La Lettre du Gynécologue - n° 330 - mars 2008
Gynéco et société
Gynéco et société
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les soins nécessaires et obtenir la compensation financière du dommage
subsistant, qu’en cas de faute du professionnel ou de l’établissement ?
Depuis la loi du 4 mars 2002, la réponse est non.
De tout temps, la Sécurité sociale prend en charge tous les soins néces-
saires alors même qu’ils ont été causés par une faute médicale, et elle
n’exerce pas de recours contre les praticiens ou les établissements. Ainsi,
en cas de faute, tous les soins nécessaires peuvent être mis en œuvre. Si
la réparation est totale, le dommage en résultant sera faible et le patient
renoncera le plus souvent au recours. Dans un système d’assurance privée,
tel que le connaissent notamment les États-Unis, l’essentiel des recours
relatifs aux coûts des soins est exercé par les assureurs des familles.
La loi du 4 mars 2002 a complété le processus en instituant un procédé
d’indemnisation des dommages graves, même quand ils n’ont pas été
causés par une faute. Le patient dispose d’un tel recours devant la Com-
mission régionale de conciliation et d’indemnisation (CRCI) en cas de
dommage grave, correspondant à une IPP de 25 %. L’indemnisation est
acquise. Si le fonds estime que le dommage est lié à une faute médicale,
il peut alors exercer un recours, en lieu et place du patient.
LE FAIT GÉNÉRATEUR
La grande question est la notion de faute. La loi du 4 mars 2002 a mis
fin aux tentatives jurisprudentielles pour mettre à la charge des pra-
ticiens une responsabilité sans faute. Désormais, la règle est certaine :
la responsabilité, civile ou pénale, n’est engagée que si un dommage a
été causé à la personne par un acte médical constitutif d’une faute. Les
exceptions sont définies par une loi spécifique, comme pour les infec-
tions nosocomiales. Ce qui conduit à distinguer quatre notions.
L’aléa
L’aléa est la conséquence non maîtrisée d’un acte irréprochable.
Dans son principe et ses modalités, la décision ou l’acte médi-
cal ne fait l’objet d’aucune critique, peu importe qu’il en ait résulté
un dommage important pour le patient. En cas d’aléa, il n’y a
ni culpabilité ni responsabilité civile. Tout au plus peut exister la pro-
cédure d’indemnisation devant la CRCI si le dommage est supérieur
à 25 % d’invalidité.
L’erreur
L’erreur est une décision ou un acte prudent et attentif, mais qui se
révèle inapproprié. Le praticien a agit comme un bon professionnel,
s’entourant des examens et conseils nécessaires, agissant dans son
domaine de compétence, mais a mal interprété un signe ou pris une
décision qui finalement, avec le recul, aurait dû être autre. L’erreur
n’engage pas la responsabilité. Chacun bénéficie du droit à l’erreur, et
ce principe n’est pas remis en cause en matière de santé.
La faute
La faute est un acte imprudent ou négligent. Ou c’est un mauvais acte
professionnel, et pas forcément l’acte d’un mauvais professionnel.
L’acte a été maladroit, trop rapide, n’a pas pris en compte des éléments
diagnostiques importants, n’a pas bénéficié de l’éclairage qui pouvait
venir de praticiens spécialisés, ne répondait pas au dernier état des
connaissances… La faute engage la responsabilité civile.
La faute pénale
La faute pénale est extrêmement proche. Elle se caractérise comme un
acte imprudent ou négligent, mais le code pénal, depuis la loi du 10 juillet
2000, requiert une qualification de la faute, et le tribunal peut, dans un
même jugement, prononcer l’innocence du médecin sur le plan pénal,
la faute ne lui paraissant pas suffisamment caractérisée pour revêtir la
qualification pénale, et retenir la responsabilité civile, permettant ainsi
au patient d’être indemnisé par la compagnie d’assurance.
LES ÉVOLUTIONS DU CONTENTIEUX
Le contentieux n’est pas un tout. Il faut distinguer les doléances, les
recours en indemnisation et les plaintes pénales. Les doléances, soit des
réclamations informelles adressées au directeur d’établissement, sont
souvent des demandes d’explications ou l’expression de récriminations,
mais elles ne justifient pas la qualification de recours juridiques. Ces
démarches peuvent irriter, voire devenir gênantes. Elles n’en sont
pas moins l’expression de mécontentements et doivent être prises
en compte.
Les recours civils en indemnisation sont en augmentation, particulière-
ment s’agissant des recours en référé aux fins de désignation d’expertise.
Ces recours sont spectaculaires, car ils sont très rapides, ce qui est lié à
leur caractère non contentieux. Il s’agit, avant le procès, de réunir un
certain nombre d’éléments de preuve par le moyen d’une expertise. Une
grande majorité des rapports d’expertise conclut à l’absence de faute,
de telle sorte que très souvent le contentieux effectif n’est pas engagé.
Lorsque le procès se poursuit, c’est l’assureur qui en a la charge. Les
statistiques sont délicates à obtenir, mais il apparaît que le nombre de
condamnations s’accroît peu. Augmente en revanche le montant des
indemnisations, particulièrement s’agissant des handicaps importants,
avec IPP à plus de 85 % et tierce personne, de sorte que les chiffres
généraux sont déséquilibrés par un petit nombre de dossiers.
Les plaintes pénales sont beaucoup moins nombreuses que les recours
en indemnisation, avec un chiffre se situant aux alentours de 2 à 3 %.
L’engagement de ces procédures est extrêmement perturbant pour
les professionnels du soin, qui se trouvent immédiatement placés
dans le cadre d’une accusation. L’un des éléments les plus rudes est la
confrontation aux règles de la procédure. À peine un tiers des procé-
dures pénales vont jusqu’à l’audience de jugement, et les statistiques,
imparfaites, laissent apparaître qu’alors une relaxe est prononcée dans
environ 50 % des cas.
L’expérience de cinq ans depuis la loi du 4 mars 2002 peut permettre
de tenter une synthèse :
stabilisation des plaintes pénales, voire diminution compte tenu
des autres voies de procédures offertes ;
augmentation des procédures civiles, spécialement des demandes
de référé aux fins d’expertise ;
quasi-stabilité du nombre de condamnations pour faute, mais
augmentation sensible du montant des indemnisations accordées,
surtout dans le cadre du retour à domicile ;
ouverture d’une nouvelle voie d’indemnisation, lorsque sont
combinés l’absence de faute et un dommage important, par le biais
des CRCI et de l’ONIAM ;
situation tendue sur le front de l’assurance. n