2000 BCN Si un médecin, incisant un abcès, perd son malade ou l’œil de son malade, on lui coupera la main Introduction à la notion de responsabilité médicale Si, par une incision malheureuse, il perd un esclave, il remplacera l’esclave Si, par une incision malheureuse, il a perdu l’œil d’un esclave, il paiera la moitié de sa valeur en argent Prof. Ph. BOXHO, ULg 400 BCN 100 BCN « S’ils se conforment à ces livres, rien ne peut leur être reproché, mais s’ils font le contraire, ils peuvent être condamnés à mort, le législateur estimant qu’il faut maintenir les traitements anciens, et que rien ne pourrait être meilleur que ce qui a été établi dans les temps par les meilleurs praticiens » « En ce qui concerne tout médecin, s’il lui arrive d’être involontairement cause du décès de celui qu’il soigne, il sera légalement excepté de souillure » Platon Diodore de Sicile 1 Antiquité romaine Moyen-Age « Les lois romaines voulaient que les médecins puissent être punis pour leur négligence, ou pour leur impéritie. Dans ce cas, elles condamnaient à la déportation le médecin d’une condition un peu relevée, et à la mort celui qui était d’une condition plus basse » Renaissance « Combien que la nécessité de mort advenue à un malade ne doive causer blâme à un médecin qui l’avait en main, si est-ce pourtant que la faute dudit médecin, soit pour être ignare ou trop hasardeux, ne doit être excusée sous couverte de notre fragilité et de la nécessité susdite, mais il faut enquérir, et si la faute est connue, elle est digne de peine (responsabilité délictuelle) » XVIIème/XVIIIème siècles Irresponsabilité pénale Dédommagement civil 2 XIXème siècle XXème siècle Code napoléonien Civil de 1804 Pénal de 1810 Le médecin devient un citoyen ordinaire de même que son activité L’Arrêt MERCIER impose une obligation de moyens selon laquelle le praticien prend l ’ engagement « sinon bien évidemment de guérir le malade, …, mais du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ». Cassation française, 02 mai 1936. Base de la responsabilité contractuelle du médecin Et pourtant XXème siècle XXIème siècle / Aujourd’hui Jusqu’en 1970, aucun procès ne fut intenté « La sagesse est de s’en remettre à eux » NICOLLE, Nobel médecine, 1934 « Ce que vous ferez sera bien fait » JOFFRE, 1931 « J’ai désiré vous remercier au nom de l’armée », PETAIN, 1931 « Aujourd’hui, si le Christ loupait la résurrection de Lazare, la famille l’attaquerait en justice » « Pouvons nous donc être accusés, pouvons nous être condamnés pour une faute opératoire? Non, mille fois non ! », FAURE, congrès de chirurgie, 1926 3 Les lois répressives La responsabilité du médecin revêt 3 aspects 1. L’homicide et les coups et blessures involontaires articles 418 à 420 du Code pénal pénal: lois répressives Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle civil: articles 1382 et suivants du Code civil Responsabilité délictuelle ou quasi délictuelle articles 1101 et suivants du Code civil Responsabilité contractuelle disciplinaire: Code de déontologie 2. L’administration de substances nuisibles article 421 du Code pénal 3. L’abstention de porter secours article 422 bis du Code pénal 4. La violation du secret médical article 458 du Code pénal 5. L’entretien de toxicomanie loi du 24 février 1921 L’article 1382 du Code civil La responsabilité du médecin pénale versus civile Infraction à une loi « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » Génératrice de responsabilité civile aquiléenne soit délictuelle lorsque l’infraction est volontaire abstention de porter secours (art.422 bis du Code pénal) violation du secret médical (art.458 du Code pénal) soit quasi-délictuelle lorsque l’infraction est involontaire homicide et coups et blessures involontaires (art. 418 et suivants du Code pénal) 4 La responsabilité du médecin La responsabilité du médecin impose La notion de faute (1/4) il existe une identité de la notion de faute entre le pénal et le civil • L’existence d’une faute du praticien définitions un défaut de prévoyance ou de précaution • L’existence d’un dommage chez le patient • Un lien causal qui unisse cette faute et ce dommage tout acte que n’aurait pas commis - tout médecin, - de la même spécialité, - normalement prudent, compétent et diligent, - placé dans les mêmes circonstances La responsabilité du médecin La responsabilité du médecin La notion de faute (2/4) La notion de faute (3/4) une faute: imposant une obligation de moyens selon laquelle le praticien prend l ’ engagement « sinon bien évidemment de guérir le malade, …, mais du moins de lui donner des soins, non pas quelconques, mais consciencieux, attentifs et, réserve faite de circonstances exceptionnelles, conformes aux données acquises de la science ». Obligation de moyens obligation de résultat aléa thérapeutique prévisibilité du risque Cassation française, 02 mai 1936, Arrêt MERCIER. 5 La responsabilité du médecin La responsabilité du médecin La notion de faute (4/4) La notion de lien causal Identité des fautes civile et pénale • pouvoir causal : capacité de la faute à réaliser le dommage faute pénale : personnelle et subjective • rôle causal : rôle effectif joué par la faute in concreto faute civile devient objective tout se passe comme si la peine devenait l’accessoire de la condamnation en dommages et intérêts, comme si le juge se saisissait de la plus petite apparence de faute pour éviter de sacrifier les intérêts de la victime. pénal# civil: rôle causal pénal: causalité nécessaire civil: théorie de l’équivalence des conditions Etude des dossiers ouverts Aspect pénal Evaluation de la situation entre le 01.01.1985 et le 31.12.1995 devant les juridictions répressives du ressort de la Cour d’appel de Liège contre des médecins pour des actes commis dans l’exercice de leur profession 6 Le ressort de la Cour d’appel de Liège comporte: Nombre Nombre total de dossiers = 146 25 3 provinces: Liège, Luxembourg, Namur 22 20 9 arrondissements judiciaires 15 15 5959 médecins * 17 16 14 12 12 14 11 10 1.689.718 habitants * 5 322.707 personnes soignées en hôpitaux * 6 7 2.551.768 journées d ’hospitalisation * 1985 1986 1987 1988 1989 1990 1991 1992 1993 1994 1995 * Chiffres de l ’I.N.S. (Institut National de Statistiques) pour 1995 Les décisions judiciaires Motifs Nombre Commentaires % % Classement sans suite 34 23.3 23.3 Non-lieu 60 41 64.3 9 6.2 70.5 Tribunal de Première instance 9 6.2 76.7 Cour d ’appel Chambre du conseil Chambre des mises en accusation Acquittement 8 5.5 82.2 Chambre du conseil 4 2.7 84.9 Tribunal de Première instance 4 2.7 87.6 Cour d ’appel 2 1.4 89 Tribunal de Première instance 6 4.1 93.1 Cour d ’appel 2 1.4 94.5 8 5.5 100 100 100 Suspension du prononcé Condamnation En cours Total 146 attraction du pénal vers le civil ? peu de condamnations: 5.5% peu de reconnaissances de culpabilité:12.3% à 10 reprises, le juge n’a pas reconnu de faute là où les experts en avaient reconnu application de la loi pénale MAIS le consentement éclairé devient une exigence pénale la perte de chance a été estimée comme une relation causale suffisante 7 La responsabilité CIVILE du médecin EST EN CRISE Aspect civil Art. 1382 C. Civ.: « Tout fait quelconque de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer » Evaluation de la situation DEVIENT « Tout fait accidentel de l’homme qui cause à autrui un dommage, oblige celui par lequel il est arrivé à le réparer » L’obligation de moyens s’efface Le lien causal est affaibli et l’obligation de résultat s’impose « la survenance même de l’accident implique une faute » « Lorsque le médecin accomplit un acte à hauts risques, il tenu de garantir le patient de toute possibilité d’accident » est « L’obligation pour le chirurgien de ne laisser dans le corps humain aucun objet étranger est une obligation de résultat » « Un médecin est tenu vis-à-vis de son patient, en matière d’infections nosocomiales, d’une obligation de sécurité et dE résultat » Le lien causal peut être affaibli et relever de la notion de perte de chance, elle-même constitutive d ’ un dommage pénal: NON civil: OUI 8 La durée de la prescription est allongée En synthèse Auparavant, toute action en dommages et intérêts dirigée contre un médecin était nécessairement fondée sur une infraction à la loi pénale et était donc prescrite après 5 ans révolus à compter du jour où l’acte litigieux avait été commis Etre un médecin normalement prudent, compétent et diligent ne suffit plus Répondre des complications imprévisibles et inévitables Aujourd ’ hui, loi du 10.06.1998 : la prescription survient dans les 5 ans à compter du jour où la victime a eu connaissance de la faute ou de l’identité de celui qui l’a commise avec un maximum de 20 ans à dater du jour de la commission de l’acte litigieux Supporter l’aléa thérapeutique Supporter l’imputation de dommages dont on ignore l’origine Rester exposé durant 20 ans à des revendications qui peuvent paraître fondées ou non Quelles solutions ? Il faut, de plus La proposition belge dite du « groupe FAGNART » 1975: SUEDE organise un système d’indemnisation des accidents médicaux basé sur une loi qui indemnise de plein droit tout patient de tout dommage causé par un service médical 1986: FINLANDE 1988: NORVEGE 1. Abolition de la responsabilité civile médicale 2. Organisation d’un système d’indemnisation des victimes d ’ accidents médicaux dans un esprit de solidarité 1992: DANEMARK 1996: Proposition belge 9 1. Abolition de la responsabilité civile médicale But économique: indemniser un maximum de victimes d’accidents médicaux par strict esprit de solidarité Indemnisation forfaitaire, rarement complète MAIS 1. Pas normal qu’une personne qui a commis une faute échappe à sa responsabilité conférerait une immunité anormale au médecin 2. Pas normal qu ’ une personne qui a subi un dommage issu d ’ une faute ne puisse obtenir une réparation intégrale du dommage subi discrimination parmi les victimes 2. Indemnisation des victimes d’accidents médicaux dans un esprit de solidarité Il faut préciser la notion d’accident médical « L’accident est l’événement qui produit un dommage anormal » 1. Dommage anormal: soit prévisible, soit imprévisible 2. Dommage normal: inéluctable « le dommage résultant d’un procédé indispensable au diagnostic ou au traitement d’une maladie ou blessure pour laquelle l’absence de traitement se révélerait mortelle ou entraînerait une invalidité grave » 2. Indemnisation des victimes d’accidents médicaux dans un esprit de solidarité La loi du 31.03.2010 Evalué en 1996 à 50 millions euros Caractéristiques: taux plancher plafonné adapté aux revenus limité en matière de préjudice moral MB 18.06.2010 Loi relative à l’indemnisation des dommages résultant des soins de santé Sources de financement: ???????????????????? 10 Article 2 Dommages résultant des soins de santé un dommage qui trouve sa cause dans une prestation de soins de santé et qui découle a. soit d’un fait engageant la responsabilité d’un prestataire de soins b. soit d’un accident sans responsabilité Article 2 Accident médical sans responsabilité un accident lié à une prestation de soins de santé qui n’engage pas la responsabilité d’un prestataire de soins, qui ne résulte pas de l’état du patient et qui n’entraîne pas pour le patient un dommage anormal. Le dommage est anormal lorsqu’il n’aurait pas dû se produire compte tenu de l’état actuel de la science, de l’état du patient et de son évolution objectivement prévisible. L’échec thérapeutique et l’erreur non fautive de diagnostic ne constituent pas un accident médical sans responsabilité Seul persiste l’aléa thérapeutique Article 3 « La présente loi règle l’indemnisation des dommages résultant des soins de santé sans préjudice du droit de la victime ou de ses ayants droit de réclamer, conformément aux règles du droit commun, l’indemnisation de son dommage devant les cours et tribunaux » Attention, il n’y aura pas deux indemnisations, l’une suspend l’autre Article 3 Sont exclus, les dommages résultant: - l’expérimentation humaine - d’une prestation de soins de santé accomplie dans un but esthétique non remboursable en vertu de la loi relative à l’AMI, coordonnée le 14.07.1994 - ne peut être indemnisée plusieurs fois pour le même dommage: Fonds et voie judiciaire ou amiable 11 Article 4 Le fonds indemnise la victime ou ses ayants droit conformément au droit commun En synthèse, le Fonds couvre le dommage provenant : - d’un accident médical sans responsabilité - lorsque le Fonds est d’avis que le dommage trouve sa cause dans un fait engageant la responsabilité d’un prestataire - soit que la RC n’est pas suffisamment couverte - soit que la responsabilité soit contestée - soit que l’offre ne soit pas suffisante MAIS IL EXISTE UNE LIMITE A L’INTERVENTION DU FONDS Le dommage doit être suffisamment grave Article 5 Article 5 Le dommage est suffisamment grave lorsqu’une des conditions suivantes est remplie Le dommage est suffisamment grave lorsqu’une des conditions suivantes est remplie 1. Invalidité permanente égale ou supérieure à 25% 1. Invalidité permanente égale ou supérieure à 25% 2. Incapacité de travail d’au moins 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois 2. Incapacité de travail d’au moins 6 mois consécutifs ou 6 mois non consécutifs sur une période de 12 mois 3. Le dommage occasionne des troubles graves, y compris économiques dans les conditions d’existence du patient 3. Le dommage occasionne des troubles graves, y compris économiques dans les conditions d’existence du patient 4. Le patient est décédé 4. Le patient est décédé En dehors de ces conditions, seule la voie judiciaire persiste 12