CHRONIQUE DU DROIT
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La Lettre d’Oto-rhino-laryngologie et de chirurgie cervico-faciale - no276 - octobre 2002
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oici maintenant plus de 6 mois, au terme d’un long
processus de consultation dans le cadre des États
généraux de la santé, que la loi du 4 mars 2002,
présentée par certains comme la “loi Kouchner”, alors ministre
délégué à la Santé (ou “loi anti-Perruche”, car elle tend à mettre
un terme à la jurisprudence du même nom), a été publiée au Jour-
nal officiel de la République. Lors de la présentation et de la dis-
cussion de cette loi, Bernard Kouchner soulignait : «Il s’agit de
la première disposition législative au monde qui s’appliquera
quel que soit le risque, qu’il soit dû à un produit de santé, à un
médicament, à un acte chirurgical ou à un acte d’investigation ».
Cette loi “monument” (126 articles, 41 pages !) relative aux
droits des malades et à la qualité du système de santé, mais res-
tée largement inaperçue des membres du corps médical, pose les
nouvelles bases légales de la relation médecin-malade. Elle ins-
titue, en outre, l’indemnisation du risque sanitaire résultant du
fonctionnement du système de santé (dont l’aléa thérapeutique
au sens large).
LA PRISE EN COMPTE LÉGALE
DE LA RELATION MÉDECIN-MALADE TRANSFORMÉE
La relation entre le patient et son ou ses médecins était classi-
quement perçue en France comme “paternaliste” ; les pleins pou-
voirs étant confiés au seul détenteur du savoir technique : le méde-
cin, la relation médecin-malade se résumait souvent à l’adage
“une confiance qui rencontre une conscience”. Le texte publié le
4mars 2002 concrétise l’évolution de la jurisprudence depuis les
décisions fondatrices du droit médical de 1936 et 1942. Il ins-
taure une nouvelle relation légale entre le médecin et le patient,
relation qui doit tendre à la réciprocité et la bilatéralité. Il repose
sur les notions de démocratie sanitaire et de solidarité nationale,
garanties de l’expression citoyenne (participation et information
des acteurs de santé).
QUELS “DROITS DES MALADES” ?
Depuis l’arrêt de la Cour de cassation du 25 février 1997, ce
n’était plus au patient de prouver qu’il avait été insuffisamment
informé mais au médecin de justifier qu’il avait bien mis à la dis-
position du patient toutes les données nécessaires pour qu’il
puisse se forger une opinion informée et ce, préalablement à tout
traitement quel qu’il soit et durant toute l’évolution de son affec-
tion. La loi du 4 mars 2002 renforce cette obligation d’informa-
tion, centrale, et affirme un ensemble de nouvelles modalités pra-
tiques. Ainsi :
L’article L 1110-4 précise les règles actuelles quant au secret
médical : “En cas de diagnostic ou de pronostic grave, le secret
médical ne s’oppose pas à ce que la famille, les proches de la per-
sonne malade ou la personne de confiance définie à l’article
L1111-6 reçoivent les informations nécessaires destinées à leur
permettre d’apporter un soutien direct à celle-ci sauf opposition
de sa part”.
Toute personne a le droit d’être informée sur son état de santé.
Cette information porte sur les différentes investigations, sur les
traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur uti-
lité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fré-
quents ou graves normalement prévisibles qu’ils comportent ainsi
que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences pré-
visibles en cas de refus. Cette information doit être délivrée au
décours d’un “entretien individuel” (article L 1111-2). Cette
notion d’entretien individuel sous-entend pour le législateur que
celui qui réalise l’entretien réalise le geste thérapeutique ou que
le patient est clairement informé que le geste thérapeutique sera
réalisé par un autre praticien.
Le médecin doit respecter la volonté de la personne après l’avoir
informée des conséquences de son choix (article L 1111-4). Aucun
acte médical et aucun traitement ne peuvent être pratiqués sans le
consentement libre et éclairé de la personne ; ce consentement
peut en outre être retiré à tout moment (article L 1111-4).
La loi dite “Kouchner” du 4 mars 2002
relative aux droits des malades
et à la qualité du système de santé
O. Laccourreye*, A. Garay**
* Service ORL, HEGP, 20-40 rue Leblanc, 75015, Paris.
** Avocat à la cour d’appel de Paris. Co-auteur de Le médecin, le patient et le
droit, éditions de l’École nationale de la santé publique, 1999.
L’examen d’une personne malade dans le cadre d’un en-
seignement clinique requiert son consentement préalable (ar-
ticle L 1111-4).
Le patient a dorénavant accès à la totalité de son dos-
sier médical sans avoir recours à un médecin intermédiaire
(article L 1111-7). Le délai de transmission du dossier médical
ne peut excéder 8 jours ; il est porté à deux mois lorsque les infor-
mations médicales datent de plus de 5 ans.
Toute personne a droit, à sa demande, à une information
délivrée par les établissements et services de santé publics
et privés sur les frais auxquels elle pourrait être exposée à l’oc-
casion d’activités de prévention, de diagnostic et de soins
(article L 111-3).
Les professionnels de santé d’exercice libéral doivent, avant
l’exécution d’un acte, informer le patient de son coût et des condi-
tions de son remboursement par les régimes obligatoires d’Assu-
rance-maladie (Article L 1111-3).
À l’issue de la recherche, la personne qui s’y est prêtée est infor-
mée des résultats globaux de cette recherche (article L 1122-1).
En cas de litige, il appartient au professionnel ou à l’établisse-
ment de santé d’apporter la preuve que l’information a été déli-
vrée (article L 1111-2).
En présence de complications inhérentes au bilan ou au trai-
tement de son affection, le patient ou ses ayants droit doivent
être informés de vive voix et ce, au maximum dans les 15 jours
qui suivent le dommage, comme le précise l’article L 1142-4 :
“Toute personne victime ou s’estimant victime d’un dommage
imputable à une action de prévention, de diagnostic ou de soins
ou ses ayants droit, si la personne est décédée, ou, le cas échéant,
son représentant légal doit être informé par le professionnel,
l’établissement de santé, les services de santé ou l’organisme
concerné sur les circonstances et les causes de ce dommage.
Cette information lui est délivrée au plus tard dans les quinze
jours suivant la découverte du dommage ou à sa demande
expresse lors d’un entretien”. Le recours à cette procédure
amiable n’est pas exclusif des recours judiciaires de droit com-
mun du point de vue des responsabilités disciplinaire, civile,
administrative et pénale. Ce recours suspend les délais de pres-
cription et la procédure juridictionnelle (article L 1142-7).
Une Commission nationale des accidents médicaux et, dans
chaque région, des commissions de conciliation et d’indemni-
sation présidées par un magistrat sont créées. Ces commissions
sont chargées de faciliter le règlement amiable des litiges rela-
tifs aux accidents médicaux, aux affections iatrogènes, aux
infections nosocomiales et autres différends entre usagers et
professionnels de santé, établissements de santé, services de
santé, organismes de santé ou “producteurs de produits de
santé” (articles L 1142-5 à 8). Ces commissions diligentent
des expertises réalisées par des médecins experts (médecins
inscrits à leur demande sur les listes d’experts judiciaires :
article L 1142-11 ou, à titre exceptionnel, médecin choisi en
dehors de ces listes : article L 1142-12). Au terme de l’expertise,
la commission émet un avis. Si cet avis engage la responsabilité
d’un professionnel ou d’une institution, l’assureur doit, dans un
délai de quatre mois suivant la réception de l’avis, faire une offre
d’indemnisation. L’acceptation de l’offre de l’assureur par la vic-
time vaut juridiquement transaction au sens de l’article 2044 du
Code civil. La victime qui refuse l'offre de l’assureur peut saisir
le juge compétent.
LA NOTION DE “RISQUE SANITAIRE”,
PIVOT DU NOUVEAU RÉGIME DE RESPONSABILITÉ
Le nouvel article L 1142-1 du Code de santé publique, issu de
la loi de 2002, précise : “Hors le cas où leur responsabilité est
encourue en raison d’un défaut de produit de santé, les profes-
sionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent
Code ainsi que tout établissement, service ou organisme dans
lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de
diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences
dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins
qu’en cas de faute.” Cet article de loi maintient ainsi la notion
de faute au centre du système. En l’absence de faute résultant
de l’activité et de la responsabilité d’un acteur ou d’une struc-
ture de santé, la loi fait intervenir la solidarité nationale :
“Lorsque la responsabilité d’un professionnel, d’un établisse-
ment, service ou organisme mentionné au I ou d’un producteur
de produits n’est pas engagée, un accident médical, une affec-
tion iatrogène ou une infection nosocomiale ouvrent droit à la
réparation des préjudices des patients au titre de la solidarité
nationale, lorsqu’ils sont directement imputables à des actes de
prévention, de diagnostic ou de soins et qu’ils ont eu pour le
patient des conséquences anormales au regard de son état de
santé comme de l’évolution prévisible de celui-ci et présentent
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L’étude 2002 du Cessim* montre que, cette année encore,
La Lettre d’ORL et de chirurgie cervico-faciale est première
en termes d’audience dans cette spécialité.
La rédaction vous remercie de votre confiance et de votre fidélité !
* Centre d’étude sur les supports de l’information médicale
un caractère de gravité...”. Ce droit à la réparation entériné par
la loi du 4 mars 2002 résulte du simple fait du dommage cor-
porel objectivement constaté et nécessite l’intervention du gou-
vernement, qui doit déterminer les seuils d’évaluation des pré-
judices. La loi, au travers de l’article L 1142-2, impose à tous
les acteurs du système de santé et en particulier aux profes-
sionnels de santé exerçant à titre libéral de “souscrire une
assurance destinée à les garantir pour leur responsabilité civile
ou administrative susceptible d’être engagée en raison de
dommages subis par des tiers et résultant d’atteintes à la
personne survenant dans le cadre de cette activité de préven-
tion, de diagnostic ou de soins”. Ce manquement à l’obliga-
tion d’assurance est puni d’une amende de 45 000 euros
(article L 1142-25). Un Office national d’indemnisation, placé
sous la tutelle du ministre délégué à la Santé, est chargé d’assu-
rer l’harmonie du système.
Le délai de prescription en matière de responsabilité médicale
est “homogénéisé” pour tous les contentieux avec un délai com-
mun de 10 ans à partir de la date de consolidation. Ainsi,
l’article L 1142-28 précise : “Les actions tendant à mettre en
cause la responsabilité des professionnels de santé ou des éta-
blissements de santé publics ou privés à l’occasion d’actes de
prévention, de diagnostic ou de soins se prescrivent par dix ans
à compter de la consolidation du dommage”.
EN FORME DE CONCLUSION PROVISOIRE...
La loi du 4 mars 2002, révélatrice de l’évolution des relations
patients-médecins-institutions en France, consacre l’évolution
juridique de l’exercice professionnel de la médecine. L’infor-
mation du patient et la prise en charge du risque sanitaire par
la solidarité nationale constituent deux axes novateurs majeurs.
Cette loi vise à différencier la responsabilité pour faute de la
responsabilité sans faute. Elle instaure un régime juridique de
réparation des risques inhérents à la pratique du diagnostic et
des soins mais également de la prévention. Ce système repose
sur l’information du patient complétée par la mise en place d’un
mécanisme de règlement amiable et du recours à l’assurance.
Les assureurs ont pris la mesure de la charge financière que leur
impose ce système (en particulier en raison du risque lié aux
infections nosocomiales). Ainsi, à la menace réelle de “désen-
gagement” des soignants (déjà favorisée par l’hypertrophie des
tâches administratives et la nouvelle organisation du travail)
s’ajoutent deux difficultés : l’augmentation des primes d’assu-
rance des professionnels de santé et le refus de la part de cer-
taines compagnies d’assurer des risques sanitaires spécifiques.
Des ajustements devront intervenir dans ce domaine alors même
que la loi du 4 mars 2002 a été votée dans le cadre d’un très
large consensus parlementaire, reflet de la prise en compte des
attentes sociales par la représentation nationale.
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