QUESTIONS POUR UN CHAMPION EN ANESTHESIE 163
L’EFR PREOPERATOIRE EST-ELLE UTILE?
B. Dureuil, Département d’Anesthésie-Réanimation, Hôpital Charles Nicolle, 1 rue de
Germont, 76031 Rouen cedex.
INTRODUCTION
La place de l’Epreuve Fonctionnelle Respiratoire (EFR) dans le cadre du bilan pré-
opératoire est aujourd’hui controversée. En effet, la valeur prédictive du risque opératoire
dérivé de l’EFR apparaît inférieure à celle de données de l’examen clinique [1, 2] et il
existe une tendance très forte pour considérer qu’elle ne doit plus être réalisée systéma-
tiquement [3].
Un consensus persiste en revanche pour la prescription de l’EFR dans le cadre de la
chirurgie thoraco-pulmonaire, en particulier lorsqu’il y a résection parenchymateuse [4].
Elle participe à la prédiction de la fonction respiratoire postopératoire et sa place est
relativement bien codifiée. Ce point ne sera pas développé dans cette revue.
1. LES EFR PREOPERATOIRES[5]
Les EFR comportent le plus souvent l’étude des volumes et des débits ; ces données
sont suffisantes dans l’immense majorité des cas et ne nécessitent pas le recours à des
investigations plus poussées.
1.1. VOLUMES ET DEBITS PULMONAIRES
1.1.1. CAPACITE VITALE (CV)
C’est le volume maximal qui peut être inspiré après une expiration forcée. Dans la
littérature anglo-saxonne, la capacité vitale est le volume maximal expiré après une
inspiration forcée ; ce volume est appelé «capacité vitale forcée» (CVF), et il est habi-
tuellement inférieur à la CV déterminée de manière souple et lente. La capacité vitale
est constituée par les volumes suivants :
le volume courant (VT), qui est le volume mobilisé au cours d’un cycle respiratoire
normal ;
le volume de réserve inspiratoire (VRI), qui est le volume maximal inspiré au dé-
cours d’une inspiration normale ;
le volume de réserve expiratoire (VRE), qui est le volume maximal expiré à la fin
d’une expiration normale.
MAPAR 2000164
Ces différents volumes sont représentés sur la Figure 1. Ils sont mesurés à l’aide
d’un spiromètre à eau d’utilisation et de maintenance simples, ou le plus souvent grâce
à un pneumotachographe (qui mesure les débits gazeux) relié à un intégrateur et à un
système automatisé.
1.1.2. VOLUMES STATIQUES
1.1.2.1. Définitions
La capacité résiduelle fonctionnelle (CRF) est le volume pulmonaire à la fin d’une
expiration normale. Ce volume ne peut être mesuré que de manière indirecte soit par la
méthode de dilution à l’hélium, soit par pléthysmographie.
Le volume résiduel (VR) est le volume gazeux pulmonaire après une expiration
complète. Il est égal à la différence entre la CRF et le VRE. La mesure du VR est celle
d’un volume gazeux qui n’est pas exhalé par la bouche et qui en conséquence ne peut
être apprécié par spirométrie (Figure 1).
1.1.2.2. Techniques de mesure
Elles reposent soit sur la dilution de l’hélium en circuit fermé, soit sur une mesure
pléthysmographique. Chez les sujets à poumons sains les deux techniques de mesure
de la CRF donnent des résultats très voisins, alors que des différences considérables
dans les valeurs des volumes pulmonaires peuvent être observées en cas de pathologie
pulmonaire.
La technique de dilution mesure en effet le «volume gazeux communiquant» avec
les voies aériennes. La technique pléthysmographique mesure, elle, le «volume com-
pressible». Ainsi, chez les sujets présentant un emphysème important, la mesure par
dilution peut sous-estimer de beaucoup les volumes pulmonaires en comparaison de la
pléthysmographie.
Figure 1 : Représentation de la subdivision des volumes pulmonaires. CPT : capacité
pulmonaire totale, CRF : capacité résiduelle fonctionnelle, CV : capacité vitale,
VRE : volume de réserve expiratoire, VRI : volume de réserve inspiratoire, VR : volu-
me résiduel, VT : volume courant.
CPT
CV
VRI
VT
VRE
CRF
VR
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1.1.3. CAPACITE PULMONAIRE TOTALE (CPT)
Elle est égale à la somme du VR et de la CV. Les différentes subdivisions des volu-
mes pulmonaires sont rappelées dans la Figure 1.
1.1.4. BOUCLE DEBIT-VOLUME
A la suite d’une inspiration profonde, le sujet expire aussi puissamment, rapidement
et complètement que possible. En cas d’obstruction majeure, la durée de l’expiration
est souvent très allongée, mais elle doit rester inférieure à 15 secondes. Sur la courbe
d’expiration forcée (courbe débit-volume), il est possible de déterminer de nombreux
paramètres (Figure 2) :
le volume expiratoire maximal seconde (VEMS), qui mesure la quantité d’air exhalé
pendant la première seconde d’une expiration forcée ;
le débit maximal expiratoire 25-75 (DME 25-75) ou débit moyen entre 25 et 75 % de
la CV ;
sur la même courbe d’expiration forcée, le pneumotachographe (qui mesure les dé-
bits gazeux) permet de calculer en plus les débits instantanés habituellement exprimés
en fonction de la CV ; les débits classiquement rapportés sont le débit de pointe et les
débits mesurés à 75, 50 et 25 % de la CV (Vmax75, Vmax50, Vmax25).
Le choix des indices d’expiration repose sur des critères de sensibilité et de repro-
ductibilité. Le VEMS est relativement peu sensible, surtout pour détecter les anomalies
siégeant au niveau des petites voies aériennes, mais sa bonne reproductibilité en fait un
excellent indice pour suivre chez un même individu les modifications de la perméa-
bilité bronchique dans le temps. A l’inverse, DME 25-75, Vmax50 et Vmax25 sont plus
sensibles, mais souffrent d’une moins bonne reproductibilité.
Quand le patient inspire aussi vite que possible, tout de suite avant ou après une
expiration forcée, il se forme «une boucle» débit maximal-volume.
Figure 2 : Courbe expiratoire débit-volume déterminée chez un sujet normal. Par con-
vention, on mesure le débit maximal et les débits correspondant à 75 , 50 et 25 % de la
capacité vitale (CV).
8
Débit (L.s-1)
4
075 50 25 Capacité
vitale (%)
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1.1.5. VENTILATION VOLONTAIRE MAXIMALE (VVM)
La VVM est déterminée en demandant au sujet de respirer le plus vite et le plus
profondément possible pendant une période d’une vingtaine de secondes de façon à
obtenir un tracé ventilatoire régulier sur 12 secondes. La VVM est obtenue en multi-
pliant par 5 la ventilation générée au cours de ces 12 secondes. Cet index permet
d’approcher de manière relativement simple et fiable les capacités d’endurance venti-
latoire du sujet. La VVM diminue chez les patients qui ont une affection obstructive de
l’écoulement gazeux, une faiblesse des muscles respiratoires, une coordination
médiocre. La VVM peut également être calculée de manière approchée par la formule
suivante : VVM calculée = 40 x VEMS.
1.2. EXPRESSION DES RESULTATS
Les volumes et les débits aériens varient avec l’âge, le sexe, et surtout la taille. Leur
valeur absolue n’a donc guère de signification fonctionnelle. Il convient de rapporter
les valeurs observées aux valeurs théoriques pour des sujets de même taille, sexe et âge
obtenuEs par l’étude d’une large population de sujets normaux, ce qui n’est pas sans
poser des problèmes méthodologiques et statistiques.
Un autre moyen d’éliminer la forte source de variations consiste à rapporter la va-
leur observée à un autre index. C’est l’un des avantages du calcul des rapports
VEMS/CV ou VR/CT qui sont indépendants de la taille du sujet. Le rapport VEMS/CV
est assez spécifique de l’obstruction des voies aériennes parce que ses deux termes ont
à peu près la même sensibilité à l’égard de l’amputation parenchymateuse.
1.3. DEBITS, VOLUME ET PATHOLOGIES PULMONAIRES
Il est classique de décrire deux grands syndromes.
1.3.1. SYNDROME RESTRICTIF
Ce syndrome est caractérisé avant tout par une réduction de la CPT accompagnée,
lorsque le syndrome est pur, d’une réduction des autres volumes pulmonaires (CV,
CRF, VR). Le rapport VEMS/CV est normal, voire anormalement élevé. Les débits
maximaux sont diversement modifiés. La mesure répétée dans le temps d’un paramètre
simple comme la CV est le plus souvent suffisante pour suivre l’évolution d’un syn-
drome restrictif. Au syndrome restrictif on peut opposer le syndrome de distension
associant une augmentation de la CPT, de la CRF et du VR. Ce dernier est associé à une
augmentation du risque de complication respiratoire postopératoire [6].
1.3.2. SYNDROME OBSTRUCTIF
Il est classiquement défini par l’abaissement du rapport VEMS/CV et souvent
accompagné par une élévation du rapport VR/CT. La simple diminution des débits par
rapport aux valeurs normales ne suffit pas pour parler d’obstruction car elle est égale-
ment présente en cas d’amputation du parenchyme. De même que le VEMS, les autres
index d’expiration forcée doivent être rapportés à la CV (ou à la CPT). Les débits
maximaux à hauts volumes pulmonaires explorent surtout la fonction des voies aérien-
nes proximales alors que les débits maximaux à bas volumes pulmonaires explorent
plutôt les voies aériennes périphériques encore que ce point soit actuellement rediscuté.
S’il existe une obstruction bronchique importante, sa réversibilité est jugée par la
répétition des mesures après inhalation de bronchodilatateurs [7]. Le traitement d’un
patient par bronchodilatateur est une décision clinique et non de laboratoire. Une ré-
ponse positive en laboratoire augmente la probabilité d’une réponse clinique bénéfique ;
néanmoins, un test de réponse négatif en laboratoire ne prédit pas de la réponse clini-
que possible à long terme. Ainsi, si la réponse clinique paraît positive, le traitement
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bronchodilatateur peut être poursuivi et réévalué, à la fois cliniquement et spirométri-
quement, dans un délai de 4 à 6 semaines.
2. PRESCRIPTION DES EFR PREOPERATOIRES : PRINCIPES GENERAUX
2.1. GENE RESPIRATOIRE ET EFR
Une gêne respiratoire ou une dyspnée peuvent traduire la sévérité de l’atteinte pul-
monaire sous-jacente et justifier, la réalisation d’une EFR préopératoire de manière à
quantifier le handicap ventilatoire. Néanmoins cet examen ne sera réellement contribu-
tif à l’évaluation que si le prescripteur s’est préalablement assuré cliniquement que la
fonction respiratoire du patient est proche de son état basal. En effet, si la dyspnée est
majorée par une surinfection bronchique (toux, expectoration purulente, encombrement
et ronchi à l’auscultation) et/ou un épisode bronchospastique, les résultats des EFR
conduiraient à sous estimer la fonction respiratoire de base. C’est pourquoi il ne faut
pas réaliser d’EFR chez un patient dont les données de l’examen clinique indiqueraient
une aggravation récente de la fonction respiratoire avant que celle-ci ne soit stabilisée
par un traitement spécifique.
2.2. S’ASSURER DE LA BONNE REALISATION PRATIQUE DES TESTS
La qualité de la réalisation du test est un point central des EFR. La variabilité est
plus importante en ce qui concerne les EFR que la plupart des autres tests d’évaluation
clinique en raison de la variation de l’effort du patient [8]. La qualité du test nécessite
un équipement fiable et contrôlé, de bons tests de procédure, un programme d’évalua-
tion continue de la qualité, des valeurs de référence appropriées et des algorithmes
corrects pour l’interprétation des résultats.
Les courbes spirométriques, en particulier, doivent être examinées pour s’assurer
qu’elles sont produites par un effort adéquat du patient, qu’elles sont reproductibles et
ne contiennent pas d’artéfacts qui pourraient modifier le résultat.
Ainsi la qualité de la réalisation technique de l’EFR est une limite importante à
considérer en particulier chez les personnes âgées, si la coopération ou la vigilance est
médiocre, ou lorsque l’occlusion et la fermeture buccale sur un embout sont technique-
ment aléatoires.
2.3. NE PAS ATTENDRE DES EFR UNE CONTRE-INDICATION A LA CHIRURGIE
Depuis les années 1950 et jusqu’il y a environ une dizaine d’années, les épreuves
bronchospirométriques et des tests plus complexes ont été utilisés pour tenter de définir
de manière isolée des indices pronostiques du développement de complications respi-
ratoires postopératoires. L’échec de cette approche du risque respiratoire est aujourd’hui
patent, car aucun paramètre ou combinaison de paramètres n’a une sensibilité et une
spécificité suffisante pour prédire le risque de complications postopératoires graves,
comme l’insuffisance respiratoire aiguë [4]. Il est maintenant admis que les EFR ne
peuvent être prescrites dans le but de contre indiquer un patient pour la chirurgie.
3. PLACE DES EFR DANS LE BILAN RESPIRATOIRE PREOPERATOIRE
La prescription d’EFR préopératoires s’inscrit dans la perspective de la définition
du risque opératoire. Ce dernier est fonction d’une part du terrain et d’autre part du type
d’intervention programmée. Le risque respiratoire augmente lorsque le patient doit
subir une chirurgie qui ampute durablement la fonction pulmonaire comme la chirurgie
cardio-thoracique ou la chirurgie abdominale haute. En revanche, lorsqu’il s’agit d’une
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