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La «règle des 20%» – qui prévoit une quote-part
plus élevée pour une préparation originale dès
lors qu’il existe un générique moins cher capable
de la remplacer – a chamboulé le marché suisse
des médicaments. Elle a en outre relégué dans
l’ombre une autre règle des 20%, celle qui stipule
que la biodisponibilité du principe actif d’un gé-
nérique peut être supérieure ou inférieure de 20%
par rapport à l’original. Les autorités retiennent
donc officiellement que les génériques sont sem-
blables, mais non égaux à leur original.
Qu’impliquent les différences de biodisponibilité
entre l’original et les génériques – mais aussi entre
les différents génériques – pour la sécurité des
patients? Y a-t-il d’autres différences qui aient une
importance pour la pratique entre l’original et les
différents génériques? Comment les profession-
nels de la médecine peuvent-ils promouvoir un
traitement médicamenteux à la fois économique et
sûr? Faisant le point sur des arguments souvent
débattus, la CMPS montre que le coût ne doit pas
être le seul critère pour le choix d’un médicament.
Un choix du générique (ou de l’original) qui tient
compte non seulement du prix, mais aussi des pro-
priétés pharmacologiques, des situations cliniques
particulières et des besoins individuels des pa-
tients permet d’optimiser aussi bien la sécurité
médicamenteuse que les coûts de la santé.
Attention aux écarts entre les biodisponibilités
Les génériques qui fi gurent dans la Liste des spé-
cialités (LS) de l’OFSP, et qui sont donc réputés
interchangeables avec l’original, doivent avoir fait
la preuve de la bioéquivalence avec ce dernier. La
bioéquivalence est considérée comme démontrée
lorsque, dans une étude chez des volontaires sains,
les écarts par rapport aux valeurs correspondantes
du médicament original sont au maximum de
±20% pour les moyennes des aires sous la courbe
concentration-temps (AUC) et de ±30% pour la
concentration plasmatique maximale (Cmax). On
peut en déduire que les différences entre deux gé-
nériques peuvent être encore plus importantes,
soit près de 40% pour l’AUC dans les cas extrêmes.
Quand l’OPAS impose-t-elle la substitution à un
médicament original?
En vertu de l’article 38a de l’OPAS, la quote-part
de 20% pour des préparations originales et des
préparations co-marketing ne peut être évitée que
par la substitution lorsque la liste des génériques
de la LS contient, pour ces médicaments, des gé-
nériques interchangeables dont le prix maximum
est inférieur d’au moins 20% au prix de la prépara-
tion originale. La liste des génériques contient de
«vrais» génériques inspirés d’une préparation ori-
ginale, c.-à-d. conformes aux exigences de bioé-
quivalence à l’original mentionnées au paragraphe
ci-dessus et considérés par conséquent comme
interchangeables.
Ne sont pas inscrits dans la liste des généri-
ques de la LS les produits représentant des copies
de substances très anciennes dont il n’existe plus
de préparation originale dans le commerce, p. ex. le
paracétamol, la morphine, la péthidine, la digoxine
et la théophylline. On ignore dans quelle mesure
ils sont bioéquivalents à d’autres produits conte-
nant le même principe actif. Ils ne sont donc pas
interchangeables et ne sont pas soumis à une
quote-part plus élevée.
L’aspect clinico-pharmacologique
Dans le texte qui suit, la notion de générique se
réfère exclusivement aux «vrais» génériques.
Du point de vue pharmacologique, l’emploi
d’un générique, quel qu’il soit, ne pose pas de pro-
blèmes dans la grande majorité des cas. Ceci est
vrai pour tous les premiers traitements. On peut
alors choisir n’importe quel générique dont la voie
d’administration et le dosage sont appropriés.
Lorsqu’un traitement a déjà été initié avec une
préparation originale ou un générique, le passage
de l’original au générique et inversement, ainsi
que d’un générique à un autre générique, n’est pas
critique non plus tant qu’il s’agit de médicaments
à large marge thérapeutique administrés à des
doses standard.
Par contre, prudence avec les traitements par des
médicaments dits «à dose critique»! En font partie
les médicaments
à marge thérapeutique étroite, dont les sous-
ou les surdosages peuvent avoir des consé-
quences graves,
dont la posologie est déterminée individuelle-
ment, le cas échéant avec surveillance des
taux sanguins,
dont les taux sanguins varient fortement d’un
individu à l’autre parce qu’ils sont mal résor-
bés, subissent un métabolisme présystémique
Substitution par des génériques
Génériques – semblables, mais non égaux
Marianne Beutler, Kurt Hersberger, Ueli Honegger
62033_pJ_20_(09_12) 962033_pJ_20_(09_12) 9 28.9.2006 14:45:37 Uhr28.9.2006 14:45:37 Uhr
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ou suivent une cinétique complexe non li-
néaire.
Le tableau 1 montre les médicaments à dose criti-
que pour lesquels au moins un générique fi gure
actuellement dans la liste des génériques de la LS.
Il s’agit en tout et pour tout de 14 médicaments,
produits antinéoplasiques non compris. Ils font
partie des groupes thérapeutiques des antiépilepti-
ques, des antidiabétiques, des immunosuppres-
seurs, des antiarythmiques et des diurétiques. Une
substitution de ces médicaments commande une
grande prudence, c.-à-d. qu’elle doit s’effectuer
sous surveillance et ne jamais se faire sans l’accord
du médecin et du patient. Le choix des médica-
ments antinéoplasiques et de leurs génériques re-
lève de la compétence de l’oncologue.
Les médicaments à dose critique suivants ne sont
pas soumis aujourd’hui à l’obligation de substitu-
tion prévue par l’OPAS pour les raisons énumérées
ci-après.
Il n’existe pas de générique dans le commerce
actuellement: anticoagulants, médicaments
antirétroviraux.
Il n’existe pas de produit original auquel on
puisse se référer, c.-à-d. dont on puisse com-
parer les courbes concentration-temps à cel-
les du médicament: c’est le cas de la digoxine,
des antiépileptiques phénytoïne, phénobarbi-
tal et primidone, ainsi que du lithium (dont les
préparations commercialisées diffèrent par le
type de sel de lithium ou selon qu’il s’agit ou
non d’une forme retard).
Si un changement de médicament doit intervenir
pour d’autres raisons, les règles à appliquer sont
les mêmes que pour d’autres médicaments à dose
critique.
Les médicaments à dose critique sont particulière-
ment problématiques chez les patients
– âgés,
souffrant d’insuffisance rénale (liée notam-
ment à l’âge),
recevant un traitement complexe qui a permis
de les stabiliser, p. ex. des patients diabéti-
ques, épileptiques, asthmatiques ou atteints
de maladies cardiovasculaires;
polymédiqués (si un changement est indis-
pensable, ne remplacer toujours qu’un médi-
cament à la fois).
L’aspect pharmaceutique
Les formes galéniques spéciales, p. ex. les formes
retard ou résistantes aux sucs gastriques, ainsi que
les formes à administration nasale, pulmonaire ou
transdermique sont souvent décrites comme po-
sant des problèmes de substitution. Dans la liste
actuelle des génériques de la LS ne fi gure aucun
produit présenté dans l’une des formes galéniques
ci-dessus et contenant des médicaments critiques.
On peut par conséquent considérer que les formes
galéniques mentionnées ne sont pas un obstacle à
la substitution par des génériques, à la condition
qu’un médicament original sous forme retard ou
gastrorésistante soit effectivement remplacé par un
générique de forme correspondante.
Dans de rares cas, les excipients sont la cause
d’une mauvaise tolérance chez des patients sensi-
bles (p. ex. allergiques ou intolérants au lactose).
Une intolérance à un excipient doit être évoquée
dans tous les cas où le patient se plaint d’effets in-
désirables après un changement de médicament.
La pléthore des noms crée la confusion
L’abondance de génériques, commercialisés en
général sous un nom de fantaisie créé par le fabri-
cant, nit irrémédiablement par semer le doute
chez les patients, leurs proches, les médecins et le
personnel soignant. Les confusions et les erreurs
de prise – soit qu’un même principe actif ait été
pris plusieurs fois ou pas du tout – en sont le co-
rollaire. Ce n’est qu’une question de temps avant
que cette situation chaotique n’aboutisse à des
erreurs de noms de médicaments aux conséquen-
ces sérieuses.
Tableau 1: Médicaments à dose critique dans la liste des génériques de la LS
Groupe thérapeu-
tique
Problème Figure dans la liste des
génériques de la LS1
Antiépileptiques Marge thérapeutique étroite,
posologie ajustée individuellement
récidive de crises ou toxicité
Carbamazépine
Gabapentine, lamotrigine
Valproate2
Antidiabétiques Marge thérapeutique étroite
hypoglycémie ou hyper-
glycémie
Glibenclamide
Glimépiride2
Metformine
Immunosuppres seurs Marge thérapeutique étroite,
posologie ajustée individuellement
immunosuppression insuffi-
sante ou toxicité
Azathioprine
Ciclosporine
Méthotrexate
Antihypertenseurs Fortes variations interindividuelles
des taux sanguins
fluctuations de la tension
artérielle
Nifédipine
Antiarythmiques Marge thérapeutique étroite
arythmies
Amiodarone2
Sotalol
Diurétiques de l’anse
diurétiques épargnant
le potassium
Déséquilibre électrolytique
hypo- ou hyperkaliémie
Furosémide, torasémide
Moduretic®, spirono-
lactone
Cytostatiques Marge thérapeutique étroite
toxicité
Divers
1 État au 1.9.2006 2 Préparations co-marketing commercialisées
62033_pJ_20_(09_12) 1062033_pJ_20_(09_12) 10 28.9.2006 14:45:38 Uhr28.9.2006 14:45:38 Uhr
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C’est aussi une raison pour laquelle il faut éviter si
possible de changer plusieurs fois de générique.
Des remplacements fréquents dans le seul but de
sauver quelques francs peuvent avoir des consé-
quences négatives pour la santé des patients et des
répercussions fi nancières considérables pour le
système de santé. Pour éviter des erreurs, les géné-
riques devraient avoir pour nom de marque non
pas un nom de fantaisie, mais la dénomination du
principe actif suivie du nom du fabricant. On privi-
légiera de tels génériques lors de la substitution.
La compliance des patients: situation
Indépendamment de toute considération pharma-
cologique, clinique et pharmaceutique, il y a des
aspects pratiques et psychologiques qui sont es-
sentiels à la sûreté d’un traitement par des généri-
ques. L’adhérence (compliance) du patient joue, on
le sait, un rôle crucial dans le succès et la sécurité
d’un traitement. Plusieurs études ont approfondi
cette question. Par contre, la relation entre com-
pliance et sécurité médicamenteuse dans la substi-
tution par des génériques n’a guère été étudiée.
L’expérience des pharmaciens nous montre
toutefois que les situations suivantes peuvent po-
ser des problèmes de compliance dans la prise de
génériques.
Risque de confusion:
Celui-ci est créé par la pléthore de noms de
marque différents. La plupart des patients ne
connaissent de leur médicament que le nom
de marque, la forme et la couleur du compri-
mé. Ils ne prêtent guère attention au nom du
principe actif écrit en caractères à peine lisi-
bles sur l’emballage. Des cas relativement
fréquents de prise erronée ou multiple, voire
d’omissions ont été constatés par les pharma-
cies depuis l’entrée en vigueur de la quote-
part du patient pour les préparations origina-
les. Les personnes âgées et les patients poly-
médiqués sont particulièrement exposés.
Acceptance:
Les personnes souffrant de maladies psychi-
ques réagissent de manière très sensible à des
changements (dans la couleur, la forme, l’em-
ballage, l’odeur, le goût) de leur médicament.
Elles font souvent état de nouveaux effets in-
désirables ou d’une augmentation de tels ef-
fets après un changement.
Conseils pratiques:
La taille des comprimés, la possibilité de les
diviser ou de les broyer, la facilité de manipu-
lation de l’emballage (plaquette thermofor-
mée, acons compte-gouttes) ou la lisibilité des
indications fi gurant sur l’emballage et sur la
plaquette sont importantes pour la compliance.
La bonne pratique des génériques:
choix des médicaments
Le tableau 2 indique comment procéder à la sélec-
tion du produit pour un traitement par des généri-
ques.
Du point de vue pharmacologique, le change-
ment de médicament ne pose aucun problème
dans les traitements initiaux et de suivi par des
médicaments à large marge thérapeutique admi-
nistrés à des doses standard. Lors d’un premier
traitement, il est important de s’assurer qu’il s’agit
vraiment d’une première prescription: se pourrait-
il p. ex. que les médicaments prescrits à la sortie de
l’hôpital aient déjà été prescrits par le médecin de
famille? Le passage à un traitement de suivi par
des médicaments à dose critique ne pourra avoir
lieu que sous surveillance médicale avec l’accord
du médecin et du patient. Une information précise
du patient (mesures de surveillance, marche à sui-
vre en cas d’ineffi cacité ou d’effet indésirable) est
également nécessaire. En cas d’intolérance, songer
aux excipients comme cause possible. Enfi n, les
caractéristiques pratiques du médicament et son
adéquation au patient sont un autre critère impor-
tant pour le choix du produit.
Toutes ces considérations s’appliquent non
seulement à la substitution (remplacement d’un
original par un générique), mais aussi au passage
d’un générique à un autre.
Il faut observer à ce propos que les logiciels de
pharmacie ne font pas toujours une distinction ri-
goureuse entre les génériques de la LS, d’autres
copies de médicaments et les préparations co-
marketing. Les listes actuelles de préparations co-
marketing peuvent être consultées dans les pages
Swissmedic et Rx-Generics (cf. liens).
Liens sur le sujet:
Liste Swissmedic des
préparations co-mar-
keting: www.swiss-
medic.ch/Données sur
les produits thérapeu-
tiques/Information
sur les médicaments/
Produits et principes
actifs autorisés/Médi-
caments en co-marke-
ting
Liste des génériques
de la LS
www.bag.admin.ch/kv/
gesetze/sl/f/index.htm
Rx-Generics www.Rx-
GENERICS.ch, mot de
passe: genso02
Tableau 2: Recommandations pour le choix des médicaments
Situation thérapeutique Recommandation
Maladies aiguës Possibilité de donner un générique sans limitation
Traitement chronique
Premier traitement Possibilité de donner un générique sans limitation
Traitement de suivi par des
médicaments à large marge
thérapeutique et aux doses
standard
Possibilité de remplacer
– l’original par un générique
un générique par loriginal
un générique par un autre générique
Traitement de suivi par des
médicaments à marge
thérapeutique étroite et/ou
posologie ajustée
individuelle ment
Changement (y compris d’un générique à un
autre!) sous surveillance attentive uniquement
Changement entre médicament de base
(=original) et préparation co-marketing possible
sans surveillance
62033_pJ_20_(09_12) 1162033_pJ_20_(09_12) 11 28.9.2006 14:45:38 Uhr28.9.2006 14:45:38 Uhr
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La bonne pratique des génériques:
communication avec les patients
L’objectif est de promouvoir les génériques et en
même temps de ne pas semer le doute chez les
patients, mais au contraire de les inciter à garder
confi ance dans les médicaments et à les utiliser
correctement afi n d’atteindre ainsi une bonne
compliance. Toute substitution doit s’accompagner
d’un conseil et d’une prise en charge attentive du
patient, qui porteront en priorité sur les points
suivants:
Expliquer les différences de nom, d’apparence
et de mode d’emploi (inscrire p. ex. sur l’em-
ballage du produit de substitution: remplace
«Nom de l’original auquel le générique est
substitué»)
Remettre une notice d’information au patient
Interroger le patient sur les médicaments qu’il
prend vraiment
Procéder aux contrôles nécessaires
Proposer au patient de vérifier sa pharmacie
de ménage
Conclusions
Du point de vue pharmaceutique et médical, le
remplacement d’un original par un générique se
fait sans problème dans la majorité des cas. Une
surveillance attentive est de mise lors de la substi-
tution de médicaments à dose critique (ayant une
marge thérapeutique étroite). Une substitution
n’est judicieuse que si elle est envisagée à long
terme. Les problèmes pratiques et psychologiques
posés aux patients par la substitution sont forte-
ment sous-estimés. La confusion des patients et
des professionnels est entretenue non seulement
par l’abondance de génériques, mais encore par
l’attribution inutile de noms de fantaisie. Les
conséquences possibles sont un sentiment de
doute, une mauvaise compliance et une mise en
danger de la sécurité des patients.
En conclusion, la Commission des médicaments
exige ce qui suit:
Les génériques doivent être utilisés de ma-
nière à garantir la sécurité des patients. La
question du prix doit être subordonnée au
souci de sécurité médicamenteuse. La CMPS
rejette le principe de remettre obligatoirement
au patient le générique le moins cher. Le
choix doit porter sur le générique (le cas
échéant, l’original) le mieux adapté au pa-
tient et le mieux à même d’assurer sa com-
pliance. Dans un traitement au long cours, on
évitera de changer le générique choisi à
moins de raisons médicales ou pratiques im-
périeuses.
Tous les génériques doivent avoir pour nom
de marque non pas un nom de fantaisie, mais
la dénomination du principe actif suivie du
nom du fabricant.
Pour le bénéfice des patients et la sécurité du
traitement, les pharmaciens doivent être auto-
risés à choisir, pour des raisons pharmaceuti-
ques, médicales et de compliance, un généri-
que approprié (le cas échéant, le médicament
original) et non pas obligatoirement le géné-
rique le moins cher.
Cet article a été rédigé sur mandat de la CMPS par
Marianne Beutler, Dr pharm., directrice de la CMPS, Egg
Dr sc. nat. Kurt Hersberger, Institut de pharmacie clinique,
Université de Bâle
Prof. Ueli Honegger, Wohlen / Berne
Adresse de correspondance:
Commission des médicaments
des pharmaciens suisses CMPS
Case postale 5247
3001 Berne
Tél. 01 994 75 63
Fax 01 994 75 64
62033_pJ_20_(09_12) 1262033_pJ_20_(09_12) 12 28.9.2006 14:45:38 Uhr28.9.2006 14:45:38 Uhr
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