Libérale Recto-colite hémorragique Une prévalence en hausse Maladie inflammatoire de l’intestin touchant essentiellement le côlon et le rectum, la recto-colite hémorragique (RCO) est une affection qui évolue par poussées entrecoupées de périodes de rémission totale pendant lesquelles tous les signes cliniques disparaissent. M arine consulte son médecin pour des diarrhées qui durent depuis plus de deux semaines à raison de 8 à 10 selles liquides par jour malgré la prise de traitements symptomatiques. De plus, elle est inquiète : depuis deux jours certaines de ses selles sont franchement sanglantes et glaireuses. Épidémiologie Avec une fréquence moyenne de 5 nouveaux cas par an pour 100 000 personnes, la prévalence de la maladie est actuellement de plus de 70/80 cas pour 100 000 habitants. Taux qui a tendance à croître ces dernières années (on considère que la fréquence a doublé en 50 ans). Une nette prévalence féminine semble marquée, comme une prédilection pour les adolescents ou adultes jeunes. Géographiquement, une densité plus importante est retrouvée en Europe du Nord-Ouest et aux États-Unis, (taux pouvant atteindre alors de 1/200 à 1/2 000 habitants). Une prévalence nettement supérieure à celle de la maladie de Crohn. L’origine exacte de la maladie est inconnue mais semble multifactorielle. Ainsi, les personnes à peau noire étaient jusquelà moins touchées que celles à peau blanche ; mais la tendance s’inverse. Si un membre d’une famille est atteint, les possibilités qu’un autre le soit deviennent plus importantes. L’origine génétique est donc supposée ainsi que l’origine environnementale : contrairement à ce qui se passe dans la maladie de Crohn, le tabac aurait un rôle protecteur. En revanche, des facteurs microbiens seraient responsables de l’apparition et de la persistance des poussées inflammatoires. L’origine immunologique (phénomène auto-immun) semble aussi plus que probable : dans plus de la moitié des cas, selon les études, la présence d’anticorps antimycoplasmes en atteste. Diagnostic On doit évoquer une RCH lorsqu’un ou plusieurs des symptômes suivants existent : – signes digestifs : la triade classique comprend 46 Professions Santé Infirmier Infirmière - No 47 - juin-juillet 2003 la diarrhée, les selles sanglantes et glaireuses, les douleurs abdominales. Ces signes apparaissent chez une patiente jeune, entre 15 et 30 ans pour la première poussée. Au démarrage, insidieux, ils touchent en premier le rectum pour évoluer vers le côlon réalisant un tableau de colite. L’émission des selles est douloureuse, plus souvent nocturne, s’accompagnant rapidement de rectorragies et de diarrhée ; – signes extra-digestifs : les manifestations articulaires rhumatismales réalisent un tableau évocateur de spondylarthrite ankylosante, voire de mono- ou polyarthrite. L’atteinte vasculaire signe une vascularite avec un risque accru de microthromboses. Atteignant 40 % des malades, les lésions cutanées peuvent réaliser une aphtose buccale mais aussi un érythème noueux. Si le foie est touché, on observe alors une cholangite sclérosante primitive susceptible d’évoluer vers un cholangiocarcinome. Les atteintes de l’œil de type uvéite, du pancréas, comme une amylose, sont possibles également. Devant un faisceau d’arguments cliniques, la biologie révèle des signes inflammatoires avec une accélération de la VS, une hyperleucocytose, une augmentation du taux de la protéine C réactive. La coloscopie montre une muqueuse œdématiée, rouge, fragilisée, saignant facilement au cours de l’examen, au contact des appareils. Les biopsies muqueuses permettent, en l’absence de signe de granulome épithélioïde, de faire la différence avec une maladie de Crohn. Diagnostic différentiel Devant ce type de pathologie, il convient d’éliminer une cause bactérienne, que ce soit un Hélicobacter, une salmonelle, une shigelle. Une amibiase comme une tuberculose doit être éliminée également. Les colites post-antibiothérapie comme une atteinte à Klebsielle, ou encore à clostridium, les colites post-AINS doivent être envisagées également. Toutes ces causes éliminées, on recherchera encore des hémorroïdes, une sigmoïdite diverticulaire. Libérale Recto-colite hémorragique Évaluation et complications Le diagnostic de RCH porté, il convient d’évaluer l’importance de la poussée : légère si le nombre des selles journalières est inférieur à 4, si elles ne sont que faiblement sanglantes, si aucun syndrome anémique n’existe et que les signes inflammatoires sont légers. La poussée est jugée sévère si un des critères suivants existe : présence d’une VS supérieure à 30 à la première heure, plus de 6 selles sanglantes par jour, syndrome inflammatoire et anémique (Hb < 10,5 g/l), existence d’un syndrome fébrile avec tachycardie supérieure à 90/mn. Selon l’importance et le rythme des poussées, sont susceptibles de se produire les complications : ainsi, lors d’une poussée sévère, peut apparaître une complication redoutable celle du mégacôlon toxique. La distension colique importante, qui peut être supérieure à 6 cm, est susceptible d’entraîner une perforation et une péritonite. Par ailleurs, l’hémorragie digestive au cours de la RCH est rare mais grave. Le risque de survenue de cancer colorectal est multiplié par 10, par 15 en cas de RCH. La surveillance endoscopique doit donc être faite tous les deux ans. Traitement Pour une RCH ne dépassant pas l’angle gauche, lors d’une poussée, le traitement est essentiellement le 5-ASA par voie basse, pendant une durée moyenne de 4 semaines. En cas d’échec, un lavement par corticoïdes en mousse peut être effec- Surveillance infirmière Les patients sous 5-ASA doivent, tous les six mois, avoir un dosage de la protéinurie et une mesure de la clairance de la créatinine. Pour la corticothérapie et les immunosuppresseurs : surveillance hématologique et hépatique. Pour les traitements au 5-ASA, les suppositoires atteignent les lésions jusqu’à 20 cm de la marge anale, les lavements jusqu’à l’angle colique gauche. En cas de lavements, il ne faut absolument pas que le patient se lève après l’administration car il doit garder la solution le plus longtemps possible. Pour les immunosuppresseurs, éviter soigneusement toute exposition solaire. En dehors des poussées, le traitement d’entretien, s’il se discute en cas d’atteinte limitée, est systématique pour une atteinte étendue. Il repose sur le 5-ASA per os à raison de 3 g/j. Lors d’une complication aiguë, ou préventivement, notamment à l’apparition d’une néoplasie, la chirurgie comprend une coloprotectomie avec iléostomie définitive ou avec anastomose iléoanale ou iléorectale. Des essais thérapeutiques récents avec des probiotiques semblent donner des résultats encourageants. tué. Si la RCH est étendue, le traitement se fait par 5-ASA par voie orale à raison de 4 g/j pendant un à quatre mois avec, si nécessaire, adjonction d’une corticothérapie orale à raison de 1 mg/kg/j pendant au moins 3 semaines. On peut également faire appel aux immunosuppresseurs. J.B. RCH et Maladie de Crohn Détection d’un cancer du côlon Le test Hemoccult® est un test de sélection (non de diagnostic) qui s’adresse à des personnes en bonne santé ne relevant pas d’autres stratégies de dépistage. De nouveaux tests de recherche d’un saignement occulte dans les selles sont à l’étude comme stratégie de dépistage. A la suite des prises de position convergentes des experts en France et en Europe (en particulier le groupe des experts cancérologues auprès de la Commission européenne), de mise au point de recommandations précises pour l’organisation du dépistage, de l’annonce du gouvernement de faire avancer sans délai le chantier du dépistage organisé du cancer colorectal, des décisions concrètes ont, semble-t-il été prises par les services concernés (DGS, DSS, CNAMTS...). Un appel d'offres permettant la mise en place du dépistage du cancer colorectal dans une dizaine de départements vient d’être ouvert. RCH Maladie de Crohn Fréquence ++ + Douleurs abdominales ++ ++++ Rectorragies ++++ + Fièvre 0 sauf poussées sévères +++ Lésions anales 0 +++ Lésions iléales 0 + Topographie Plutôt distale Plutôt proximale Fistules 0 + Type des lésions Continu discontinu Mutations génétiques Trois retrouvées 0 Traitement aux anti-TNF 0 pas de bénéfice retrouvé +++ Traitement chirurgical Guérit définitivement + ou – efficace Professions Santé Infirmier Infirmière - No 47 - juin-juillet 2003 47