Problème corrigé : Polynômes - Théorème de Pólya

Telechargé par mohamed benabbou
Lycée Louis-Le-Grand, Paris
MPSI 4 – Mathématiques
A. Troesch
Problème no16 : Polynômes
Correction du problème 1
Le but de ce problème est de démontrer un théorème dû à George Pólya sur les polynômes à coefficients complexes :
Théorème 1 (Pólya) Soit PC[X]un polynôme unitaire de degré au moins 1. Soit :
C={zC| |P(z)|62}et R={Re(z), z ∈ C}.
Alors Rest inclus dans une union finie d’intervalles fermés bornés deux à deux disjoints I1,...,Ittels que
(I1) + ···+(It)64,
la longueur d’un intervalle I= [a, b]étant définie par (I) = ba.
Version réelle :
Théorème 2 Soit PR[X]un polynôme unitaire de degré n>1, dont toutes les racines sont réelles. Alors l’ensemble
S={xR| |P(x)|62}est une union disjointe d’intervalles fermés I1,...,Ittels que
(I1) + ···+(It)64.
Partie I – Préliminaires
1. Soit Pscindé dans Rde racines r1<···< rk, de mulitplicités α1,...,αk.
Lemme 4 Si rest racine au moins double de P, alors rest racine de P.
Démonstration.
D’après le théorème de Rolle, Padmet des racines s1,...sk1vérifiant :
r1< s1< r2<···< rk1< sk1< rk.
Par ailleurs, Padmet aussi les racines ri, avec multiplicité αi1. Cela fournit un total de k1 + (α11) +
···+ (αk1) racines, à savoir n1racines (Pétant scindé dans R). Comme Pest de degré n1, il ne peut
pas avoir davantage de racines. En particulier, les sine peuvent pas être racines multiples.
Ainsi, une racine multiple de Pest nécessairement une des racine ri, d’où le lemme ?? .
2. Lemme 5 Pour tout xR, on a : P(x)2>P(x)P′′ (x).
Démonstration.
D’après le cours,
xR\ {r1,...,rk},P(x)
P(x)=
k
X
i=1
αi
xri
,
donc, en dérivant :
xR\ {r1,...,rk},P′′(x)P(x)P(x)2
P2(x)=
k
X
i=1
αi
(xr1)260.
Ainsi, pour tout xR\ {r1, . . . , rk},P(x)2>P′′(x)P(x).
Par continuité, cette inégalité reste vraie pour tout xR.
1
Partie II – Polynômes et théorème de Tchebychev
(T0= 1; T1=X;
n>1, Tn+1 = 2XTnTn1.
1. Étude élémentaire des polynômes Tn
(a) T0= 1,T1=X,T2= 2X21,T3= 4X33X,T4= 2X(4X3X)(2X21) = 8X44X2+ 1.
(b) Soit, pour tout ndans N, la propriété P(n):Tnest un polynôme de degré n, de coefficient dominant 2n1,
et Tn(1) = 1,Tn(1) = (1)n.
Comme T1(1) = 1 et T2(1) = 2 1 = 1, et comme T1(1) = 1et T2(1) = 1, les autres propriétés étant
évidentes, P(1) et P(2) sont vraies.
Soit nNtel que P(n)et P(n+ 1) soient vraies. Alors 2XTn+1 est un produit de deux polynômes, donc
un polynôme, puis Tn+2 est la différence de deux polynômes 2XTn+1 et Tn, donc un polynôme aussi.
De plus, toujours d’après l’hypothèse de récurrence, puisque Tn+1 6= 0,deg 2XTn+1 =n+ 1 + 1 = n+ 2, et
deg Tn=n < n + 2. Ainsi, d’après les règles de degré d’une somme, les deux degrés étant différents :
deg Tn+2 = max(deg XTn+1,deg Tn) = n+ 2.
De plus, l’argument précédent montre que le coefficient dominant de Tn+2 provient exclusivement du terme
2XTn+1. Ainsi, il est obtenu en multipliant le coefficient dominant de Tn+1 par 2. Il vaut donc 2n·2 =
2n+1 = 2(n+2)1.
Calculons maintenant Tn+2(1) à l’aide de la relation de récurrence :
Tn+2(1) = 2 ·1Tn+1(1) Tn(1) = 2 1 = 1.
Enfin :
Tn+2(1) = 2 ·(1)Tn+1(1) Tn(1) = (1)n(2 1) = (1)n= (1)n+2.
Par conséquent, P(n+ 2) est vérifié.
Par conséquent, P(1) et P(2) sont vraies, et pour tout ndans N,P(n)et P(n+ 1) entraînent P(n+ 2).
D’après le principe de récurrence, P(n)est vraie pour tout ndans N.
On en déduit que, pour tout nN,
Tnest un polynôme de degré n, de coefficient dominant 2n1, et Tn(1) = 1,Tn(1) = (1)n.
Remarque : Ne vous amusez pas à faire 5 récurrences différentes pour les 5 propriétés à démontrer. Cela
vous ferait perdre du temps, et sans doute de la qualité de rédaction. Mieux vaut rédiger proprement une
récurrence que d’en bâcler 5.
(c) Soit, pour tout ndans N, la propriété Q(n):θR, Tn(cos θ) = cos().
Soit θR. On a T0(cos θ) = 1 = cos(0 ·θ)et T1(cos θ) = cos θ= cos(1 ·θ).Par conséquent, Q(0) et Q(1)
sont vraies.
Soit nNtel que Q(n)et Q(n+ 1) soient satisfaits, et soit θR. Alors, d’après la relation de récurrence
définissant Tn+2 :
Tn+2(cos(θ)) = 2 cos θTn+1(cos θ)Tn(cos θ)
= 2 cos θcos((n+ 1)θ)cos()
= cos((n+ 1)θ+θ) + cos((n+ 1)θθ)cos() = cos((n+ 2)θ),
en utilisant la formule trigonométrique pour le produit cos(a) cos(b). Ainsi, Q(n+ 2) est vrai.
Par conséquent, Q(0) et Q(1) sont vraies, et pour tout ndans N,Q(n)et Q(n+ 1) entraînent Q(n+ 2).
D’après le principe de récurrence, Q(n)est vraie pour tout ndans N.
nN,θR, Tn(cos θ) = cos().
2. Étude des racines de Tnet T
n.On pose nN.
2
(a) On commence par rechercher les racines rdans [1,1], sous la forme r= cos(θ), pour θ[0, π].
On a Tn(cos(θ)) = cos() = 0 si et seulement si π
2[π], donc θπ
2n[π
n].
Ainsi les valeurs cos π
2+
n, pour k[[0, n 1]], sont nracines distinctes de Tndans [1,1]. Comme Tn
est de degn, il ne peut pas avoir davantage de racines. Ainsi, l’ensemble des racines de Tnest :
cos π
2n,cos 3π
2n,cos 5π
2n,...,cos (2n1)π
2n
(b) Pour tout θR,Tn(cos θ) = cos(). Dérivons cette égalité (dérivable sur R) membre à membre par rapport
àθ:
θR,sin(θ)·T
n(cos θ) = nsin().
Recherchons d’abord les racines de T
ndans ]1,1[, en écrivant x= cos θ,θ]0, π[. Dans ce cas sin θ6= 0,
et par conséquent, T
n(cos θ) = 0 si et seulement si sin() = 0, donc si :
kZ, =kπ soit: θ=kπ
n.
Ainsi, les racines de T
ndans ]1,1[ sont :
cos kπ
n, k [[1, n 1]]=cos π
2n,cos π
n,cos 2π
n,...,cos (n1)π
n.
On obtient ainsi n1racines deux à deux distinctes de T
nqui est de degn1. On les a donc toutes.
Comme la fonction cosinus est décroissante sur [0, π], il faut inverser l’ordre pour trouver la corrspondance
entre ces expressions et les si:
k[[1, n 1]], sk= cos (nk)π
n.
(c) On en déduit, grâce à la question II-1(c), que pour tout k[[1, n 1]],
Tn(sk) = Tncos (nk)π
n= cos ((nk)π) = (1)nk:Tn(sk) = (1)nk.
3. Démonstration du théorème de Tchebychev
Soit nN, et soit Qun polynôme unitaire de degré n.
(a) La fonction x7→ |Q(x)|est continue sur l’intervalle fermé borné [1,1], elle y admet donc un maximum .
On définit Qn=Tn2n1Q.
(b) On a deg(Tn) = n, et deg(2n1Q) = n, donc, d’après les règles de degré d’une somme, deg(Qn)6n.
Montrons que cette inégalité est stricte. Le coefficient dominant de Tnest 2n1d’après 1(b), et celui de Q
est 1(Qest unitaire), donc celui de 2n1Qest 2n1. Par conséquent, les coefficients du terme Xndans Qn
se compensent, et Qnn’a pas de terme de degré n. Par conséquent, deg(Qn)6n1.
(c) On suppose que max
16x61|Q(x)|<1
2n1.
i. Il s’agit de montrer que Q6=Tn
2n1. D’après la question 1, |Tn|atteint la valeur 1pour certaines valeurs
dans [1,1] (les valeurs 1,1et sk,k[[1, n 1]]). Ainsi,
max
16x61
Tn(x)
2n1
>1
2n1donc: max
16x61
Tn(x)
2n1
6= max
16x61|Q(x)|,
Nous avons donc nécessairement Q6=Tn
2n1, c’est-à-dire Qn6= 0.
ii. Déterminons le signe de Qnen 1,1et aux sk:
Qn(1) = Tn(1) 2n1Qn(1) = 1 2n1Qn(1).
Puisque max
16x61|Q(x)|<1
2n1,|Q(1)|<2n1, donc 2n1< Q(1) <2n1, puis Qn(1) >0.
Qn(1) = Tn(1) 2n1Qn(1) = (1)n2n1Qn(1).
De même, 2n1< Q(1) <2n1, donc Qn(1) >0si nest pair et Qn(1) <0si nest impair.
3
Soit k[[1, n]]. Alors Qn(sk) = (1)nk2n1Q, et le même raisonnement montre que Qn(sk)est
du signe de (1)nk, donc strictement positif si nkest pair, et strictement négatif si nkest
impair.
Posons s0=1et sn= 1, on obtient alors de manière synthétique :
Pour tout k[[0, n]],Qn(sk)est strictement positif si nkest pair et strictement négatif sinon.
Par conséquent, pour tout k[[0, n 1]],Qn(sk)et Qn(sk+1)sont de signes (strictement) opposés. La
continuité de Qnassociée au théorème des valeurs intermédiaires, montre que Qnadmet alors au moins
nracines distinctes, donc strictement plus que son degré. La propriété de rigidité amène donc Qn= 0,
d’où une contradiction avec la question précédente.
(d) L’hypothèse initiale de la démontration par l’absurde est fausse. Par conséquent :
max
16x61|Q(x)|>1
2n1.
Partie III Exemples et réduction du problème au cas de polynômes réels
1. Un premier exemple : P=Xa,aC.
(a) z∈ C si et seulement si |za|62. Ainsi, Cest le disque fermé de centre aet de rayon 2.
Géométriquement, il est évident qu’alors R= [Re(a)2,Re(a) + 2]
(b) Ainsi, Rest la réunion d’un seul intervalle, de longueur = Re(a) + 2 Re(a) + 2 = 4.
Le théorème ?? est donc vrai sur cet exemple.
2. Un deuxième exemple : P=X22.
(a) Soit (x, y)R2. Alors :
x+ i y∈ C ⇒ |(x+ i y)22|62
⇒ |x2y22 + 2 i xy|62
(x2y22)2+ 4x2y264
(x2y2)2+ 4x2y2+ 4 4(x2y2)64
(x2+y2)24(x2y2)60
Ainsi : x+ i y∈ C (x2+y2)264(x2y2).
(b) Soit x+ i y∈ C. Alors :
x4= (x2)26(x2+y2)264(x2y2)64x2.
Ainsi :
si x6= 0,x264, puis |x|62, soit x[2,2] ;
si x= 0, l’inclusion x[2,2] est évidente !
Par conséquent, R ⊂ [2,2].
On remarque sans peine (en prenant y= 0) que [2,2] ⊂ C donc [2,2] est aussi inclus dans la projection
de Csur l’axe réel, soit [2,2] ⊂ R.
Des deux inclusions, on déduit l’égalité R= [2,2] . Cet intervalle étant de longueur 4, le théorème de
Pólya est vrai sur cet exemple.
3. Réduction du problème
(a) Cela résulte de l’inégalité, pour tout zC:|Re(z)|6|z|(en effet, |z|2= Re(z)2+ Im(z)2), de laquelle il
découle, pour tout zCet tout i[[1, k]] :
|Re(z)ti|6|zri|.
On en déduit alors :
zC,|Q(Re(z))|=
k
Y
i=1
|Re(z)ti|αi6
k
Y
i=1
|zri|αi=|P(z)|,soit: |Q(Re(z))|6|P(z)|
4
(b) Par conséquent, soit x∈ R. Il existe z∈ C tel que x= Re(z). Ainsi, |P(z)|62. On déduit alors de la
question précédente que :
|Q(x)|=|Q(Re(z))|6|P(z)|62,
donc que x∈ S. Ainsi, R ⊂ S .
(c) Si le théorème ?? est vrai, on a bien obtenu le fait que Rest inclus dans une union finie d’intervalles
fermés (à savoir Sdonc la longueur totale est inférieure à 4 (on est bien dans les conditions d’application
du théorème : Qest unitaire, et scindé dans R).
Donc le théorème ?? implique le théorème ??.
Remarquez que j’ai modifié l’énoncé de sorte à ne pas avoir à prouver que Rest lui-même une union finie
d’intervalles fermés. Des arguments de continuité et de compacité permettent de montrer assez facilement
que Rest une union d’intervalles fermés bornés. En revanche, montrer qu’ils sont en nombre fini est une
autre histoire. Est-ce vrai d’ailleurs ?
Partie IV – Démonstration du théorème de Pólya
1. Pest un polynôme de degré au moins 1, donc admet au moins une racine dans C. Comme par hypothèse,
toutes les racines de Psont réelles, Padmet une racine rdans R. Alors |P(r)|= 0 62, donc r∈ S. Ainsi,
Sest non vide.
2. Cas où Sest un intervalle
(a) Comme Pest de degré au moins 1, on a :
lim
x+|P(x)|= lim
x→−∞ |P(x)|= +.
Ainsi, il existe des réels Bet Btels que :
x > B, |P(x)|>2et x < B,|P(x)|>2.
Ainsi, S [B, B], donc I=Sest borné.
(b) Soit aet bles bornes inférieure et supérieure de I. Commençons par montrer que |P(a)|= 2.
Dans un premier temps, considérons la suite (un)nNdéfinie pour tout nNpar un=a1
n. Alors,
pour tout nN,un< a, donc un6∈ S, donc |P(un)|>2.
En passant à la limite dans cette inégalité, puisque (un)nNtend vers aet que |P|est continue en a,
on obtient : |P(a)|>2.
On en déduit dans un premier temps que P(a)6= 0, donc que a6=b. En effet, si a=b, alors S, qui est
non vide, serait égal au singleton {a}. Or, Scontient une racine de Pau moins, d’après la démonstration
faite en IV-1. Ainsi, P(a)serait nul, d’où une contradiction.
Ainsi, a < b. Soit (vn)nNla suite définie pour tout nNpar vn=a+ba
n. Alors pour tout nN,
a < vn< b, donc vnI. On en déduit que pour tout nN,|P(vn)|62. En passant à la limite dans
cette inégalité, puisque (vn)nNtend vers aet que |P|est continue en a, on obtient : |P(a)|62.
Par conséquent, a < b, et |P(a)|=|P(b)|= 2 (le raisonnement est similaire pour |P(b)|)
On en déduit que a∈ S =I, et B∈ S =I. Ainsi, Icontient ses deux bornes. Iest donc fermé.
(c) Par définition de I,2est un majorant de |P|sur I, atteint aux points aet b.
Ainsi, |P|admet sur Iun maximum, égal à 2.
(d) Le polynôme Qest de degré n, en tant que composée d’un polynôme de degré net d’un polynôme de degré
1, le degré d’une ccomposition étant le produit des degrés (pour des polynômes sur un anneau intègre). De
plus, le monôme dominant de Qest
2
ban
×anba
2×Xn
=Xn,
5
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