l`efr preoperatoire est-elle utile

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QUESTIONS POUR UN CHAMPION EN ANESTHESIE
L’EFR PREOPERATOIRE EST-ELLE UTILE?
B. Dureuil, Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Charles Nicolle, 1 rue de
Germont, 76031 Rouen cedex.
INTRODUCTION
La place de l’Epreuve Fonctionnelle Respiratoire (EFR) dans le cadre du bilan préopératoire est aujourd’hui controversée. En effet, la valeur prédictive du risque opératoire
dérivé de l’EFR apparaît inférieure à celle de données de l’examen clinique [1, 2] et il
existe une tendance très forte pour considérer qu’elle ne doit plus être réalisée systématiquement [3].
Un consensus persiste en revanche pour la prescription de l’EFR dans le cadre de la
chirurgie thoraco-pulmonaire, en particulier lorsqu’il y a résection parenchymateuse [4].
Elle participe à la prédiction de la fonction respiratoire postopératoire et sa place est
relativement bien codifiée. Ce point ne sera pas développé dans cette revue.
1. LES EFR PREOPERATOIRES-[5]
Les EFR comportent le plus souvent l’étude des volumes et des débits ; ces données
sont suffisantes dans l’immense majorité des cas et ne nécessitent pas le recours à des
investigations plus poussées.
1.1. VOLUMES ET DEBITS PULMONAIRES
1.1.1. CAPACITE VITALE (CV)
C’est le volume maximal qui peut être inspiré après une expiration forcée. Dans la
littérature anglo-saxonne, la capacité vitale est le volume maximal expiré après une
inspiration forcée ; ce volume est appelé «capacité vitale forcée» (CVF), et il est habituellement inférieur à la CV déterminée de manière souple et lente. La capacité vitale
est constituée par les volumes suivants :
• le volume courant (VT), qui est le volume mobilisé au cours d’un cycle respiratoire
normal ;
• le volume de réserve inspiratoire (VRI), qui est le volume maximal inspiré au décours d’une inspiration normale ;
• le volume de réserve expiratoire (VRE), qui est le volume maximal expiré à la fin
d’une expiration normale.
163
164 MAP AR 2000
Ces différents volumes sont représentés sur la Figure 1. Ils sont mesurés à l’aide
d’un spiromètre à eau d’utilisation et de maintenance simples, ou le plus souvent grâce
à un pneumotachographe (qui mesure les débits gazeux) relié à un intégrateur et à un
système automatisé.
VRI
CV
VT
CPT
VRE
CRF
VR
Figure 1 : Représentation de la subdivision des volumes pulmonaires. CPT : capacité
pulmonaire totale, CRF : capacité résiduelle fonctionnelle, CV : capacité vitale,
VRE : volume de réserve expiratoire, VRI : volume de réserve inspiratoire, VR : volume résiduel, VT : volume courant.
1.1.2. VOLUMES STATIQUES
1.1.2.1. Définitions
La capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est le volume pulmonaire à la fin d’une
expiration normale. Ce volume ne peut être mesuré que de manière indirecte soit par la
méthode de dilution à l’hélium, soit par pléthysmographie.
Le volume résiduel (VR) est le volume gazeux pulmonaire après une expiration
complète. Il est égal à la différence entre la CRF et le VRE. La mesure du VR est celle
d’un volume gazeux qui n’est pas exhalé par la bouche et qui en conséquence ne peut
être apprécié par spirométrie (Figure 1).
1.1.2.2. Techniques de mesure
Elles reposent soit sur la dilution de l’hélium en circuit fermé, soit sur une mesure
pléthysmographique. Chez les sujets à poumons sains les deux techniques de mesure
de la CRF donnent des résultats très voisins, alors que des différences considérables
dans les valeurs des volumes pulmonaires peuvent être observées en cas de pathologie
pulmonaire.
La technique de dilution mesure en effet le «volume gazeux communiquant» avec
les voies aériennes. La technique pléthysmographique mesure, elle, le «volume compressible». Ainsi, chez les sujets présentant un emphysème important, la mesure par
dilution peut sous-estimer de beaucoup les volumes pulmonaires en comparaison de la
pléthysmographie.
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1.1.3. CAPACITE PULMONAIRE TOTALE (CPT)
Elle est égale à la somme du VR et de la CV. Les différentes subdivisions des volumes pulmonaires sont rappelées dans la Figure 1.
1.1.4. BOUCLE DEBIT-VOLUME
A la suite d’une inspiration profonde, le sujet expire aussi puissamment, rapidement
et complètement que possible. En cas d’obstruction majeure, la durée de l’expiration
est souvent très allongée, mais elle doit rester inférieure à 15 secondes. Sur la courbe
d’expiration forcée (courbe débit-volume), il est possible de déterminer de nombreux
paramètres (Figure 2) :
• le volume expiratoire maximal seconde (VEMS), qui mesure la quantité d’air exhalé
pendant la première seconde d’une expiration forcée ;
• le débit maximal expiratoire 25-75 (DME 25-75) ou débit moyen entre 25 et 75 % de
la CV ;
• sur la même courbe d’expiration forcée, le pneumotachographe (qui mesure les débits gazeux) permet de calculer en plus les débits instantanés habituellement exprimés
en fonction de la CV ; les débits classiquement rapportés sont le débit de pointe et les
débits mesurés à 75, 50 et 25 % de la CV (Vmax75, Vmax50, Vmax25).
Débit (L.s -1)
8
4
0
75
50
25
Capacité
vitale (%)
Figure 2 : Courbe expiratoire débit-volume déterminée chez un sujet normal. Par convention, on mesure le débit maximal et les débits correspondant à 75 , 50 et 25 % de la
capacité vitale (CV).
Le choix des indices d’expiration repose sur des critères de sensibilité et de reproductibilité. Le VEMS est relativement peu sensible, surtout pour détecter les anomalies
siégeant au niveau des petites voies aériennes, mais sa bonne reproductibilité en fait un
excellent indice pour suivre chez un même individu les modifications de la perméabilité bronchique dans le temps. A l’inverse, DME 25-75, Vmax50 et Vmax25 sont plus
sensibles, mais souffrent d’une moins bonne reproductibilité.
Quand le patient inspire aussi vite que possible, tout de suite avant ou après une
expiration forcée, il se forme «une boucle» débit maximal-volume.
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1.1.5. VENTILATION VOLONTAIRE MAXIMALE (VVM)
La VVM est déterminée en demandant au sujet de respirer le plus vite et le plus
profondément possible pendant une période d’une vingtaine de secondes de façon à
obtenir un tracé ventilatoire régulier sur 12 secondes. La VVM est obtenue en multipliant par 5 la ventilation générée au cours de ces 12 secondes. Cet index permet
d’approcher de manière relativement simple et fiable les capacités d’endurance ventilatoire du sujet. La VVM diminue chez les patients qui ont une affection obstructive de
l’écoulement gazeux, une faiblesse des muscles respiratoires, une coordination
médiocre. La VVM peut également être calculée de manière approchée par la formule
suivante : VVM calculée = 40 x VEMS.
1.2. EXPRESSION DES RESULTATS
Les volumes et les débits aériens varient avec l’âge, le sexe, et surtout la taille. Leur
valeur absolue n’a donc guère de signification fonctionnelle. Il convient de rapporter
les valeurs observées aux valeurs théoriques pour des sujets de même taille, sexe et âge
obtenuEs par l’étude d’une large population de sujets normaux, ce qui n’est pas sans
poser des problèmes méthodologiques et statistiques.
Un autre moyen d’éliminer la forte source de variations consiste à rapporter la valeur observée à un autre index. C’est l’un des avantages du calcul des rapports
VEMS/CV ou VR/CT qui sont indépendants de la taille du sujet. Le rapport VEMS/CV
est assez spécifique de l’obstruction des voies aériennes parce que ses deux termes ont
à peu près la même sensibilité à l’égard de l’amputation parenchymateuse.
1.3. DEBITS, VOLUME ET PATHOLOGIES PULMONAIRES
Il est classique de décrire deux grands syndromes.
1.3.1. SYNDROME RESTRICTIF
Ce syndrome est caractérisé avant tout par une réduction de la CPT accompagnée,
lorsque le syndrome est pur, d’une réduction des autres volumes pulmonaires (CV,
CRF, VR). Le rapport VEMS/CV est normal, voire anormalement élevé. Les débits
maximaux sont diversement modifiés. La mesure répétée dans le temps d’un paramètre
simple comme la CV est le plus souvent suffisante pour suivre l’évolution d’un syndrome restrictif. Au syndrome restrictif on peut opposer le syndrome de distension
associant une augmentation de la CPT, de la CRF et du VR. Ce dernier est associé à une
augmentation du risque de complication respiratoire postopératoire [6].
1.3.2. SYNDROME OBSTRUCTIF
Il est classiquement défini par l’abaissement du rapport VEMS/CV et souvent
accompagné par une élévation du rapport VR/CT. La simple diminution des débits par
rapport aux valeurs normales ne suffit pas pour parler d’obstruction car elle est également présente en cas d’amputation du parenchyme. De même que le VEMS, les autres
index d’expiration forcée doivent être rapportés à la CV (ou à la CPT). Les débits
maximaux à hauts volumes pulmonaires explorent surtout la fonction des voies aériennes proximales alors que les débits maximaux à bas volumes pulmonaires explorent
plutôt les voies aériennes périphériques encore que ce point soit actuellement rediscuté.
S’il existe une obstruction bronchique importante, sa réversibilité est jugée par la
répétition des mesures après inhalation de bronchodilatateurs [7]. Le traitement d’un
patient par bronchodilatateur est une décision clinique et non de laboratoire. Une réponse positive en laboratoire augmente la probabilité d’une réponse clinique bénéfique ;
néanmoins, un test de réponse négatif en laboratoire ne prédit pas de la réponse clinique possible à long terme. Ainsi, si la réponse clinique paraît positive, le traitement
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bronchodilatateur peut être poursuivi et réévalué, à la fois cliniquement et spirométriquement, dans un délai de 4 à 6 semaines.
2. PRESCRIPTION DES EFR PREOPERATOIRES : PRINCIPES GENERAUX
2.1. GENE RESPIRATOIRE ET EFR
Une gêne respiratoire ou une dyspnée peuvent traduire la sévérité de l’atteinte pulmonaire sous-jacente et justifier, la réalisation d’une EFR préopératoire de manière à
quantifier le handicap ventilatoire. Néanmoins cet examen ne sera réellement contributif à l’évaluation que si le prescripteur s’est préalablement assuré cliniquement que la
fonction respiratoire du patient est proche de son état basal. En effet, si la dyspnée est
majorée par une surinfection bronchique (toux, expectoration purulente, encombrement
et ronchi à l’auscultation) et/ou un épisode bronchospastique, les résultats des EFR
conduiraient à sous estimer la fonction respiratoire de base. C’est pourquoi il ne faut
pas réaliser d’EFR chez un patient dont les données de l’examen clinique indiqueraient
une aggravation récente de la fonction respiratoire avant que celle-ci ne soit stabilisée
par un traitement spécifique.
2.2. S’ASSURER DE LA BONNE REALISATION PRATIQUE DES TESTS
La qualité de la réalisation du test est un point central des EFR. La variabilité est
plus importante en ce qui concerne les EFR que la plupart des autres tests d’évaluation
clinique en raison de la variation de l’effort du patient [8]. La qualité du test nécessite
un équipement fiable et contrôlé, de bons tests de procédure, un programme d’évaluation continue de la qualité, des valeurs de référence appropriées et des algorithmes
corrects pour l’interprétation des résultats.
Les courbes spirométriques, en particulier, doivent être examinées pour s’assurer
qu’elles sont produites par un effort adéquat du patient, qu’elles sont reproductibles et
ne contiennent pas d’artéfacts qui pourraient modifier le résultat.
Ainsi la qualité de la réalisation technique de l’EFR est une limite importante à
considérer en particulier chez les personnes âgées, si la coopération ou la vigilance est
médiocre, ou lorsque l’occlusion et la fermeture buccale sur un embout sont techniquement aléatoires.
2.3. NE PAS ATTENDRE DES EFR UNE CONTRE-INDICATION A LA CHIRURGIE
Depuis les années 1950 et jusqu’il y a environ une dizaine d’années, les épreuves
bronchospirométriques et des tests plus complexes ont été utilisés pour tenter de définir
de manière isolée des indices pronostiques du développement de complications respiratoires postopératoires. L’échec de cette approche du risque respiratoire est aujourd’hui
patent, car aucun paramètre ou combinaison de paramètres n’a une sensibilité et une
spécificité suffisante pour prédire le risque de complications postopératoires graves,
comme l’insuffisance respiratoire aiguë [4]. Il est maintenant admis que les EFR ne
peuvent être prescrites dans le but de contre indiquer un patient pour la chirurgie.
3. PLACE DES EFR DANS LE BILAN RESPIRATOIRE PREOPERATOIRE
La prescription d’EFR préopératoires s’inscrit dans la perspective de la définition
du risque opératoire. Ce dernier est fonction d’une part du terrain et d’autre part du type
d’intervention programmée. Le risque respiratoire augmente lorsque le patient doit
subir une chirurgie qui ampute durablement la fonction pulmonaire comme la chirurgie
cardio-thoracique ou la chirurgie abdominale haute. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une
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168 MAP AR 2000
chirurgie périphérique ou de surface, la fonction respiratoire postopératoire, après élimination des agents de l’anesthésie, est inchangée par rapport à la période préopératoire.
Les recommandations de l’Agence Nationale pour le Développement de l’Evaluation Médicale (ANDEM) publiées en 1995 proposaient une stratégie de prescription
qui tenait compte d’une part du type de chirurgie et d’autre part de la présence d’une
maladie respiratoire chronique ou de facteurs de risque [9]. Néanmoins, les conclusions de l’ANDEM aboutissaient à des recommandations relativement larges des EFR
dont l’intérêt aujourd’hui peut être remis en cause à la lumière des données récentes de
la littérature.
Une justification de la réalisation des EFR préopératoires a longtemps été d’identifier les patients qui présentaient un risque respiratoire prohibitif. Cependant aujourd’hui,
même les patients ayant une obstruction bronchique sévère peuvent subir une chirurgie
majeure avec un risque acceptable de complications respiratoires. La réduction du risque respiratoire, liée à l’amélioration de la prise en charge péri-opératoire et des
techniques opératoires, a considérablement progressé depuis une vingtaine d’années
même si cette réduction est difficile à quantifier.
Lawrence et coll [10] dès la fin des années 1980 considèrent que la quasi-totalité
des études évaluant l’intérêt des EFR préopératoires sont entachées de biais méthodologiques importants qui ne permettent pas de conclure que les EFR aident à prédire
quels sont réellement les patients à risque de complications respiratoires postopératoires sévères.
Des données récentes indiquent que la valeur prédictive de la spirométrie est variable et que les données de l’examen clinique sont plus informatives du risque de
complications pulmonaires. Dans une analyse cas-contrôle publiée en 1999, Warner et
coll [11] montrent qu’une altération de la spirométrie avant une chirurgie majeure (VEMS
inférieur à 40 % des valeurs prédites) n’est pas associée à un risque plus élevé de complications respiratoires péri-opératoires sévères chez des patients tabagiques (plus de
50 paquets/année).
La seule complication plus fréquemment observée dans le groupe de patients présentant une obstruction bronchique était le bronchospasme peropératoire mais celui-ci
ne prolongeait pas la durée de la ventilation mécanique postopératoire. Ces données,
qui ne sont pas exemptes de biais méthodologiques (données rétrospectives, préparation respiratoire non contrôlée, etc…), ne signifient pas que la spirométrie est totalement
inutile dans le cadre du bilan respiratoire préopératoire. Elles indiquent que d’autres
facteurs, présents chez les sujets tabagiques, qu’ils soient obstructifs ou non, peuvent
être des déterminants plus importants du risque péri-opératoire que la sévérité de l’obstruction bronchique elle-même.
Ce concept est cohérent avec le fait la BPCO est actuellement considérée comme
une pathologie inflammatoire qui affecte le système respiratoire mais également d’autres
organes comme les muscles périphériques par exemple.
Kroenke et coll [1] ont étudié des patients porteurs d’une obstruction bronchique
sévère (VEMS inférieur à 50 % des valeurs prédites et un rapport VEMS/CV de moins
de 45 %) et un groupe de patients BPCO moins sévères, tous subissant une chirurgie
thoracique ou abdominale majeure. Les patients les plus sévères présentaient plus fréquemment des complications postopératoires (23 % versus 10 %) et 7 % de décès.
Tous les décès de cette série étaient observés après chirurgie cardiaque et la cause de la
mort était davantage liée à un problème cardiaque qu’à un problème respiratoire. Fait
intéressant dans cette étude, la durée de la ventilation mécanique postopératoire n’était
pas plus longue chez les patients BPCO sévères que chez les BPCO peu sévères. De
QUESTIONS POUR UN CHAMPION EN ANESTHESIE
même, la sévérité de la pathologie pulmonaire n’influençait pas la durée de leur séjour
en réanimation ou à l’hôpital. Ainsi, bien que les patients BPCO sévères présentent une
morbidité et une mortalité augmentées, il n’y a pas de valeur seuil de l’obstruction
bronchique par exemple, au-delà duquel le rapport bénéfice-risque de la chirurgie
serait trop faible. Par ailleurs, lorsque ces patients subissent des interventions périphériques ou superficielles entraînant moins de répercussions pulmonaires que la chirurgie
thoracique ou abdominale lourde, le risque respiratoire postopératoire est alors très
modérément élevé [4].
Un déterminant important à considérer dans la genèse des complications respiratoires postopératoires est la survenue de complications (chirurgicales ou non) au cours de
l’intervention. De fait, Jayr et coll [12] ont bien démontré pour la chirurgie de l’anévrysme de l’aorte abdominale, que le volume des pertes sanguines peropératoires était
un facteur de risque indépendant de la nécessité d’une ventilation mécanique postopératoire. Par ailleurs, les complications chirurgicales postopératoires, en particulier à
type de péritonite ou d’abcès, peuvent conduire à une détresse respiratoire postopératoire [13] dont la prédiction échappe, bien entendu, à l’analyse préopératoire. De fait,
dans une analyse des facteurs de risque d’allongement de la durée de séjour après
chirurgie majeure réglée, Collins et coll [14] montrent que si des facteurs préopératoires sont associés de manière indépendante à un allongement de la durée de séjour
postopératoire, les facteurs de risque les plus puissants sont la survenue d’événements
adverses en per et/ou en postopératoire. Cet éclairage concernant la genèse des complications postopératoires explique les faibles performances prédictives d’une évaluation
préopératoire qui ne serait centrée que sur les EFR.
4. EN PRATIQUE QUAND LES EFR SONT-ELLES UTILES-?
Les EFR sont utiles chaque fois que le médecin anesthésiste cherchera à préciser
finement l’importance du handicap respiratoire et souhaitera intégrer les données des
EFR dans une analyse multiparamétrique [15, 16] comme il en est donné un exemple
dans le tableau I.
Tableau I
Eléments de construction du score du risque respiratoire [15]
• Spirométrie (0 - 4 points)A:
CVF < 50 %
VEMS/CVF (%)A: 65 - 75 %
50 - 65 %
> 50 %
• Paramètres cliniquesA:
Obésité > 50 % poids idéal
Antécédents pulmonaires
Fumeur
Toux - Crachat
Pathologie pulmonaire
• Type de chirurgieA:
Abdominale haute
Thoracique
Autre
= 1 pt
= 1 pt
= 1 pt
= 3 pt
= 1 pt
0 - 3 pt
= 1 pt
= 1 pt
= 1 pt
= 2 pt
= 2 pt
= 1 pt
La construction de ces scores permet de préciser le niveau de la prise en charge
postopératoire (salle de réveil, réanimation, service conventionnel, etc…) en sachant
cependant que beaucoup de décompensations ne surviennent pas dans les 48 premières
169
170 MAP AR 2000
heures mais plus tardivement vers le 4e, 5e jour postopératoire. Rappelons que les EFR
et même les données cliniques préopératoires ne permettent pas de déterminer quels
malades nécessiteront une ventilation mécanique postopératoire [17].
Les EFR peuvent également avoir une place importante pour s’assurer objectivement de ce que l’état respiratoire du patient est optimal et qu’une préparation respiratoire
n’apporterait pas de gain fonctionnel. Elles sont également fondamentales pour apprécier la réversibilité de l’obstruction bronchique et l’intérêt de l’introduction et/ou du
renforcement d’un traitement bronchodilatateur. Dans ce contexte, la prescription ne
peut être systématique mais réservée à certains patients au terme d’une évaluation
clinique.
CONCLUSION
La place des EFR s’est profondément modifiée ces dernières années. Elles ne sont
plus considérées aujourd’hui comme le seul élément prédictif du risque respiratoire
postopératoire mais elles s’inscrivent dans une démarche d’évaluation multiparamétrique et de préparation respiratoire cherchant à optimiser l’état fonctionnel du patient en
vue d’une intervention. Elles devraient être réservées en pratique à un nombre limité de
patients pour lesquels persisterait une incertitude au terme de l’examen clinique.
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