L’ EDIMARK, UN PEU PLUS…

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Éditorial
Génériques et immunosuppression
Generique substitution of immunosuppressive drugs
Y. Calmus*
L’
augmentation considérable des dépenses de
santé ne peut que mener à une politique de
plus en plus incitative en faveur de l’utilisation des médicaments génériques. Peu d’obstacles
­s’opposent à cette attitude quand il s’agit de médicaments classiques. En revanche, des considérations
sécuritaires, développées ci-dessous, doivent aboutir
à la modification des règles d’autorisation de mise sur
le marché (AMM) des médicaments à “fenêtre thérapeutique étroite”, comme les anticalcineurines, et à la
mise en place de principes de sécurité pour ces médicaments, même s'il est clair que la pression financière,
dans les pays pauvres, ou dans ceux dénués de systèmes
efficaces de remboursement, peut pousser les patients
à négliger ces considérations. La bioéquivalence des
médicaments génériques par rapport à la spécialité
de référence, ainsi que les possibilités de choix multiples laissés à la discrétion des pharmaciens font que
le recours à ces médicaments pose problème.
La première inquiétude des prescripteurs concerne la
bioéquivalence. En théorie, ce problème peut être réglé
par le suivi thérapeutique. Cependant, les paramètres
pharmacocinétiques utilisés pour démontrer la bio­
équivalence sont limités à l’aire sous-courbe (ASC) et
à la concentration plasmatique maximale (Cmax), pour
lesquelles les bornes de l’intervalle de confiance ont été
réduites pour les médicaments à marge thérapeutique
étroite (voir l’article de P. Marquet, pages 127-129). Mais
dans le cas des immunosuppresseurs, ces paramètres
peuvent se révéler insuffisants, car l’exposition au médicament, appréciée le plus souvent par la concentration
résiduelle (C0) ou une concentration unique, comme
la concentration à 2 heures (C2), peut varier, pour une
même valeur de C0 ou de C2, selon les formulations. En
conséquence, il est nécessaire d’évaluer la C0 (ou la C2)
et la corrélation entre ces valeurs et l’ASC. De plus, les
études de bioéquivalence sont uniquement conduites
chez des volontaires sains, dans des conditions stables,
et elles n'évaluent qu’une seule dose. Ces conditions
sont inadaptées aux patients transplantés, susceptibles
de présenter une insuffisance rénale ou hépatique pouvant interférer avec la biodisponibilité, et qui prennent
souvent d’autres médicaments, avec un haut risque
d’inter­actions médicamenteuses. Enfin, les études de
bioéquivalence ne s’intéressent pas à la population
pédiatrique alors que les génériques enregistrés chez
l’adulte, et dont le princeps est utilisé chez l’enfant,
pourront également être exploités en pédiatrie.
La seconde inquiétude porte sur l’existence de plusieurs
génériques pour un même médicament. Aucune réglementation n’oblige le pharmacien à délivrer constamment le même générique à un patient. Or, le passage d’un
générique à un autre pose des problèmes de fluctuation
des concentrations sanguines d’une part, et d’observance
d’autre part. Les divers génériques diffèrent en effet par
le nom, l’aspect, le goût et la couleur. Le générique peut
permettre de réduire le coût des traitements. Mais il ne
faut pas hésiter à rendre non substituables les traitements
quand il y a un risque majeur de non-observance.
La seule possibilité qu’a, à l’heure actuelle, le prescripteur qui souhaite refuser la substitution est d’inscrire sur
la prescription la mention “non substituable”, manuscrite
et avant la dénomination de la spécialité prescrite. Même
en procédant ainsi, le prescripteur n’est pas assuré du
résultat, et le pharmacien conserve le droit d’imposer
au patient le paiement immédiat du médicament.
Les transplanteurs peuvent faire plusieurs propositions :
✓✓Modifier les règles d’attribution des AMM pour les
génériques de médicaments à risque élevé : démonstration de la bioéquivalence chez les patients et non
pas seulement chez les volontaires sains (cela est particulièrement critique après transplantation hépatique,
cas où la biodisponibilité est faible et variable), sur un
nombre de patients déterminé en fonction de paramètres connus (variabilité intra-individuelle, notamment). Cette proposition a cependant peu de chances
d’être entendue par les organismes de régulation ;
✓✓Limiter la prescription aux médecins transplanteurs,
et ne pas autoriser la délivrance de génériques de médicaments à risque élevé par les pharmaciens ;
✓✓Encadrer la conversion d’un médicament original à
un générique par un suivi thérapeutique renforcé, et
ne pas permettre de changer de générique, une fois
le traitement commencé.
La prescription d’un traitement immunosuppresseur
nécessite donc une éducation thérapeutique optimale
des patients, et une coopération entre pharmaciens et
médecins transplanteurs. Mais l’aide des organismes
payeurs est probablement nécessaire pour éviter les
éventuels conflits entre les partenaires.
Le Courrier de la Transplantation - Vol. XIV - n° 3 - juillet-août-septembre 2014
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* Centre
de trans­plantation hépatique,
hôpital de la Pitié-Salpêtrière,
Paris.
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