42 | La Lettre du Rhumatologue • N° 345 - octobre 2008
VIE PrOFESSIONNEllE
Responsabilité médicale
L’heure du bilan, six ans après la loi du 4 mars 2002
G. Devers*
T
ous les jours, l’interrogation se renforce : le
droit de la responsabilité en santé est-il encore
praticable ? N’en est-on pas parvenu, au motif
de la reconnaissance des droits des patients, à créer
des déséquilibres tels que la prise de risque qui est
nécessaire dans les soins n’est plus possible ? Des
pans entiers de la médecine ne sont-ils pas en cause
du fait de ce renforcement de la responsabilité, avec,
à terme, le péril d’une judiciarisation renforcée ? Les
médecins, acteurs et observateurs de ce mouvement,
sont chaque jour interpellés.
Ces questions sont légitimes, et méritent des
réponses précises. L’analyse de la réalité du droit
est sensiblement plus optimiste que les présenta-
tions qui en sont faites. Et au final, si la loi du 4 mars
2002 a beaucoup inquiété, elle n’a conduit qu’à des
ajustements (1).
La démarche de compréhension suppose de distin-
guer parmi les divers sens du mot responsabilité,
avant d’analyser d’abord les grands régimes juridi-
ques, qui sont de plus en plus distincts, puis l’analyse
ludique du fait générateur.
La responsabilité morale,
la responsabilité juridique
La responsabilité est d’abord une notion morale.
Chacun se sent responsable, et agit en fonction du
sens du devoir. Cette responsabilité est la première
référence. Imagine-t-on une pratique des soins qui
n’aurait pour référence que la crainte des recours
en justice ou des plaintes devant le procureur de la
République ? La morale, soit le sens du bien et du
mal, est le premier repère pour l’action.
Pour autant, la responsabilité morale ne peut ignorer
la responsabilité juridique. La compréhension de
quelques données de droit est nécessaire pour que
soient prises les décisions justes ; par ailleurs, si la
responsabilité morale doit être la première référence,
appréciée en conscience, elle doit être complétée par
une responsabilité juridique, qui est d’ordre public.
La vie en société suppose des règles, de manière à
donner un sens à l’adage fondamental : pas de liberté
sans responsabilité.
À cet égard, les droits reconnus au patient s’ac-
compagnent de responsabilités propres à assurer
la pérennité du système de santé, rappelle l’article
L. 1111 du code de la Santé publique. Un article
méconnu, mais qui illustre pourtant la logique fonda-
mentale du droit. Le premier droit du patient est
d’être bien soigné, et l’apport de la loi sur les droits
des patients n’est que d’encourager à une meilleure
prise en compte des droits individuels. Il n’y a pas
eu d’inversion dans la logique fondamentale : c’est
le soin qui prime, car la mission du médecin est de
défendre la vie. La santé est à la fois une donnée
individuelle et un bien public. La reconnaissance des
droits ne doit pas transformer les lieux de soins en
un champ clos de revendications individuelles : droits
et devoirs doivent s’équilibrer pour la sauvegarde de
ce bien si précieux et si fragile.
Les régimes de responsabilité
Se distinguent trois régimes : responsabilité pénale,
responsabilité civile et indemnisation.
La responsabilité pénale ou la culpabilité
Le droit pénal définit les infractions, et le procès
pénal est orienté vers la sanction des comporte-
ments individuels. Le procès oppose le procureur
de la République à un particulier, en l’occurrence
l’aide-soignante. Si la culpabilité est reconnue, une
sanction d’ordre général est prononcée : prison avec
sursis, amende, voire interdiction d’exercer. Dans la
réalité, la sanction reste souvent modérée, mais le
procès pénal est lourd de signification. Mal compris,
il peut s’avérer destructeur.
Les médecins sont concernés par la responsabilité
pénale, laquelle est appréciée à travers les infractions
d’atteinte à l’intégrité humaine : le fait d’avoir par
* Avocat au barreau de Lyon ; docteur
en droit HDR.
© D’après La Lettre du Cancérologue
- Vol. XVI - n° 9 - novembre 2007.
(1) F. Vialla (Dir.). Droit des malades et
qualité du système de santé – La loi du
4 mars 2002. Revue générale de droit
médical, n° spécial, 2004 ; F. Chabas,
La responsabilité personnelle du
médecin traitant, note sous l’arrêt de
la Cour de cassation du 9 novembre
2004, Recueil Dalloz, p. 253.