es rares régressions spontanées rapportées dans les

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Nouvelles approches thérapeutiques
dans le cancer du rein métastatique
● S. Oudard*, M. d’Assignies-Saghatchian*, E. Tartour**, W.H. Fridman **
N. Thiounn***, A. Mejean****, J.M. Andrieu*
L
es rares régressions spontanées rapportées dans les
cancers du rein suggèrent depuis longtemps que des
facteurs immunitaires jouent un rôle important dans
l’évolution de ce cancer. Depuis les premiers travaux de
Rosenberg en 1987 avec l’interleukine-2 (1), peu de progrès
ont été accomplis dans le traitement du cancer du rein. L’association interleukine-2/interféron, les LAK (lymphocytes activated killer) et les TIL (tumor infiltrating lymphocytes) ne permettent pas de dépasser 20 % de réponses objectives et
influent peu sur la survie. Ces traitements ont la particularité
d’être très mal tolérés et d’entraîner de temps en temps des
décès toxiques (environ 5 %).
RÉSULTATS DES ESSAIS PUBLIÉS EN 2000
(en dehors des travaux de Kugler et Childs)
Les récentes études publiées avec des traitements classiques
(immunothérapie, chimiothérapie, immuno-chimiothérapie ou
inhibiteur des cyclines kinases) sont toujours décevantes. Une
étude de phase III, à partir de 284 patients, comparant l’interféron alpha ± acide 13-cis-rétinoïque ne montre pas de différence en termes de taux de réponses et de survies entre les
deux groupes (2). Le taux de réponses était de 12 % dans le
bras association contre 6 % dans le bras traité par interféron
seul, avec une moins bonne qualité de vie dans le bras association évalué par la version trois du questionnaire FACT.
Une autre étude ayant inclus 131 patients et comparant l’association interleukine-2/interféron administrée par voie souscutanée ± 5-FU ne retrouve pas de différence en termes de taux
de réponses, de survies sans progression ou de survies globales
entre les deux bras (3). Les taux de réponses sont faibles dans
les deux bras (6 %) et peuvent être dus au mode d’administration des cytokines : par voie sous-cutanée ou une semaine sur
deux, pour conduire à une meilleure tolérance clinique.
Concernant les traitements de deuxième ligne, une équipe de
Chicago (4) rapporte un taux de réponses de 17 % avec l’association gemcitabine-5-FU en perfusion continue, sans toxicité
majeure. Une étude de phase II est actuellement en cours pour
* Service de cancérologie médicale. ** Immunologie biologique, hôpital
européen Georges-Pompidou, 20, rue Leblanc, 75015 Paris.
*** Service d’urologie, hôpital Cochin, 27-30, faubourg St-Jacques 75014 Paris.
**** Service d’urologie, hôpital Necker, 161, rue de Sèvres, 75015 Paris.
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évaluer l’association gemcitabine, 5-FU, interleukine-2 et
interféron en première ligne métastatique.
Enfin, des résultats décevants sont publiés par de W. Stadler et
al. (5), utilisant la flavopiridol (inhibiteur des cyclines kinases)
chez des patients pour la plupart prétraités par cytokines. La
flavopiridol administrée à la dose de 50 mg/m2 en perfusion
continue toutes les 2 semaines pendant 2 mois s’accompagne
d’un taux de réponses de 6 % et, surtout, d’une toxicité digestive et thrombo-embolique grave.
Une étude récente et rétrospective sur 670 patients ayant été
traités par chimiothérapie et/ou immunothérapie montre un taux
de survie à 5 ans de seulement 4,5 % (6). Les 30 patients survivants à long terme avaient bénéficié d’une néphrectomie, d’un
traitement par cytokines et ils étaient classés dans le groupe bon
pronostic ou pronostic intermédiaire selon la classification de
Motzer. Seulement 2 % de ces 30 patients sont actuellement
survivants à plus de 5 ans et indemnes de métastases. De nouvelles thérapeutiques sont primordiales devant ces résultats
décevants dans le cancer du rein métastatique. La publication
de deux articles portant sur le recours soit aux cellules dendritiques, soit à la greffe de moelle allogénique apporte un nouvel
espoir dans la prise en charge de cette maladie.
RÉSULTATS DES TRAVAUX DE A. KUGLER ET AL.
Les cellules dendritiques (CD) sont considérées comme les
cellules sentinelles du système immunitaire. Les CD immatures internalisent les antigènes exogènes par endocytose puis
les présentent, associés aux molécules de classes I ou II, aux
lymphocytes T CD4 ou CD8. Ces cellules développent de
longs prolongements cytoplasmiques (dendrites) permettant un
contact étroit avec de nombreux lymphocytes T. Le développement de ces CD du stade de cellules précurseurs jusqu’à celui
de cellules matures se fait par le biais de l’intervention de multiples cytokines.
La présence des CD en grand nombre dans le stroma des cancers est, en général, associée à un meilleur pronostic clinique.
Dans le cancer du rein, il existe une faible concentration de
cellules dendritiques et celles-ci semblent garder un phénotype
immature peu fonctionnel (7).
A. Kugler et al., ont recours à une stratégie de vaccination par
fusion de cellules dendritiques hétérologues et de cellules
tumorales autologues pour traiter 17 patients ayant un cancer
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 2 - mars/avril 2001
du rein métastatique (8). Les cellules dendritiques sont
recueillies à partir du sang périphérique d’un donneur non
apparenté. Les cellules tumorales sont obtenues soit à partir de
la tumeur primitive, soit des métastases. Les cellules hybrides
sont générées en deux étapes successives : les cellules dendritiques et les cellules tumorales sont d’abord alignées les unes
en face des autres par électrophorèse ; puis la fusion est réalisée grâce à une électroporation permettant d’obtenir de 15 à
20 % de cellules hybrides. Deux injections par voie souscutanée de cellules hybrides irradiées étaient pratiquées à
6 semaines d’intervalle, à proximité des ganglions inguinaux.
En cas de non-progression, le patient recevait une injection
sous-cutanée tous les 3 mois. Six patients ont présenté une
réponse objective (4 réponses complètes et 2 réponses partielles) sur des sites pulmonaires, ganglionnaires, osseux ou
des tissus mous. Trois des quatre patients présentant une
réponse complète l’ont été après seulement deux injections.
Aucune rechute n’a encore été observée chez les quatre
patients entrés en rémission complète. La médiane de suivi des
patients est de 13 mois. La toxicité a été minimale (fièvre et
douleurs au niveau des sites métastatiques). La réponse immunitaire serait plus spécifiquement dirigée contre l’antigène
Muc1 exprimé dans 82 % de ces tumeurs rénales.
RÉSULTATS DES TRAVAUX DE R. CHIDLS ET AL.
L’effet thérapeutique des allogreffes de cellules souches hématopoïétiques dans les leucémies repose sur deux principes. Il
s’agit, d’une part, de l’effet cytotoxique du conditionnement
myéloablatif et, d’autre part, de l’effet thérapeutique de la
réaction du greffon contre la leucémie (GVL) ou contre la
tumeur (GVT). Malheureusement, cette réaction GVT est également associée à une réaction du greffon contre l’hôte (GVH),
véritable maladie auto-immune. Récemment, de nombreux
efforts ont été développés pour rendre ces conditionnements
moins myéloablatifs, mais toujours immunosuppresseurs, afin
de permettre la greffe de la moelle du donneur. L’effet ainsi
escompté est surtout une réaction GVT.
R. Childs a rapporté, l’année dernière, le cas d’un patient présentant un cancer du rein métastatique, traité par chimiothérapie de type myéloablative avec greffe de moelle allogénique,
en rémission complète après constitution d’une moelle chimérique (9).
R. Childs et al. présentent une série actualisée de 19 patients
néphrectomisés, prétraités pour la plupart par cytokines (10).
Les patients, après avoir reçu un conditionnement par endoxan
+ fludarabine ± globuline antithymocytaire, recevaient une
moelle d’un donneur HLA identique pour 17 patients et pour
deux autres patients, il existait une incompatibilité sur un locus
HLA. Tous les patients recevaient de la ciclosporine pour éviter une GVH. La ciclosporine était arrêtée dès que possible en
post-greffe en l’absence de rejet de moelle. Par ailleurs, les
patients qui ne présentaient pas une moelle chimérique ou une
réponse thérapeutique, ont reçu des perfusions de lymphocytes
T du donneur, une fois tous les mois jusqu’à un maximum de
trois perfusions. En termes d’efficacité thérapeutique,
10 patients (53 %) ont obtenu une réponse objective (3 RC et
La Lettre du Cancérologue - volume X - n° 2 - mars/avril 2001
7 RP) sur des sites pulmonaires, médiastinaux, ganglionnaires,
osseux, surrénaliens et sous-cutanés. La réponse objective
n’était observée qu’après constitution d’une moelle chimérique
et retrait de la ciclosporine (8 cas/10). Le délai médian de
réponse était de 4 mois (1-8 mois) après la greffe. Le seul facteur prédictif de réponse était une GVH de grade 2, 3 ou
4 (p = 0,005) ; cependant un patient en rémission complète à
831 jours n’a pas présenté de GVH. Deux patients sont
décédés de complications de la greffe de moelle allogénique
(une septicémie et une GVH de grade 4). Ce traitement semble
très intéressant, mais il ne peut être proposé qu’à des patients
dont la maladie est lentement évolutive (espérance de vie supérieure à 6 mois) et qui ont dans leur fratrie un membre compatible, en raison des délais d’apparition des régressions tumorales.
CONCLUSION
Ces résultats démontrent l’intérêt qu’il y a à stimuler le
système immunitaire du patient présentant un cancer du rein
métastatique, soit par les hybridomes (cellules dendritiques
d’un donneur et cellules tumorales du patient), soit par greffe
de moelle allogénique après traitement immunosuppresseur.
Ces résultats doivent être confirmés sur un plus grand nombre
de patients. Les techniques de fusion cellulaire doivent être
améliorées pour espérer obtenir de meilleurs taux de réponses
thérapeutiques. Enfin, ces traitements représentent une
avancée spectaculaire en cancérologie. Ils pourraient être
applicables à d’autres types de tumeurs solides.
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