Cours - Analyse asymptotique de niveau 2

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Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
ANALYSE ASYMPTOTIQUE DE NIVEAU 2
Ce chapitre est avant tout un recueil de problèmes typiques d’analyse asymptotique plus difficiles que ceux que nous
avons résolus au chapitre « Analyse asymptotique de niveau 1 ». À l’exception de la formule de Stirling, aucun des résultats
généraux que j’ai choisi d’encadrer ne figure au programme de MPSI. Ces résultats doivent être étudiés comme des exemples
privilégiés, des idées classiques qu’il convient de maîtriser et non pas pas des théorèmes de cours à connaître.
1ÉTUDES DE SOMMES PAR ENCADREMENT DINTÉGRALES
Nous avons vu récemment que les intégrales peuvent être définies comme des « aires sous la courbe » de fonctions en
escalier, et donc que toute intégrale peut être approchée par des sommes. L’idée de base de ce paragraphe, c’est qu’on peut
aussi espérer faire l’inverse et approximer une somme par certaines intégrales. C’est déjà ce que nous avons fait avec les
sommes de Riemann.
Exemple
n
X
k=1
1
k=
n+ln n+O(1). En particulier :
n
X
k=1
1
k
n+ln n.
Démonstration Pour tous kNet t[k,k+1]:1
k+11
t1
k, donc : 1
k+1Zk+1
k
dt
t1
k.
Sommons alors. Pour tout nN: ln n=Zn
1
dt
tZn+1
1
dt
t
n
X
k=1
1
k=1+
n1
X
k=1
1
k+11+Zn
1
dt
t=ln n+1.
Conclusion : 0
n
X
k=1
1
kln n1, donc en effet :
n
X
k=1
1
k=
n+ln n+O(1).
Le théorème qui suit reprend l’idée précédente, mais il va plus loin.
Théorème (Comparaison somme-intégrale) Soit f∈ C[1,+[,Rune fonction positive décroissante.
Pour un certain R:
n
X
k=1
f(k) =
n+Zn
1
f(t)dt++o(1).
Démonstration Posons pour tout n¾2 : an=Zn
n1
f(t)dtf(n)et An=
n
X
k=2
ak.
Par décroissance, pour tout n¾2 : f(n) = Zn
n1
f(n)dtZn
n1
f(t)dtZn
n1
f(n1)dt=f(n1),
donc : 0 anf(n1)f(n).
Il en découle que la suite (An)n¾2est croissante car pour tout n¾2 : An+1An=an+1¾0, mais aussi
qu’elle est majorée car pour tout n¾2 : An=
n
X
k=2
ak
n
X
k=2f(k1)f(k)=f(1)f(n)f(1). La
suite (An)n¾2est ainsi convergente d’après le théorème de la limite monotone, disons de limite λ.
Or pour tout n¾2 : An=
n
X
k=2Zk
k1
f(t)dtf(k)=Zn
1
f(t)dt
n
X
k=2
f(k), donc :
n
X
k=1
f(k) = f(1) + Zn
1
f(t)dtAn=
n+Zn
1
f(t)dt++o(1)si on pose : =f(1)λ.
En particulier, dans le cas de la fonction inverse :
Théorème (Développement asymptotique de la série harmonique et constante d’Euler)
n
X
k=1
1
k=
n+ln n+γ+o(1)pour un certain réel γappelé la constante d’Euler :γ0,577.
1
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
2SUITES RÉCURRENTES
Dans l’exemple qui suit, les termes du développement asymptotique sont obtenus les uns après les autres du plus grand au
plus petit selon un principe de « boucle ». À chaque fois qu’on vient d’obtenir un terme d’une certaine précision, on réinjecte
le tout dans la relation de récurrence et on obtient ainsi un nouveau terme. On peut sur le papier obtenir de cette manière
des précisions aussi fines que voulu, mais plus on avance, plus les réinjections sont calculatoires.
Exemple On note (un)nNla suite définie par : u0=0 et pour tout nN:un+1=pun+n2.
Alors : un=
n+n1
23
8n+o1
n.
Démonstration Pour tous nNet x¾0 : px+n2¾0 et : u0¾0, la suite (un)nNest bien définie.
Pour tout nN:un=pun1+ (n1)2¾n1, donc : lim
n+un= +par minoration.
Montrons ensuite par récurrence que pour tout nN:unn.Initialisation : Évidente.
Hérédité : Soit nN. Si : unn, alors : un+1=pun+n2HDR
pn2+npn2+2n+1=n+1.
À ce stade, pour tout nN:n1unn, donc : 11
nun
n1, donc : lim
n+
un
n=1 par
encadrement, ou encore : un
n+n.
Ensuite : un+1n=pun+n2n=ns1+un
n21, avec : lim
n+
un
n2=0, donc :
un+1n
n+n×un
2n2
n+
1
2, et donc : un+1=
n+n+1
2+o(1).
Conclusion : un=
n+(n1) + 1
2+o(1) =
n+n1
2+o(1).
On poursuit sur cette lancée avec un développement limité plus fin de x7−p1+xau voisinage de 0 :
un+1=pun+n2=ns1+un
n2=
n+nv
t1+1
n1
2n2+o1
n2=
n+n1+1
21
n1
2n21
81
n2
+o1
n2
=
n+n1+1
2n3
8n2+o1
n2 =
n+n+1
23
8n+o1
n.
Conclusion : un=
n+(n1) + 1
23
8(n1)+o1
n1=
n+n1
23
8n+o1
n.
Exemple On note (un)nNla suite définie par : u0=1 et pour tout nN:un+1=un+1
un
.
Alors : un=
n+p2n+Oln n
pn. En particulier : un
n+p2n, et même : unp2n
n+0.
Démonstration Pour commencer, (un)nNest bien définie car l’intervalle [1, +[, qui contient u0, est stable
par la fonction x7−x+1
x. En outre, pour tout nN:un¾1. On pourrait bien sûr ensuite déterminer la
limite de (un)nNgrâce au théorème de la limite monotone, mais cela ne suffirait pas à nous donner un équivalent.
Pour tout nN:u2
n+1=u2
n+2+1
u2
n
, i.e. : u2
n+1u2
n=2+1
u2
n
, donc par somme et simplification
télescopique : u2
n=2n+u2
0+
n1
X
k=0
1
u2
k
¾2n, donc par minoration en particulier : lim
n+un= +.
Nous venons de voir que pour tout nN:un¾p2n, mais donc aussi : 1
u2
n
1
2n. De nouveau,
sommons. Pour tout nN: 0
n1
X
k=0
1
u2
k
1+
n1
X
k=1
1
2k, donc comme :
n
X
k=1
1
k
n+ln n, on peut
dire que :
n1
X
k=0
1
u2
k
=
n+O(ln n). Conclusion : u2
n=2n+1+
n1
X
k=0
1
u2
k
=
n+2n+O(ln n), et enfin :
un=
n+Æ2n+O(ln n) =
n+
p2nv
t1+Oln n
n=
n+
p2n1+Oln n
n =
n+
p2n+Oln n
pn.
2
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
3SUITES DINTÉGRALES ET FONCTIONS DÉFINIES PAR UNE INTÉGRALE
Comme nous le savons déjà, il suffit parfois d’un simple encadrement pour trouver un équivalent d’intégrale.
Exemple Zx+1
x
etln tdt
x+ex(e1)ln x.
Démonstration Pour tout xR
+: ln xZx+1
x
etdtZx+1
x
etln tdtln(x+1)Zx+1
x
etdt, donc :
ex+1exln xZx+1
x
etln tdtex+1exln(x+1),
puis : 1 1
ex(e1)ln xZx+1
x
etln tdtln(x+1)
ln x— d’où le résultat par encadrement.
Souvent hélas, encadrer ne suffit pas, voici donc une idée parmi d’autres. Une intégration par parties transforme toujours
une intégrale en une somme de deux termes — un « crochet » et une autre intégrale — et quand on s’y prend bien, cette
décomposition peut fournir un début de développement asymptotique pour l’intégrale de départ.
Théorème (Un exemple de développement asymptotique par IPP) Soit f∈ C1[0,1],R.
Z1
0
tnf(t)dt=
n+
f(1)
n+o1
n, donc en particulier, si f(1)6=0 : Z1
0
tnf(t)dt
n+
f(1)
n.
Démonstration Pour tout nN:Z1
0
tnf(t)dtIPP
=tn+1
n+1f(t)t=1
t=01
n+1Z1
0
tn+1f(t)dt
=f(1)
n+1+1
n+1Z1
0
tn+1f(t)dt.
Or fest continue sur le SEGMENT [0,1], donc bornée d’après le théorème des bornes atteintes. Du coup, pour
tout nN:Z1
0
tn+1f(t)dt
kfkZ1
0
tn+1dt=kfk
n+2, donc : lim
n+Z1
0
tn+1f(t)dt=0 par
encadrement. Conclusion : Z1
0
tnf(t)dt=
n+
f(1)
n+1+o1
n+1=
n+
f(1)
n+o1
n.
Exemple Z1
0
tn
et+1dt
n+
1
n(e+1).
Démonstration Il s’agit seulement de reproduire dans un cas particulier la preuve du théorème précédent —
anecdotique, donc pas au programme ! Pour tout nN, intégrons d’abord par parties :
Z1
0
tn
et+1dt=tn+1
(n+1)et+1t=1
t=0
+1
n+1Z1
0
tn+1et
et+12dt=1
(n+1)(e+1)+1
n+1Z1
0
tn+1et
et+12dt.
Or pour tout nN:Z1
0
tn+1et
et+12dt
Z1
0
tn+1e dt=e
n+2, donc : lim
n+Z1
0
tntet
et+12dt=0
par encadrement. Conclusion : Z1
0
tn
et+1dt=
n+
1
(n+1)(e+1)+o1
n+1
n+
1
n(e+1).
3
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
4SOLUTIONS DÉQUATIONS DÉFINIES IMPLICITEMENT
Exemple Pour tout ǫ > 0, l’équation : eǫx=xd’inconnue xpossède une et une seule solution xǫdans R+.
Alors : xǫ=
ǫ01ǫ+3ǫ2
2+oǫ2.
Démonstration
Soit ǫ > 0. La fonction x7−eǫxxest continue et strictement décroissante sur R+par somme, de valeur
1 en 0 et de limite −∞ en +. D’après le TVI strictement monotone, 0 possède un unique antécédent xǫ
par cette fonction.
Pour tout ǫ > 0 : xǫ¾0, donc : 0 xǫ=eǫxǫ1, donc en retour : eǫxǫ1. Conclusion,
par encadrement : lim
ǫ0xǫ=1, ou encore : xǫ=
ǫ01+o(1).
On poursuit : xǫ=eǫxǫ=
ǫ0eǫ(1+o(1)) =
ǫ0eǫ+o(ǫ)=
ǫ01ǫ+o(ǫ).
Et encore : xǫ=eǫxǫ=
ǫ0eǫ(1ǫ+o(ǫ)) =
ǫ0eǫ+ǫ2+o(ǫ2)=
ǫ01+ǫ+ǫ2+1
2ǫ+ǫ22+oǫ2
=
ǫ01ǫ+3ǫ2
2+oǫ2.
Exemple Pour tout nN, l’équation : tan x=pxd’inconnue xiπ
2+nπ,π
2+nπhpossède une unique solution xn.
En outre : xn=
n+nπ+π
21
pnπ+o1
pn.
nππ
2nπ+π
2
nπ
y=tan x
y=px
xn1xn
≈ − 1
pnπ
Démonstration
Soit nN. La fonction xf
7−tan xpxest dérivable sur
iπ
2+nπ,π
2+nπhde dérivée x7−1+tan2x1
2pxstrictement
positive, car pour tout xiπ
2+nπ,π
2+nπh:
x>π
2>1
4, donc : 1 1
2px>0.
D’après le TVI strictement monotone, fest donc bijective de
iπ
2+nπ,π
2+nπhsur R, donc s’y annule une et une seule fois,
disons en xn.
Pour tout nN:nππ
2xnnπ+π
2, donc : 11
2nxn
nπ1+1
2n, et enfin : lim
n+
xn
nπ=1
par encadrement. Conclusion : xn
n+nπ. En particulier : lim
n+xn= +.
Pour tout nN: tan(xnnπ) = tan xn=pxnavec : xnnπiπ
2,π
2h, donc par définition
d’arctangente : xnnπ=Arctan pxn. Enfin : lim
n+xn= +, donc : xnnπ
n+
π
2.
Conclusion : xn=
n+nπ+π
2+o(1).
Pour finir, rappelons que pour tout x>0 : Arctan x+Arctan 1
x=π
2.
Il en découle que : xnnππ
2=Arctan pxnπ
2=Arctan 1
pxn
n+1
pxn
n+1
pnπ.
Comme voulu : xn=
n+nπ+π
21
pnπ+o1
pn.
Exemple Pour tout λ¾0, le polynôme X4+X3λ4possède une et une seule racine xλdans R+.
La fonction λ7−xλadmet le développement asymptotique suivant : xλ=
λ+λ1
4+3
32λ+o1
λ.
Démonstration
La fonction x7−x4+x3est strictement croissante et continue sur R+comme somme, donc bijective de
R+sur R+d’après le TVI strictement monotone. Pour tout λ¾0, il existe donc bien un et un seul xλ¾0
pour lequel : x4
λ+x3
λ=λ4. Nous noterons ci-dessous cette relation.
4
Christophe Bertault — Mathématiques en MPSI
Soit λ¾0. Si xλ<1 : λ4
=x4
λ+x3
λ<1+1=2, donc par contraposition : xλ¾1 pour tout λ¾4
p2,
donc : x4
λ=x4
λ+x4
λ
2¾x4
λ+x3
λ
2
=λ4
2, et enfin : xλ¾λ
4
p2. En particulier : lim
λ+xλ= +
par minoration, donc : x3
λ=
λ+ox4
λ, puis : x4
λ
λ+λ4, et enfin : xλ
λ+λ.
Après mise en facteur de x4
λdans puis composition par 4
p·:xλ=λ1+1
xλ1
4— relation . Ainsi :
xλλ
=λ 1+1
xλ1
41!
λ+λ×1
4xλ
λ+1
4, donc : xλ=
λ+λ1
4+o(1).
Pour notre terme suivant, nous devons aller plus loin que ci-dessus dans notre développement limité de
u7−(1+u)1
4au voisinage de 0. Un terme plus loin : (1+u)1
4=
u01u
4+5u2
32 +...+ou2. Or
nous aurons à poser : u=1
xλ
, commençons donc par chercher un développement asymptotique de 1
xλ
lorsque λtend vers +.
1
xλ
=
λ+
1
λ1
4+o(1)
=
λ+
1
λ×1
11
4λ+o1
λ=
λ+
1
λ1+1
4λ+o1
λ =
λ+
1
λ+1
4λ2+o1
λ2.
Finissons-en.
xλ=λ1+1
xλ1
4=
λ+λ1+1
λ+1
4λ2+o1
λ21
4=
λ+λ11
41
λ+1
4λ2+5
32 1
λ+1
4λ22
+o1
λ2
=
λ+λ11
41
λ+1
4λ2+5
32 1
λ2+o1
λ2 =
λ+λ1
4+3
32λ+o1
λ.
5LES FORMULES DE WALLIS ET STIRLING
La formule de Wallis n’est pas au programme, mais la formule de Stirling qui en découle l’est en revanche.
Théorème (Formule de Wallis) 2n
n
n+
22n
pnπ.
Démonstration On pose pour tout nN:In=Zπ
2
0
sinntdt(intégrales de Wallis).
Pour tout n¾2, intégrons par parties :
In=Zπ
2
0
sinn1t×sin tdt=sinn1t×(cos t)t=π
2
t=0Zπ
2
0
(n1)cos tsinn2t×(cos t)dt
=0+ (n1)Zπ
2
0
sinn2tcos2tdt= (n1)Zπ
2
0
sinn2t1sin2tdt= (n1)In2In.
Isolant In, nous obtenons finalement la relation : In=n1
nIn2Æ.
La suite (In)nNest décroissante car pour tous nNet xh0, π
2i: sinn+1xsinnx. Elle est par
ailleurs strictement positive, donc pour tout nN: 1 I2n
I2n+1
I2n
I2n+2
Æ
=2n+2
2n+1, et enfin par encadre-
ment : lim
n+
I2n
I2n+1
=1. Nous allons maintenant donner une expression explicite de ce rapport I2n
I2n+1
que nous noterons ρn.
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