La Lettre du Cancérologue - Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007
Vie professionnelle
Vie professionnelle
422
orientés vers la réparation. Le contact direct avec la procédure
intervient essentiellement au moment de l’expertise. Le rôle des
professionnels concernés est de fournir à l’assureur toutes les
informations pour permettre la meilleure défense.
La loi du 4 mars 2002 a étendu l’obligation d’assurance des
praticiens libéraux ou des établissements de santé, et le régime
a été amendé, à plusieurs reprises. Des assureurs sont partis,
d’autres arrivent, mais le montant des primes dans certains
secteurs de l’activité libérale a atteint des seuils critiques. Le
gouvernement a répondu par une prise en charge partielle du
paiement par l’Assurance maladie. Le fondement théorique est
faible, et l’équilibre reste précaire. Mais la balle est essentielle-
ment dans le camp des assureurs.
L’indemnisation sans faute
Le patient ne peut-il être indemnisé, c’est-à-dire voir pris en
charge tous les soins nécessaires et obtenir la compensation
financière du dommage subsistant, qu’en cas de faute du profes-
sionnel ou de l’établissement ? Depuis la loi du 4 mars 2002, la
réponse est non.
De tout temps, la Sécurité sociale prend en charge tous les soins
nécessaires alors même qu’ils ont été causés par une faute médi-
cale, et elle n’exerce pas de recours contre les praticiens ou les
établissements. Ainsi, en cas de faute, tous les soins nécessaires
peuvent être mis en œuvre. Si la réparation est totale, le dommage
en résultant sera faible et le patient renoncera le plus souvent au
recours. Dans un système d’assurance privée, tel que le connais-
sent notamment les États-Unis, l’essentiel des recours relatifs aux
coûts des soins est exercé par les assureurs des familles.
La loi du 4 mars 2002 a complété le processus en instituant un
procédé d’indemnisation des dommages graves, même quand
ils n’ont pas été causés par une faute. Le patient dispose d’un
tel recours devant la Commission régionale de conciliation et
d’indemnisation (CRCI) en cas de dommage grave, correspon-
dant à une IPP de 25 %. L’indemnisation est acquise. Si le fonds
estime que le dommage est lié à une faute médicale, il peut alors
exercer un recours, en lieu et place du patient.
LE FAIT GÉNÉRATEUR
La grande question est la notion de faute. La loi du 4 mars 2002
a mis fin aux tentatives jurisprudentielles pour mettre à la charge
des praticiens une responsabilité sans faute. Désormais, la règle
est certaine : la responsabilité, civile ou pénale, n’est engagée que
si un dommage a été causé à la personne par un acte médical
constitutif d’une faute. Les exceptions sont définies par une loi
spécifique, comme pour les infections nosocomiales. Ce qui
conduit à distinguer quatre notions.
L’aléa
L’aléa est la conséquence non maîtrisée d’un acte irréprochable.
Dans son principe et ses modalités, la décision ou l’acte médical
ne fait l’objet d’aucune critique, peu importe qu’il en ait résulté
un dommage important pour le patient. En cas d’aléa, il n’y a
ni culpabilité ni responsabilité civile. Tout au plus peut exister
la procédure d’indemnisation devant la CRCI si le dommage
est supérieur à 25 % d’invalidité.
L’erreur
L’erreur est une décision ou un acte prudent et attentif, mais
qui se révèle inapproprié. Le praticien a agit comme un bon
professionnel, s’entourant des examens et conseils nécessaires,
agissant dans son domaine de compétence, mais a mal interprété
un signe ou pris une décision qui finalement, avec le recul, aurait
dû être autre. L’erreur n’engage pas la responsabilité. Chacun
bénéficie du droit à l’erreur, et ce principe n’est pas remis en
cause en matière de santé.
La faute
La faute est un acte imprudent ou négligent. Ou c’est un mauvais
acte professionnel, et pas forcément l’acte d’un mauvais profes-
sionnel. L’acte a été maladroit, trop rapide, n’a pas pris en compte
des éléments diagnostiques importants, n’a pas bénéficié de
l’éclairage qui pouvait venir de praticiens spécialisés, ne répon-
dait pas au dernier état des connaissances… La faute engage la
responsabilité civile.
La faute pénale
La faute pénale est extrêmement proche. Elle se caractérise
comme un acte imprudent ou négligent, mais le code pénal,
depuis la loi du 10 juillet 2000, requiert une qualification de la
faute, et le tribunal peut, dans un même jugement, prononcer
l’innocence du médecin sur le plan pénal, la faute ne lui parais-
sant pas suffisamment caractérisée pour revêtir la qualification
pénale, et retenir la responsabilité civile, permettant ainsi au
patient d’être indemnisé par la compagnie d’assurance.
LES ÉVOLUTIONS DU CONTENTIEUX
Le contentieux n’est pas un tout. Il faut distinguer les doléances,
les recours en indemnisation et les plaintes pénales. Les
doléances, soit des réclamations informelles adressées au direc-
teur d’établissement, sont souvent des demandes d’explications
ou l’expression de récriminations, mais elles ne justifient pas
la qualification de recours juridiques. Ces démarches peuvent
irriter, voire devenir gênantes. Elles n’en sont pas moins l’expres-
sion de mécontentements et doivent être prises en compte.
Les recours civils en indemnisation sont en augmentation,
particulièrement s’agissant des recours en référé aux fins de
désignation d’expertise. Ces recours sont spectaculaires, car ils
sont très rapides, ce qui est lié à leur caractère non contentieux.
Il s’agit, avant le procès, de réunir un certain nombre d’éléments
de preuve par le moyen d’une expertise. Une grande majorité
des rapports d’expertise conclut à l’absence de faute, de telle
sorte que très souvent le contentieux effectif n’est pas engagé.
Lorsque le procès se poursuit, c’est l’assureur qui en a la charge.
Les statistiques sont délicates à obtenir, mais il apparaît que le
nombre de condamnations s’accroît peu. Augmente en revanche