Chimiothérapie et Tumeurs Infiltrantes de Vessie

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Progrès en Urologie (2002), 12, N°5, 983-985
CHAPITRE IV.
Chimiothérapie et Tumeurs Infiltrantes
de Vessie
C. Protocoles de chimiothérapie : les nouvelles perspectives
OLIVIER BOUCHOT, MARC ZERBIB
I. FACTEURS PRONOSTIQUES
DE SURVIE
Les facteurs pronostiques pré-thérapeutiques établis par la
clinique peuvent facilement être utilisés pour définir des
objectifs thérapeutiques et pour sélectionner des groupes
de patients.
Pour la chimiothérapie M-VAC, les facteurs prédictifs
d’une mauvaise réponse, d’une toxicité significative, et
d’une faible survie globale ont été :
• la présence de métastases viscérales (os, foie) déterminée par l’imagerie et une élévation des phosphatases alcalines ;
• une altération de l’état général [7,12,17].
Dans les séries comparatives, le temps de survie médian a
été de 18.2 mois en l’absence de facteurs de mauvais pronostic, et de 4.4 mois chez les patients ayant la plus mauvaise combinaison de facteurs pronostiques [12]. A 6 ans,
aucun patient ayant une métastase viscérale n’a été en vie,
et un seul avec un score de Karnofsky < 80% était vivant
[17].
Bajorin, en 1999, a rapporté une étude, sur 203 patients
traités par M-VAC, basée sur 2 facteurs de risque : score
de Karnofsky < 80% et présence de métastases dans le
foie ou le poumon [1]. La médiane de suivi a été de 40
mois, avec une médiane de survie globale de 14.8 mois :
la survie à 5 ans a été de 17%. Trois groupes de patients
ont été définis en fonction de l’existence de 0, 1 ou 2 facteurs de risque. Comme prévu, la survie a été plus longue
en l’absence de facteurs de risque (Tableau 1).
II. ETUDES “DOSE-DENSITÉ“
Les doses délivrées peuvent être exprimées soit en doseintensité (mg/kg/m 2), soit en dose-densité [9].
Les stratégies pour améliorer le taux de réponse consistent :
• soit à augmenter les doses d’une ou plusieurs drogues
dans le schéma thérapeutique,
• soit à diminuer l’intervalle entre les cycles,
• soit d’associer les deux.
La faisabilité de l’escalade de doses a été démontrée par
le protocole thérapeutique randomisé « HD-M-VAC plus
G-CSF versus M-VAC » [19].
Norton et Simon ont développé un modèle mathématique
cherchant à prédire l’efficacité d’une chimiothérapie en
fonction du taux de croissance Gompertzien des tumeurs
malignes [14,15]. Ce modèle montre que l’efficacité peut
être augmentée lorsque les drogues sont administrées à
doses maximales avec le plus petit intervalle entre les
cycles et que les drogues les plus actives (agent simple ou
en combinaison) doivent être utilisées selon un schéma
séquentiel plutôt qu’en alternance. L’intérêt pour tester ce
concept “dose-densité“ dans les tumeurs urothéliales est
basé sur :
- une cinétique de croissance cellulaire similaire à
celle observée dans le cancer du sein, où ce concept
a été testé [6];
- l’observation que la seule augmentation de doses
(33%) dans le protocole HD-M-VAC était responsable d’une augmentation importante de la toxicité
sans amélioration de la survie globale ;
La définition de ces facteurs de risque doit permettre d’interpréter les réponses à la chimiothérapie en stratifiant les
patients par groupes.
983
- la possibilité d’utiliser de nouvelles drogues,
comme la gemcitabine ou les taxanes, ayant des
mécanismes d’action différents aussi bien en première qu’en seconde ligne de traitement.
III. LES AVANCÉES
• Développer un nouveau standard peut être difficile
pour les tumeurs où plusieurs drogues, ayant une
action thérapeutique, sont à notre disposition:
Quelques essais thérapeutiques ont été réalisés dans les
tumeurs infiltrantes de vessie avec ce concept :
• Une étude de Phase I associant « Doxorubicine Gemcitabine » (AG, 5 ou 6 cycles de 2 semaines) puis
poursuivi par « Ifosfamide – Paclitaxel – Cisplatine »
(ITP, 4 cycles de 3 semaines) afin de définir les doses
maximales possibles de Gemcitabine et de
Doxorubicine [5]. La doxorubicine a été introduite en
premier, basée sur le fait que l’expression du gène de
résistance aux drogues était plus faible chez les patients
antérieurement non traités [16]. Les doses de 50
mg/m 2 de doxorubicine plus 2000 mg/m2 de gemcitabine toutes les 2 semaines pendant 6 cycles, associées
à G-CSF, ont ainsi été définies [5]. Parmi les 14
patients de l’étude, 3 (21 %) réponses complètes, et 6
(43 %) réponses partielles de plus de 50% ont été
observées. Tous les patients qui ont reçu les doses
maximales ont présenté une réponse. La toxicité la plus
fréquence a été une anémie de grade 3-4, et une neutropénie de grade 3-4.
• L’essai de Phase II du Mémorial Sloan Kattering, chez
21 patients recevant les mêmes doses de Gemcitabine
et de Doxorubicine, a permis d’avoir une réponse complète dans 24% après AG, augmentant à 38 % après
complément par ITP ; de même la réponse globale est
passée de 71 % après AG, à 86 % après ITP [13].
Comparativement au M-VAC, les doses de doxorubicine (30 vs 7.5 mg/m2 /semaine) et de cisplatine (35 vs
17.5 mg/m2 /semaine) ont été significativement augmentées, additionnées aux 3 autres drogues qui ont une
activité anti-tumorale importante.
• Dans le but de confirmer le taux élevé de réponses
complètes observées avec ces schémas séquentiels, de
nouvelles études ont été proposées pour des tumeurs
urothéliales localement avancées ou métastatiques
(extra vésicale, N+) dont les objectifs seront de définir
la faisabilité, les doses, la toxicité spécifique et l’efficacité sur la survie.
Pour les patients en bon état général, les chimiothérapies
M-VAC, HD-M-VAC, et Gemcitabine-Cisplatine peuvent
être considérées, à ce jour, comme des traitements standards.
- Pour les patients en mauvais état général, l’objectif est d’optimiser le taux de réponse en minimisant la toxicité. En effet, bien connaître le potentiel toxique de certaines drogues permettra de
diminuer significativement la morbidité.
- Pour l’élaboration de nouveaux protocoles de chimiothérapie, De Wit en 2001 a proposé des objectifs thérapeutiques (Tableau 2) [4]
• Le développement des nouvelles drogues de chimio thérapie doit être poursuivi, comme par exemple l’oxaliplatin [3]. Ces drogues doivent être évaluées chez des
patients en échec d’une première ligne de traitement
(cisplatine, carboplatine, gemcitabine ou paclitaxel) ou
en cas de récidive après une rémission complète, afin
d’avoir une chance de connaître leur potentiel antitumoral.
• De plus, la connaissance de la biologie des tumeurs a
beaucoup progressé ces dernières années, en particulier
dans les mécanismes intervenant dans le progression et
la résistance aux traitements. Environ 20 à 25 % des
tumeurs de vessie surexpriment le gène du récepteur de
facteur de croissance, HER2/neu (c-erb B-2), en
immunohistochimie, augmentant l’agressivité tumorale, et cette expression est corrélée au grade et au stade
[20]. De plus, cette surexpression a été détectée dans 9
curages ganglionnaires, parmi 20 patients, réalisés de
manière comtemporaine à la cystectomie, alors que la
tumeur primitive était négative en immunohistochimie
[11].
Tableau 2 : Objectifs thérapeutiques d’une chimiothérapie systémique, d’après De Wit [4]
Patients en bon état général*
Patient en mauvais état général**
Proposition
Amélioration de l’efficacité et de la survie sans
majoration de la morbidité
Optimisation de l’efficacité et diminution
de la toxicité
Méthodes
Combinaison de 3 drogues, ou chimiothérapie
séquentielle avec des drogues actives connues
Remplacer le cisplatine par une nouvelle drogue
* score OMS compris entre 0 et 1 et une fonction rénale normale
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** score OMS de 2 ou insuffisance rénale
Dans le cancer du sein :
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- les études menées dans les formes métastatiques
ont montré une amélioration de la réponse globale et de la survie après chimiothérapie associée
aux injections d’anticorps monoclonal antiHER2/neu [2,18] ;
- l’élévation du taux sérique de la fraction extracellulaire de HER2 (ECD/HER2) a été corrélée à un
mauvais pronostic dans les formes métastatiques,
mais non corrélée aux résultats de la chimiothérapie [8].
Pour les tumeurs urothéliales, les résultats préliminaires
d’une étude de phase II associant Trastuzumab (anticorps
monoclonal recombinant contre HER2, Herceptine®) et
une poly-chimiothérapie « Gemcitabine 800 mg/m2 J1-8,
Paclitaxel 200 mg/m2 J1, Carboplatine AUC 5 J1 » ont été
rapportés récemment chez 10 patients ayant une maladie
métastatique et ayant une surexpression de HER2/neu en
immunohistochimie [10]. Dans cette étude actuellement
en cours, une réponse partielle a été observée dans 8 cas,
dont 7 avaient des métastases viscérales. La toxicité a été
essentiellement hématologique, avec des neutropénies de
grade 3 ou 4.
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