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Libération
22 février 2012
Un abattoir mobile jnstallé à la Courneuve par le conseil général de Seine-Saint-Denis, pour
la fête de l' Aïd-ei-Kebir, le 16 novembre 2010. PHOTO LAHCENE. ABIB. SIGNATURES
POLÉMIQUE Florence Bergeaud-Blackler,
anthropologue, revient sur les méthodes d'abattage.
«Une radicalisation des
positions sur le halai»
icolas Sarkozy s'est
rendu tôt hier au
marché de Rungis
pour tenter, dès 6 h 20, de
désamorcer la «polémique»
sur la viande halai qui
inonderait le marché
d'Ile - de - France,
selon
Marine Le Pen. <<C'est une
Les musulmans exigent que
l'animal soit abattu vivant.
D'où le rejet des méthodes
d'étourdissement létales.
Mais des méthodes légères,
qui ne tuent pas, sont
utilisées en Allemagne, au
Royaume- Uni, en Espagne et
chez de gros exportateurs de
polémique qui n'a
carcasses halai.
Pourquoi pas en
pas lieu d'être, at - il
affirmé.
France?
200 000 tonnes de
C'était la position
viande sont con majoritaire des
sommées chaque
autorités islami année en n e- de ques jusqu'aux
France. 2,s o;;, sont w.,.....,..____,_~" '
années 90, mais
de la viande casher
on observe une
et hala!.>>
radicalisation des positions .
Pour Libération, Florence Certains groupes musulmans
Bergeaud-Black!er, anthro- font de la publicité sur le ri pologue (1), fait le point.
tuel sans étourdissement, et
La France se met-elle en in- stigmatisent le caractère
fraction avec la législation barbare de 1' <<assommage>>,
européenne en ne pratiquant comme ils djsent.
pas l'étourdissement des ani- Une directive sur l'étiquetage
maux avant abattage halai? des denrées alimentaires a été
L'abattage halai bénéficie votée en juin 2010 par le Pard'une dérogation. Mais selon lement européen. Mais un
la réglementation, les abat- amendement préconisant
teurs doivent être formés, d'inscrire «viande provenant
des moyens de contention d ' animaux abattus sans
mis en place, et un temps étourdissement» a été supminimum respecté entre le prinlé. Sous pression de la
moment où l'on saigne l'ani- France, cornn1e dit Le Pen?
mal et celui où on le dé - Un des rédacteurs du règle coupe. Ces précautions ne ment me l'a confirmé, mais
sont pas toujours respectées. il a accès à des documents
Avec la concwTence interna- que je n'ai pas pu voir. Ce qui
tionale, certains abattoirs est sûr, c'est que la filière
ont tendance à faire des éco- viande y est opposée et a fait
nomies sur le bien-être ani- pression. Selon elle, l'indication sur l'étiquette aw·ait un
mal et l' hygiène.
Dans d 'autres pays, les res- effet dissuasif sur certains
ponsables musuhnans accep- consommateurs. Elle veut
tent l'étourdissement...
garder la possibilité de ven-
N
dre une partie de la viande
rituelle en circuit conventionnel sans étiquetage.
Un décret encadrant l'abattage rituel en France doit en,trer en vigueur le 1er juillet...
Ce décret est un compromis
entre 1' Etat et les opérateurs
économiques, qui vise surtout à éviter la mise en
œuvre d'une véritable traçabilité de l'abattage à la bouèherie. Dès le 1er juillet 2012,
tout directeùr d'abattoir devra adresser une demande
d'autorisation au préfet pour
pouvoir abattre en rituel sur
la base de son carnet de
commande. Il obtiendra ou
non l' autorisation. Mais un
carnet de commande n'est
pas un document officiel et
les commandes peuvent
augmenter ou diminuer.
Quel moyen de pression aura
l'administration si le nombre
d'abattages rituels ne correspond pas à ce qui est dé claré? Fermer 1' abattoir? Le
pénaliser? C'est risquer de
perdre des emplois. Le seul
avantage du décret est
d'obliger les abattoirs à établir une comptabilité «ri tuel» et «non rituel», ce qui
permet un minimum de
contrôle. Aujourd'hui, on ne
peut se reposer que sur les
déclarations des abatteurs.
Recueilli par CATHERINE
COROLLER
(7) A l'Institut de recherches
et dëtudes sur le monde arabe
et musulman (lremam) d'Aix-enProvence. Auteure de
~<Comprendre le halai»
(Edipro, 2010).
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