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Bromberg, M., Trognon, A. Communication et influence

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Communication et influence
Bromberg Marcel
Université Paris 8
Trognon Alain
Université Nancy 2
1. Introduction
Ce chapitre abordera essentiellement la communication à visée persuasive, c'est à dire un
champ relativement plus restreint que celui de l’influence sociale. En effet, il y a bien des
façons d’obtenir ou de provoquer des changements chez l’être humain. Ces changements
peuvent être le résultat d’un comportement intentionnel ou non intentionnel, solliciter ou non
la participation consciente et volontaire de la personne visée, utiliser le langage ou bien des
actions symboliques. De nombreux facteurs concourent à nous influencer de façon subreptice
et ce quel que soit notre statut de locuteur ou d’interlocuteur. Des indices comme l’apparence,
la hauteur tonale de la voix, le statut, la gestuelle ou encore l’image de la source de la
communication peuvent agir sur la crédibilité et l’efficacité des propos échangés sans que les
interlocuteurs en soient conscients. C’est dire l’étendue du champ qu’il y aurait à explorer
pour rendre compte de la totalité de ces phénomènes, d’autant qu’il n’existe pas une Théorie
de la communication persuasive mais des théories de portée plus ou moins générale
expliquant chacune une portion de la réalité. Toutes ont leur importance. Mais notre objectif
n’est pas d’être exhaustif (il existe de nombreux ouvrages dont leur lecture permet de couvrir
le champ). Il est de tracer un cadre général à l’intérieur duquel nous aborderons les travaux et
théories qui nous paraissent tout d’abord marquer le champ d’un point de vue historique et
d’autre part qui initient de nouvelles problématiques susceptibles de modifier notre
conception de la communication persuasive. Mais peut-on parler de communication
persuasive sans définir la persuasion ? Il existe bien des définitions, aussi nous en donnerons
quelques unes qui nous paraissent prototypiques du domaine et dont l’analyse nous permettra
de structurer le chapitre (cf. Encadré1).
Encadré 1 : définitions de la persuasion
« une tentative consciente de la part d’un individu ou d’un groupe pour modifier les
attitudes, croyances ou comportements d’autres individus ou groupes par la transmission
d’un certain message. » (Bettinghaus et Cody, 1994, p.6)
« Nous définissons la persuasion comme un acte symbolique et conscient ayant l’intention
de façonner, modifier ou renforcer les croyances opinions, valeurs, attitudes et/ou
comportements de nous-mêmes ou d’autrui. » (Burgoon & al., 1994, p177)
« la persuasion consiste en une communication intentionnelle qui a un effet sur la façon
dont les gens pensent, ressentent et /ou agissent envers un objet, une personne, un groupe,
une idée. » (Cegala, 1987, p. 13)
« [c’est] une tentative couronnée de succès pour modifier l’état mental d’autrui par
l’intermédiaire d’une communication dans un contexte de liberté. » (O’Keffe, 2002, p.17)
« Nous définissons [la persuasion] comme la modification ou le renforcement des réponses
du récepteur, incluant les attitudes, les émotions, les intentions et les comportements. »
(Pfau & Perrot, 1993, p6)
« la persuasion est le processus qui consiste à préparer et délivrer des messages verbaux et
non verbaux à des individus autonomes dans le but de modifier, d’altérer ou renforcer leurs
attitudes, croyances et comportements. » (Woodward & Denton, 1992, p.21)
Cet échantillon nous parait suffisant pour dégager certaines caractéristiques communes
suffisamment structurantes pour organiser le chapitre. On remarquera, tout d’abord, qu’audelà de certaines variations sémantiques, il existe un noyau définitoire commun : c’est un
processus intentionnel qui opère par l’intermédiaire d’une communication verbale et non
verbale. Il ressort aussi, de façon convergente, que la persuasion est définie comme une
tentative de modifier le comportement d’un individu en modifiant préalablement son état
mental1. Cette référence à la notion d’état mental renvoie clairement à celle de l’attitude
conçue comme le résultat de l’évaluation que fait une personne d’un objet. Cette conception
traduit plus ou moins explicitement l’idée que les états mentaux, les attitudes, sont corrélées
avec les comportements et que cette relation est de nature prédictive. C’est pourquoi le
concept d’attitude et son lien avec le comportement seront abordés dans la première partie. On
notera aussi que toutes ces définitions ont comme visée d’atteindre un seul et même objectif,
celui de modifier les croyances, attitudes et comportements d’autrui. Mais au-delà de cette
visée commune, l’échantillon de définitions présentées ici est illustratif de deux types de
conception, celle de la persuasion comme un processus par opposition à celle de la persuasion
comme un résultat. Une des critiques que l’on peut faire à la conception de la persuasion
Modifier l’état mental ne constitue pas la seule voie pour modifier le comportement d’autrui. On peut aussi
comme dans les théories de l’engagement (paradigmes du pied dans la porte ou de la porte au nez par exemple)
intervenir sur le comportement plutôt que sur l’état mental du sujet. Voir à ce propos le chapitre de Joule.
1
comme résultat est qu’elle restreint inutilement les limites du champ d’étude, car elle ne
prend en compte que les situations dans lesquelles les stratégies persuasives ont atteint leur
objectif : modifier les attitudes et ou comportements de la cible. Un certain nombre d’auteurs
ont souligné que la définir de façon aussi étroite pouvait conduire à une sorte de paradoxe :
exclure du champ de la persuasion non seulement les stratégies persuasives qui échouent à
atteindre leur objectif mais surtout celles qui, au contraire, ont comme objectif d’empêcher la
persuasion, c'est à dire d’augmenter la résistance à une communication persuasive. Cette
observation nous amène à préciser ce que l’on entend par le concept de résistance et le rapport
qu’il entretient avec celui de persuasion. Même si le phénomène de résistance à la persuasion
a peu été étudié en comparaison avec celui de la persuasion, le terme, lui, a été souvent utilisé
dans la littérature pour rendre compte de l’échec de tentatives de persuasion. Dans toutes les
expériences sur le changement d’attitudes utilisant une échelle d’attitude pour mesurer
l’efficacité de la communication persuasive, on utilise le terme de résistance comme une
étiquette utile pour rendre compte d’une position sur l’échelle de mesure. Dans cette
acception, il représente la marque d’un non changement, c'est à dire l’absence de persuasion.
Mais, à quelle réalité psychologique renvoie ce non changement ? Est-ce l’indication d’un
échec de la persuasion ou de résistance au changement ? Résister n’est pas synonyme de ne
pas être persuadé. La résistance peut ne pas être l’image en miroir de l’acceptation. Par
exemple, il est possible de ne pas être convaincu par un mauvais argument pour faire ou ne
pas faire telle ou telle chose. Mais en l’absence d’une motivation à changer d’attitude ou à
éviter de faire la chose recommandée, on ne pourra pas parler de résistance à propos de ce non
changement. C’est pourquoi, on peut définir la résistance à la persuasion comme un état
motivationnel dont le but est de résister aux effets de persuasion communicative. Cela peut se
traduire sur les plans : cognitif par la contre-argumentation ; émotionnel en se mettant en
colère, ou en étant irrité ; comportemental en évitant toute information contradictoire à ses
opinions. Nous sommes capables de mettre en œuvre, si nous en éprouvons le besoin, des
stratégies pour résister à la persuasion dont les plus utilisées, sont par ordre de fréquence : la
contre-argumentation, le renforcement de l’attitude, la dépréciation de la source, l’élaboration
de sentiments négatifs (Jacks & Cameron (2003). Si on définit la résistance à la persuasion
comme un état motivationnel, une motivation à résister, qu’est ce qui motive le sujet à
résister ? La réponse à cette question fera l’objet de la troisième partie après avoir exposé
dans la deuxième partie les théories dont la visée est la persuasion proprement dite.
2. Attitudes et changement d’attitudes
2. 1. Définition de l'attitude
Souvent lorsque nous parlons des objets du monde nous disons à leur propos, qu’on les aime
ou qu’on ne les aime pas. Cela nous paraitrait étrange d’entendre quelqu’un dire je n’éprouve
que des sentiments neutres à l’égard de tel objet. Cela nous paraitrait étrange, car nous ne
sommes jamais des observateurs neutres du monde qui nous entoure. Nous évaluons sans
cesse les objets que nous rencontrons. C’est pourquoi le concept d’attitude joue un rôle
majeur dans le champ de la psychologie sociale. Il a d’ailleurs été défini de bien des façons
(Bromberg, 2005). Mais, ce qu’il faut en retenir, c’est d’une part, que les attitudes constituent
des prédispositions acquises à répondre durablement vis-à-vis d'un objet et d’autre part,
qu’elles reflètent les évaluations que portent les sujets sur ces mêmes objets. Cette notion de
prédisposition acquise à répondre durablement vis-à-vis d'un objet est fondamentale car elle
permet de faire des prédictions concernant le comportement d’un sujet à partir de la
connaissance de ses attitudes. Lorsque quelqu’un nous dit, par exemple, qu’il est contre la
culture des organismes génétiquement modifiés, l’information que nous pouvons tirer de cette
déclaration va au-delà de la simple évaluation communiquée. En effet, nous sommes alors en
mesure de prédire que dans certaines situations appropriées, la personne adoptera des
comportements cohérents avec son évaluation. Par exemple, elle lira attentivement les
étiquettes des aliments, refusera d’acheter des aliments génétiquement modifiés, signera des
pétitions contre leur culture etc. De même, si nous observons ces comportements de façon
répétée, nous inférerons que la personne possède une attitude défavorable à l’égard des OGM.
Donc, connaitre l'attitude d'une personne à l’égard d’un objet, c’est être en mesure de prédire
son comportement futur à l’égard de cet objet. Cette conception est partagée par un grand
nombre d’acteurs sociaux. N’est-il pas vrai que partout dans le monde, les grandes entreprises
dépensent des sommes colossales en publicité afin de changer nos attitudes à l’égard de leurs
produits, persuadées qu’elles guident ainsi nos comportements d’achat ? On doit noter aussi
que ces attitudes en tant que prédispositions nous accompagnent tout au long de nos actions.
Elles existent même lorsque nous ne pensons pas à l'objet de l'attitude ou que nous ne sommes
pas dans une situation nécessitant notre action envers l'objet attitudinel. On peut dire que les
attitudes sont des évaluations globales des objets, des personnes des idées (Eagly & Chaiken,
1998). Cette évaluation globale est sous-tendue par trois composantes évaluatives
spécifiques : affective, cognitive, comportementale.
➢ La composante affective renvoie aux sentiments et émotions qui sont associés à
l’objet. On peut aimer ou détester quelque chose selon la nature des sentiments que
l’on a éprouvés à son égard. Ne pas aimer faire don de son sang parce que la vue
d’une seringue nous angoisse.
➢ La composante cognitive revoie aux croyances possédées à propos de l’objet. Si l’on
croit que Mme X est intelligente et qu’elle défend des positions économiques et
sociales qui ont notre faveur alors nous aurons une attitude positive à son égard.
➢ La composante comportementale fait référence aux comportements qui dans le passé
ont été associés à l’objet de l’attitude. Par exemple, l’acquisition d’une attitude
positive ou négative à l’égard d’un objet peut dépendre de notre comportement et de
notre engagement vis-à-vis de cet objet.
2. 2 Utilité du concept d’attitude
Considérer l'attitude comme un précurseur du comportement n’implique cependant pas
nécessairement que cette prédisposition se manifeste systématiquement dans le
comportement. Nous avons tous pu observer au cours de nos interactions, que les personnes
peuvent - ainsi que nous-mêmes - se comporter de façon incohérente avec leurs attitudes selon
les circonstances. Il existe parfois un écart entre ce que nous disons à propos d’un objet et ce
que nous faisons réellement en présence de cet objet. Une étude célèbre de LaPiere (1934) mit
clairement en évidence l’existence d’un tel écart. Au cours d’un périple en voiture sur la côte
ouest des Etats-Unis, il coucha dans 66 hôtels et mangea dans pas moins de 184 restaurants.
Durant ce périple, un seul hôtelier refusa de l’accueillir. Et alors, direz vous, qui y a t-il de si
marquant qu’il faille s’en émouvoir. En soi, cela ne parait pas anormal si ce n’est qu’il était
accompagné d’un couple d’étudiants chinois. Connaissant la sinophobie farouche de ses
compatriotes - à l’époque, de nombreuses études avaient mis en évidence l’existence de
préjugés raciaux des américains envers les « orientaux » -, il s’attendait à bien plus de refus
que cela. Afin de comprendre ces résultats inattendus, LaPiere écrivit à tous les
établissements qu’il avait fréquentés. Il leur demanda s’ils acceptaient des clients d’origine
chinoise dans leur établissement. Sur les 128 réponses, il ne reçu qu’une seule acceptation
contre 90% de refus. Ce résultat ébranla la conception de la relation entre attitude et
comportement. Les études scientifiques sur les attitudes venaient véritablement de
commencer avec le développement des techniques de mesures dans la période1920-30. La
relation attitude-comportement paraissait fortement établie. Il ne serait venu à l’idée de
personne de la remettre en question. Mais ce fut Wicker en 1969 qui porta l’attaque la plus
sérieuse contre cette conception. S’appuyant sur l’analyse de près de quarante recherches sur
ce sujet, il concluait : « pris comme un tout, ces études suggèrent qu’il est plus vraisemblable
que les attitudes soient sans relation ou peu reliées aux comportements explicites que le
contraire… les coefficients de corrélation concernant ces deux mesures sont rarement au
dessus de .30 et souvent près de zéro » (p. 65). Ce constat, puis beaucoup d’autres ensuite,
l’ont conduit à écrire (1971, p 29) « il peut être désirable d’abandonner le concept d’attitude
». Abelson (1972) lui faisait écho en publiant, un an plus tard, un article ayant pour titre : « Le
concept d'attitude est-il utile » ? A ce pessimisme général, s’ajoutait la publication de
nouveaux travaux expérimentaux mettant en évidence de façon convergente que, sous
certaines conditions, les attitudes pouvaient être la conséquence directe du comportement
plutôt que la cause. Que le changement d'attitude put être la conséquence et non l’antécédent,
d’un comportement librement effectué fut mis en évidence aussi bien dans la théorie de la
dissonance cognitive de Festinger (1957) et celle de l'auto-perception de Bem (1967) qu’au
travers les travaux de Janis (1968) sur le rôle playing, dans le cadre des fameux Yale Studies
in Attitude and Communication du laboratoire du même nom. Cette approche se fonde sur la
conviction que l'homme change à travers ses actes et que les conséquences ou les résidus
évaluatifs de ses comportements successifs s'organisent dans un système stable et dynamique
(les attitudes), qui à son tour, détermine en partie les comportements évaluatifs ultérieurs.
Les résultats contrastés des nombreuses recherches sur la relation attitude-comportement
nécessitent donc une approche différente de la relation. Plutôt que de se demander si les
attitudes prédisent les comportements, nous devons nous demander à quelles conditions elles
prédisent les comportements. Répondre à cette question nécessite l’identification des facteurs
qui déterminent la force de la relation. Ces facteurs constituent ce que l’on appelle des
variables modératrices parce qu’elles modèrent la relation attitude-comportement. Ces
modérateurs peuvent être de toute nature, les caractéristiques du comportement, des
personnes, des situations dans lesquelles les comportements se produisent, et les attitudes
elles mêmes. Des travaux récents ont mis en évidence d’autres propriétés de l’attitude sur
lesquelles on peut agir : l’accessibilité, l’ambivalence, la saillance, le degré de confiance
qu’on lui accorde, la force, l’importance des liens qu’elle entretient avec d’autres attitudes.
Ces travaux participent d’un nouveau courant de recherches qui conçoit différemment
l’attitude (et sa mesure) ainsi que sa relation au comportement (et donc son rôle dans la
persuasion). L’économie du texte ne permet pas de les exposer ici. Ces développements,
indispensables à connaître, ont été clairement exposés par Giger (2005) dans une publication
récente.
3. Communication et persuasion
3. 1 Les caractéristiques de la communication
Être compris constitue certainement un des buts que nous poursuivons lorsque nous
communiquons avec autrui. Il en existe cependant un autre tout aussi important, celui d’être
cru. Ce dernier objectif suppose que nous soyons capable d’influencer d’autrui. C’est
pourquoi tous nos efforts tendent à organiser ce que nous disons afin de paraître le plus
convaincant possible. La communication persuasive consiste à réaliser ces deux objectifs au
moyen du langage. Historiquement, les premières études qui ont étudié les caractéristiques de
la communication persuasive ont été effectuées dès la seconde guerre mondiale par l’équipe
de Hovland. Ces travaux se sont largement inspirés de la conception des sophistes et rhéteurs
de la Grèce Antique concernant l’élaboration des stratégies argumentatives (Bromberg, 1983,
1991).
3. 1. 1 Communication unilatérale vs communication bilatérale
La communication unilatérale ne présente que les arguments en faveur de la position
défendue, tandis que la communication bilatérale présente les deux aspects contradictoires.
Hovland & al. (1949) comparent l’efficacité relative de ces deux stratégies dans un contexte
un peu particulier. Alors que la seconde guerre mondiale prenait fin en Europe avec la
capitulation de l’Allemagne, les États Unis restaient toujours en guerre avec le Japon.
L’armée craignait que les soldats engagés dans la guerre du pacifique ne soient démotivés
pensant la fin de la guerre proche. La recherche avait pour but d’étudier l’efficacité relative
des deux stratégies communicatives visant à convaincre les soldats du contraire. L’expérience
consistait à leur faire entendre des transcriptions radio d'analyses supposées faites par un
commentateur sur la guerre du Pacifique. Dans la condition de communication unilatérale,
l’analyse ne faisait mention que d’arguments en faveur de cette position, éloignement des
sources d'approvisionnement, importance des réserves des troupes japonaises etc. Dans la
condition communication bilatérale, on ajoutait aux arguments précédents des contrearguments en faveur de la position opposée (i. e. supériorité navale et industrielle des Étatsunis). Globalement, on n’observe aucune différence d’efficacité entre les deux stratégies.
Mais si l’on tient compte de la mesure de l’attitude initiale des sujets, les résultats montrent
que lorsque l’attitude préalable est :
•
semblable à la position défendue, le discours unilatéral est plus efficace que le discours
bilatéral (52% contre 23% de changements).
•
contraire à la position défendue, le discours bilatéral est plus efficace que le discours
unilatéral (48% contre 30% de changements)
Les auteurs vérifient par ailleurs que l’efficacité des discours dépend du niveau d’étude. Plus
le niveau est élevé plus le discours bilatéral est efficace. Deux explications ont été avancées.
L’une met l’accent sur le fait que les sujets de niveau élevé seraient plus enclins à penser que
le discours unilatéral est biaisé par un parti pris, l’autre sur leur capacité à contre-argumenter
son contenu.
Faisant suite à ces résultats, Lumsdaine et Janis (1953) se demandent si les changements
d’attitude consécutifs à ces deux stratégies langagières présentent la même résistance à une
attaque persuasive ultérieure. Dans un premier temps, deux groupes de sujets entendent un
discours développant l’idée que l’Union Soviétique sera capable de produire une bombe
atomique dans un délai de 5 ans ; l’un reçoit un discours unilatéral, l’autre un discours
bilatéral (le même que le précédent auquel on ajoute quelques arguments contraires). Une
semaine plus tard la moitié de chacun des deux groupes entend un discours opposé
(propagande) au premier. On y insiste sur le fait que les Russes produiront probablement la
bombe dans un délai de 2 ans maximum. Les résultats montrent que le discours bilatéral a
pour effet d'augmenter davantage la résistance des sujets à une propagande ultérieure qu’une
présentation unilatérale et qu’il est d’autant plus efficace que l’attitude initiale des sujets est
opposée à la première position défendue. Les auteurs comparent cet effet à une sorte
d'inoculation.
3. 2 Les caractéristiques de la source
« Qui peut ignorer que les mots véhiculent une conviction bien plus grande quand ils sont
prononcés par des hommes réputés que par des hommes obscurs et que les faits tirés de
l’expérience vécue constituent des arguments bien plus forts que les mots ». Cette citation
d’Isocrate, contemporain d’Aristote, illustre l’importance accordée de tout temps aux
caractéristiques de la source dans le champ de la persuasion. Si de nombreuses recherches en
psychologie attestent cet effet, il est nécessaire d’en expliquer le mécanisme. Une première
piste nous est donnée en comparant les recherches dans lesquelles la source du message est
connue avant ou après la réception du message. Cette comparaison atteste que la crédibilité de
la source n’a d’effet sur la persuasion que si elle est identifiée avant que le message ne soit
traité. Ward & McGinnies (1974) mettent en évidence que le degré de crédibilité de la source
(forte vs faible) n’a aucun effet sur l’efficacité de la communication persuasive si la source est
connue après l’écoute du message. Le fait qu’il soit indispensable que la source soit identifiée
avant ou en même temps que l’écoute du message constitue une première indication pour
comprendre la nature du processus mis en jeu. En effet, ce résultat est compatible avec
l’hypothèse selon laquelle la crédibilité de la source modifie l’efficacité de la persuasion en
modifiant la façon dont les gens traitent ou élaborent les messages. Lorsqu’on révèle l’identité
de la source après l’écoute du message, il est trop tard pour qu’elle produise un effet. Il n’y a
pas d’effet rétroactif : le sujet ayant produit, pendant l’écoute du message, toutes les pensées
s’y rapportant. On peut donc penser que les indicateurs de la crédibilité de la source
médiatisent la persuasion en agissant sur les processus cognitifs de traitement du contenu du
message. Plus précisément, selon Petty & Cacioppo (1986), la crédibilité accroît la persuasion
en agissant sur le nombre de pensées produites pendant l’écoute du message. Si le sujet croit
que la source de la communication est un expert du domaine, il a toutes le raisons de relâcher
ses défenses ou encore d’abaisser sa motivation à examiner attentivement le contenu du
message ; dans ce cas, il produira peu de réponses cognitives. A l’opposé, si la source est
perçue comme peu experte du domaine, il est probable qu’il reste sur ses gardes et qu’il
accorde plus d’attention au contenu ; ce qui se traduira par une activité cognitive plus intense :
élaboration de pensées critiques, élaboration de contres arguments.
En résumé, on peut décrire le mécanisme par lequel les caractéristiques de la source agissent
sur l’efficacité persuasive du message de la façon suivante : a) la crédibilité a pour effet
d’activer un processus de pensée pendant l’écoute du message b) ce processus sera d’autant
plus important que la crédibilité de la source sera faible, c) l’efficacité de la source est
inversement proportionnelle au nombre de pensées élaborées.
L’implication du sujet
De nombreuses recherches ont montré que le degré d’efficacité de la source dépendait du
degré d’implication du sujet à l’égard du thème de la communication et donc de la position
défendue dans le message. Plus précisément, on a observé que l’effet de la crédibilité était
inversement proportionnel au degré d’implication du sujet. Lorsque l’objet de la
communication est peu impliquant, ce sont les caractéristiques de la source qui jouent un rôle
dans la persuasion ; la pertinence des arguments dans ce cas importe peu. A l’inverse, lorsque
le sujet est fortement impliqué, c’est la qualité des arguments qui cette fois compte et non les
caractéristiques de la source (Petty & al., 1981). La méta analyse conduite par Wilson et
Sherell (1993) résume assez bien l’ensemble des résultats. Dans les deux tiers des recherches
analysées, le facteur source n’a un effet significatif sur le changement d'attitude que dans la
condition de faible implication. On explique ce résultat par le fait que, l’objet impliquant
motive le sujet et déclenche un processus de traitement central du contenu du message au
cours duquel est élaboré un ensemble de pensées et d’arguments. Selon que cette production
est ou non favorable à la position défendue, le message sera plus ou moins persuasif. C’est
pourquoi la crédibilité de la source a un impact minime dans lorsque le sujet est fortement
impliqué.
Relation entre crédibilité et force persuasive
En fonction de ce qui précède, on pourrait en déduire que plus les sources sont crédibles plus
elles sont persuasives. Certaines recherches montrent que cela n’est pas toujours le cas
lorsque le message a pour but de renforcer plutôt que de changer l’attitude existante du sujet.
Les auteurs rapportent que les sources modérément crédibles sont plus efficaces que les
sources fortement crédibles. Sternthal et al., (1978) par exemple, expliquent ce résultat en
montrant qu’une source modérée déclenche la production de pensées favorables plus
nombreuses qu’une source très crédible. En effet, on sait (cf. ci-dessus) qu’une source très
crédible réduit la motivation du sujet à traiter le contenu et à générer des réponses cognitives.
Mais comme le contenu du message persuasif est ici congruent avec la position des sujets, ces
arguments qui auraient pu être élaboré auraient été des arguments favorables à la position
défendue. Ceci explique pourquoi dans ce cas, la source très crédible est moins efficace,
puisque l’efficacité de la source dépend du nombre de réponses cognitives favorables
produites.
Degré de similarité des attitudes entre la source et le récepteur
Il est évident que si nous voulons modifier l’attitude de quelqu’un, nous devons marquer notre
désaccord avec lui. Mais comment le mettre en scène ? Si nous marquons un désaccord trop
important, l’interlocuteur peut juger le contenu du message trop extrême, fabriquer des
pensées défavorables et ainsi être peu ou pas du tout influencé. C’est pourquoi le degré de
désaccord existant entre la position défendue dans le message et la position du récepteur
constitue une variable importante. Certaines recherches ont montré une relation curvilinéaire
entre le degré de désaccord et l’efficacité du message. Un faible désaccord produit une
persuasion faible, un désaccord modéré une persuasion plus élevée et un désaccord important,
peu ou pas du tout de persuasion (Peterson & Koulack, 1969).
Cependant, ce résultat doit être modulé en fonction du degré de crédibilité de la source.
Aronson et al., (1963) confirment l’existence d’une relation curvilinéaire quand la crédibilité
de la source est modérée. Mais, quand elle est très crédible la relation devient linéaire : plus le
désaccord est important plus le message est efficace. Comment expliquer ce résultat ? Si on
compare les deux conditions de crédibilité forte et modérée :
•
Dans le premier cas, en réduisant la motivation du récepteur elle diminue parallèlement le
nombre de pensées défavorables.
•
Dans le second cas, la condition de crédibilité modérée ne diminuant pas la motivation à
traiter le contenu du message, les sujets produisent plus de pensées défavorables que dans
la première condition.
Ainsi, dans une situation où la position défendue par la source du message est éloignée de
celle du récepteur, plus la crédibilité de la source est importante plus elle est persuasive.
Conclusion
En guise de conclusion, une question s’impose : qu’entend-t-on par crédibilité de la source ?
La question soulève quelques problèmes à la fois théoriques et méthodologique. Lorsque l’on
passe en revue l’ensemble des travaux qui s’y rapporte, on peut faire deux constats :
- Tout d’abord, les différentes opérationnalisation de la variable crédibilité de la source
effectuées par les chercheurs recouvrent des réalités bien souvent différentes d’une expérience
à une autre et parfois dans la même. Tantôt l’effet de la crédibilité est étudié en manipulant le
degré d’expertise de la source dans le domaine considéré, tantôt en manipulant le degré de
confiance2 qui lui est accordée, tantôt encore en manipulant le degré d’attractivité ressentie à
son égard. Par exemple, Johnson & Scileppi (1969) font varier le degré de crédibilité de la
source en la décrivant, selon les conditions expérimentales, soit comme un médecin de
réputation mondiale soit comme un charlatan sorti de prison. De leur côté, Ward et
McGinnies (1974) opposent une source très crédible définie comme un expert dans le
domaine et à qui on peut faire confiance, à une source peu crédible sans aucune expertise,
sournoise et retorse. Dans les deux recherches citées, la source crédible produit un plus grand
changement d'attitude. Mais, étant donné que les notions d’expertise et de confiance sont
confondues dans ces opérationnalisations, il est impossible d’apprécier les effets respectifs de
ces deux conceptions de la crédibilité. Il arrive d’ailleurs fréquemment que ces deux
composantes (l’expertise et la confiance) entrent simultanément en jeu sans que l’on puisse
toujours l’éviter. Les gens ont plutôt tendance à accorder leur confiance à des experts qu’à des
non experts ! Ce problème de confusion de variables se pose aussi pour d’autres composantes
2
C'est-à-dire la probabilité qu’il dise la vérité
de la crédibilité. Chebat, Filatrault et al. (1988) manipulent le degré d’expertise en attribuant
le message s’adressant à des étudiants, tantôt à des professeurs, tantôt à des étudiants. Cette
opérationnalisation a l’inconvénient de confondre deux variables : l’expertise et la similarité
perçue avec la source. On ne peut éviter que l’on perçoive une source étudiante comme plus
semblable à soi qu’un professeur.
- Ensuite, ainsi que nous le faisions remarquer (Bromberg, 1990), dans la grande majorité des
recherches lorsque l’on étudie le rôle des caractéristiques de la source, on utilise des sources
fictives. C'est-à-dire des sources construites de toute pièce, matérialisée tantôt par une
photographie, tantôt par une voix, et parfois par un enregistrement vidéo. Le plus souvent elle
est absente physiquement de la situation expérimentale et n’existe que par la description que
l'on en fait. En réalité, ce n'est pas la source elle même qui joue un rôle mais l'image de la
source que le sujet se construit à partir des scénarios construits par l'expérimentateur. Il y a
une sorte de paradoxe à étudier les effets des caractéristiques d'une source absente et présente
à la fois qu'on ne voit ou ne rencontre jamais.
Il est donc important de souligner combien il est nécessaire pour étudier l’effet de la
crédibilité de la source sur le changement d’attitudes et comparer les résultats entre eux, de
définir préalablement le concept de crédibilité et de préciser ce que l’on entend réellement
mesurer.
3. 3 Argumentation, agressivité verbale et persuasion
La grande majorité des travaux sur la persuasion s’inscrivent dans des modèles de
communication monologiques où locuteurs (appelés sources) et interlocuteurs (appelés
récepteurs ou audience) n’ont jamais la possibilité d’interagir en instaurant une relation
interlocutive. Dans ce cadre théorique, les recherches sont plutôt focalisées sur l’étude de
l’impact de différentes variables de la situation communicative sur un sujet récepteur, souvent
passif, mutique toujours (Bromberg, 1999 ; Bromberg, Trognon, 2004). On mesurera d’autant
mieux l’originalité et l’importance des travaux de Miller, Boster et al. (1977) qu’ils furent les
premiers à attirer l’attention sur ce qu’ils ont appelés la persuasion interpersonnelle. Leur
modèle met en œuvre une conception dialogique de la communication persuasive avec pour
objectif d’apporter des réponses sur la manière dont nous arrivons à persuader autrui à faire ce
que nous voulons, à résister nous-mêmes aux tentatives d’influence. La façon dont ces jeux
argumentatifs, ouverts par le dialogue, réalisent l’intention persuasive du ou des interlocuteurs
détermine pour une grande part la nature de la relation interpersonnelle établie ainsi que la
nature et l’efficacité des stratégies mobilisées. Par exemple, il n’est pas rare que les
interlocuteurs, voulant gagner à tout prix l’enjeu de la conversation, du débat, ou tout
simplement réussir à influencer autrui, adoptent des comportements langagiers agressifs sans
considération pour la face3 de l’interlocuteur, ni même de la justesse des idées défendues. On
dira qu’une communication est agressive4 si elle exerce de façon symbolique une force afin
d’assurer la défaite de l’interlocuteur et/ou la disqualification de l’attaque persuasive (Infante,
1989). Cette force résulte de la combinaison de quatre comportements langagiers traduisant
l’assurance verbale, le désir de contradiction, l’hostilité et l’agressivité verbale et de leurs
interactions avec la situation communicative. Les deux premiers caractérisent la mise en
œuvre de stratégies langagière dites constructives par opposition aux deux derniers qui
caractérisent des stratégies dites destructives. Chacun d’eux interagit avec des éléments
situationnels pour dynamiser le comportement communicatif. Un locuteur qui adopte une
stratégie langagière constructive traduisant son assurance (réelle ou supposée) quant à la
maîtrise de l’objet en discussion, acquérra une position forte, dominante, lui donnant un
avantage pour atteindre ses objectifs. S’il adopte une stratégie langagière visant à porter la
contradiction, il argumentera de façon polémique afin de réfuter la position adverse (Infante
& Rancer, 1996). Concernant les stratégies destructrices, on ne peut ignorer que dans la
dynamique de l’interaction, les interlocuteurs mis en difficulté peuvent à tout moment
modifier leur mouvement stratégique en passant d’une forme de communication agressive
relativement constructive à une autre plus destructrice, animé par le désir d’être blessant et
d’attaquer la face de l’interlocuteur afin de rétablir une position menacée. L’hostilité se traduit
sur le plan de la communication par l’expression d’un ressentiment, d’irritabilité ou encore
d’une suspicion. L’agressivité verbale quant à elle vise essentiellement à attaquer l’estime de
soi des interlocuteurs afin de leur infliger des souffrances psychologiques (Kinney, 1994). Les
auteurs situent leur modèle dans une approche interactionniste de la personnalité en ce sens
qu’ils pensent que ces quatre stratégies trouvent leur fondement dans ces quatre traits de
personnalité5 que chaque acteur social possède à des degrés variables. Il s’ensuit que le style
agressif du comportement communicatif est le produit conjoint des facteurs situationnels et
des caractéristiques de la personne. Par exemple, si Marie croit que son argumentation a des
chances d’échouer et qu’elle n’y attache pas une grande importance, sa motivation à
Selon Brown et Levinson (1987), la face fait référence à l’identité de la personne. Ils distinguent la face
négative, qui se définit par le désir de ne pas subir des contraintes et la face positive par le désir de recevoir
l’approbation d’autrui.
4
Dire qu’une communication est agressive ne signifie pas qu’elle soit forcément mauvaise
5
L’assurance, la contradiction, l’hostilité et l’agressivité
3
argumenter sera faible. Mais, si elle croit qu’elle emportera le gain conversationnel et que le
remporter est important pour elle, sa motivation à argumenter sera élevée. Une motivation
élevée combinée avec un esprit de contradiction devrait accroître encore plus le style de
comportement communicatif agressif qui s’y rattache. Plusieurs recherches (Infante &
Rancer, 1993, Steward & Roach, 1993) ont validé ce modèle interactionniste en montrant que
la connaissance simultanée des traits de personnalité de la personne et des facteurs
situationnels (comme les caractéristiques de l’objet conversationnel) permettaient de prédire
le style du comportement communicatif des acteurs de l’interlocution. Onyekwer et Al (1991)
ont montré que lorsque les gens sont fortement impliqués dans l’objet conversationnel
(argumenter en faveur du contrôle des armes lorsque l’on est propriétaire d’un magasin
d’armes à feu) accroît non seulement leur motivation à argumenter mais aussi améliore leur
comportement communicatif dans le registre de la contestation. Dans un autre contexte,
Infante (1989) met en évidence l’utilisation de stratégies différentes selon que ce sont des
hommes ou des femmes qui essaient de convaincre quelqu’un. Lorsque l’interlocuteur utilise
un comportement communicatif agressif, les hommes ont plus tendance que les femmes à
répliquer agressivement, tandis que les femmes ont plus tendance que les hommes à utiliser
un style de communication argumentatif. Ainsi, les comportements des interlocuteurs sont en
partie déterminés par la nature enjeux et des jeux de dialogues qui structurent l’interaction
communicative.
Mais qu’est ce qui peut déterminer l’intention d’argumenter et donc les stratégies employées
pour convaincre son interlocuteur ? Une façon de comprendre la communication agressive
consiste à étudier les croyances que les gens ont à propos du fait d’argumenter et de l’emploi
d’un comportement agressif. Rancer et Al (1985) montrent que les gens possèdent en général
des croyances bien structurées à propos de l’acte de convaincre. Elles se structurent en
fonction des valeurs que l’on attache à la persuasion :
•
Hostilité : croyance selon laquelle argumenter est un combat
•
Activité : croyance selon laquelle argumenter constitue un mode d’interaction au
même titre qu’une conversation
•
Contrôle/dominance : croyance selon laquelle argumenter constitue une façon
d’imposer son opinion
•
Conflit : croyance selon laquelle argumenter constitue une source de conflit entre
les gens
•
L’image de soi : croyance selon laquelle argumenter constitue une interaction qui
produit un effet sur l’image de soi
•
Apprentissage : croyance selon laquelle argumenter constitue une façon
d’apprendre sur soi-même, autrui ou l’environnement
•
Compétence : croyance selon laquelle argumenter constitue un indicateur de ses
compétences langagières.
La combinaison de ces croyances caractérise en fait le caractère plus ou moins ergoteur des
individus. Ceux qui ont volontiers l’esprit batailleur possèdent des croyances positives à
propos de l’activité, du contrôle, du conflit, de l’image de soi, de l’apprentissage et des
compétences. Ceux qui ont moins l’esprit batailleur possèdent des croyances négatives
concernant l’hostilité, le contrôle et le conflit. Dans cette optique, Rancer & Al (1985) ont
montré que les gens à l’esprit batailleur considèrent que la dispute constitue une source
d’informations, alors que ceux qui sont peu batailleurs envisagent la dispute comme un acte
défavorable et hostile que l’on doit éviter à tout prix.
3. 4. L’appel à la peur
Faire appel à la peur pour convaincre autrui de faire ou ne pas faire quelque chose est un
procédé vieux comme le monde. On ne peut oublier la mise en garde qui avait été faite à
Adam et Eve de ne pas gouter les fruits de l’arbre de la connaissance sous peine d’encourir la
mort. L’appel à la peur, en laissant voir les terribles conséquences du refus de suivre les
recommandations, a pour objectif de persuader l’interlocuteur de changer son attitude et son
comportement. Cependant l’utilisation de cette technique n’est pas aussi simple qu’il y parait.
N’oublions pas qu’Ève fut aussi le premier exemple de l’échec de l’appel à la peur puisque,
comme chacun le sait, elle succomba malgré tout à la tentation en dépit de la menace.
L’utilisation de la peur comme stratégie persuasive consiste à associer dans le discours soit
une action indésirable (fumer) à une conséquence négative (cancer du poumon), soit un acte
désirable (se brosser les dents) à un évitement de conséquences négatives (carries). Une fois
l'association réalisée, on préconise des recommandations visant à modifier le comportement
afin d'éviter les conséquences négatives décrites. Le paradigme habituel consiste à
communiquer, en éveillant la peur, les risques qu'encourt l'individu à ne pas suivre les
recommandations.
Nous présenterons successivement les principales théories qui ont marqué cette problématique
3. 4. 1 Le modèle de la réduction du drive
Selon Janis (1968) le danger décrit dans les messages déclenche une réaction émotionnelle de
peur qui induit une tension motivationnelle (ou drive). Cette tension, selon les auteurs,
constitue le véritable moteur du changement car elle pousse l’individu à agir pour la réduire.
Si l’individu produit une réponse qui réduit sa peur, elle sera renforcée (selon la théorie de
l’apprentissage) et intégrée dans le répertoire de ses réponses. Ce modèle postule l'existence
d'un processus séquentiel dont le changement d'attitude - qui en est le terme - est médiatisé
par une succession de réponses émotionnelles de peur. La réaction de peur constitue donc le
principal concept explicatif de ce modèle. Les variables indépendantes sont supposées agir sur
le changement d'attitude de façon médiate, puisqu'elles agissent et modulent d'abord les
réactions émotionnelles. Ce modèle suggère que plus le message fait peur, plus il sera efficace
à modifier les attitudes et comportements à condition que les recommandations réduisent la
peur. Par contre, si la peur est éliminée par d'autres réponses que l'acceptation des
recommandations (en ignorant ou en niant le danger évoqué par exemple) alors le sujet
opposera une résistance aux recommandations. Cependant, les auteurs précisent que la
relation entre le niveau de la peur éveillée et l’acceptation du message n’est pas linéaire mais
curvilinéaire (en forme de U). C'est-à-dire, que s’il est nécessaire de provoquer une peur
d’une certaine intensité pour déclencher le drive, une peur trop intense pousse le sujet à
adopter une position défensive d’évitement le conduisant à ignorer le danger. Cette
conception qui a marqué durablement les années 50 et 60 est devenue obsolète. L’hypothèse
centrale selon laquelle l’acceptation de la recommandation du message se produit quand la
peur est réduite n’a pas reçu de confirmations probantes (Rogers, 1983). Mewborn & Roger
(1979) ont montré que ce n’était pas la réduction du drive qui agissait sur l’intention de se
conformer au nom au message mais au contraire son déclenchement.
3. 4. 2 Le modèle des réponses parallèles
Ce modèle (Leventhal, 1970) se centre davantage sur les processus cognitifs qu’émotionnels.
La communication déclenche deux processus parallèles et relativement indépendants : un
processus de contrôle de peur et un processus de contrôle de danger. La réaction du sujet à la
communication menaçante est médiatisée par des processus cognitifs de traitement de
l'information permettant au sujet d'identifier tout d'abord la menace. Le procès de contrôle du
danger serait analogue à un processus de résolution de problème. Le sujet est attentif non
seulement aux informations liées à la situation mais également aux informations dont il est
lui-même la source. Sa capacité à faire face au danger, ses réponses ainsi que leur efficacité
plus ou moins grande à faire cesser la menace constituent autant d'informations qui vont jouer
un rôle croissant à mesure que le processus de résolution de problème se déroule dans le
temps. La perception du danger déclenche chez le sujet une réaction émotionnelle forte. Cette
réponse constitue des indices internes qui à leur tour sont interprétés par le sujet comme une
réaction de peur. Le contrôle de la peur est alors activé. Ce processus déclenche ensuite des
réponses comportementales qui permettent au sujet d'éliminer cette peur. Il est clair pour
Leventhal que le comportement de protection adapté est celui qui procède de la tentative de
contrôler le danger (cognitions), et non celui qui procède du contrôle de la peur (émotions).
Dans le premier cas, les gens pensent au message menaçant et développent des stratégies
permettant d’éviter le danger, dans le second cas, au contraire en se focalisant sur la peur, ils
essaieront de la contrôler en activant des mécanismes de défense inadaptés comme le déni,
l’évitement, ou l’adoption de comportements visant à conjurer la peur comme manger
(message sur les conséquence de l’obésité sur la santé), boire (message sur l’abus de l’alcool),
fumer (message sur le danger de la cigarette). Bien que le modèle de Leventhal rénove en
quelque sorte le modèle précédent, il manque de précision sur les circonstances qui
déclenchent l’un ou l’autre processus de contrôle, ce qui fait qu’à un moment donné l’un
prend le pas sur l’autre.
3. 4. 3 La théorie de la motivation à la protection
Rogers (1975, 1983, 1985) apporte une clarification conceptuelle importante de l’utilisation
de la peur dans le champ de la communication persuasive en accordant une priorité
importante aux processus cognitifs qui médiatisent le changement de comportements. Dans
son modèle, la peur a un rôle minime. Deux processus cognitifs permettent à l'individu de
stabiliser sa relation avec son environnement : l'évaluation cognitive (appraisal) de la menace
et l'adaptation (coping) de la réponse à cette menace. Selon Rogers (1983), ces deux
évaluations peuvent se traduire soit par des réponses adaptées au risque mentionné dans la
communication (motivation à la protection), soit inadaptées avec des conséquences négatives
(i.e., fumer), soit encore par des absences d’action (i.e., ne pas participer à une campagne de
dépistage du cancer du sein).
Pour que l’appel à la peur soit efficace, la motivation à la protection doit être éveillée chez le
sujet. Pour cela, la communication doit agir sur les 4 composantes (cf. Figure 1) :
Insérer ici Figure 1
1) la gravité perçue des événements menaçants (i.e., une crise cardiaque),
2) la probabilité perçue qu’ils se réalisent, ou la vulnérabilité personnelle perçue vis-à-vis de
cet événement,
3) la croyance en l’efficacité des recommandations préconisées et donc des comportements
demandés.
4) l’auto-efficacité attendue, c'est-à-dire le niveau de confiance que le sujet accorde à sa
capacité à exécuter les comportements préventifs.
La motivation à la protection est le résultat de deux processus cognitifs, celui de l’évaluation
de la menace et celui du coping.
1. L’évaluation de la menace repose sur :
➢ L’estimation de la gravité : « le cancer de la peau est une maladie très grave »
➢ La perception de sa vulnérabilité : « mes chances d’avoir ce cancer sont importantes »
2. L’évaluation du coping repose sur :
➢ La croyance en l’efficacité des comportements à conjurer la menace : « me protéger
du soleil m’évitera d’avoir le cancer »
➢ L’auto efficacité : « je suis capable de faire attention et de me protéger du soleil »
L’efficacité de la théorie repose sur le raisonnement suivant : si quelqu’un est confronté à un
événement menaçant, il commencera par évaluer la menace, puis les réponses sollicitées
(coping). La combinaison de ces deux évaluations le conduira alors à adopter une stratégie de
coping qui déterminera l’intention et le comportement. On fait l’hypothèse que la menace
perçue ainsi que la croyance en sa capacité à la conjurer (auto-efficacité) agissent de concert
pour déterminer la force de l’intention d’agir et la probabilité d’adopter ou non l’action
préconisée (Rogers & Prentice-Dunn, 1997).
Après avoir informé des femmes sur le risque du cancer du sein, Rippetoe & Rogers (1987)
examinent les effets de l’information sur les composantes du modèle et leur lien avec
l’intention de pratiquer ou non l’auto palpation des seins. Les résultats montrent que les
composantes : efficacité du comportement (croire que cette pratique détectera les premiers
signes du cancer), perception de la gravité (penser que le cancer du sein est une maladie
dangereuse et difficile à traiter lorsqu’il est dans un état avancé) et l’auto-efficacité (penser
que l’on est capable de pratiquer cette auto palpation de manière efficace) sont les meilleurs
prédicateurs de l’intention. Bien que ce modèle ait été validé de nombreuses fois, il n’est pas
exempt de critiques. On lui reproche notamment qu’il postule que les individus traitent les
informations de manière rationnelle sans tenir compte du fait qu’il introduit un élément
irrationnel lié à la peur. Ensuite, ce modèle n’explique pas pourquoi ni comment l’évaluation
de la menace interagit avec celle du coping, et comment cette interaction joue sur l’intention
et le comportement. Enfin, il est incapable d’expliciter les facteurs responsables du rejet de la
communication.
3. 4. 4 Le modèle étendu des processus parallèles
White et Al., (2001), à la différence du modèle précédent, réintroduisent la distinction faite
par Leventhal entre les contrôles de la peur et de danger en évitant la critique faite à la théorie
des réponses parallèles. Il précise les conditions qui déclenchent un processus plutôt qu’un
autre.
Ce modèle est structuré autour de deux concepts, la menace et l’efficacité perçue :
1. La menace perçue. Imaginez que vous fumiez deux paquets de cigarettes par jour, on vous
dit que fumer provoque le cancer et qu’un chewing-gum à la nicotine vous aidera à vous
arrêter. La menace perçue réfère au fait que vous percevez le danger. Or, vous ne percevez
le danger que si : a) vous êtes sensible à la menace et b) que la menace est sérieuse. Si
vous pensez que la probabilité d’avoir un cancer est élevée (vulnérabilité perçue) et que
c’est une maladie grave (gravité perçue), la menace perçue est élevée.
2. L’efficacité perçue. Elle fait référence la perception qu’a la personne de la
recommandation qui accompagne l’appel à la peur. L’efficacité perçue repose sur deux
éléments, l’auto efficacité et l’efficacité de la réponse : a) La perception de l’autoefficacité renvoie à la croyance que vous avez à propos de votre capacité à suivre la
recommandation (je suis capable de mâcher du chewing-gum) et b) la perception de
l’efficacité de la réponse renvoie aux croyances que vous avez quant à l’efficacité de la
recommandation.
Le Modèle étendu des processus parallèles suggère que les sujets soumis à l’appel à la peur
ont deux façons de l’évaluer et trois façons d’y faire face (cf. Figure 2).
Insérer Figure 2
En premier, on évalue la menace. Plus la menace perçue est grande plus la motivation à agir
est importante. Si aucune menace n’est perçue, aucune action n’a lieu : l’appel à la peur est
complètement ignoré et la recommandation n’est même pas évaluée. Si la menace perçue est
importante et prise très au sérieux, on procède à une deuxième évaluation au cours de
laquelle seront évaluées l’auto-efficacité et l’efficacité de la réponse. C’est cette deuxième
évaluation qui détermine le type d’action à entreprendre. Si on pense qu’on est capable d’agir
pour prévenir la menace alors on sera motivé pour contrôler le processus de danger et on
adoptera les attitudes, intentions ou changements comportementaux appropriés. Dans
l’exemple utilisé, on choisira de mâcher du chewing-gum à la nicotine. Mais si on doute de
notre capacité à suivre efficacement la recommandation ou ne croit pas en son efficacité, on
ne cherchera plus à essayer de contrôler le danger mais de contrôler sa peur. Cette
motivation à contrôler sa peur se manifestera par une résistance inadaptée parce qu’elle repose
sur un mécanisme de défense d’évitement (inhiber toute pensée à propos de la menace), de
déni ou encore de réactance6. Il est important de faire la distinction entre l’absence d’effet, qui
est du à l’absence d’une menace perçue et les effets du contrôle de la peur provoqués
simultanément par la perception d’une menace importante et d’une faible efficacité. Dans les
deux cas cela aboutit à un rejet des recommandations de l’appel à la peur. Cependant, les
stratégies à appliquer sont différentes. Dans le premier cas, il s’agira d’intensifier l’appel à la
peur, dans le second de mettre l’accent sur l’efficacité de la recommandation.
Witte et Allen (2000) ont évalué le modèle au moyen d’une méta-analyse. Cette analyse
montre que quoique les menaces soient nécessaires à la motivation, une trop forte intensité
peut engendrer un niveau de peur insurmontable et pousser les gens à consacrer beaucoup
d’énergie à l’éviter en la rationalisant. Plutôt que d’entreprendre une action pour éviter le
danger (je vais cesser de fumer sur les recommandations du médecin) ils sont enclins à
produire des pensées mal adaptée pour maitriser la peur : ce n’est pas parce que je vais fumer
quelques années de plus que je vais attraper le cancer. Il est donc crucial que la menace ne
soit pas employée seule. Pour que la stratégie persuasive ait des chances de réussir, susciter la
peur ne suffit pas. Après qu’on a clairement communiqué à la personne le fait que ne pas
suivre les recommandations entraine des conséquences sérieuses pour la santé et accroit les
risques d’en être la victime, il faut la convaincre par une stratégie discursive adaptée que les
comportements demandés réduiront la menace et surtout qu’elle sera capable de les mettre en
œuvre.
3. 5 La théorie de l'action raisonnée et la théorie du comportement planifié
Ce qui fait défaut aux deux modèles précédents est le concept de croyances normatives. Une
croyance normative est une croyance que possède un individu à propos de ce que pensent les
gens sur que l’on doit faire ou ne pas faire. L’importance du rôle joué par ce type de croyance
avait déjà été soulignée dans les années soixante dans les théories des processus d’influence
Lorsqu’une personne a le sentiment que sa liberté d’action ou de pensée est menacée, elle éprouve un état
mental déplaisant appelé réactance. Cet état mental la motive à défendre ou à restaurer sa liberté menacée. La
réactance peut pousser une personne à adopter ou renforcer son opinion ou attitude dans le sens opposé à ce qui
était attendu et donc opposer une résistance à la persuasion.
6
(Kelman 1961) et du pouvoir (French et Raven 1959) à savoir que les gens que nous
connaissons servent de cadre de référence à nos comportements. La soumission peut résulter
de l’identification à la source et du désir de lui plaire. Que les croyances sociales normatives
influencent le fait de se conformer par un besoin inné d’approbation sociale ou par un besoin
de satisfaire une relation avec autrui est un fait dont les deux auteurs, Ajzen & Fishbein
(1980), n’ont pas sous-estimé l’importance. C’est ce qui les a conduit à développer les deux
modèles, la Théorie de l'action raisonnée et la Théorie du comportement planifié.
Dans les deux modèles, les auteurs développent l’idée selon laquelle a) l’intention
comportementale a un effet direct sur les comportements b) qu’elle dépend de l’attitude du
sujet envers le comportement et les normes subjectives existantes à propos de ce
comportement. L’attitude à l’égard du comportement dépend quant à elle des conséquences
personnelles anticipées du comportement effectué - en termes de coût et de bénéfices - et de
la valeur affective attribuée à ces conséquences. Donc, les conséquences personnelles
englobent les notions de bénéfices, d’obstacles, d’efficacité de réponse, et de rigueur abordées
dans les deux théories précédentes.
La Théorie du comportement planifié constitue un développement de la théorie précédente en
affirmant que l’intention comportementale est fonction du contrôle exercé sur le
comportement en plus de l’attitude à l’égard du comportement et les normes subjectives.
Cette modification s’est avérée nécessaire afin que la théorie puisse s’appliquer aux situations
dans lesquelles le comportement en question n’est pas sous contrôle volontaire du sujet
(Ajzen, 1988). Par exemple, il est clair que si l’utilisation des protections contre les maladies
sexuelles dépend de l’attitude à l’égard de ce comportement de protection et des croyances
normatives, elle dépend aussi des comportements du partenaire. Selon la Théorie du
comportement planifié, l’auto efficacité (c'est à dire le contrôle du comportement) a une
influence directe à la fois sur l’intention comportementale et le comportement lui-même. Un
individu qui possède des attitudes pertinentes et des croyances normatives peut très bien ne
pas produire le comportement qui en découlerait à cause justement de ce manque de contrôle
(auto efficacité faible). C’est la combinaison du contrôle perçu du comportement (auto
efficacité) et l’intention comportementale qui permet de prédire la réussite du comportement.
Par exemple, imaginons le cas où deux personnes ayant la même intention d’apprendre à faire
du golfe commencent ensemble cet apprentissage. La personne qui aura l’impression qu’elle
pourra maîtriser cette activité a plus de chance de persévérer que la personne qui doute de ses
capacités.
Les deux théories se sont avérées efficaces à expliquer et prédire une variété de
comportements en relation avec la santé. Par exemple, chez les adolescents, les croyances
normatives concernant l’utilisation de la drogue chez les camarades de classe constituent la
classe de prédicteurs la plus efficace de l’utilisation d’une substance. Le médecin, est aussi un
référent important. Les études ont montré que ses recommandations sont parmi les facteurs les
plus influents de la décision des patients de prendre des précautions. C’est pourquoi son
comportement verbal et/ou non-verbal joue un rôle important sur l’intention comportementale
du patient car il communique son approbation ou sa désapprobation concernant ses
agissements, et donc influence ses comportements futurs.
3. 6. La théorie de l’attente langagière7
3. 6. 1. Les propositions de base
Cette théorie (Burgoon & Miller 1985) est fondée sur un postulat simple. Le langage est un
système gouverné par des règles au moyen duquel les gens construisent des attentes
concernant la manière dont le langage et les stratégies langagières sont utilisées dans des
situation de persuasion. On peut trouver les prémisses de cette idée dans un article de Brook
publié en 1970. Dans cet article, Brook développait la conception selon laquelle les
stéréotypes marquaient les discours sociaux comme n’importe quel autre fait social. Dans le
cas où un discours ou une parole publique d’un acteur social entre en contradiction avec le
contenu du stéréotype attaché à sa personne, le contraste produit avec les attentes de l’auditeur
aura un effet sur la perception du locuteur. Par exemple, si un homme connu pour sa violence
et sa brutalité tient un discours empreint de respect et de courtoisie, il sera perçu par contraste
comme plus respectueux courtois et donc plus crédible qu’il ne l’est en réalité par l’auditeur
qui s’attend à des comportements violents. La raison tient au fait qu’une personne peut être
perçue comme plus ou moins crédible, non pas en vertu de son comportement
intrinsèquement persuasif mais parce que son comportement contraste avec les attentes
stéréotypées qu’ont les gens à son égard. Burgoon, à la lecture de cet article, en vint à
s’interroger sur la nature et le contenu de ces attentes. Il se demanda, notamment, si ces
attentes ne concernaient pas la manière dont on anticipait la façon dont les gens sont censés
user du langage en fonction non seulement de leur personnalité mais aussi de la culture à
laquelle ils appartiennent. Mais, s’il existe vraiment des attentes concernant un usage
différentié du langage, de quel type d’usage parle-t-on et ensuite de quoi dépendent ces
7
language expectancy theory ou LET
attentes ? Du genre de la personne ? De son statut socioéconomique ? De son degré de
crédibilité ?
Nous apprenons, dès notre plus jeune, âge que le langage peut exprimer des choses avec une
plus ou moins grande intensité8. La notion d’intensité à propos du langage fait référence à la
façon dont son usage s’écarte plus ou moins de ce que l’on pourrait appeler une neutralité
affective : l’intensité du substantif haine est plus forte que celui d’antipathie ou d’aversion, de
l’adjectif terrifié que craintif, du verbe frapper que cogner et ainsi de suite. Un certain nombre
de recherches ont montré que des messages à visée persuasive étaient plus efficaces lorsqu’on
utilisait des termes de forte intensité plutôt que le contraire (Bradac & al., 1979). Cependant,
on a aussi montré que cet effet pouvait dépendre de la position défendue par la source du
message. Lorsque la source du message défend une position qui a les faveurs de l’audience,
un langage de forte intensité accroît la crédibilité et favorise l’acceptation du message. A
l’inverse, lorsque la source défend une position contraire à celle de l’audience, elle accroît
plutôt la résistance.
3. 6. 2 Validation empirique
Plusieurs recherches vont affiner cette conception. Burgoon & Chase (1973) par exemple
utilisent deux messages séparés par un intervalle de cinq semaines dont ils font varier
l’intensité du langage9. Ils font l’hypothèse : a) qu’ayant lu le premier message les sujets
s’attendent à ce que le second soit de même intensité ; b) qu’ils seront davantage persuadés si
l’intensité (plus forte ou plus faible) du deuxième message ne correspond pas à leur attente.
Les résultats confirment ces prédictions. Il en va de même pour ceux qui ont eu un premier
message d’intensité modérée ou faible suivi d’un message de forte intensité. McPeek &
Edwards (1973) de leur côté, testent l’efficacité d’un message contre l’usage de la marijuana
selon les caractéristiques de la source et des attentes qui en découlent en fonction des normes
culturelles partagées par les sujets. Les auteurs font l’hypothèse que si un hippie et un prêtre
tiennent un discours contre l’utilisation la marijuana, seul le premier aura un comportement
langagier inattendu : il sera plus crédible et plus persuasif. A l’inverse, si les deux tiennent des
propos favorables à son utilisation, c’est le prêtre qui sera le plus crédible selon le même
principe. Les résultats confirment partiellement cette hypothèse. Elle n’est vérifiée que dans le
L’enfant sait très rapidement user de façon pertinente la force avec laquelle il exprime un désir en jouant sur
toute une gamme d’atténuateurs langagiers. Comme dans l’exemple suivant : maman, s’il te plait, soit gentille, je
voudrai bien un bonbon vs maman, je veux un bonbon
9
En faisant varier les adverbes comme par exemple, quelque fois vs toujours, un nombre important de crimes vs
astronomique ; ou les verbes, l’addiction entraîne vs contraint
8
cas du hippie et non dans celui du séminariste. Cependant, quelle que soit la source, il
apparaît que si elle tient des propos qui violent l’attente des sujets, elle est perçue comme plus
honnête et sincère.
Enfin, Burgoon et al., (1975) initient une série de recherches visant à montrer que dans
certains contextes, des messages à visées persuasives peuvent conduire les gens à anticiper
des degrés variables d’intensité du langage en fonction de normes culturelles et de stéréotypes
existants. Afin de vérifier cette idée, les auteurs construisent deux messages en faveur d’une
condition particulière d’entrée à l’université adressés à des étudiants. Les deux messages sont
identiques hormis le fait que certains verbes utilisés sont de forte ou de faible intensité. La
clef de cette expérience repose sur les attentes culturelles attachées à la source du message
selon que l’on est un homme ou une femme. Pour justifier leurs hypothèses, ils écrivent (p
245) : « Bem et Bem suggèrent (1970) que le processus de socialisation [. . .] a programmé les
femmes de sorte qu’elles soient plus complémentaires qu’indépendantes, plus soumises que
dominatrices, ayant l’esprit tourné plus vers la famille que les affaires ou que la science, que
les hommes [. . . ]. Si ces stéréotypes sont corrects, alors on peut s’attendre à ce que certains
comportements communicatifs des femmes soient différents des hommes ». Le fait qu’une
femme encode sa pensée à l’aide de mots intenses produira un effet boomerang parce qu’ «
elle prend de façon non conventionnelle et inattendue une position forte. Un homme qui
utilise un langage de faible intensité, alors que l’on attend le contraire, aura de fortes chances
d’être moins efficace » (Ibid, 245). Cette recherche tire son importance du fait que les attentes
ne sont pas créées par l’expérimentateur mais par la société elle-même. Les hypothèses sont
vérifiées. Lorsque la source du message est une femme, l’utilisation d’un langage ayant un
niveau d’intensité faible est plus efficace qu’un niveau d’intensité fort ; La source masculine
est plus efficace avec un niveau d’intensité fort que faible.
L’ensemble de ces résultats suggère que souvent nous évaluons ou réévaluons les propos de
quelqu’un selon que ce qu’il dit confirme ou viole nos attentes le concernant.
3. 7. La théorie du traitement central et périphérique10
3. 7. 1. Présentation générale
Selon Aristote, persuader autrui nécessite de prendre en compte les facteurs liés à la source
(ethos), au message (logos) et à l’émotion suscitée chez l’audience (pathos). Ce sont ces idées
qui ont structuré les premiers travaux expérimentaux initiés par Hovland et ses collaborateurs
10
Appelé encore modèle de probabilité d’élaboration
dans les années cinquante. Ces premières recherches reposaient sur une conception
relativement étroite du rôle des variables dans le processus de persuasion. Selon cette
conception, le rôle d’une variable ne se résumait qu’à un seul et unique effet - elle facilitait ou
non l’impact persuasif - et cet effet n’impliquait qu’un seul mécanisme cognitif. Cette
conception a participé largement au développement des recherches mais s’est trouvée
démunie pour expliquer les résultats contradictoires de plus en plus nombreux. D’autant que
l’on n’a cesser de montrer que presque toutes les variables étudiées étaient susceptibles
d’influencer les attitudes dans un sens ou dans un autre selon les contextes situationnels et
selon des mécanismes différents. La théorie de Petty & Cacioppo (1986) constitue une des
premières tentatives pour unifier ces résultats contradictoires dans un même système
explicatif. Le point central de la théorie est l’affirmation selon laquelle il existerait un
continuum d’élaboration reposant sur la capacité et la motivation de l’individu à réfléchir au
contenu de la communication persuasive et à l’évaluer dans le contexte de la tentative
d’influence. Ce continuum d’élaboration serait borné à une extrémité par l’absence totale de
pensées à propos de l’information disponible dans la situation de persuasion et à l’extrémité
opposée, une élaboration complète de cette information. Lorsque le sujet est à la fois motivé
et capable de réfléchir, il est enclin à examiner attentivement toutes les informations
découlant du message, de la source, du contexte, de ce qu’il ressent, afin de se faire une
opinion la plus juste. On dit qu’il emprunte la voie centrale. Par contre, s’il est peu motivé
(son intérêt est faible) ou si ses capacités cognitives sont perturbées (si son attention est
distraite) le changement d’attitude peut découler de l’activation de mécanismes cognitifs peu
coûteux ; il n’accordera de l’importance qu’à des indices sans rapport avec le contenu du
message. On dit qu’il emprunte la voie périphérique. Ce qu’il faut comprendre, c'est que ces
deux voies ne sont pas parallèles mais sur un même continuum.
3. 7. 2. Traitement central
Lorsqu'un procès cognitif de traitement central est mis en œuvre, l'individu focalise toute son
attention et ses ressources cognitives sur le traitement du contenu de la communication. En
même temps qu'il analyse ce contenu et l'intègre à ses connaissances préalables, il produit des
pensées favorables ou non à la position défendue par la source du message selon qu’il juge les
arguments utilisés valides, pertinents ou médiocres. En effet, l'approche de la communication
sociale en termes de réponses cognitives fait l'hypothèse que l’effet de la communication sur
l’interlocuteur sera déterminé en tout premier lieu par la nature des pensées produites par le
sujet lorsqu'il anticipe ou écoute une communication persuasive (cf. Fig. 3).
Insérer Figure 3
Greenwald (1968) fut le premier à rendre compte de façon explicite du rôle joué par de telles
réponses internes. Pour cela, il demanda aux sujets d’inscrire toutes les pensées qui leur
étaient venues à l’esprit sur une feuille de papier pendant l’écoute de la communication. Ces
pensées étaient ensuite classées, par le sujet lui-même ou un juge indépendant, en trois
catégories : pensées favorables ou défavorables ou neutre. Les résultats montrèrent que ces
réponses déterminaient la nature des modifications des attitudes et de leur contenu cognitif :
• L’efficacité du message est d’autant plus importante que le message incite le sujet à élaborer
des pensées et/ou arguments favorables
• Plus ces pensées sont nombreuses plus le changement d’attitude sera importante
• Plus le sujet élabore des pensées défavorables plus la résistance sera grande.
De nombreuses recherches ont confirmé cette conception selon laquelle lorsque le sujet active
un traitement central de l’information, l’importance du changement d'attitude dépend de la
valence et du nombre de pensées élaborées vis-à-vis du message.
Les expériences sur l’effet de la distraction constituent un bon paradigme pour mettre en
évidence ce mécanisme. Par exemple, Festinger et Maccoby (1964) distraient l'attention des
sujets pendant l'écoute d’une communication. Conformément à l’hypothèse selon laquelle la
distraction aurait pour effet d'empêcher ou de freiner toute activité cognitive de contreargumentation de la part du sujet. Les résultats montrent que la distraction facilite la
persuasion.
Selon Petty & al., (1976) la distraction aurait un effet bien plus spécifique : elle n’inhiberait
que les réponses cognitives dominantes suscitées par le contenu du message. Elle
augmenterait donc la résistance à la persuasion dans le cas où le message entraînerait
naturellement des pensées favorables de la part du sujet et augmenterait l'efficacité de la
persuasion dans le cas inverse. Les auteurs vérifient cette hypothèse : lorsqu’on administre
aux sujets un message contenant des arguments faibles et/ou non-pertinents, donc des
messages censés provoquer la production prédominante de pensées défavorables, une forte
distraction a pour effet d'inhiber ces réponses et, conséquemment, d'augmenter l'efficacité
persuasive du message. A l'opposé, quand on administre aux sujets un message avec des
arguments forts, donc censé provoquer des réponses dominantes favorables, une forte
distraction inhibe la production de ces réponses et, conséquemment, diminue l'efficacité du
message (cf. Figure 4).
Insérer ici Figure 4
On doit insister sur le fait que si ces réponses cognitives médiatisent l'impact de la
communication sur les attitudes, deux conditions au moins doivent être remplies pour que le
sujet s'engage dans ce processus de traitement central :
•
qu'il soit motivé et
•
qu'il ait les capacités cognitives suffisantes pour traiter le contenu de la communication.
Le traitement central des messages persuasifs est probablement le plus souvent un procès sous
contrôle du sujet, car il requiert son attention et des efforts soutenus pour traiter le maximum
d'informations.
3. 7. 3. Le traitement périphérique
A l'opposé, le processus de traitement périphérique repose sur l'idée que souvent, nous
agissons sans vraiment faire attention à l'ensemble des informations de notre environnement.
Il nous arrive souvent d’effectuer une correspondance dans le métro sans véritablement prêter
attention au trajet qui nous mène d’un quai à un autre - si le trajet est habituel. Dans notre
environnement social, nous sommes soumis sans cesse à des communications et nous n'avons
pas toujours les ressources cognitives nécessaires, ni la motivation pour prendre en compte de
façon exhaustive l'ensemble de ces tentatives, ni la possibilité de les ignorer totalement. Dans
certains cas, l'application d'une structure de savoirs (structure cognitive) à une situation ou à
un événement suffit à en fournir une connaissance, ou une lecture, acceptable, sans avoir à
traiter véritablement toute l’information.
Une expérience de Langer & al., (1978) nous permettra d’illustrer ce propos.
L’expérimentateur attendait que se forme une file d’attente devant la photocopieuse pour
doubler tous les étudiants qui faisaient la queue. Selon les conditions expérimentales, pour
que les étudiants acceptent de céder leur tour, il formulait l’une des trois requêtes suivantes :
1 : excusez moi, j'ai X photocopies à faire, puis je utiliser la photocopieuse ?
2 : excusez moi, j'ai X photocopies à faire, puis je utiliser la photocopieuse car je suis très
pressé ?
3 : excusez moi, j'ai X photocopies à faire, puis je utiliser la photocopieuse car je dois faire
des photocopies ?
On remarquera que la première requête n’est suivie d’aucune justification, que les requêtes 2
et 3 sont toutes deux suivies d’une justification pertinente pour la première, et non pertinente
pour la seconde. Les résultats montrent que lorsque la requête était :
- peu coûteuse (5 photocopies) : a) les requêtes 2 et 3 produisaient autant d'acceptation (93
%), b) ces deux requêtes étaient plus efficaces que la première sans justification.
- coûteuse (20 photocopies) seule la requête avec justification pertinente (2) était efficace.
Ces résultats peuvent s’expliquer par le fait que, dans le cours normal de la vie sociale, nous
décryptons, en général, les situations sociales en vérifiant que le cours des choses est
conforme à ce qu'il doit être, c’est à dire que les événements se déroulent selon le scénario
dons nous avons l’habitude. Dans la situation que nous venons de décrire, le script que les
sujets ont dans la tête est simple : une requête implique normativement une demande ET une
justification. Lorsque la requête n'est pas très importante, les sujets vont s'assurer que le
déroulement du script est respecté du point de vue de la forme, sans se préoccuper du contenu.
C’est pourquoi, dans la requête (3), bien que la justification avancée (je dois faire des
photocopies) ne soit pas valide, sa forme syntaxique obéissant au script habituel d’une requête
suffit à satisfaire les sujets. Ce fonctionnement cognitif n'est pas aberrant : le sujet se contente
de vérifier que certaines règles de succession d'événements sous-tendus par les scripts sont
respectées. Il évite ainsi tout recours, lorsque cela n’est pas nécessaire, à des activités
cognitives plus complexes et, plus particulièrement, à toute activité d'inférence coûteuse en
énergie cognitive. Par contre, dans le cas de la requête coûteuse, le sujet ne se satisfait pas
d’un examen superficiel de la communication visant à valider la bonne forme du script, il
active, au contraire, un processus de traitement central du contenu.
Lorsque le sujet n’est pas motivé à activer un traitement central, il dispose d’autres indices
que le contenu lui-même pour décider s’il accepte ou non le message. Ces indices
périphériques, sorte de raccourcis mentaux, sont nombreux. Par exemple, si la source d’un
message est un top modèle, son physique attractif peut constituer un indice périphérique pour
le sujet et le conduire à penser : elle (il) est vraiment belle (beau), je pense que je devrais être
d’accord avec elle (lui). De même, si un message contient de nombreux arguments, cet indice
périphérique peut conduire le sujet à penser qu’un tel message est probablement très sérieux.
Tout se passe comme si le sujet utilisait une règle selon laquelle, toute chose étant égale par
ailleurs, un message utilisant beaucoup d’arguments a plus de chance d’être vrai que celui qui
en utilise peu. On le voit, nous pouvons selon les situations évaluer la validité d'un message
persuasif en appliquant de simples règles pragmatiques (ou heuristiques), sans tenir compte
du contenu sémantique pour évaluer la validité d’une information. De telles règles découlent
directement d'une base de connaissances acquises à travers des nombreuses interactions qui
constituent la vie sociale de tout individu. Pour mémoire, on pourra donner quelques
exemples de règles heuristiques :
-
Les experts ne mentent pas et disent la vérité
-
La majorité a souvent raison
-
Les gens beaux sont généralement bons
-
Quelqu’un de sincère dit la vérité
-
En général je suis d’accord avec les gens que j’aime
-
Je crois à ce que disent les gens en qui j’ai confiance
-
Les statistiques ne mentent pas
-
Un long message est plus valide qu’un message court
-
Un message qui tient compte des arguments adverses est plus objectif qu’un
message monolithique
Lorsque les savoirs préalables à propos du thème communiqué ou quand les conséquences
personnelles qui en découlent ne sont pas claires, les gens peuvent ne pas être sûres de savoir
si le message vaut le coup d’être traité ou s’ils en ont la capacité. Dans ce cas, ce sont les
caractéristiques des indices périphériques qui permettront à la personne de décider si le
traitement central est justifié ou non. Une recherche menée par Petty, et al., (1993) sur le rôle
de l’humeur dans le traitement de l’information montre, par exemple, que cette variable peut
agir différemment selon les différents niveaux de probabilité d’élaboration :
•
Lorsque le niveau de probabilité d’élaboration est faible, les résultats montrent que
l’humeur positive fonctionne comme une heuristique et agit directement sur l’attitude.
•
Lorsque le niveau est intermédiaire, elle réduire le niveau global du processus de
traitement et,
•
Lorsque le niveau est élevé elle a un effet sur l’attitude en déclenchant un processus de
pensées important à propos du message.
Enfin, on doit noter que selon que les attitudes se forment à la suite d’un traitement de
l’information central ou périphérique elles acquièrent des propriétés différentes. Dans le
premier cas elles sont plus stables dans le temps, plus prédictibles des comportements et
manifestent une plus grande résistante aux tentatives de changement que celles construites à
partir du traitement périphérique.
4. Communication et Résistance
Dans certains cas le but de la communication ne consiste pas à vaincre les résistances au
changement mais au contraire à créer des attitudes susceptibles de résister à une éventuelle
tentative de changement.
4. 1. La théorie de l'inoculation
4. 1. 2. Introduction
L’origine de cette théorie est double. Elle repose, d’une part, sur les résultats obtenus par
Lumsdaine et Janis (1953) dans une expérience dont l’objectif était de comparer l’efficacité
relative de deux stratégies discursives, unilatérale - ne contenant que des arguments en faveur
de la position défendue - et bilatérale, contenant ces mêmes arguments auxquels s’ajoutaient
des arguments opposés avec leur réfutation. Une semaine après avoir écouté un premier
message unilatéral ou bilatéral, la moitié des sujets de chacun des groupes était la cible d’une
attaque persuasive constituée d’un discours opposé au premier, et réfutant chacun des points
principaux. Les résultats mettaient en évidence que le discours bilatéral augmentait la
résistance des sujets à l’attaque persuasive ultérieure. Pour les auteurs cette résistance ne
pouvait s’expliquer que parce qu’ils avaient été protégés par une sorte d’inoculation. D’autre
part, il faut rappeler qu’à cette époque une guerre opposait les États Unis à la Corée et qu’un
fait marquant inquiétait fortement les membres du gouvernement. Une fois fait prisonniers,
les soldats opposaient une faible résistance idéologique à la propagande ennemie. Pourquoi ?
Une première réponse fut de dire que la facilité avec laquelle les soldats avaient été
endoctrinés tenait au fait qu’ils avaient reçu une préparation idéologique insuffisante. Par
conséquent, pour y remédier, pensait-on, il suffisait de revoir le contenu de l'instruction
civique donnée au soldat avant de partir au front et de leur faire subir un endoctrinement
adéquat.
4. 1. 3. Le concept d’inoculation
McGuire (1962) proposa une autre explication. La vulnérabilité des croyances des soldats
faits prisonniers concernant des valeurs telles que la démocratie, la liberté, le capitalisme
s’expliquait par le fait qu’elles étaient des truismes culturels11. Il se trouve que les attitudes à
l’égard de ces valeurs sont surprotégées, car rarement attaquées. C’est la raison pour laquelle,
McGuire pensa qu’il était plus efficace pour immuniser les croyances, de présenter les
arguments de l'ennemi plutôt que d’utiliser uniquement des arguments pro-américains. Cette
analyse repose sur une analogie prise dans le domaine de la santé. Il y a deux façons de
renforcer la résistance d’un organisme à l’attaque d’un virus. On peut utiliser une thérapie de
soutien qui consiste à prescrire une alimentation saine, des exercices physiques pour
maintenir la forme, et pourquoi pas des vitamines. Mais on peut aussi, pour le protéger,
11
Un truisme est une croyance qui - dans une culture, un environnement social donné - n'a pratiquement jamais été attaquée.
Cette croyance est alors admise de façon si unanime qu'il est peu probable que les gens s'attendent à la voir remise en cause.
Et si elles sont fragiles, c'est justement parce que les gens les croient indiscutables. De plus, étant partagées de façon
majoritaire, peu de gens ont eu l'occasion d'avoir à les défendre faute d'attaques, d’autant que personne n'est motivée à
rechercher de lui-même ce qui pourrait remettre en cause ses croyances.
stimuler ses défenses contre l'attaque ultérieure du virus en lui inoculant préalablement une
faible dose de ce même virus, dont la virulence aura été préalablement atténuée. Ainsi, si l’on
file la métaphore, on peut dire que de la même façon qu'il est possible de stimuler les défenses
de l'organisme contre l'attaque ultérieure d'un virus en le lui inoculant préalablement sous une
forme atténuée, il est possible de stimuler les défenses attitudinelles de l'organisme en lui
inoculant une forme atténuée des arguments contre-attitudinels (le virus) qu'il est susceptible
de rencontrer dans le futur. De même, concernant la thérapie de soutien, on peut de façon
analogique donner à l'individu des arguments (vitamines) en faveur de la croyance afin de
mieux résister à la contre-propagande. Si cette analogie biologique est appropriée au champ
de la persuasion, on peut alors faire l'hypothèse que la défense par inoculation devrait
constituer une stratégie plus efficace à instaurer une résistance à la persuasion qu'une stratégie
dite de soutien. Pour valider cette conception, McGuire conduisit une série
d’expérimentations construites sur un même paradigme expérimental. Ce paradigme
comprend toujours, une première phase préparatoire au cours de laquelle on présente au sujet,
soit des arguments qui renforcent le truisme, c’est la défense par soutien ; soit des arguments
opposés au truisme suivis de leur réfutation, c’est la défense par réfutation. C’est phase est
censée permettre au sujet de mettre en place des défenses cognitives. Puis, à l'issue d'un
intervalle de temps variable selon les expériences, suit une deuxième phase dite phase
d'attaque : la croyance est alors soumise à une attaque en règle. Un questionnaire d'opinion
administré à la fin de la deuxième phase permet de mesurer le changement intervenu. Afin de
comparer l'efficacité relative de ces deux types de défense (soutien vs réfutation). McGuire et
Papageorgis (1961) font écouter à tous les sujets quatre truismes du genre : chacun devrait se
laver les dents après chaque repas si cela était possible. Sur les quatre truismes, deux ont
servi de contrôle : l’un n’a été ni défendu ni attaqué, l’autre attaqué mais non défendu. Le
troisième recevait une défense par soutien. Les sujets lisaient un texte comprenant des
arguments du genre : se laver les dents améliore leur aspect et élimine les bactéries
responsables des caries. Enfin, le quatrième, recevait une défense par réfutation. Les sujets
lisaient un texte contenant des arguments faibles contre le truisme suivi d'autres réfutant les
premiers. Deux jours plus tard les trois truismes (celui qui n’est pas défendu12 et les deux
autres défendus par soutien et par réfutation) font l’objet d’une attaque persuasive. Les
résultats mettent en évidence : a) qu'une défense par soutien ou par réfutation est plus efficace
que pas de défense du tout et b) qu'une défense par réfutation est plus efficace qu'une défense
par soutien.
12
Mais attaqué
4. 1. 4. Processus responsables de la résistance
McGuire (1962) fait l’hypothèse que le fait de voir sa croyance menacée joue un rôle capital
dans l’émergence de la résistance. L’existence d’arguments contre-attitudinels dans la défense
par réfutation constitue un véritable choc pour le sujet, elle lui fait prendre conscience de la
vulnérabilité de sa croyance. Cette prise de conscience le motive alors à construire des
défenses cognitives l'immunisant ensuite contre l'attaque persuasive. Mais qu’en est-il si
l’attaque persuasive utilise des arguments différents de ceux utilisés dans la défense par
réfutation ? Pour que l’inoculation soit vraiment efficace, il faudrait faire l’hypothèse que
l'accroissement de la résistance à la persuasion soit indépendant du type de réfutation utilisé.
Pour le vérifier, McGuire (1962) utilise deux sortes d’attaque, l’une qui utilise des arguments
semblables à ceux utilisés dans la défense et l’autre, des arguments totalement nouveaux. Les
résultats confirment l’hypothèse. La défense par réfutation immunise les sujets quelle que soit
l’attaque utilisée. Il en conclut que c’est la menace intrinsèque, attachée au contenu des
arguments, qui constitue le vrai catalyseur de la résistance à la persuasion. Les résultats de
l’expérience de McGuire & Papageorgis (1961) modulent cependant cette affirmation. La
mise en évidence du rôle essentiel de la menace pour les croyances ne constitue qu’une moitié
d’explication de l’effet de l’inoculation. Il reste à comprendre encore la nature des
mécanismes qu’elle déclenche. L’effet de l’inoculation repose sur un mécanisme à double
détente. La menace implicite contenue dans la défense par réfutation crée la motivation à
protéger ses croyances qui à son tour pousse le sujet à engranger les processus cognitifs
nécessaires pour l’immuniser contre l’attaque. En effet, le contenu de la défense par
réfutation, qui constitue une contre-argumentation explicite, fournit au sujet non seulement
des arguments susceptibles de renforcer son attitude, mais aussi un guide, une sorte de script
utile pour produire lui même ses propres arguments. C’est bien parce que le sujet est motivé à
élaborer ses propres défenses cognitives sur la base du contenu et du modèle de contreargumentation qui lui sont proposés dans la phase de protection qu’il est capable de résister à
des attaques moins spécifiques et non prévues.
Il faut noter que les premiers travaux sur l’inoculation se limitaient aux seules croyances qui
étaient des truismes culturels, c'est-à-dire, si l’on conserve la métaphore biologique, qui
n’avaient jamais été contaminées par des attaques persuasives. Pendant un temps on a cru que
son champ d’application se restreignait aux seules croyances non controversées. Depuis on a
montré de façon systématique que l’inoculation pouvait conférer une résistance à tout un
ensemble de croyances qu’elles soient ou non controversées (Pfau, 1997)
3. 1. 5. Recherches récentes.
Modalité de la communication
Jusque dans les années 90, toutes les recherches dans le cadre de la théorie de l'inoculation ont
utilisé un support papier partant du principe que le medium avait peu d’effet sur le contenu.
Ce n’est que récemment que l’on a commencé à envisager le problème d’une autre façon et à
utiliser d’autres supports, notamment la vidéo. Holbert et Stephenson (2003) ont étudié
l’efficacité relative de deux supports écrit/vidéo sur le processus de résistance. De nombreuses
recherches avaient montré que les communications écrites déclenchaient plus facilement des
traitements actifs de l’information que ne le faisait la vidéo considérée comme un médium
passif (Chaiken & Eagly, 1983 ; Petty & Cacioppo, 1986). A partir de ces résultats, on peut
avancer l’hypothèse que le traitement de l’inoculation administré par écrit devrait déclencher
des processus cognitifs plus actifs que celui administré par vidéo, donc produire plus de
contre-arguments, et donc in fine conférer une résistance plus importante. Contrairement aux
prédictions, l’inoculation par vidéo est aussi efficace que celle par écrit et produit plus de
contre-arguments. Mais le plus intéressant, c’est que les processus responsables de la
résistance sont différents selon la modalité utilisée. Le traitement par écrit nécessite plusieurs
jours pour qu’il soit efficace et se dilue dans le temps alors que l’efficacité du traitement
vidéo est immédiate et durable, et dépend plus des caractéristiques de la source que du
contenu de la communication.
Le rôle de l’émotion
Jusqu’à une date récente, l’explication de l’immunisation reposait exclusivement sur la nature
des processus cognitifs mis en jeux par le traitement. Lee & Pfau (1997) introduisirent les
premiers la dimension affective dans la théorie. Ils comparent l’efficacité relative des
traitements utilisant des messages ayant un contenu cognitif versus émotionnel sur la
résistance induite. Le contenu cognitif était constitué de faits et d’arguments rationnels, le
contenu émotionnel d’anecdotes, de métaphores, et de stéréotypes supposés susciter des
sentiments positifs ou négatifs. Les auteurs prédisent a) que le traitement cognitif sera plus
efficace que le traitement émotionnel parce qu’il déclenche un processus cognitif plus actif ;
b) que le traitement suscitant une émotion négative sera plus efficace que celui qui suscite une
émotion positive, parce qu’un état émotionnel négatif motive les gens à scruter d’avantage les
informations tandis qu’un état émotionnel positif déclenche le plus souvent un traitement
périphérique de l’information (Bohner & al., 1991). Les résultats confirment globalement les
hypothèses, avec toutefois quelques différences si l’on tient compte de la nature de l’attaque.
Le traitement cognitif immunise les sujets contre des attaques cognitive et/ émotionnelle
positives mais pas contre une attaque suscitant une émotion négative. Les traitements faisant
appel à l’émotion positive ou négative sont aussi efficaces mais seulement contre des
attaques cognitives. Un grand nombre de travaux confirment le rôle joué par l’émotion dans la
mise en place de la résistance au changement (Cf., Compton & Pfau, 2005 pour une revue de
question)
L’implication
L’implication se définit par l’importance ou la saillance que revêt l’objet attitudinel pour
l’individu. Contrairement à l’explication couramment admise selon laquelle la menace motive
directement la production de contre-arguments, Pfau et al., (1997) observent que seule
l’implication à un effet direct sur ce processus. Ce qui les amène à penser qu’une forte
implication constitue une condition préliminaire à la réussite de l’inoculation. Cela veut dire
que lorsque la personne prend conscience de la vulnérabilité de sa croyance, son niveau
d’implication doit être suffisant, mais pas trop, pour qu’elle soit suffisamment motivée pour
s’engager dans un processus de contre-argumentation implicite. Pas trop, car si son
implication est très élevée, il est probable qu’elle aura déjà pris conscience de la vulnérabilité
de sa croyance et pris ses disposition pour la protéger. Dans ces conditions, on comprend
qu’une défense par réfutation ne peut motiver davantage la personne qu’elle ne l’est déjà ou
déclencher un processus de contre-argumentation supplémentaire. Pfau & Al., (2004)
confirment le rôle de l’implication comme l’élément moteur de la résistance et mettent en
évidence l’existence a) d’une synergie entre les deux variables : dès que la menace est perçue
le niveau d’implication augmente, b) d’un lien direct entre niveau d’implication et contreargumentation. Pour conclure on peut dire que ce sont la menace et l’implication qui
ensemble concourent à mettre en place les éléments de protection de la croyance et donc à
augmenter la résistance.
5. 2. Théorie de la mise en garde
Savoir que quelqu’un va vous demander quelque chose ou tenter de vous influencer est en
général utile pour préparer sa réponse et résister si cela était nécessaire à la requête ou à la
tentative d’influence. Ce phénomène de résistance consécutif à une mise en garde s’inscrit
dans une longue lignée de recherches mais aussi de pratiques empiriques. N’oublions pas que
l’objectif principal des campagnes d’information sur la santé consiste à mettre en garde les
gens contre certains risques, afin de les motiver à se protéger en évitant des comportements
risqués pour leur santé.
L’avertissement, en mettant la personne sur la défensive, peut avoir une variété d’effets sur
ses pensées à propos de l’attitude et du comportement dont elle anticipe la sollicitation. On
peut prêter attention à toute information cohérente avec son attitude, encoder de façon
sélective ou récupérer des informations pertinentes, contre-argumenter le contenu du message
anticipé (si l’objet de l’attaque est connu) et renforcer ses attitudes et croyances existantes
(Eagly, chen, & al., 1999). Une autre forme de résistance peut émerger quand l’avertissement
induit une réactance13 parce qu’il nous apparaît comme limitant notre liberté de maintenir nos
attitudes (Brehm, 1966 ; Hass & Grady, 1975). Le fait que la mise en garde entraîne la
résistance au changement est largement attesté par la synthèse effectuée par Benoit (1998).
Quel est le mécanisme responsable de cette résistance ? Pour le mettre en évidence de
nombreuses recherches ont, pendant le délai qui sépare la mise en garde de la délivrance du
message, demander aux sujets d’exécuter des taches mobilisant leurs ressources cognitives
(résolution de problèmes mathématiques ou verbaux). Cette méthodologie a permis de
montrer que la résistance consécutive à la mise en garde était bien le résultat d’un processus
cognitif d’élaboration de pensées activé pendant le délai séparant l’attaque de l’avertissement.
En effet, on peut faire l’hypothèse que si on distrait les sujets avec des tâches de résolution de
problème pendant le délai, ils seront incapables d’utiliser parallèlement d’autres ressources
cognitives pour mobiliser leurs arguments, contre argumenter de façon préventive et donc se
préparer à l’attaque. On peut alors prédire que si cette explication est valide, ils ne seront pas
plus résistants que le groupe contrôle sans mise en garde (Eagly & Chaiken, 1993) ; ce qui fut
vérifié. D’autres expériences ont fait varier seulement le délai de la mise en garde. En effet, si
on garde la même hypothèse explicative, on peut penser que le processus consistant à
mobiliser, récapituler, rendre accessibles et disponibles toutes les informations stockées dans
sa mémoire permettant de résister ultérieurement nécessite du temps, fut-il très court. Donc on
peut prédire que plus le délai sera important plus les sujets pourront se consacrer à leur
défense et donc plus ils seront résistants. Les résultats observés sont plutôt contradictoires.
Seules trois expériences vérifient cette prédiction (Freedman et Sears, 1965 ; Hass & Grady,
13
Selon la théorie de la réactance (Brehm, 1966), les gens détestent voir leur liberté menacée et préfère dans un
contexte d’influence défendre leur position ou prendre une position contraire
1975 ; Petty & Cacioppo, 1977). Elles ont en commun que les attaques persuasives portent
sur des thèmes très impliquant pour les sujets. On peut conclure que quoique le délai entre la
mise en garde et l’attaque persuasive donne l’opportunité aux sujets d’établir des défenses
cognitives, cette opportunité a relativement peu d’effet si les sujets ne sont pas motivés à
défendre l’objet attaqué. On a montré également qu’augmenter la résistance de l’attitude en
utilisant cette technique avait pour effet de rendre l’attitude du sujet relativement plus forte,
plus durable, plus prédictive du comportement futur et plus résistante à une future tentative
d’influence.
Certains auteurs comme McGuire et Millman (1965) ont montré cependant que la mise en
garde ne produisait pas systématiquement une résistance au message. Quand elle menace, par
exemple, l’identité de la personne ou son estime de soi, elle peut produire, au contraire, un
changement d’attitude anticipé en faveur du message. Les auteurs expliquent ce résultat par le
fait que la mise en garde peut rendre certaines personnes inquiètes à l’idée d’être persuadées
par le message. La meilleure stratégie pour préserver son estime de soi consiste alors à
changer d’attitude préventivement afin de minimiser l’impact du message. Ce changement
anticipé est d’autant plus important que la source est experte ou a la réputation d’être très
persuasive, ces caractéristiques accentuent la croyance que l’on sera influencé. Ce schéma de
changement d’attitude anticipé semble constituer une réponse relativement superficielle,
produite avec un minimum de réponses cognitives. Il est plausible que le changement
d'attitude, ici, soit le résultat d’un traitement heuristique. Les participants sélectionnent la
règle - par exemple : les experts doivent avoir raison - qui satisfait au mieux leur désir de
maintenir, sur l’instant, une perception de soi positive. Il est aussi probable que les sujets sont
inconscients du fait que l’application d’une telle règle produit un changement d'attitude.
D’autres recherches comme celles de Cialdini et al (1973) confirment de manière indirecte
que ce changement d’attitude ne repose pas sur un traitement central. Parce que, lorsqu’on dit
au sujet que l’attaque persuasive n’aura pas lieu, le changement d'attitude anticipé disparaît et
son attitude reprend sa valeur initiale. Ce changement d'attitude anticipé constitue donc un
changement élastique, temporaire et n’apparaît que dans des situations où les sujets anticipent
une communication à visée persuasive. Cette réponse élastique correspond à une motivation
de défense et non à un véritable changement d’attitude.
4.3 La résistance comme résultat ou comme processus
Nous aimerions revenir sur un point déjà évoqué en introduction. Dans les expériences sur le
changement d’attitude, la persuasion aussi bien que la résistance est mesurée en fonction du
changement d’attitude. C'est-à-dire, qu’elles sont estimées en mesurant sur une échelle l’écart
existant entre la position initiale du sujet et la position finale consécutive à l’attaque
persuasive. C’est donc la quantité de changement mesurée qui sert d’indicateur de l’efficacité
de la tentative de persuasion. Cela étant établi, une question se pose. A partir de quand un
écart observé traduit un changement d’attitude ou une résistance au changement ? Avant de
répondre, il nous faut préciser un point. On distingue deux types de changement d'attitudes
selon la nature de la modification observée sur l’échelle de mesure : un changement congruent
et incongruent. Le changement d’attitude congruent est un changement qui maintient la
polarité de l’attitude : l’attitude initiale du sujet est contre (ou pour), son attitude finale
devient plus ou moins contre (ou pour) ; le changement d’attitude incongruent, quant à lui,
modifie la polarité de l’attitude, le sujet initialement contre, devient pour et vice et versa.
Dans le premier cas, on obtient une modification de l’intensité sans changement de polarité
dans les second cas les deux simultanément (cf. Figure5)
Insérer ici figure 5
Dans la grande majorité des expériences sur la persuasion, on observe un mouvement vers la
position défendue par le message mais sans que l’attitude ne change de polarité14. Le fait que
les sujets ne soient pas entièrement d’accord avec le message peut laisser supposer l’existence
de forces qui s’opposent au changement. Si bien que l’on peut considérer que les
changements d’attitude obtenus (mouvement vers la position défendue) sont, certes, le résultat
d’une persuasion, mais aussi d’une résistance (absence de mouvement vers la position). On
peut alors penser que persuasion et résistance constituent les deux versants d’une même
réalité. Le fait que le changement d'attitude puisse se traduire soit comme une quantité de
changement ou une quantité de résistance, devrait conduire à se poser des questions
conceptuelles de même nature pour les deux processus. Expliquer pourquoi un sujet résiste à
une tentative d’influence n’est pas simple. Les deux théories qui viennent d’être exposées,
mais ce ne sont pas les seules15, envisagent la résistance à la persuasion comme le résultat
d’un processus de pensée dont l’objet consiste à opposer des contre arguments au message
persuasif. Mais, nous disposons d’autres stratégies pour résister : nous pouvons renforcer
notre attitude en récapitulant tous les informations que nous avons en mémoire en faveur de
notre position (Zanna & Ross, 1988d) ; utiliser de règles heuristiques ad hoc ; dénigrer la
14
Il est assez rare que dans une expérience en laboratoire des sujets initialement contre deviennent pour (ou
l’inverse) à moins que leur attitude se situe dans la zone centrale de l’échelle.
15
On a vu également le rôle joué par ce processus de pensée sur l’efficacité de la persuasion d le cadre de la
théorie du traitement central et périphérique.
source du message (Zuwerink & Devine, 1966) ou encore élaborer des sentiments négatifs en
se mettant, par exemple, en colère. La résistance peut être aussi le résultat de réponses
émotionnelles non contrôlées provoquées par le message fonctionnant comme un signal
négatif de désaccord avec le message. Comprendre les processus qui sous-tendent les
mécanismes de résistance devrait permettre de comprendre comment former des attitudes plus
résistantes dans des domaines où la communication est d’une importance cruciale comme
celui de la santé, de l’éducation, de la religion, de la politique, de l’éthique. Nous le voyons, le
mécanisme de résistance implique une variété de processus cognitifs impliquant plus ou
moins des processus de pensée aussi bien que des réactions émotionnelles. A un niveau
général, ces mécanismes ne sont pas seulement responsables de la résistance au changement
mais participent de la même façon au processus de persuasion.
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Index thématique
Contrôle de la peur, 17, 19, 20
Contrôle du danger 16,
Inoculation 8, 03, 31, 32, 33, 34
Crédibilité de la source 9, 10, 1, 12,
Continuum d’élaboration 27
Réponses cognitives 10, 26, 27, 36
Index Auteurs
Ajzen, I., 21,
Burgoon, M., 23, 40,
Cacioppo, J. T., 9, 25,
Fishbein, M., 21,
Hovland, C.I., 7, 25
Infante, D. A., 13, 14
Janis, I.L., 6, 8, 16, 30,
Leventhal, H., 17, 19
Lumsdaine, A. A., 8, 30,
McGinnies, E., 9, 11,
McGuire, W. J., 31, 32, 36
Petty, R. E., 9, 10, 25, 26, 29, 33, 36
Rancer, A. S., 13, 14, 15
Rogers, R. W., 16, 17, 18
Ward, C. D., 9, 11,
White, K., 19,
Figures à insérer dans le Texte
Gravité de la
menace
Vulnérabilité
Perçue
Efficacité du
comportement
Les intentions
comportementales
Comportements
Auto-efficacité
Figure 1. Modèle de la motivation à la protection. D’après Rogers (1983)
MISE EN SCENE
DISCURSIVE DE LA
STRATEGIE
PERSUASIVE
o Gravité
o Efficacité des
recommandations
o Vulnérabilité
o Auto-efficacité
TRAITEMENT DU
CONTENU DE LA
COMMUNICATION
Évaluation de
l’efficacité perçue :
• Auto efficacité
• Efficacité des
recommandations
Évaluation de la
menace perçue :
• Gravité
• Vulnérabilité
RESULTAT
Motivation à
la protection
Acceptation
du message
Contrôle
du Danger
Peur
Contrôle
de la peur
Motivation à
la défense
Aucune menace perçue
Aucune réponse
Perception liée aux différences
individuelle
Figure 2. Modèle étendu des réponses parallèles. D’après WITTE (1994)
Refus du
message
Objet de la
communication
SUJET
CONTENU
Arguments
forts
Traitement
Central
Motivation
Implication
Arguments
faibles
Pensées
Résistance
Défavorables
Persuasion
Favorables
Figure 3. Motivation et traitement central
Réponses cognitives défavorables
Arguments faibles
DISTRACTION
Inhibe
Réponses cognitives favorables
Arguments forts
Résistance
Persuasion
Figure 4. Effet de la distraction sur la persuasion
Attitude initiale = A0
Attitude finale = A1 Changement congruent
= A’1 Changement incongruent
A0
A1
Milieu de
l’échelle
A’1
Position défendue par
le message
Pour
Contre
Persuasion
Résistance
Figure 5.
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