Graves lacunes dénoncées pour fixer les prix des médicaments

Graves lacunes dénoncées pour fixer les prix des médicaments
Willy Boder
Une commission parlementaire d’experts juge le système suisse inefficace
Le rapport d’enquête publié vendredi est très sévère. Au terme d’investigations effectuées
notamment auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), une commission parlementaire
d’experts juge le système suisse de fixation des prix des médicaments inefficace, opaque, et trop peu
axé sur le rapport coût-efficacité thérapeutique.
Comparée à celles en vigueur à l’étranger, notamment en Allemagne et en Autriche, la procédure
helvétique pour déterminer le prix des médicaments remboursés par les caisses maladie n’aboutit
pas à une prise en compte suffisante des intérêts de santé publique, constatent les experts. Près du
quart de la facture des coûts de la santé à charge des caisses maladie concerne les médicaments, soit
le recours à un catalogue de 2800 préparations vendues dans près de 10 000 emballages différents
qui occasionne des dépenses annuelles de quelque 5,5 milliards de francs.
Baisse limitée
Le système de révision des prix à la baisse, introduit en 2012, se limite à une simple répercussion de
l’effet de change face à l’euro, constate le rapport qui déplore l’absence de nouvelle évaluation de
l’apport thérapeutique à la lumière des nouveaux médicaments innovants mis sur le marché.
Logiquement, les prix des anciens médicaments devraient baisser, sans tenir compte du taux de
change, ce qui n’est pas le cas.
«La spirale ascendante des prix ne peut pas être stoppée», constatent les experts. En effet, les
entreprises pharmaceutiques obtiennent des prix majorés pour les nouveaux médicaments, sans
aucune obligation de réduire ceux des anciennes préparations brevetées. La liste des médicaments
remboursés (LS) augmente chaque année de 3% en moyenne. En quinze ans, le prix moyen d’un
emballage de médicament a quadruplé, pour s’établir à 130 francs. Durant la même période, le prix
moyen des médicaments génériques (qui remplacent les médicaments dont le brevet arrive à
échéance) a doublé, pour atteindre 42 francs.
Génériques trop chers
Les experts mettent le doigt sur la forte différence, au préjudice des consommateurs helvétiques,
entre les procédures suisse et étrangères pour fixer le prix des génériques. Le grand écart de prix
s’explique par la méthode particulière de rabais forfaitaire en pourcentage (de 10 à 60% selon la part
de marché), fixé pour le générique comparé à la préparation originale déjà sur le marché. Comme la
comparaison de prix ne se fait pas directement entre génériques suisses et génériques étrangers,
méthode utilisée pour la liste LS, cela aboutit à un surcoût important.
«Il est difficilement compréhensible que, lors de l’apparition d’un générique, le médicament original
soit toujours remboursé au prix fort par les caisses maladie», constate Felix Strebel, chef du projet
mené par le Contrôle parlementaire de l’administration. Il estime que «le système éprouvé à
l’étranger de rembourser un montant forfaitaire pour la substance active du médicament générique
fait sens».
Manque de personnel
D’autres critiques concernent le manque de moyens en personnel pour évaluer les dossiers fournis et
faire face aux revendications des entreprises pharmaceutiques. «Avec si peu de personnel il n’est pas
possible d’effectuer un contrôle sérieux», souligne Felix Strebel. En outre, le manque de séparation
claire entre l’instance qui décide (OFSP) et la Commission fédérale des médicaments (CFM), chargée
d’une évaluation du médicament selon les critères légaux d’efficacité, d’adéquation et
d’économicité, conduit à des conflits d’intérêts.
Ce constat des experts s’accompagne d’une critique sur le manque de transparence des évaluations,
principalement en ce qui concerne le rapport coût-bénéfice thérapeutique. La séparation des
pouvoirs conduit en outre à l’impossibilité de l’OFSP d’accéder au dossier d’homologation de
Swissmedic, qui contient pourtant tous les éléments liés à l’efficacité du médicament comparé, le
plus souvent, à un placebo.
Comparaison biaisée
Enfin, selon les experts, l’un des seuls moyens de pression sur les prix en Suisse, soit la comparaison
avec les prix pratiqués dans 6 pays européens, est biaisé. Le rapport dénonce en effet le fait que les
prix considérés sont ceux indiqués par le fabricant, mais pas ceux réellement obtenus par les
assureurs à l’étranger. La différence, due à des rabais importants, fausse donc, en défaveur du
consommateur suisse, ce système de pression sur les prix, que les auteurs du rapport jugent peu
efficace.
Cette expertise est publiée au moment où le conseiller fédéral Alain Berset, sous pression de
différents acteurs de la santé qui désirent une révision du mode de remboursement des
médicaments génériques, prépare une adaptation de la procédure de fixation des prix des
médicaments qui doit entrer en vigueur en 2015.
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