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Cancers thoraciques : actualités et perspectives
● M.C. Pailler*
e symposium Lilly sur les “Cancers thoraciques :
actualités et perspectives”, qui a eu lieu le 28 janvier 2002, lors du Congrès de pneumologie à Nice, a
permis de mettre à jour les avancées récentes dans le cancer bronchique non à petites cellules (CBNPC) ; elles concernent l’imagerie en oncologie thoracique ainsi que la prise en charge des
CBNPC localement avancés et métastatiques avec, en particulier, les nouvelles voies thérapeutiques contre des cibles moléculaires.
L
IMAGERIE MODERNE EN ONCOLOGIE THORACIQUE
Le scanner thoracique a bénéficié d’une révolution technique
depuis ces vingt dernières années. Du scanner spiralé faisant des
acquisitions volumiques jusqu’à des volumes de 20 centimètres
au scanner multibarette permettant des acquisitions de plus en
plus rapides avec quatre à douze coupes par seconde, on obtient
aujourd’hui des scanners en coupes millimétriques en six
secondes. La rotation en 0,3 seconde permet une netteté des
images vasculaires et parenchymateuses. Les recherches s’orientent actuellement vers des scanners à détecteurs plans qui tour* D’après les communications de A. Gangi, P. Fournel et B. Milleron.
nent autour du patient, permettant une image en trois dimensions
et en temps réel.
L’imagerie endobronchique virtuelle présente plusieurs intérêts.
Elle précise le siège exact d’une lésion endobronchique et ses
rapports avec les vaisseaux pulmonaires. En acquisition spiralée, elle permet l’étude de la trachée avec mesure des distances
endoluminales en temps réel (figure 1). Ses limites sont l’absence
de couleur, l’impossibilité de faire des biopsies et d’atteindre les
sous-segmentaires.
La radiologie interventionnelle, en dehors de son rôle diagnostique avec la biopsie percutanée des lésions pulmonaires périphériques ou médiastinales supérieures à 10 mm, a un rôle thérapeutique antalgique (cimentoplastie, alcoolisation). En outre, elle
permet le traitement des métastases hépatiques des cancers à évolution lente, grâce à la coagulation de celles-ci par radiofréquence.
PRISE EN CHARGE THÉRAPEUTIQUE DES CBNPC
LOCALEMENT AVANCÉS ET MÉTASTATIQUES
Stades IIIB non irradiés et IV
L’apport de la chimiothérapie dans l’allongement de la survie
des CBNPC de stades IIIB et IV n’est plus à démontrer. La chimiothérapie améliore également la qualité de vie et les symp-
Figure 1. Reconstruction 3D de l’arbre trachéobronchique.
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Tableau I. Radio-chimiothérapie concomitante versus séquentielle.
Traitement
RTE (Gy)
Médiane (mois)
S 1 an
S 2 ans
S 5 ans
Furuse (JCO99)
MVdsP seq
56
13,3
55 %
27 %
9%
RTOG 94-10
P-VLB seq
63
14,6
57 %
32 %
–
GLOT-GFPC - NPC 95-01
P-Vin seq
66
14,1
60 %
27 %
–
Furuse (JCO99)
MVdsP conc
56
16,5*
64 %
35 %
16 %
RTOG 94-10
P-VLB conc
63
17,1**
63 %
35 %
–
RTOG 94-10
P-VP16 conc
69,6
15,6***
61 %
34 %
–
GLOT-GFPC - NPC 95-01
P-VP16 conc
66
15,8****
59 %
38 %
–
* p = 0,039 ; ** p = 0,08 ; *** p = 0,17 ; **** p = 0,55.
tômes. Depuis une dizaine d’années sont apparues de nouvelles
drogues telles que la gemcitabine, la vinorelbine et les taxanes,
qui, en monothérapie, donnent des taux de réponse de 20 à 30 %.
Ces nouvelles drogues, utilisées en association avec le cisplatine, augmentent de façon significative le taux de réponse et la
médiane de survie des stades IIIB et IV par rapport au cisplatine seul (1, 2). La comparaison des nouveaux schémas par rapport aux anciens apporte un bénéfice significatif en termes de
réponse objective mais pas en termes de survie globale (3). La
comparaison des nouveaux schémas entre eux montre une égalité en termes de réponse objective et de survie globale dans un
essai où les chimiothérapies de deuxième ligne n’étaient pas
rapportées (4). Dans cet essai, seule l’association gemcitabinecisplatine ressort comme significativement supérieure en termes
de survie sans progression. Il semble, d’après les essais de phase
III, qu’il n’existe aucun avantage à utiliser trois drogues au lieu
de deux. Les triples associations augmentent la toxicité sans
accroître la survie (5) de façon significative. Le carboplatine
associé au paclitaxel semble aussi efficace que l’association cisplatine-paclitaxel et a l’avantage d’être moins toxique sur le
plan neurologique. Au total, quatre doublets issus des essais de
phase III sont potentiellement utilisables dans les CBNPC de
stade IIIB et métastatiques :
– cisplatine 80 mg/m2 à J1 ou J2 et gemcitabine 1 250 mg/m2 à
J1 et J8 tous les 21 jours ;
– carboplatine AUC 6 et paclitaxel 200 ou 225 mg/m2/3 h tous
les 21 jours ;
– cisplatine 75 mg/m2 et docétaxel 75 mg/m2 tous les 21 jours ;
– cisplatine 100 mg/m2 J1 et vinorelbine 25 mg/m2 J1, J8, J15 et
22 tous les 28 jours.
Actuellement, le critère idéal pour évaluer l’efficacité d’un
traitement de première ligne est la survie sans progression, et
gemcitabine-cisplatine est, dans ce cas, l’association la plus
performante.
Les patients dont l’état général est altéré (PS 2) ne tirent pas
de bénéfice en termes de survie des associations à base de sels
de platine (6). En pratique, on préférera pour ces patients une
monothérapie ou une chimiothérapie sans platine. De même,
pour les sujets âgés, il semble que les monothérapies par vinorelbine et gemcitabine soient les traitements les mieux “adaptés” (7). Deux études récentes de phase III ont montré qu’il n’y
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avait pas de bénéfice en termes de survie en faveur d’une chimiothérapie de maintenance (8, 9). En ce qui concerne la chimiothérapie en deuxième ligne, seul le docétaxel a démontré
un bénéfice en termes de survie par rapport aux soins palliatifs (10) et par rapport à la vinorelbine et à l’ifosfamide (11).
Stades IIIAN2 et IIIB non résécables
Depuis le début des années 90, plusieurs essais de phase III ont
montré que l’association d’une chimiothérapie à la radiothérapie améliorait la survie par rapport à la radiothérapie seule.
Récemment, ont été rapportées trois études de phase III comparant une administration séquentielle et une administration
concomitante (tableau I).
Il existe des arguments pour proposer une radiochimiothérapie concomitante aux patients avec un CBNPC localement
avancé (PS 1, âge < 70 ans). La principale toxicité limitante
du traitement concomitant est l’œsophagite (grade 3-4). Des
études sont en cours pour déterminer quelle est la meilleure
association chimioradiothérapie.
LES NOUVEAUX AGENTS BIOLOGIQUES
Mécanismes d’inhibition du récepteur
à l’EGF (l’EGF-R)
Deux types d’inhibiteurs de l’EGF-R ont été développés. Ce sont
des anticorps monoclonaux qui bloquent la liaison du récepteur
à son ligand et de petites molécules inhibitrices de l’activité tyrosine kinase.
ZD1839 (Iressa)
C’est un inhibiteur de l’activité tyrosine du récepteur à l’EGF.
Les études précliniques ont montré que son activité antitumorale était potentialisée par des agents thérapeutiques (sels de
platine, taxanes). Les études de phase I ont permis de déterminer la dose maximale tolérée entre 700 et 1 000 mg/j, avec des
effets secondaires dominés par des effets gastro-intestinaux
(diarrhées) et cutanés. Les résultats préliminaires d’une étude
de phase II (IDEAL1) ont été rapportés par B. Milleron sous
forme de poster discussion. Cette étude testait deux doses de
ZD1839 (250 mg versus 500 mg par jour) chez 210 patients
atteints de CBNPC après échec d’une ou de deux lignes de
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chimiothérapie, dont une à base de platine. Le ZD1839 était
poursuivi jusqu’à progression ou effet secondaire indésirable.
Le taux de réponse (RC + RP) était, dans les deux bras, proche
de 20 %, avec un taux de contrôle (RC + RP + stabilisation)
supérieur à 50 %. Une amélioration des symptômes a été observée chez 40,3 % et 37 % des patients sans différence significative entre les deux doses. Cette amélioration s’observait surtout
dans le groupe des répondeurs. Les effets secondaires étaient
des rash cutanés et de la diarrhée, plus importants avec la plus
forte dose. Des essais randomisés associant le ZD1839 à une
chimiothérapie soit par gemcitabine/cisplatine, soit par paclitaxel/carboplatine chez des patients atteints de CBNPC stades
III ou IV et naïfs sont achevés et en cours d’analyse.
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Trastuzumab (Herceptin®)
Il s’agit d’un anticorps dirigé contre le récepteur du facteur
de croissance épithélial HER2/neu (ErbB-2) surexprimé dans
20 % des CBNPC. Cet anticorps a été donné dans le CBNPC en
association avec le paclitaxel/carboplatine (13). Sur 56 patients
avec une surexpression HER2/neu, 52 patients étaient évaluables
(1+ : 21 patients ; 2+ : 23 patients ; 3+ : 8 patients). Le taux de
réponse était de 18 % et la médiane de survie de 9,8 mois, donc
comparables à la chimiothérapie seule. Une deuxième étude en
association avec gemcitabine/cisplatine a inclus 76 patients,
dont 18 (24 %) avaient une hyperexpression de HER/2 neu supérieure à 1+ en immunohistochimie. Seuls 12 patients étaient évaluables pour la réponse : 6 réponses partielles, 5 maladies stables
et 1 progression (14).
Drogues anti-sens
LY900003 (Isis)
Il s’agit d’une drogue constituée d’une séquence oligonucléotidique complémentaire du mRNA de la protéine kinase C alpha :
elle se fixe spécifiquement sur ce mRNA, induisant son excision
et, donc, l’absence de traduction de la protéine. Un essai de
phase II a utilisé cette drogue à la dose de 2 mg/kg/j en continu
de J1 à J14 associée à paclitaxel/carboplatine. Quarante-huit
patients étaient évaluables. Le taux de réponse global était de
48 %. La médiane de survie était de 15,9 mois et la survie à 1 an
de 54 %. Il n’y avait pas de majoration de la toxicité hématologique (15). Une phase II associant gemcitabine, cisplatine et
LY900003 a inclus 28 patients. Un contrôle de la maladie était
observé chez 24 patients sur les 28 ; seules 4 progressions ont été
observées. Sur la base de ces résultats, une étude de phase III
comparant gemcitabine-cisplatine au même doublet associé au
LY900003 vient de commencer.
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Anti-angiogènes
Le vascular endothelial growth factor (VEGF) joue un rôle essentiel dans l’angiogenèse. Il augmente la perméabilité du système
vasculaire tumoral. Il est surexprimé dans la plupart des tumeurs.
Plusieurs mécanismes d’inhibition du VEGF sont en développement : des anticorps monoclonaux, des inhibiteurs de la tyrosine
kinase du récepteur au VEGF.
Au total, un grand nombre d’agents biologiques sont en cours
de développement avec des mécanismes divers, une toxicité en
général acceptable et avec obtention de réponses et de stabilisations en monothérapie. Leur association à la chimiothérapie
est faisable.
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OSI774
Il s’agit d’un autre inhibiteur de la tyrosine kinase de l’EGF-R
dont on a très peu de données disponibles dans la littérature. Une
étude a porté sur 56 patients avec un CBNPC de stade IIIB/IV
en progression ou en récidive après une première ligne incluant
du platine ; ils ont reçu l’agent ciblant l’EGF-R. La survie à 1 an
était élevée (48 %), à interpréter en regard du petit effectif de
l’étude (12).
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cancer. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 122-30.
3. Crino L et al. Gemcitabine and cisplatin versus mitomycin, ifosfamide, and
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study of the Italian Lung Cancer Project. J Clin Oncol 1999 ; 17 : 3522-30.
4. Schiller JH et al. Comparison of four chemotherapy regimens for advanced
non-small-cell lung cancer. N Engl J Med 2002 ; 346 : 92-8.
5. Comella P et al. Randomized trial comparing cisplatin, gemcitabine, and vinorelbine with either cisplatin and gemcitabine or cisplatin and vinorelbine in
advanced non-small-cell lung cancer : interim analysis of a phase III trial of the
Southern Italy Cooperative Oncology Group. J Clin Oncol 2000 ; 18 : 1451-7.
6. Soria JC et al. Prognostic analysis of survival in the European randomized
trial comparing navelbine vs navelbine cisplatin vs vindesine cisplatin. Proc
Am Soc Clin Oncol 1999 ; 18 : 1893.
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Study) phase III trial : Gemcitabine + Vinorelbine vs Vinorelbine and Gemcitabine in elderly advanced non small-cell lung cancer patients. Proc Am Soc
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Proc Am Soc Clin Oncol 2001 ; 20 : 1234.
La Lettre du Pneumologue - Volume V - no 3 - mai-juin 2002
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