Avant Propos
Je suis biologiste, et non statisticien. Circonstance aggravante, j'ai collectionné les mauvaises
notes en mathématiques sans interruption à partir de la classe de 5ème, litanie interrompue
seulement par l'obtention d'une thèse de doctorat en biologie évolutive1. Je pense donc être
idéalement qualifié pour expliquer les bases des méthodes statistiques aux étudiants en
biologie réfractaires aux maths. Si vous voulez bien mettre de côté une incrédulité très
naturelle à ce stade de votre lecture, vous réaliserez que cela n'est peut être pas si idiot que ça
en a l'air. Bien sûr, les manuels d'introduction aux statistiques pullulent, rédigés par de
véritables bio-mathématiciens et statisticiens infiniment plus doués que moi dans leur
discipline. Et c'est justement là le problème. Malgré toute leur science, mes chers collègues
(dont j'envie sincèrement les compétences) ne pourront jamais se mettre complètement à la
place d'un étudiant ne comprenant rien aux maths, parce que, anciens étudiants "matheux", ils
n'ont jamais connu cette humiliante expérience eux-mêmes. Moi, si. J'y suis même
régulièrement confronté chaque fois que je me heurte durement aux étroites limites de mon
savoir dans cette discipline. Je sais tout de la frustration, voire de la rage que l'on peut
ressentir face à l'"explication" d'une méthode dont on a besoin pour analyser ses résultats,
mais que le manuel décrit uniquement dans un langage mathématique pur et dur. Soyons
clairs, je ne blâme évidemment pas les mathématiciens pour l'utilisation d'un langage
symbolique précis et rigoureux, il est indispensable à leur discipline. Je souhaiterais
cependant qu'ils essayent davantage de comprendre que le pékin moyen ne lit pas cette langue
couramment.
Lorsque j’ai eu à enseigner pour la première fois sans bénéficier de la présence rassurante
d’un collègue expérimenté, j’étais un étudiant en fin de thèse très heureux de faire de la
biologie, ma passion depuis aussi longtemps que je me souvienne d’avoir été à l’école. Bien
entendu, je devais utiliser les méthodes d’analyse statistique pour les besoins de ma recherche,
mais mon directeur de thèse, chercheur au CNRS, m’apportait alors tout son soutien et sa
vaste expérience. J’utilisais en fait à l’époque les techniques statistiques avec la foi enfantine
d’un homme des cavernes regardant dans un microscope. Je savais en gros que lorsque mon
test révélait que « P < 0,05 » il y avait un effet significatif dont je pouvais discuter, et que
sinon je devais tristement m’abstenir de conclure. Or donc, j'eus la chance d'obtenir un contrat
d'enseignement de un an pour finir ma thèse. C’est alors qu’on m’annonça que j’allais y
assurer des travaux dirigés de... probabilités et statistiques, à des étudiants de première année.
Je me souviens encore de la sensation que tout mon sang venait de se congeler dans mes
1 Une fois que vous êtes docteur, plus personne n'ose mettre en doute vos compétences en mathématiques en
vous obligeant à passer des examens écrits. C'est un des multiples avantages de notre beau métier.