Enjeux et problématique
La plante possède un système immunitaire inné qui lui permet de résister aux pathogènes. La première
ligne de défense du système repose sur la reconnaissance de motifs moléculaires microbiens1 par des
récepteurs membranaires2 qui élicitent en retour les défenses de la plante, conduisant à l'élimination des
micro-organismes3. Les motifs reconnus à cette étape sont partagés par un très grand nombre de micro-
organismes incluant pathogènes et non-pathogènes. C'est pourquoi nous faisons l'hypothèse que la
reconnaissance de motifs moléculaires généraux pourrait également intervenir dans la colonisation de la
plante par des micro-organismes commensaux de la plante, notamment dans la rhizosphère. Nous
voulons vérifier cette hypothèse en étudiant l'effet de la présence d'un tel récepteur sur la colonisation de
la racine et sur la diversité taxonomique des bactéries du sol recrutées dans le microbiote racinaire.
Le projet se base sur la comparaison de lignées végétales quasi isogéniques, c'est-à-dire différant
uniquement par la présence d'un récepteur végétal bien identifié. Le récepteur étudié est EFR, un
récepteur propre aux Brassicacées qui reconnait le facteur d'élongation des bactéries. L'introduction du
gène EFR de l'arabette dans des lignées de tomate, de tabac et luzerne a été réalisée. Les lignées ainsi
transformées ont acquis une résistance notoire à une large gamme de pathogènes bactériens4, montrant
que ce gène est fonctionnel et capable de modifier le système immunitaire des plantes transformées (i.e.
EFR+). Ainsi, il y a moins de cellules végétales transformées par Agrobacterium fabrum chez les plantes
EFR+ que chez les plantes sauvages nativement dépourvues du récepteur EFR (i.e. EFR-).
Remarquablement, quand il est dépourvu du plasmide de virulence (pTi), A. fabrum agit comme un
simple commensal, recruté en abondance dans le microbiote de la luzerne. A. fabrum est de ce fait un bon
candidat pour étudier l'effet d'EFR sur la colonisation des racines par une bactérie commensale. En outre,
les gènes déterminants la niche écologique spécifique d'A. fabrum5 apparaissent impliqués dans la
colonisation de territoires particuliers de la racine de luzerne qui constituent de fait le lieu de la niche
écologique spécifique de cette bactérie6. La question se pose alors de l'interaction entre effet du système
immunitaire de la plante et colonisation de ces territoires racinaires particuliers.
A l'échelle du microbiote racinaire, le profilage taxonomique basé sur le polymorphisme de taille de
l'intergène 16S-23S de l'opéron ribosomique (ARISA), a révélé des différences significatives dans les
profils ARISA des lignées sauvages et EFR+7, montrant que plusieurs taxons bactériens normalement
présents dans le microbiote des lignées sauvages ne sont pas recrutés dans la rhizosphère des plantes
EFR+. Ces taxons particulièrement sensibles au système immunitaire de la luzerne doivent maintenant
être identifiés.
Objectifs
Le projet a pour objectifs (i) de mettre en évidence les différences de colonisation des racines de luzerne
(Medicago truncatula) sauvage (EFR-) et transformées (EFR+) par A. fabrum affecté ou non dans les gènes
déterminant l'accès à sa niche écologique spécifique au niveau des racines ; (ii) d'identifier les principales
espèces bactériennes dont le recrutement dans la rhizosphère est affecté chez les plantes EFR+.
Démarche expérimentales :
La souche C58C1 d'A. fabrum dépourvue de plasmide Ti sera marquée constitutivement par le gène de
synthèse de la GFP. Cette souche sera utilisée pour étudier par microscopie confocale la colonisation de
jeunes plantes de M. truncatula EFR+ et EFR- cultivées en conditions axéniques. Des mutants affectés dans
les gènes spécifiques d'espèces, marqués à la GFP, seront construits pour étudier l'interaction entre
adaptations spécifiques d'A. fabrum et effet d'EFR sur la colonisation des plantes.
Les ADN métagénomiques extraits du sol nu et du sol rhizosphérique de lignées végétales isogéniques
présentant ou pas le gène EFR chez A. thaliana, S. lycopersicum, N. benthamiana et M. truncatula (i.e. quatre
couples sauvage/mutant) qui ont servi aux analyses ARISA seront utilisés pour amplifier une région
hypervariable du gène 16S avant séquençage par la technique Illumina. Les données de séquençage
feront l'objet d'analyses bioinformatique et biostatistique pour identifier les taxons d'intérêt.
Collaborations :
C. Prigent-Combaret pour les aspects de microscopie confocale ; plateforme Ibio de l’UMR CNRS 5557;
pour les aspects biostatistique ; et C. Zipfel, The Sainsbury Laboratory (Norwich, UK) qui a construit les
lignées mutantes. Le sujet est prévu pour une poursuite en thèse.