même l’entrée comme visi-
teur dans un établissement de
soins n’est pas un fait anodin.
L’hôpital est un lieu sacré où
sont protégées les valeurs les
plus essentielles que sont le res-
pect de la personne, le progrès
scientifique, la protection du
plus faible, un lieu qui est le
symbole de l’engagement d’une
nation de défendre la santé et en
définitive la vie.
S’il est légitime d’exiger des per-
sonnels un haut degré de tolé-
rance pour tout ce qui concerne
la mise en œuvre de ces objectifs,
rien ne justifie la moindre tolé-
rance dans la gestion de l’ordre.
Cela commence par nombre
d’attentions ponctuelles témoi-
gnant du respect de l’autre, et par
la nécessité de mettre fin à un
certain nombre d’abus tolérés.
S’il ne fallait citer que deux
exemples, on retiendrait l’inter-
diction de fumer et certains ex-
cès dans la pratique des visites.
Le directeur d’établissement est
responsable de l’application de
l’ordre et du règlement intérieurs.
Tous les organes de concertation
interne à l’hôpital doivent être
mobilisés pour témoigner de l’ef-
fort d’ensemble de parvenir au
respect de la règle. Mais certains
faits dépassent la notion d’ordre
interne et justifient le recours aux
services de police.
2. Le respect des procédures
Les établissements, qui ne peu-
vent ignorer le phénomène d’in-
sécurité, doivent adapter leurs
procédures en distinguant le bon
fonctionnement du service, qui
renvoie aux responsabilités du
cadre, du médecin ou du person-
nel paramédical, de l’ordre in-
terne, qui relève des services ad-
ministratifs et des gardes de
l’hôpital.
Bien sûr, doit être réservé le
cas de l’urgence vraie, dans la-
quelle toute personne au sein de
l’hôpital doit prendre les me-
sures adaptées : maîtrise d’un
agité, retrait d’une arme, place-
ment en chambre d’isolement.
En dehors de ces situations, le
premier recours doit être une
organisation interne efficace. Il
ne doit exister aucune réserve
à joindre l’administratif de
garde, et à établir ensuite des
rapports d’incidents transmis
aux autorités et aux organes de
concertation.
En cas de troubles graves, et pas-
sée la phase d’extrême urgence,
doit être sollicité le recours aux
services de police. Aucun per-
sonnel soignant ou administratif
ne dispose des compétences lé-
gales pour imposer une fouille,
qu’il s’agisse d’une fouille à
corps ou de celle d’un vestiaire.
Cette tâche relève des services
de police. En revanche, l’autorité
administrative dans l’établisse-
ment est à même de demander à
une personne d’ouvrir son sac
ou son vestiaire, de montrer
qu’elle n’est pas porteuse sur
elle-même d’une arme, sauf à ti-
rer les enseignements d’un éven-
tuel refus qui peut devenir un
motif d’exclusion.
3. Savoir porter plainte
L’ équipe soignante doit tolérer
un certain nombre de déborde-
ments qui sont peu ou prou liés
à la maladie. Mais dès lors que le
seuil de l’admissible est dépassé,
la réponse doit être le droit com-
mun, à savoir l’engagement de
poursuites, le cas échéant sur le
plan pénal. Tout membre du
personnel, de sa propre initia-
tive, est en mesure de porter
plainte contre un patient ou un
visiteur qui l’aurait agressé.
Cette plainte est entièrement lé-
gitime et l’expérience établit
qu’elle est très bien reçue par les
tribunaux.
Porter plainte contre un patient
est toutefois un fait grave qui
suppose des critères objectifs
d’appréciation et une concerta-
tion préalable avec l’administra-
tion et les services de police. Sur
ces questions, les établissements
connaissent souvent une véri-
table culture de l’impunité qui
n’a pas de sens. Renoncer à por-
ter plainte contre un patient au-
teur de faits délictueux, c’est le
rejeter en dehors de la commu-
nauté des gens responsables,
ceux que l’on appelle les ci-
toyens. Comment peut-on éta-
blir une relation confiante et res-
pectueuse comme doit l’être la
relation de soin sur une base
aussi fausse ? Porter plainte, c’est
reconnaître le lien citoyen.
Porter plainte ne veut pas dire
exclusion, mais d’abord recon-
naissance de responsabilité.
Rappelons enfin la règle an-
cienne selon laquelle l’adminis-
tration doit la protection à ses
agents. L’article 11 du statut gé-
néral de la fonction publique est
clair : «La collectivité publique est
tenue de protéger les fonctionnaires
contre les menaces, violences, voies
de fait, injures, diffamations ou ou-
trages dont ils pourraient être vic-
times à l’occasion de leur fonction,
et de réparer, le cas échéant, le pré-
judice qui en est résulté ».
Ainsi, si le fonctionnaire peut
porter plainte, la collectivité
peut le faire à sa place. Elle dis-
pose d’une action directe qu’elle
peut exercer au besoin par voie
de constitution de partie civile
devant la juridiction pénale.
Parmi ces pratiques inaccep-
tables l’une d’entre elles, trop
souvent rapportée, n’a pas fait
les gorges chaudes de la presse :
il s’agit des patients refusant les
services de tel ou tel soignant
sous prétexte de couleur de
peau. Il est inimaginable de se
plier devant de tels propos. La
réponse doit être immédiate et
exemplaire : une démarche sur
le plan interne, le directeur ou
son délégué imposant le retrait
du propos, la présentation d’ex-
cuses, ou l’exclusion immédiate
de l’établissement. Il peut y avoir
en outre plainte pénale. “Loi” si-
gnifie “civilisation”. A bon en-
tendeur salut !
Gilles Devers
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Renoncer
àporter plainte
contre un
patient auteur
de faits délic-
tueux, c’est
le rejeter en
dehors de
la communauté
des gens
responsables,
ceux que
l’on appelle
les citoyens.
Comment
peut-on établir
une relation
confiante
et respectueuse
comme doit
l’être la relation
de soin sur
une base aussi
fausse ?