatrie, de ce que j’y ai découvert concernant le lien de la mère à son enfant malade, de
l’aliénation de l’enfant dans les angoisses de mort de sa mère. Je pourrai aussi longuement
parler des retentissements de cette expérience sur ma pratique de psychanalyste. Mais ce
n’est pas le sujet de ce soir.
J’en viens maintenant à l’historique de la société Médecine et psychanalyse. Elle a été
fondée en 2001 avec une étroite articulation à l’université Paris-Diderot à laquelle
j’appartiens et à la recherche universitaire.
C’est une structure associative avec des collègues médecins et psychanalystes, ainsi
qu’avec des universitaires. Elle est ouverte sur l’univers du soin médical et on y répond aux
différentes propositions de réflexion ou de formation émanant des praticiens. Fondé sur un
même souci de réflexion et de prise en considération de la part psychique inhérente au soin
médical, un réseau national et européen a pris forme et s’est développé au fil des projets de
colloques et des journées scientifiques qui ont eu lieu. Ces journées ont commencé en 1993
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