CANCER DU REIN : les grands débats, les grandes questions dossier TUMEURS MÉTASTATIQUES : situations particulières Carcinome à cellules claires du rein métastatique : quand instaurer un traitement médical ? L. Geoffrois* * Département d’oncologie médicale, institut de cancérologie de Lorraine, Vandœuvre-lès-Nancy. L es évolutions métastatiques des cancers du rein restent fréquentes ; 10 à 40 % sont d’évolution synchrone, et environ 30 % sont d’évolution métachrone, la plupart dans les 36 mois. Le pronostic est sombre : 10 % de survie à 5 ans. Les localisations pulmonaires représentent 50 à 80 % de l’ensemble des localisations métastatiques (autres localisations : foie, os, cerveau, surrénale). Il s’agit d’une maladie avec des sous-groupes hétérogènes ; certaines formes sont indolentes avec une survie prolongée, d’autres présentent des métastases particulières telles que les métastases glandulaires ou pancréatiques, qui semblent de meilleur pronostic. Plusieurs classifications pronostiques − essentiellement clinicobiologiques − ont pu être établies. La survie est fortement corrélée au groupe pronostique (1). L’évolution thérapeutique, avec l’avènement des thérapies ciblées, a transformé la prise en charge de ces patients. De nombreuses questions ont été soulevées autour de l’utilisation de ces traitements, et, en particulier : quand commencer le traitement médical ? Les facteurs influençant l’instauration d’un traitement peuvent être résumés de la façon suivante : le pronostic sombre connu de la maladie métastatique, l’angoisse du patient et ses connaissances concernant la maladie, l’efficacité prouvée des thérapies ciblées. Quel que soit le groupe pronostique, les thérapies ciblées ont démontré un bénéfice thérapeutique nettement supérieur à celui de l’immunothérapie précédemment utilisée. Enfin, les recommandations thérapeutiques ont clairement défini un algorithme de prise en charge thérapeutique et d’utilisation de ces différentes molécules (2). Les freins à l’instauration du traitement seraient essentiellement liés au rapport bénéfice/risque et à la survenue d’effets indésirables, fréquents pour certains sujets, chroniques pour d’autres, et entraînant une lassitude du patient. Ces effets indésirables sont rarement graves, mais des toxicités de grade IV ont tout de même pu être observées. D’autres limites à l’instauration du traitement sont à prendre en compte, comme les comorbidités et certaines fragilités observées chez les patients, en particulier chez les sujets âgés, et certains antécédents, comme les pathologies cardiovasculaires et les problèmes métaboliques ou endocriniens. Enfin, le coût pourrait intervenir comme un élément mineur dans la décision. Si, dans la majorité des cas, un traitement médical est envisagé lors du diagnostic d’évolution métastatique, parfois, ce traitement médical pourra être retardé ou remplacé par un autre. Alors, quand ne pas instaurer un traitement médical ? Lorsqu’un autre traitement est envisageable, tel qu’une chirurgie d’exérèse des métastases, qui, en fonction de leur localisation et de leur nombre, peut permettre d’obtenir des survies prolongées. Cette chirurgie peut être, dans certains cas, complétée par une irradiation (3). Des facteurs pronostiques de l’efficacité de la chirurgie des métastases ont pu être établis : bon état général, score OMS de 0 ou 1, atteinte d’un seul organe, résection chirurgicale complète, première rechute métastatique, délai de survenue des métastases par rapport à la prise en charge initiale supérieur à 12 mois (4). Une radiothérapie stéréotaxique peut être proposée dans certaines situations. Les recommandations de l’ESMO 2012 font état de la possibilité d’envisager une période d’observation avant de commencer le traitement médical. Les modalités d’observation ne sont pas clairement définies ni même les critères de sélection des patients. Une étude rétrospective réalisée par le Royal Marsden Hospital à partir des cas de 62 patients présentant une évolution métastatique et ayant bénéficié, dans un premier temps, d’une observation, puis, en cas de progression avérée, d’un traitement, montre que, a priori, cette attitude ne serait pas délétère, avec une durée moyenne d’observation de 9 mois et une survie sans progression sous sunitinib en première ligne également de 9 mois (5). En conclusion, dans la majorité des cas, un traitement médical sera instauré lors du diagnostic d’évolution métastatique. Dans certaines situations, une période d’observation et la mise en œuvre d’un traitement médical différé lors d’une progression avérée seront proposées. De façon schématique, on suggérera de commencer le traitement si le pronostic apparaît défavorable, chez des patients polymétastatiques et symptomatiques. On proposera de différer le traitement médical si les métastases sont opérées ou opérables, si un autre traitement local est envisageable ou si le rapport bénéfice/risque est défavorable, en cas de maladie lentement évolutive paucimétastatique chez un patient asymptomatique. Une approche multidisciplinaire est nécessaire. L’oncologue devra identifier les facteurs indispensables à la décision thérapeutique et les situations cliniques particulières. ■ L. Geoffrois n’a pas déclaré ses éventuels liens d’intérêts. Références 1. Heng DY, Xie W, Regan MM et al. Prognostic factors for overall survival in patients with metastatic renal cell carcinoma treated with vascular endothelial growth factor-targeted agents: results from a large, multicenter study. J Clin Oncol 2009;27(34):5794-9. 2. Escudier B, Eisen T, Porta C et al.; ESMO Guidelines Working Group. Renal cell carcinoma: ESMO Clinical Practice Guidelines for diagnosis, treatment and follow-up. Ann Oncol 2012;23(Suppl. 7):vii65-71. Correspondances en Onco-Urologie - Vol. V - no 2 - avril-mai-juin 2014 3. Pfannschmidt J, Hoffmann H, Muley T et al. Prognostic factors for survival after pulmonary resection of metastatic renal cell carcinoma. Ann Thorac Surg 2002;74(5):1653-7. 4. Kavolius JP, Mastorakos DP, Pavlovich C et al. Resection of metastatic renal cell carcinoma. J Clin Oncol 1998;16(6):2261-6. 5. Fisher R, Pender A, Thillai K et al. Observation as a treatment strategy for advanced renal cell carcinoma—a call for prospective validation. Front Oncol 2012;2:155. 57