Chapitre 29 Fonctions de deux variables réelles Dans ce chapitre, on note (e1 , e2 ) désigne la base canonique de R2 . L'ensemble A désigne une partie de R2 et U désigne un ouvert de R2 . Le produit scalaire usuel sur R2 ou R3 sera noté h·, ·i. I - Continuité I.1 - Normes Définition 1 (Norme). On appelle norme sur R2 toute application N telle que (i). N : R2 → R+ . (ii). Séparation. ∀ x ∈ R2 , [N (x) = 0 ⇒ x = 0]. (iii). Homogénéité. ∀ (λ, x) ∈ R × R2 , N (λx) = |λ| · N (x). (iv). Inégalité triangulaire. ∀ (x, y) ∈ R2 , N (x + y) ≤ N (x) + N (y). Théorème 1 (Exemples). 2 2 p Soient k · k∞ : R → R+ , (x1 , x2 ) 7→ sup{|x1 |, |x2 |} et k · k2 : R → R+ , (x1 , x2 ) 7→ x21 + x22 . (i). k · k∞ et k · k2 sont des normes de R2 . (ii). Il existe deux réels strictement positifs a, b tels que pour tout x ∈ R2 , akxk∞ ≤ kxk2 ≤ bkxk∞ . On dit que ces deux normes sont équivalentes . Remarque. Dans toute la suite, la notation k · k désigne indiéremment la norme 2 ou la norme innie. Définition 2 (Partie bornée, Boule). Soient a ∈ R2 , r > 0 et A ⊂ R2 . (i). On dit que A est bornée s'il existe un réel strictement positif M tel que pour tout vecteur x ∈ A, kxk ≤ M . (ii). On appelle boule ak < r}. ouverte de centre a et de rayon r l'ensemble B(a, r) = {x ∈ R2 ; kx − (iii). On dit que A est un ouvert de R2 si A = ∅ ou si pour tout vecteur x ∈ A, il existe ε > 0 tel que B(x, ε) ⊂ A. Exercice 1. Pour chacune des normes k · k∞ , k · k1 , k · k2 , représenter graphiquement la boule unité. I.2 - Applications dénies sur R2 L'ensemble F (A, R) est naturellement muni d'une structure de R-espace vectoriel stable par multiplication interne. Définition 3 (Applications partielles). Soient f ∈ F (A, R) et (α, β) ∈ A. On dénit I1 (β) = {x ∈ R ; (x, β) ∈ A} et I2 (α) = {y ∈ R ; (α, y) ∈ A}. Les fonctions f1 : I1 (β) → R, t 7→ f (t, β) et f2 : I2 (α) → R, t 7→ f (α, t) sont appellées applications partielles de f . Chapitre 29. Fonctions de deux variables réelles MPSI 1 Définition 4 (Limite et Continuité). Soient A ⊂ R2 un ouvert, ` ∈ R, f ∈ F (A, R) et a ∈ A. (i). On dit que f a pour limite ` en a si ∀ ε > 0, ∃ η > 0 ; ∀ u ∈ A, [ku − ak < η ⇒ |f (u) − `| ≤ ε] . (ii). Si f admet une limite en a, celle-ci est égale à f (a). On dit que f est continue en a. (iii). On dit que f est continue sur A si elle est continue en tout point de A. On notera C (A, R) l'ensemble des fonctions continues sur A. Exercice 2. 1. Montrer que les projections p1 : R2 → R, (x, y) 7→ x et p2 : R2 → R, (x, y) 7→ y sont continues. 2. Montrer que si f est continues, ses applications partielles f1 et f2 le sont également. 3. Soit f la fonction dénie sur R2 par f (x, y) = x2xy , f (0, 0) = 0. Montrer que f n'est pas +y 2 continue en (0, 0) alors que ses applications partielles le sont. Théorème 2 (Structure). Soient f, g ∈ C (A, R) et λ ∈ R. (i). λf + g ∈ C (A, R). (ii). f g ∈ C (A, R). (iii). Si g ne s'annule pas sur A, alors f g est continue en A. I.3 - Extension aux fonctions à valeurs dans R2 Définition 5 (Limite et Continuité). Soit A un ouvert de R2 , f ∈ F (A, R2 ), a ∈ A et ` ∈ R2 . (i). On dit que f admet pour limite ` en a si ∀ ε > 0, ∃ η > 0 ; ∀ x ∈ A, [kx − ak < η ⇒ kf (x) − `k < ε] . (ii). Si f admet une limite en a, celle-ci est égale à f (a). On dit que f est continue en a. Théorème 3. Soit f = (f1 , f2 ) et ` = (`1 , `2 ). Alors lim f = ` si et seulement si lim f1 = `1 et lim f2 = `2 . a a1 a2 Théorème 4 (Structure). Soient f : A → Rp et g : B → Rn , où g(B) ⊂ A, B ⊂ Rq et p, q, n = 1 ou 2. La fonction f ◦ g est bien dénie sur B . De plus, si g est continue en b et f est continue en g(b), alors f ◦ g est continue en b. L ycée Stanisla 157 A. Camane Chapitre 29. Fonctions de deux variables réelles MPSI 1 II - Calcul diérentiel II.1 - Dérivée directionnelle Définition 6 (Dérivée directionnelle). Soient a ∈ U et h ∈ R2 . Il existe un réel δ > 0 tel que pour tout t ∈] − δ, δ[, a + th ∈ U . On pose alors ϕh : ] − δ, δ[→ R, t 7→ f (a + th). Si la fonction ϕh est dérivable en 0, on dit que f admet une dérivée directionnelle suivant le vecteur h au point a et on note (a) ∂h f (a) = ϕ0h (0) = lim f (a+th)−f . t t→0 Notations. Généralement, la dérivée directionnelle au point a, selon le vecteur h est notée Dh f (a). ∂f ∗ Lorsque h = e1 , on note ∂e1 f (a) = ∂1 f (a) = ∂x (a) = ∂f ∂x (a). 1 ∂f ∂f ∗ Lorsque h = e2 , on note ∂e2 f (a) = ∂2 f (a) = ∂x2 (a) = ∂y (a). Exercice 3. 1. Soient a, b, c trois réels et f : R2 → R, (x, y) 7→ ax + by + c. Déterminer les dérivées directionnelles de f selon e1 et e2 . 4 y4 2. Soit f la fonction dénie sur R2 par f (x, y) = xx4 +y 4 , f (0, 0) = 0. Montrer que f est continue en (0, 0) puis déterminer ses dérivées partielles selon tout vecteur h en (0, 0). 3. Soit f la fonction dénie sur R2 par f (x, y) = x2xy , f (0, 0) = 0. Montrer que f n'est pas +y 2 dérivable en (0, 0). 4. Montrer que la fonction k · k2 admet une dérivée partielle selon le vecteur h en tout point (x, y) 6= (0, 0). Qu'en est-il en (0, 0) ? II.2 - Fonctions de classe C 1 sur un ouvert de R2 Définition 7 (Fonctions de classe C 1 ). Soit f une fonction dénie sur U . On dit que f est de classe C 1 sur U si ∂1 f et ∂2 f sont dénies et continues sur U . On notera C 1 (U, R) l'ensemble des fonctions de classe C 1 sur U à valeurs réelles. Théorème 5 (Développement limité d’ordre 1). Soit f une fonction de classe C 1 sur U et a = (a1 , a2 ) ∈ U . Alors, il existe une fonction ε telle que lim ε = 0 et pour tout u = (x, y) ∈ U , a f (u) = f (a) + (x − a1 )∂1 f (a) + (y − a2 )∂2 f (a) + ku − ak∞ ε(u). On dit que f admet un développement limité à l'ordre 1 en a. De plus, pour tout h = (h1 , h2 ) ∈ R2 , ∂h f (a) = h1 ∂1 f (a) + h2 ∂2 f (a). On a ainsi, dès que a + h ∈ U, f (a + h) = f (a) + ∂h f (a) + khk∞ ε(h). Définition 8 (Différentielle). Soient f une fonction de classe C 1 sur U et a ∈ U . L'application h 7→ ∂h f (a) est une application linéaire en h. On l'appelle la diérentielle de f en a et on la note df (a). Exercice 4. Déterminer la matrice de la diérentielle de f en a dans la base canonique. Définition 9 (Gradient). ∂1 f (a) 1 Soit f ∈ C (U, R) et a ∈ U . On note ∇f (a) = . ∂2 f (a) Propriété 1. Soit f ∈ C 1 (U, R) et a ∈ U . Alors, pour tout h ∈ R2 , L ycée Stanisla ∂h f (a) = df (a)(h) 158 = h∇f (a), hi A. Camane Chapitre 29. Fonctions de deux variables réelles MPSI 1 II.3 - Fonctions composées Théorème 6 (Règle de la chaîne). Soit f ∈ C 1 (U, R) et g = (g1 , g2 ) : I ⊂ R → U une fonction de classe C 1 . Alors, la fonction f ◦ g est dérivable et pour tout t ∈ I (f ◦ g)0 (t) = g10 (t)∂1 f (g(t)) + g20 (t)∂2 f (g(t)). Corollaire 7. Soit f ∈ C 1 (U, R). Pour tout a ∈ U , ∇f (a) désigne la direction de la plus grande pente au point a. II.4 - Extrema Définition 10 (Extremum local). Soit f ∈ C 1 (U, R) et a ∈ U . (i). On dit que f présente un maximum local en a s'il existe un ouvert V ⊂ U contenant a tel que pour tout x ∈ V , f (x) ≤ f (a). (ii). On dit que f présente un minimum local en a s'il existe un ouvert V ⊂ U contenant a tel que pour tout x ∈ V , f (x) ≥ f (a). (iii). On dit que f présente un extremum local en a si f présente un maximum ou un minimum local en a. Théorème 8 (Recherche d’extrema). Soient U un ouvert de R2 et f ∈ C 1 (U, R). Si f présente un extremum local en a, alors 0 . ∇f (a) = 0 Exercice 5. 1. En étudiant la fonction f : R2 → R, (x, y) 7→ x2 − y 2 , montrer que la réciproque du théorème précédent est fausse. 2. Déterminer les dérivées directionnelles de f : R2 → R, (x, y) 7→ y(y − x2 ). Déterminer leurs variations au voisinage de (0, 0) puis étudier la fonction f au voisinage de (0, 0). 3. Rechercher les extrema de la fonction f : D → R, (x, y) 7→ x2 + xy + y 2 , où D = {(x, y) ∈ R2 ; x2 + y 2 ≤ 1}. II.5 - Dérivées secondes Définition 11 (Dérivées secondes). ∂f Soit f une fonction de classe C 1 sur U et a ∈ U . Si ∂x admet une dérivée partielle en a 1 par rapport à la première variable, alors on dit que f admet une dérivée partielle seconde par rapport à x1 puis x1 . On la note ∂2f (a) ∂x22 = ∂f ∂ ∂x 2 ∂x2 (a) et ∂2f ∂x2 ∂x1 (a) ∂2f (a). ∂x21 ∂f ∂ ∂x = 1 ∂x2 On dénit de manière analogue ∂2f ∂x1 ∂x2 (a) = ∂f ∂ ∂x 2 ∂x1 (a), (a). Si ces quatres dérivées partielles secondes sont dénies et continues sur U , alors sont de classe C 1 sur U . On dit que f est de classe C 2 sur U . ∂f ∂x1 et ∂f ∂x2 Théorème 9 (Théorème de Schwarz). Soit U un ouvert de R2 et f une fonction de classe C 2 sur U . Alors, L ycée Stanisla 159 ∂2f ∂x1 ∂x2 = ∂2f ∂x2 ∂x1 . A. Camane Chapitre 29. Fonctions de deux variables réelles Exercice 6. Calculer xy 3 x2 +y 2 ∂2f ∂x1 ∂x2 et ∂2f ∂x2 ∂x1 MPSI 1 en (0, 0) de la fonction f dénie sur R2 par f (x, y) = , f (0, 0) = 0. Exercice 7. (Équation des cordes vibrantes) Donner la forme des solutions de l'équation q ∂2y 2 c ∂x2 , où c = Tµ0 ∈ R+ . ∂2y ∂t2 = 1 III - Une brève extension à R3 - Champs de vecteurs Dans cette partie, U désigne un ouvert de R3 , muni d'un repère orthonormé direct − − − (O, → e1 , → e2 , → e3 ). III.1 - Dénitions Définition 12 (Champ de vecteurs). Soient P, Q, R trois fonctions de U dans R et V = (P, Q, R). On dit que V est un de vecteurs . ∂P Notations. On étend la notion de dérivée directionnelle que l'on notera ∂x , 1 que V est de classe C 1 (resp. C 2 ) si P, Q et R sont de classe C 1 (resp. C 2 ). ∂P ∂x2 et ∂P ∂x3 . champ On dit Remarque. Le théorème de Schwarz s'étend aux fonctions de R3 , avec les mêmes restrictions. Définition 13 (Différentielle). On appelle diérentielle de V en a, notée dV (a) l'application linéaire dénie de R3 dans 3 R dont la matrice dans la base canonique est ∂P ∂x1 ∂Q ∂x1 ∂R ∂x1 ∂P ∂x2 ∂Q ∂x2 ∂R ∂x2 ∂P ∂x3 ∂Q ∂x3 ∂R ∂x3 Théorème 10 (Développement limité d’ordre 1). Soit V un champ de vecteurs de classe C 1 sur U . Alors, V (a + h) = V (a) + dV (a)(h) + khk∞ ε(h), où lim ε(h) = (0, 0, 0). (0,0,0) Définition 14 (Jacobien, Divergence, Trace). Jacobien de V au point a la quantité Jaca (V ) = det(dV (a)). (ii). On appelle divergence de V au point a la quantité diva (V ) = Tr(dV (a)) = (i). On appelle ∂Q ∂x2 (a) + ∂R ∂x3 (a). (iii). On appelle L ycée Stanisla rotationnel de V au point a le vecteur rota (V ) = 160 ∂R 2 ∂x ∂P ∂x3 ∂Q ∂x1 − − − ∂P ∂x1 (a) + ∂Q ∂x3 ∂R ∂x1 . ∂P ∂x2 A. Camane Chapitre 29. Fonctions de deux variables réelles MPSI 1 Définition 15 (Gradient, Laplacien). ∂f (i). Soit f ∈ C 1 (U, R). On appelle ∂x1 ∂f gradient de f le vecteur ∇f = ∂x2 . (ii). Soit f ∈ C 2 (U, R). On appelle laplacien de f la quantité ∆f = Propriétés 2. Soient f, g : U → R et V : U → R3 des fonctions de classe C 1 . ∂f ∂x3 ∂2f ∂x21 + ∂2f ∂x22 + ∂2f . ∂x23 (i). ∇(f · g) = f · ∇g + g · ∇f . (ii). div(f · V ) = h∇f, ·V i + f · divV . (iii). rot(f · V ) = f · rot V + ∇f ∧ V . (iv). Si f et g sont de classe C 2 , ∆(f g) = f ∆g + g∆f + 2h∇f, ∇gi. Exercice 8. Soient f une fonction et V un champ de vecteurs de classe C 2 . Calculer rot(∇f ) puis div(rot(V )). Définition 16 (Potentiel scalaire). Soit U ⊂ R3 un ouvert et V : U → R3 un champ de vecteurs. On dit que V dérive d'un potentiel scalaire s'il existe une fonction f ∈ C 1 (U, R) telle que V = ∇f . Exercice 9. Soit V un champ de vecteur de classe C 1 dérivant d'un potentiel scalaire. Calculer rot V . Définition 17 (Ouvert étoilé). On dit que U est un ouvert étoilé s'il existe un point Ω ∈ U tel que pour tout point M ∈ U , le segment [ΩM ] est inclus dans U . Théorème 11 (Caractérisation des potentiels scalaires). Si U est un ouvert étoilé, tout champ de vecteurs de classe C 1 à rotationnel nul dérive d'un potentiel scalaire. L ycée Stanisla 161 A. Camane