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© Berger/Phanie et Airelle-Joubert/Phanie
Sommaire
• Maladies rhumatismales : des coûts conséquents
• Douleur : un symptôme toujours présent
• Lombalgies : la plainte la plus fréquente
• Arthrose : un problème
de santé publique croissant
• Ostéoporose : gare aux conséquences
d’un mauvais dépistage
• Maladie de Paget : empêcher les complications
• Polyarthrite rhumatoïde : des traitements
qui changent tout
Rhumatologie
Une discipline en pleine évolution
Ces dernières années, on peut observer une
attention particulière portée aux maladies
rhumatismales. Devenues une priorité de
santé publique en raison de leur retentissement fonctionnel et du handicap qu’elles
peuvent engendrer, ces affections ont un impact majeur, tant humain que financier.
La mobilisation est générale et la recherche
particulièrement vive. Aujourd’hui, si la prise
en charge se donne des objectifs plus exigeants, c’est que, au travers des nouveaux traitements, les résultats sont au rendez-vous.
Interview du Pr Bernard Combe, du CHU de
Montpellier.
Dans la maladie rhumatismale, la douleur est un
signe d’appel constant. Elle génère l’automédication,
au mieux le recours à un médecin. On dit que c’est
normal avec l’âge. Quand faut-il consulter un
spécialiste ?
Pr Bernard Combe : Quel que soit l’âge, quand la
douleur perdure, il est important d’en repérer la cause.
Car aujourd’hui, la précocité et la finesse du diagnostic permettent de ralentir, voire de stopper l’évolution
de la maladie. Les douleurs rhumatismales ne sont pas
uniquement réservées aux personnes âgées. Ainsi, la
pathologie inflammatoire ne peut attendre d’être soulagée sans prendre le risque d’abîmer précocement
l’articulation chez un sujet jeune et de précipiter un
handicap fonctionnel. Le gonflement d’une articulation est une urgence médicale.
En ce qui concerne les douleurs osseuses, elles
sont du champ de la discipline. En effet, des douleurs inhabituelles dans la colonne vertébrale,
par exemple, doivent être prises en charge très
tôt. Car la douleur osseuse peut être un symptôme qui révèle un cancer des os.
Il est d’autant plus dommage d’attendre que le
temps joue contre la maladie. Les rhumatologues ont une bonne connaissance des affections et des nouveaux traitements qui sont à
leur disposition. Une mauvaise orientation clinique au départ entraîne des errements thérapeutiques regrettables.
Quelles sont les affections le plus souvent rencontrées par le rhumatologue ?
Pr B.C. Il y a deux familles de pathologies : les
affections inflammatoires des articulations et
celles des os.
La polyarthrite rhumatoïde (PR), qui atteint plutôt les femmes, et les spondylarthrites, qui touchent plutôt les hommes, concernent chacune
0,5 à 1 % de la population. Elles bénéficient de
nouveaux traitements. L’arthrose est importante
de par sa fréquence. Neuf à 10 millions de personnes sont atteintes en France, plus particulièrement après 40 ans et au niveau des genoux, des
hanches et des mains. Bien sûr, l’arthrose est un
phénomène normal inhérent au vieillissement.
Mais, comme il y a de plus en plus de personnes
âgées, le phénomène est amplifié.
Le mal de dos est très courant. C’est une conséquence de l’arthrose, du vieillissement mais, il atteint également des personnes en activité, dont
certaines sont soumises à des travaux pénibles.
Quant à l’ostéoporose, elle concerne 40 % des
personnes de plus de 50 ans. Ses conséquences
sont graves, car les nombreuses fractures, notamment celles du col du fémur et des vertèbres,
sont sources d’alitement, avec toutes les conséProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
Dossier réalisé
avec la collaboration de
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Rhumatologie
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quences délétères qui en découlent. Malheureusement, le dépistage n’est pas encore suffisamment pratiqué, alors que l’examen existe et que
des médicaments peuvent enrayer le processus.
Les maladies rhumatismales deviennent une
priorité de santé publique et sont la première
cause de perte de qualité de vie. Est-ce une fatalité ayant pour origine la génétique ? Y a-t-il une
place pour la prévention ?
Pr B.C. Ce ne sont pas des maladies héréditaires,
mais le facteur génétique joue son rôle. La maladie rhumatismale, notamment inflammatoire, est
polygénique. Les douleurs et la réduction de motricité contribuent à amoindrir la qualité de vie.
La maladie rhumatismale détient d’ailleurs le
triste record de première place en matière d’atteinte à la qualité de vie.
Il ne peut exister de prévention au sens où on
l’entend. En revanche, ce qui est évitable désormais, ce sont les complications. Par exemple, certains médicaments préviennent les fractures dues
à l’ostéoporose. La prévention peut s’exercer au
niveau alimentaire, grâce à un régime équilibré
riche en calcium et en vitamine D.
Dans la PR, un diagnostic précoce et un traitement approprié permettent de limiter la
destruction de l’os et de prévenir les facteurs
d’atteinte mécanique.
Le patient souffrant de mal de dos peut être éduqué en lui faisant réviser la façon d’exécuter certains gestes, surtout quand ceux-ci sont répétitifs. L’exercice physique est reconnu comme
bénéfique. Le sport, s’il n’est pas violent, est vivement recommandé. Il entretient les ligaments
et renforce les contraintes mécaniques.
Quelle est la place de la morphine pour soulager
la douleur ? Quels sont, en bref, les nouveaux
traitements ?
Pr B.C. Je suis réservé, personnellement, quant à
cette trop grande médiatisation de la morphine.
Dire que celle-ci peut tout soulager n’est pas vrai.
Il ne faut pas l’utiliser en amont sans que les soignants se posent les vraies questions. Après un diagnostic précis, il faut toujours chercher la cause de
la douleur et adapter le traitement très précisément
à la personne. La morphine n’est pas toujours bien
tolérée, et il existe des cas de iatrogénie, notamment chez les personnes âgées, auxquelles on a
tendance à en donner de façon ni raisonnable ni
raisonnée. Il ne faut pas non plus occulter certains
phénomènes psychosomatiques, qui peuvent induire des prescriptions mal adaptées. Aujourd’hui,
en ce qui concerne les maladies articulaires, il
existe des traitements dont les études les concer-
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
nant reconnaissent unanimement l’efficacité. Ils
soulagent la douleur mais agissent également sur
l’évolution de la maladie. Pour l’instant, on ne peut
parler de guérison, sinon à longue échéance. Pour
les maladies osseuses, l’objectif du soin est, d’une
part, de limiter la destruction de l’os (c’est le rôle
des biphosphonates), d’autre part de reconstruire
l’os par des agents anabolisants. L’os étant en perpétuel renouvellement, le but d’un tel traitement
est d’améliorer ce couple destruction/reconstruction. De plus, ces médicaments sont en général
bien tolérés. Bientôt, on aura à disposition ce type
de traitement dans lequel on peut moduler l’effet
en fonction de l’évolution.
Les SERMS (agonistes-antagonistes des estrogènes
de type raloxifène) qui préviennent la perte osseuse postménopausique entraînent quelquefois
des risques de nausées. Mais le bénéfice est pratiquement toujours supérieur aux inconvénients.
Pour les maladies inflammatoires, l’arrivée des
coxibs a inauguré une nouvelle classe d’AINS. Ces
médicaments font preuve d’un excellent rapport
bénéfice/risque, notamment grâce à leur bonne
tolérance digestive. Il ne faut pas oublier que les
douleurs digestives sont également une source
d’angoisse pour le patient, ce qui s’ajoute à la
douleur initiale.
Et, bien sûr, on ne peut parler de PR sans citer le
développement des biothérapies, avec les agents
anti-TNFa qui ont été la révélation de ces dernières années. Ils ralentissent de façon significative les lésions structurales ostéoarticulaires. La
qualité de vie des patients se trouve transformée,
car ces médicaments améliorent les manifestations cliniques inflammatoires et les capacités
fonctionnelles.
Quel est le rôle de l’infirmière ?
Pr B.C. Comme dans toutes les pathologies chroniques générant douleur et handicap, le rôle infirmier se trouve d’abord dans l’écoute et aussi
dans le suivi de l’observance. On l’a vu dans la
transcription de la douleur, qui n’est pas toujours
facile. Ensuite, il faut distinguer les médicaments
administrés à l’hôpital de ceux prescrits en ville.
Dans le traitement de la PR à l’hôpital, on emploie
des médicaments par voie injectable, qui nécessitent une surveillance de deux heures à cause des
répercussions allergiques. A domicile, les injections sous-cutanées doivent être administrées selon un certain mode. Elles peuvent entraîner des
intolérances locales et, surtout, un risque infectieux. Pour cela, il faut bien éduquer le patient qui
souhaite effectuer seul son injection sur le bon
geste et sur les précautions à prendre.
Propos recueillis par Andrée-Lucie Pissondes
Maladies rhumatismales
Des coûts conséquents
L’exercice de la rhumatologie s’est profondément modifié depuis ces dix dernières années. Un
nombre croissant des motifs de consultation ou d’hospitalisation apparaît comme étant d’ordre
rhumatologique. Pourtant, l’incidence des maladies rhumatismales est encore sous-évaluée
en France. Une faible létalité, loin derrière les maladies cardiovasculaires, les infections, le
sida, en est peut-être l’une des causes.
tissus conjonctifs qui lui sont associés, de même
que les affections touchant les régions périarticulaires. Ainsi, cette spécialité implique un savoir
multidisciplinaire. Des notions de pronostic et de
prophylaxie, une expérience des indications chirurgicales font partie de ce savoir. Mais la dimension médicosociale de ces affections particulièrement douloureuses et invalidantes, mettant en
jeu la qualité de vie, ne peut pas être occultée.
C’est souvent à la fin d’une consultation pour
hypertension artérielle, pour hyperlipémie ou
autre que le patient signale des douleurs articulaires. Cela participe à la méconnaissance de l’incidence des maladies rhumatismales, qui sont
souvent associées à plusieurs pathologies. Elles
ne sont pas toujours en première ligne et ne présentent donc pas une importance évolutive dans
la durée, pas plus qu’une urgence de l’instant.
Douleur et handicap
La rhumatologie est au deuxième rang des
pathologies les plus coûteuses. Cependant, calculer, en termes d’économie de santé, son coût
réel n’est pas simple. Or, les rhumatismes sont
cause d’un handicap majeur du fait de l’importance des douleurs et de l’invalidité motrice pour
certaines affections, d’autant plus croissantes que
la population vieillit.
En tête de liste des diagnostics lésionnels, existent deux maladies chroniques que sont l’arthrose du genou (12,9 % des motifs de consultation) et la polyarthrite rhumatoïde (11,8 %)
suivies par les deux maladies aiguës que sont
la tendinobursite du membre supérieur (1,8 %)
et la sciatique commune (9,8 %). Viennent ensuite l’ostéoporose (7 %) et la spondylarthropathie (6,1 %). Ces six diagnostics, relatifs à des
pathologies fortement invalidantes, représentent près de 60 % des diagnostics principaux en
rhumatologie*.
© Demri-Sellem-Voisin/Phanie
a rhumatologie est une discipline prenant en
charge les maladies, les douleurs et les dysLfonctionnements
de l’appareil locomoteur et des
A cela s’ajoutent les prises en charge d’autres pathologies liées à l’appareil locomoteur : arthrose
de la hanche, arthrite infectieuse, fibromyalgie,
maladie de Paget, etc.
Pour tenter d’évaluer l’importance des coûts
liés à la pathologie, il faut tenir compte de plusieurs facteurs. Ceux liés aux coûts directs
concernent l’argent dépensé en consultations
médicales, en examens de laboratoires, en explorations radiologiques, en achats de médicaments. A côté de ces coûts directs, les coûts indirects consistent en indemnités journalières
pour incapacité de travail liée à l’affection, ceux
résultant de la perte de productivité (plus difficilement chiffrables dans une population active en partie seulement). Enfin, les coûts intangibles sont liés à l’évaluation de la douleur,
de la souffrance physique et morale, du vécu au
quotidien du handicap. Leur calcul est encore
plus complexe, leur interprétation bien délicate. La pathologie rhumatismale, deuxième
source de dépenses de santé du pays par ses
coûts directs (après les maladies cardiovasculaires), se place en tête quand les coûts indirects
sont indifférenciés.
Jacques Bidart
* Source : Société française de rhumatologie.
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Rhumatologie
Douleur
Un symptôme toujours présent
Dans les maladies rhumatismales, on distingue classiquement les traitements symptomatiques
et les traitements de fond. Les premiers n’ont aucun effet sur la maladie. Ils visent surtout à
soulager les douleurs toujours présentes, à un moment ou l’autre de l’évolution de la maladie, et qui peuvent être intenses, voire invalidantes.
a maladie rhumatoïde est très souvent douloureuse, douleur qui peut aller jusqu’à être
Lla cause
d’un syndrome dépressif. C’est pourquoi
l’écoute prend de l’importance, d’autant que les
patients veulent en savoir plus sur leur maladie,
sur les traitements et les effets indésirables de
ces derniers. Entre autres exemples, il faut savoir
que le méthotrexate peut être responsable de
troubles digestifs (nausées, vomissements), sanguins (baisse du nombre des globules blancs et
des plaquettes), hépatiques ou respiratoires, avec
une traduction clinique. Ces troubles doivent
être dépistés le plus tôt possible. De même, la
prescription de plus en plus fréquente des traitements biologiques comme les médicaments
anti-TNFa, administrés par voie injectable, demande un dépistage précoce des signes infectieux qui justifieront l’arrêt momentané de ces
médicaments et une consultation médicale rapide. Les infirmiers sont bien placés pour relayer
l’information au médecin généraliste et au rhumatologue, mais en s’informant aussi auprès des
kinésithérapeutes et des ergothérapeutes.
Les traitements
Dans les maladies rhumatismales chroniques, on
distingue les médicaments qui traitent des symptômes et ceux qui agissent sur la progression de
l’affection. Dans tous les cas, il s’agit de soulager
la douleur, pratiquement toujours présente et
plus ou moins intense à un moment de l’évolution de la maladie. Les traitements contre la douleur s’administrent en tenant compte des paliers
douloureux qui peuvent se mesurer à l’aide
d’échelles visuelles analogiques (EVA).
Les antalgiques utilisés en premier lieu sont le
paracétamol, antalgique pur utilisé soit seul, soit
associé à la codéine ou aux opiacés.
Les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS),
malgré leurs effets secondaires possibles, sont
préférables à l’aspirine, qui nécessiterait des
doses trop importantes. La nouvelle classe des
anti-inflammatoires que constituent les cox-2
semble mieux tolérée sur le plan digestif. Les
anti-inflammatoires stéroïdiens ou les corticoïdes
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peuvent s’imposer devant des formes sévères de
polyarthrite rhumatoïde (PR), soit face à des
formes résistantes aux autres antalgiques, soit en
cas de contre-indication absolue aux AINS.
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a défini trois paliers de douleur, eux-mêmes divisés
en phases, auxquels elle associe certaines familles
de médicaments.
Les médicaments de palier I
Les médicaments de palier I sont à utiliser pour
traiter les douleurs faibles à modérées, d’origines
nociceptives, et en l’absence de contre-indication.
• Le paracétamol est un analgésique d’une durée d’action de 4 à 6 heures. Par voie orale ou rectale, il fait preuve d’une bonne tolérance (rares
cas d’allergie). L’insuffisance hépatique sévère est
une contre-indication.
• Le proparacétamol est utilisé par voie parentérale. Son utilisation ne se conçoit que si la voie
orale est impossible, car son efficacité est identique
à celle du paracétamol par voie orale. Le port de
gants est nécessaire (risque d’eczéma de contact).
• L’acide acétylsalicylique (aspirine) est antalgique, antipyrétique, anti-inflammatoire, mais
aussi antiagrégant plaquettaire à partir de 50 mg
par heure. Les présentations existantes sont disponibles à divers dosages par voie orale ou injectable. Les effets secondaires sont : une toxicité
digestive, des saignements aggravés par l’effet antiagrégant plaquettaire, des réactions d’hypersensibilité, des bourdonnements d’oreille. L’ulcère
gastroduodénal en évolution, les maladies
hémorragiques constitutionnelles ou acquises,
l’allergie avérée aux salicylés, une grossesse à partir du sixième mois sont des contre-indications.
• La floctafénine, à la dose de 400 à 800 mg par
jour, présente l’avantage d’une absence d’effet
ulcérogène et d’interférence avec les anticoagulants
mais de possibles réactions allergiques interdisent les prises uniques itératives.
Les médicaments de palier II
Les opioïdes faibles de palier II sont à utiliser
pour les douleurs modérées à intenses.
• Le dextropropoxyphène est un dérivé morphinique qui peut être administré en association
avec le paracétamol, par voie orale ou rectale. Il
existe des risques de : nausées, vomissements,
douleurs abdominales, constipation, céphalées,
vertiges, somnolence, désorientation, euphorie,
hypoglycémie chez le sujet âgé et/ou diabétique,
hépatite cholestatique. Les contre-indications
sont l’insuffisance rénale ou hépatique sévère,
l’allergie au produit ou au paracétamol associé,
la prescription à l’enfant de moins de 15 ans et
en cas d’allaitement, de même que la prise concomitante de dérivés agonistes/antagonistes de carbamazépine et d’inhibiteurs de la mono-amineoxydase (IMAO).
• La codéine est un analgésique central de type
morphinique pris en association avec le paracétamol et/ou l’aspirine, par voies orale et rectale.
On peut craindre la constipation et un risque de
dépendance si la prise est prolongée. La prudence est de mise en cas d’hypothyroïdie, d’insuffisance rénale ou de traitement associé par dépresseurs du système nerveux central, en cas de
grossesse ou d’allaitement, et chez les moins de
15 ans (sauf le sirop pédiatrique). Parmi les
contre-indications : l’insuffisance respiratoire,
l’asthme, l’insuffisance hépatique ou rénale sévère, l’enfant âgé de moins d’un an, l’hypersensibilité à la codéine (croisée avec la dihydrocodéine) ou aux produits associés.
• La dihydrocodéine est un antalgique central
dont les précautions d’emploi sont proches de
celles de la codéine et de la morphine.
• Le tramadol est un analgésique central de type
morphinique qui se présente par voie orale, à libération immédiate ou prolongée, et par voie
injectable. Sa tolérance est de type morphinique.
Il faut prendre garde aux précautions d’emploi
chez des malades dépendants des opioïdes et
chez ceux présentant un traumatisme crânien,
un état de choc, une altération de la conscience,
une hypertension intracrânienne, une insuffisance respiratoire, des risques de convulsions.
Le tramadol est à éviter en cas d’hypersensibilité, de sevrage aux opiacés, d’épilepsie non
contrôlée, d’allaitement, et chez l’enfant de
moins de 15 ans.
• La buprénorphine est un agoniste-antagoniste
morphinique qui se présente en solution injectable ou en comprimé à placer sous la langue
sans le croquer ni l’avaler.
• Le néfopam est un analgésique central non
morphinique ne provoquant ni accoutumance,
ni dépendance, sans action antipyrétique ou
anti-inflammatoire. Il ne faut pas l’associer aux
atropiniques.
Il ne faut pas arrêter les morphiniques brutalement chez un malade dépendant à cause d’un
risque de sevrage. L’épilepsie, l’adénome prostatique, le glaucome sont des contre-indications.
Les médicaments de palier III
Les opioïdes forts de palier III sont à utiliser pour
les douleurs intenses.
• La morphine sulfate est un agoniste morphinique actif sur les récepteurs “mu”, “delta”
et “kappa”. La morphine bloque les synapses
dans le cheminement central de la douleur. Elle
inhibe notamment les relais thalamiques et les
projections corticales. La dose initiale doit
être faible puis augmentée progressivement,
jusqu’à l’obtention du meilleur compromis
efficacité/tolérance. Elle génère de nombreux
effets secondaires qu’il faut savoir anticiper
(surtout la constipation). Le myosis serré aréactif est un signe de surdosage. La dose maximale
est atteinte lorsque les effets indésirables ne
sont plus contrôlés et que la douleur n’est pas
soulagée. Les contre-indications absolues sont
l’hypersensibilisation à la morphine et l’association aux agonistes-antagonistes, aux agonistes partiels, et aux I MAO . Toute douleur
intense, quel que soit le stade de la maladie,
soit après échec des traitements antalgiques antérieurs, soit, d’emblée, en cas de douleur intense, doit la faire prescrire. La voie orale est à
privilégier, car elle est efficace chez 80 % des
malades.
• La morphine chlorhydrate est à réserver aux
difficultés de la déglutition, aux vomissements et
nausées non contrôlés, à la malabsorption
digestive, aux troubles de la conscience.
• L’hydromorphone chlorhydrate est un agoniste
morphinique spécifique des récepteurs “mu”.
• Le fentanyl chlorhydrate est un analgésique
morphinomimétique et agoniste pur prescrit
chez les patients naïfs et les patients déjà traités par les morphiniques, en faisant la conversion des doses morphiniques en équivalent
fentanyl.
Il s’administre en cas de douleur chronique
stable intense ou rebelle aux autres antalgiques, la douleur aiguë étant une des contreindications.
• La péthidine est un analgésique morphinomimétique dont la prescription est actuellement
limitée aux douleurs intenses et/ou rebelles.
D’autres médicaments sont des coanalgésiques.
Ce sont : les antidépresseurs tricycliques ; les
antidépresseurs antisérotoninergiques dominants qui agissent par inhibition du recaptage
de la noradrénaline et/ou de la sérotonine ; les
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Rhumatologie
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antiépileptiques dont l’action s’exerce sur le
blocage des canaux sodiques.
Les AINS
Tous les AINS présentent des propriétés antalgiques, antipyrétiques et anti-inflammatoires
par inhibition de la cyclo-oxygénase (cox), qui
est une prostaglantine-synthétase. La découverte de la cox de type 2 a permis de distinguer
les AINS classiques, inhibiteurs de la cox-1 et de
la cox-2, et les coxibs, qui n’inhibent que
la cox 2. Les propriétés de ces produits sont
fonction des propriétés des deux types de cox,
et donc du type de la cox qui est inhibée. Les
AINS sont nombreux, se présentent sous diverses
formes galéniques, ont une durée d’action variable et, de ce fait, permettent le changement
de médicaments en fonction de leur tolérance
et de leur efficacité. Ils appartiennent à diverses
familles : salicylés, pyrazolés, indoliques, propioniques, arylcarboxyliques, fénamates, oxicams, et coxibs, plus récemment. Le risque majeur des AINS est leur toxicité digestive, avec le
risque d’ulcère gastroduodénal, d’hémorragies
et/ou de perforations, d’anémie. Ces risques
sont moindres avec les coxibs.
Actuellement, seuls deux coxibs sont commercialisés en France (célécoxib et rofécoxib), avec,
pour chacun, deux indications : la PR et l’arthrose. Toutes les études confirment leur supériorité d’action par rapport à celle du placebo et
leur action comparable à celle des AINS classiques de référence. De plus, l’efficacité est globalement superposable aux AINS de référence :
le diclofénac et le naproxène. Les nouveaux
coxibs, l’étoricoxib et le valdécoxib se sont également montrés efficaces dans le traitement de
l’arthrose et de la PR.
Les coxibs ont pour avantage la réduction du
risque digestif et du risque pseudo-allergique.
En revanche, les troubles fonctionnels (dyspepsies, nausées, gastralgie) restent courants et
presque aussi fréquents qu’avec les AINS dans les
essais cliniques.
La toxicité rénale des coxibs est comparable à
celle des AINS classiques et se développe surtout
chez les sujets à risque. La rétention sodée peut
être à l’origine d’un œdème périphérique et
d’une hypertension artérielle.
Récemment, une étude américaine, l’étude VIGOR,
est venue semer le trouble sur l’intérêt des
coxibs en mettant en évidence une augmentation des infarctus du myocarde dans un groupe
de malades traités par le rofécoxib comparativement au naproxène. Comme il est impossible, aujourd’hui, de conclure quant à l’origine
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
de l’augmentation de ces accidents coronariens,
il existe un consensus sur la nécessité d’une
prescription concomitante d’aspirine à faibles
doses s’il y a une indication cardiovasculaire
lors d’une prescription de coxibs.
Cependant, compte tenu de leur coût, les
coxibs se limitent aux malades présentant un
risque au niveau digestif.
Les glucocorticoïdes
Les glucocorticoïdes ont une action antiinflammatoire qui s’exerce par induction de la
synthèse de lipocortines. Ceux-ci bloquent
l’action de la phospholipase A2, enzyme clé de
la production des eicosanoïdes et, en particulier, des prostaglandines E2 et des leucotriènes
B4 pro-inflammatoires. L’effet immunomodulateur est dû à une inhibition de la sécrétion
des cytokines impliqués dans la réponse immunitaire, à la modulation des récepteurs
membranaires des cellules immunocompétentes et à un effet toxique direct sur les lymphocytes activés.
Les produits sont divers mais le corticoïde de
référence reste la prednisone, dont le métabolite actif est la prednisolone. La posologie varie
selon les indications, et les effets secondaires
sont nombreux : métaboliques, cutanés, ostéoarticulaires, infectieux, oculaires, digestifs. L’insuffisance surrénale constitue un risque en cas
de corticothérapie prolongée à fortes doses et le
syndrome de sevrage est parfois difficile à distinguer d’une poussée de la maladie traitée.
Certaines précautions sont à prendre : régimes
hyposodés, pauvres en graisses et en glucides,
riches en protides et en potassium. Une mobilisation est recommandée ainsi qu’une prescription de calcium et de vitamine D. Il en est
de même pour une protection gastrique en cas
de gastralgie ou d’antécédent ulcéreux ou
hémorragique digestif.
• La corticothérapie locale connaît des complications (arthrite septique, atrophie locale avec
dépigmentation, ostéonécrose, hypercorticisme). Ses indications sont nombreuses en
pathologie articulaire (rhumatismes inflammatoires). Les contre-indications absolues sont
l’infection locale ou générale, la présence de
prothèse, l’allergie vraie et un état d’hypocoagulabilité sévère ; plus relativement : le diabète
de type 1, l’ulcère gastroduodénal évolutif, l’immunosupression et autres contre-indications de
la corticothérapie générale.
A.-L.P.
D’après les communications lors du Congrès de la SFR.
Lombalgies
La plainte la plus fréquente
Les lombalgies représentent en France le deuxième motif de consultation médicale. Elles sont
à l’origine de 25 à 35 pour 1 000 des consultations en médecine générale, 8 % des actes
radiologiques, 30 % des actes de kinésithérapie. Si l’on interroge la population française, 70 %
des personnes ont souffert ou souffrent du dos.
affection est aiguë, mais elle devient vite récurrente puisque le taux de rechute se situe
L’
en moyenne entre 60 et 85 %. Cette prise en
charge dans son ensemble représente un coût
conséquent, car elle est responsable de 12 millions de jours d’arrêt de travail (13 % de l’ensemble) avec, pour 20 % de personnes atteintes,
l’obtention d’une rente au titre de l’invalidité.
Conduite à tenir
Le diagnostic d’une lombalgie est facile dès l’interrogatoire, sinon à l’examen clinique montrant
la limitation douloureuse des mouvements rachidiens. La conduite à tenir est codifiée par une
recommandation de juin 1990 de l’ANAES : “en
dehors d’une urgence, il n’y a pas lieu de demander d’examen d’imagerie dans les 7 premières semaines d’évolution, sauf quand les modalités du traitement choisi (manipulation et
infiltration) exigent d’éliminer formellement
toute lombalgie spécifique. Dans la lombalgie aiguë, comme dans la lombosciatique, les traitements médicaux visant à contrôler la douleur
sont indiqués. Ce sont les antalgiques, les antiinflammatoires non stéroïdiens, et les décontracturants musculaires.”
Le traitement est donc essentiellement médical
au début. Les antalgiques de niveau 1 sont utilisés à ce stade, avec une escalade thérapeutique
qui est fonction de l’évolution des symptômes.
Le repos au lit n’est plus de mise, il peut même
être facteur de risque de passage à la chronicité.
A ce stade, l’efficacité des massages est nulle, l’intérêt des manipulations non négligeable. Ce n’est
qu’au bout de 7 semaines, si la douleur persiste,
que l’imagerie médicale est appelée à la rescousse, soit 7 % des lombalgies. La radiographie
standard n’est pas utilisée à titre diagnostique
mais essentiellement pour éliminer une pathologie telle qu’une spondylodiscite infectieuse, un
tassement vertébral bénin ou métastatique. Les
clichés doivent comprendre une incidence de
profil et un grand cliché lombaire en position
debout. Selon les références médicales opposables de 1993 : “il n’y a pas lieu de pratiquer un
scanner et/ou une IRM lombaire devant une lombalgie aiguë ou un lumbago d’effort en dehors
des cas où les données cliniques et/ou paracliniques font craindre une lombalgie symptomatique (infectieuse, tumorale, inflammatoire)”.
Lorsque le traitement médical s’avère insuffisant,
la crainte est d’avoir affaire à une protrusion discale ou hernie (cf. encadré). Un geste technique
peut alors être engagé : une infiltration sous
contrôle scopique par le spécialiste, voire une intervention chirurgicale curative.
Les signes de hernie discale
Chez un patient aux antécédents de lumbago, la
survenue est brutale, souvent déclenchée par un
effort violent. On retrouve l’existence d’une attitude antalgique et la coexistence d’anomalies
des réflexes et de troubles sensitivomoteurs à
l’examen.
Infiltrations rachidiennes
Effectuées dans le cadre de lombalgies communes chroniques, les infiltrations sont de
pratique courante en rhumatologie. Elles nécessitent un certain nombre de précautions pour atteindre, sans risque, leur efficacité
thérapeutique.
Devant une lombalgie chronique résistant aux
traitements anti-inflammatoires et antalgiques
classiques, l’indication d’infiltrer peut être portée par le praticien. Il peut s’agir également d’une
lombalgie commune, d’une sciatique, liée ou non
à un conflit discoradiculaire, à une arthrose postérieure, à un canal médullaire étroit. Avant de
pratiquer une infiltration, il faut d’abord s’assurer de l’absence de contre-indications, à savoir
l’existence d’une métastase osseuse ou d’une infection locale ou générale. Il faut aussi s’assurer
de l’absence de troubles de la coagulation, qui
peuvent être liés à la prise d’anticoagulants per
os. Le cas échéant, un relais doit être pratiqué au
moyen des HBPM (héparines de bas poids moléProfessions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
●●●
27
Rhumatologie
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culaire). Les précautions d’emploi sont liées à
l’existence de pathologies sous-jacentes pouvant
mal supporter l’injection, tels une hypertension
artérielle, un diabète mal équilibré, un ulcère
gastroduodénal.
Un bilan radiologique est nécessaire et suffisant
avant d’infiltrer. La pratique d’examens biologiques est utile pour vérifier l’état du patient.
Le plateau technique comprend le matériel à
usage unique, c’est-à-dire gants stériles, compresses, masque et casaque, selon le lieu d’infiltration. Les seringues seront de 5 ml, les aiguilles
à ponction de 7/10 à 9/10 mm et de 75 à 90 mm
de long, voire des aiguilles intramusculaires. Les
médicaments injectés sont en général des dérivés cortisoniques.
Réalisation
Le patient, idéalement au repos depuis 24 à
48 heures, peut être prémédiqué per os ou par
injection d’anxiolytiques s’il est particulièrement
anxieux. Il est communément placé assis ou en
décubitus latéral et cyphose lombaire. L’asepsie
doit être soigneuse (port de gants, désinfection
cutanée par antiseptique iodé et alcool à 70o).
L’injection est pratiquée en s’assurant de l’absence d’effraction vasculaire par aspiration
préalable. Selon la pathologie visée, la voie
d’abord est différente. La plus courante est la voie
interépineuse. Elle cible directement la zone pathologique et permet un soulagement quasi immédiat. Elle se pratique le plus souvent à l’aide
d’aiguilles intramusculaires. L’infiltration épidu-
rale s’effectue par le premier trou sacré, le patient
étant en décubitus ventral. Son indication préférentielle est la sciatique S1. Les infiltrations articulaires postérieures, intradurale et périradiculaire ne sont effectuées qu’en milieu hospitalier
et sous repérage scopique. Quant à la nucléolyse
à la papaïne, elle ne peut plus se pratiquer depuis l’arrêt de commercialisation de la papaïne.
Résultats
Souvent, dès la première infiltration, la douleur
cesse et le soulagement est immédiat. Cependant, il peut être nécessaire, si le résultat est insuffisant, d’en pratiquer une deuxième, avec, en
général, un délai d’une semaine entre deux injections. Le plus souvent pratiqué sans inconvénient, le geste lui-même peut provoquer des
complications. L’infection cutanée est due essentiellement à un défaut d’asepsie locale et se déclenche entre 24 et 48 heures après le geste technique. Rare, elle est quasi exceptionnelle. Plus
fréquente en revanche, la douleur survenant immédiatement après l’injection est due à des réactions microcristallines articulaires. En général,
elle cède en 24 à 48 heures. L’hématome au point
d’injection est, lui, anodin et cesse sous pansement alcoolisé ou grâce à l’application d’une
pommade hémostatique.
D’autres manifestations de type général sont possibles avec des bouffées de chaleur, des céphalées. Elles cèdent spontanément en 48 heures et
sont sans conséquence.
J.B.
Arthrose
Un problème de santé publique croissant
Vingt à 40 % de la population souffrent d’arthrose, soit entre 4 et 5,5 millions de personnes. Son
importance croissante est liée en grande partie au vieillissement de la population. Le handicap
qui en résulte va donc devenir un problème de santé publique majeur dans les années à venir.
arthrose est une maladie du cartilage dont
l’origine est double : une atteinte directe, et
L’
c’est l’arthrose primaire ; une atteinte provenant
d’une lésion voisine tendineuse, par exemple, et
c’est l’arthrose secondaire. Ce n’est donc pas, à
proprement parler, une lésion liée à l’usure. Le
cartilage, en effet, comme tout tissu vivant, se renouvelle en permanence. Il est composé de deux
constituants principaux.
• La matrice cartilagineuse, qui assure les fonctions d’articulation entre les os, doit être lisse
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
pour assurer le glissement, élastique pour s’adapter aux pressions subies, résistante pour supporter les chocs reçus. Elle est formée de réseaux de
fibres de collagène qui emprisonnent des sucres,
les protéoglycanes, très riches en eau.
• Parallèlement, existent des cellules qui assurent, après sa destruction, le renouvellement de
cette matrice. Ainsi, la membrane synoviale débarrasse l’articulation des déchets de matrice cartilagineuse, les transforme en molécules suffisamment petites pour être relarguées dans les
urines. L’autre fonction de la membrane est de fabriquer l’acide hyaluronique, sorte de lubrifiant
articulaire, et de synthétiser les enzymes chargés
de la destruction cartilagineuse en collaboration
avec les chondrocytes.
Comment se produit l’arthrose ?
Des facteurs prédisposants ou déclenchants existent. Il sont d’abord génétiques. Ainsi, une fille
est plus susceptible de souffrir d’arthrose si sa
mère ou sa tante en sont atteintes. Mais ce ne sont
pas les seuls facteurs. En fait, toute anomalie tendineuse, ligamentaire (ligaments croisés pour le
genou), osseuse (maladie de Paget), voisine
d’une articulation, est potentiellement apte à
provoquer une arthrose secondaire. Tout traumatisme répété, toute dépense physique traumatisante trop souvent reproduite, tout surpoids
sont des facteurs de risque d’arthrose.
Au début, chez un patient jeune, l’atteinte est limitée, voire réversible. Avec le vieillissement, si
la cause demeure, les lésions s’accroissent, leur
réparation devient alors plus aléatoire. Vont se
succéder des phases successives de destruction
rapide et d’autres de stabilisation de l’état antérieur. Chaque aggravation de la chondrolyse est
accompagnée d’une aggravation des signes cliniques. En plusieurs décennies, le cartilage peut
ainsi totalement disparaître. Chaque poussée inflammatoire douloureuse doit donc être combattue en tant que signe majeur d’une atteinte
évolutive cartilagineuse.
Diagnostic
Le premier signe révélateur de l’arthrose est la
douleur, une douleur mécanique survenant à l’effort ou déclenchée par celui-ci. Le repos, en
revanche, la fait disparaître, ce qui permet au
patient de passer des nuits correctes sans la
recrudescence douloureuse du petit matin
observée dans les arthrites. Au réveil, une certaine
raideur articulaire nécessite un dérouillage matinal. L’atteinte peut concerner plusieurs articulations. Par ordre de fréquence : les doigts (articulations interphalangiennes distales, contrairement
à la PR), les genoux, les hanches. L’atteinte est
aussi possible sur la colonne vertébrale (spécialement les régions cervicales et lombaires), les
pieds ; en fait, toute articulation est concernée.
L’examen retrouve une certaine perte de mobilité
articulaire, avec, éventuellement, un épanchement. Cette impression clinique est confortée par
la radiologie. Les radiographies, de préférence
effectuées en charge, révèlent un pincement articulaire, la présence d’ostéophytes, d’une condensation de l’os et de géodes sous-chondrales.
Facteurs de risque d’arthrose
En premier lieu vient l’obésité, puis le vieillissement, le sexe (les femmes sont plus souvent
atteintes que les hommes, pour les doigts et
les genoux surtout), la ménopause (la disparition
des sécrétions hormonales vulnérabilise la
femme), l’ostéoporose (facteur favorisant).
En second lieu : une charge prolongée sur l’articulation, qu’elle soit d’origine professionnelle
(carreleurs) ou sportive ; un trouble de la statique
des membres (raccourcissement) ou de la colonne
vertébrale (déformation des courbures) ; des traumatismes ou problèmes tendineux à répétition.
Traitement
Le traitement contre l’arthrose présente deux objectifs : assurer l’antalgie et éviter, ou au moins
limiter, l’ankylose articulaire.
Les antalgiques de niveau I, II, voire III, sont utilisés en traitement général en fonction du tableau
clinique, des antécédents du patient. Pour lutter
contre les poussées inflammatoires, on prescrit
les anti-inflammatoires. Ils agissent en inhibant
la production enzymatique de cyclo-oxygénases 1 ou 2. D’abord, sont utilisés les AINS généraux, qui bloquent les deux cyclo-oxygénases.
Les sélectifs, eux, n’agissent que sur l’une ou
l’autre des enzymes. En traitement de fond protecteur contre la chondrolyse, des médications
telles que le sulfate de chondroïtine ou la diacéréine sont prescrits. Ils semblent avoir un effet ralentisseur sur l’évolution de la maladie.
Les traitements locaux sont utilisés comme adjuvants des traitements généraux ou lorsque ces
derniers ont échoué. Il s’agit d’infiltrations de
glucocorticoïdes précédées ou non d’un lavage
articulaire.
●●●
Quand envisager le recours à la prothèse ?
Quatre éléments doivent être pris en compte pour
décider d’une intervention chirurgicale.
1/ La douleur et la gêne fonctionnelle sont importantes et résistent aux divers traitements employés. 2/ La radiographie articulaire montre une
arthrose qui s’aggrave. 3/ Aucune maladie sousjacente pouvant interdire la pose d’une prothèse
ne doit exister. 4/ Le patient, qui doit connaître
les risques opératoires, décide de la date de
son intervention en fonction de son propre vécu
douloureux.
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
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Rhumatologie
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Comment choisir et régler sa canne
Il existe plusieurs modèles de cannes.
• La canne simple est munie d’une poignée qui peut
être de formes diverses. Certains modèles existent en
version pliante ou téléscopique.
• La canne anglaise est munie d’une poignée avec
contre-appui au niveau de la partie postérieure de
l’avant-bras. Elle présente une zone d’appui supérieure
à celle de la canne simple.
• Lorsque l’équilibre est difficile, d’autres types d’appui
sont souhaitables, comme ceux de la canne tripode, utile
en cas de polyarthrite.
• Plus stables encore, les déambulateurs pliants ou
non permettent de mieux passer les obstacles.
Une fois choisis, tous ces modèles doivent être réglés en
fonction de la morphologie du patient.
Le coude fléchi à 30o, la poignée bien en main doit se situer à peu près au niveau de l’entrecuisse. Ces repères
sont valables pour la canne simple comme pour les dé-
Plus récemment, sont apparues des préparations
à base d’acide hyaluronique. C’est un lubrifiant
articulaire naturel qui, souvent, fait défaut, d’où
l’idée d’en ajouter. Leur effet articulaire est moins
antalgique à court terme que protecteur des atteintes cartilagineuses à long terme.
Les cures thermales, voire la thalassothérapie,
permettent parfois de noter une amélioration articulaire, avec un retour à des amplitudes fonctionnelles correctes.
ambulateurs, qui disposent de plusieurs niveaux
de réglage.
Bien réglée, comment utiliser la canne ? Elle doit
être placée du côté sain et le patient doit la faire
se mouvoir en même temps que la jambe malade.
Lorsque deux cannes sont en jeu, la technique
employée doit être celle du pas simulé. En effet, il
ne faut pas sauter le pas mais appuyer successivement, sans forcer, sur les deux pieds, sans insister sur le côté malade. On pose d’abord le pied
sain, on avance ensuite les deux cannes simultanément à la jambe malade. Le talon malade est
posé au sol, sans appui ferme pour le ménager.
Tout le poids est alors supporté par les cannes. Il
faut faire en sorte que la jambe malade n’avance
pas tendue mais souple, avec un mouvement de
flexion-extension, comme pour un pas normal,
d’où le nom du pas dit “simulé”.
Lorsque rien n’a marché, que la gêne fonctionnelle
et/ou que la douleur sont devenues trop importantes, il reste la chirurgie. Elle peut être réparatrice,
en remplaçant les pièces malades par des prothèses,
mais aussi antalgique, en bloquant l’articulation
douloureuse, réalisant ainsi une arthrodèse.
J.B.
Pour en savoir plus : AFLAR (Association française de lutte antirhumatismale), 83, boulevard de l’Hôpital, 75013 Paris.
Tél. : 01 45 83 56 26. Fax 01 45 83 30 08.
Sites : wwwarthrolink.com, www.Rhumapolis.com.
Ostéoporose
Gare aux conséquences d’un mauvais dépistage
Quatre femmes sur 10 mais également deux hommes sur 10 après 50 ans sont atteints
d’ostéoporose, ce qui entraîne nécessairement un coût humain et financier non négligeable.
Les conséquences sont, au premier plan, la fracture du col du fémur mais aussi les tassements
vertébraux, tous deux générateurs de handicaps parfois définitifs.
e nombreuses organisations internationales
(O , O ), en cette décennie des os et des
Darticulations,
ont fait de l’ostéoporose leur prinNU
MS
cipal cheval de bataille. Leur but : faire diminuer
de 20 % les fractures liées à une décalcification.
Les traitements sont multiples, mais leur maniement n’est pas toujours très aisé. Avant de commencer à traiter, il convient de pratiquer un véritable “état des lieux”. Celui-ci commence par une
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
meilleure connaissance du contexte dans lequel
vit le patient, notamment ses habitudes alimentaires. Une enquête nutritionnelle, questionnaire
à l’appui, permet de connaître rapidement les apports calciques, donc d’évaluer les besoins en supplémentation. Dans ce cas, une simple augmentation de la consommation d’eau, accompagnée
d’un changement de marque (choix d’une eau fortement calcique), peut suffire à combler ce
L’ostéodensitométrie
© Voisin/Phanie
• Indications
manque. La deuxième mesure, simple mais efficace, est l’arrêt de la consommation d’alcool et de
tabac. Une autre mesure prend également tout son
intérêt, c’est la reprise ou le développement de
l’exercice physique. Toutes les enquêtes effectuées
en institutions de retraite montrent ainsi que les
résidents, dans leur ensemble, sont carencés en
calcium, principalement à la suite d’une insuffisance d’exercice physique. Poursuivre longtemps
une activité est certainement le meilleur moyen
préventif simple de l’ostéoporose. A côté d’une carence en calcium, peut exister une carence en vitamine D. L’étude SUVIMAX a montré que 30 % des
participants à l’étude âgés de plus de 40 ans et vivant dans le Nord de la France présentaient cette
carence. A 65 ans, 65 % des femmes ménopausées ont une insuffisance en vitamine D.
Au moment de la ménopause, et surtout chez les
femmes présentant une symptomatologie clinique
riche et/ou des antécédents familiaux ostéoporotiques, il convient d’envisager un traitement hormonal substitutif (THS). Administré sous surveillance régulière, celui-ci sera reconduit pendant
5 à 7 ans. En cas de doute, dans le cadre d’un bilan, il est utile de pratiquer une ostéodensitométrie, qui permet de faire le point sur l’état de l’os.
Le THS demeure en effet le traitement préventif
par excellence de l’ostéoporose. Mais, depuis
l’étude américaine qui a évoqué les risques potentiels de cancer du sein, beaucoup ont fait
marche arrière. Pourtant, ce traitement reste utile
chez les femmes symptomatiques, c’est-à-dire
souffrant de bouffées de chaleur et de troubles
climatériques. En ce qui concerne l’ostéoporose,
La densitométrie est essentielle pour déterminer la
charge minérale osseuse quand la radiographie standard n’est pas assez performante. D’où les indications de l’ostéodensitométrie :
– ostéoporose suspectée devant l’existence de facteurs de risque personnels ou familiaux (si la mère ou
une parente proche a ainsi eu une fracture du poignet ou du col du fémur) ;
– surveillance d’un traitement hormonal substitutif ;
– surveillance de l’état osseux au cours d’une corticothérapie prolongée ou d’une insuffisance rénale
sous dialyse ;
– en cas d’hyperthyroïdie ou d’hyperparathyroïdie.
• Contre-indications
Ne peuvent pas subir une densitométrie les porteurs
de prothèses ou de tout objet métallique (clip vasculaire ou utérin). Il n’y a pas de problème, en revanche,
pour les porteurs de pacemaker. Par ailleurs, il ne faut
pas avoir subi récemment un lavement baryté ou une
scintigraphie.
• Principe
La densité osseuse est calculée grâce à une émission
de photons émise sur trois sites osseux, analysée par
un ordinateur. Un faisceau de photons est émis par
une source radioactive non nocive. Ces rayons frappent perpendiculairement l’os ; sont alors mesurées
les variations du rayonnement à sa traversée de l’os.
L’examen dure au plus une vingtaine de minutes.
• Résultats
La BMD (Bone Mineral Density) est déterminée par
un calculateur informatique. La courbe obtenue est
alors comparée à la valeur moyenne correspondant
à la classe d’âge de la patiente et à celle de ses
20 ans. Est ainsi déterminé l’écart-type entre courbe
théorique calculée et courbe réelle observée : si cet
écart est supérieur à 2 déviations standard, l’ostéoporose est jugée sévère, avec risque fracturaire réel ;
inférieur, son résultat est à confronter aux données
historiques familiales, cliniques et biologiques personnelles pour guider le diagnostic et la thérapie.
En cas d’arthrose, l’interprétation est rendue plus
délicate par la densification osseuse qui en résulte.
On doit en tenir compte dans l’analyse des résultats.
Il est inutile de répéter cet examen à moins de
24 mois d’intervalle, la variation n’est en effet pas
suffisamment significative.
• Coût
D’un coût moyen de 100 euros, l’examen, non encore référencé, n’est pas pris en charge par la Sécurité sociale, sauf s’il y a déjà eu fracture. Mais on parle
d’un prochain remboursement.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
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Rhumatologie
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le THS diminue le risque de fracture vertébrale
clinique et celui de fracture de l’extrémité supérieure du fémur. Toutefois, cette indication
nécessite de peser soigneusement, à l’échelle individuelle, la balance bénéfice/risque. Si on doit interrompre le THS, si la masse osseuse retrouvée à
l’examen densitométrique présente des risques
de dégradation (ostéopénie inférieure à –2,5 ou
comprise entre – 2,5 et – 1,5), un traitement comprenant des biphosphonates ou un SERMS doit
prendre le relais. S’il existe un déficit en calcium,
on essaiera d’abord d’apporter des compléments
alimentaires en conseillant sur les nouvelles
habitudes à prendre et les règles à respecter.
Au besoin, on s’aidera de médicaments pour le
calcium et on fera de même pour la vitamine D,
les deux médicaments étant souvent associés
dans la prise, le tout sous stricte surveillance clinique et biologique. En l’absence de facteurs de
risque et de déficit, on se contentera d’une surveillance régulière ; une nouvelle densitométrie
ne sera en effet pas pratiquée avant trois ans.
Pour éviter au maximum le risque fracturaire,
notamment chez les femmes ménopausées, il
s’agit de sensibiliser les médecins afin de motiver les patientes à se faire dépister, ce qui devrait
permettre, dans un avenir proche, de faire rapidement remonter le taux catastrophiquement
bas, à savoir que seuls 25 % des femmes ostéoporotiques présentant un risque fracturaire sont
traitées.
J.B.
Maladie de Paget
Empêcher les complications
Rare avant 40 ans, la maladie de Paget touche deux fois plus les hommes que les femmes.
Inapparente à son début et incidemment de découverte radiologique, elle peut ne se révéler
que lors de complications osseuses, articulaires ou neurologiques. Des complications notablement retardées grâce à des traitements désormais très efficaces.
a maladie de Paget est l’affection osseuse la plus
répandue après l’ostéoporose. Elle touche préLférentiellement
les hommes âgés de plus de
40 ans. Rare en Afrique, elle est fréquente chez les
sujets blancs, en Europe notamment.
Elle se manifeste par une atteinte osseuse entraînant sa déformation et qui, dans un quart
des cas en moyenne, touche un seul os. Lorsque
les lésions sont multiples, elles concernent essentiellement le bassin (75 %), le rachis lombaire
(50 %), les fémurs et tibias (50 %), le crâne (40 %).
Au niveau de l’os, le tissu normal est remplacé progressivement par un tissu fortement vascularisé,
perdant son architecture usuelle pour une structure grossière, dématérialisée, molle, se déformant
et se renouvelant de façon anarchique. Tous ces remaniements aboutissent à une densification et une
hypertrophie de l’os. Ces anomalies sont d’origine
encore inconnue. Cependant, un virus de type paramyxovirus pourrait être responsable. C’est peutêtre pourquoi cette affection fréquente voit son
taux diminuer depuis la généralisation du vaccin
ROR antirougeole empêchant le paramyxovirus de
s’exprimer. Si la maladie n’est pas transmissible,
une origine génétique est fortement suspectée.
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
Diagnostic
La découverte de l’affection peut être totalement
fortuite, souvent au décours d’un examen
radiologique. C’est le cas dans plus de 90 % des
observations. Sinon, les signes d’appel sont représentés par des douleurs mécaniques provoquées ou augmentées par la pression locale. Ces
douleurs touchent plutôt les os longs, mais
aussi le bassin ou le rachis. Elles sont accompagnées, mais tardivement, de déformations osseuses. Les troubles vasomoteurs à type d’aug-
Surveillance de la maladie de Paget
L’examen clinique se fera tous les trois mois, à la
recherche de signes de compressions nerveuses,
plus généralement de complications osseuses,
articulaires, cardiaques.
Les examens biologiques tous les trois mois surveilleront les phosphatases alcalines, baromètres
de la maladie.
L’examen radiologique sera annuel avec, si
nécessaire une scintigraphie.
déformations surviennent surtout sur le genou
ou la hanche. A distance de l’os, l’insuffisance
cardiaque, encore possible, peut être responsable
d’un décès. Complication ultime mais grave, la
dégénérescence sarcomateuse est retrouvée à la
biopsie et elle est de mauvais pronostic. Ces complications surviennent rarement d’emblée, plus
souvent au cours d’évolutions par poussées de la
maladie.
mentation de la chaleur locale se retrouvent
dans le même territoire. Tous ces signes caractéristiques demandent parfois une exploration
supplémentaire pour établir le diagnostic.
Les examens complémentaires débutent par une
étude radiologique qui retrouve les anomalies
osseuses décrites anatomopathologiquement.
L’étude signale également l’augmentation de la
densité osseuse qui évolue en trois stades : une
phase lytique avec augmentation de la radiotransparence osseuse, puis mixte, avec lyse et reconstruction anormale, et, enfin, sclérotique caractéristique du nouvel aspect mou et non
fonctionnel de l’architecture de l’os. Il est parfois
nécessaire de compléter les images par une scintigraphie qui précise le tableau, diagnostique les
petits foyers et mesure leur extension.
L’augmentation de l’activité des ostéoclastes se
retrouve dans l’augmentation du taux sanguin
des phosphatases alcalines et urinaires de l’hydroxyprolinurie. Les autres constantes (calcémie,
phosphorémie, VS) sont normales, en l’absence
de pathologie rajoutée.
Traitement
Le principe du traitement de la maladie de Paget
est de diminuer l’hypertrophie osseuse en ralentissant son évolution. Ainsi, il doit réduire ou
empêcher l’apparition des complications.
En premier lieu, ce sont les calcitonines, hormones thyroïdiennes, qui font baisser l’hydroxyprolinurie et diminuent la résorption osseuse.
Elles sont injectées en sous-cutané, avec un
repas préliminaire, un repos au lit ensuite. Ces
précautions visent à éviter ou minimiser les bouffées vasomotrices, les nausées qui, sans cela, sont
très fréquemment observées. Il est même parfois
nécessaire de pratiquer, conjointement aux hormones, une injection d’antiémétique afin de prévenir tous ces effets secondaires. Ces calcitonines
sont à base de produits humains ou de saumons.
Médicaments de synthèse, les biphosphonates
ont aussi une action antirésorption de la masse
osseuse. Ils sont plus efficaces que les calcitonines, et leur effet démontré dans la maladie de
Paget a causé leur essor prescriptif dans l’ostéoporose. Ils se prescrivent en cures plus ou moins
longues de 2 à 6 mois, répétées au besoin.
Complications
Si l’évolution de la maladie de Paget se poursuit,
des complications de plusieurs ordres peuvent
apparaître. Ainsi l’atteinte nerveuse est due à la
compression in situ des nerfs par hypertrophie
osseuse. Des atteintes du nerf sciatique, du nerf
crural sont parfois réalisées. Si la maladie touche
le rocher, une surdité est possible. Lorsque la
compression est médullaire, c’est le syndrome de
la queue de cheval.
L’augmentation de l’ostéolyse fragilise l’os, qui
peut alors être le siège de fractures, le plus souvent diaphysaires. Si l’atteinte est articulaire, les
J.B.
Pour en savoir plus : www.rhumapolis.com,
www.med.univ-tours.fr
Polyarthrite rhumatoïde
Des traitements qui changent tout
Touchant un pour cent de la population, la polyarthrite rhumatoïde se présente comme une
atteinte polyarticulaire dont le diagnostic précoce n’est pas toujours facile à poser. Souvent,
seule l’évolution sur plusieurs mois permet d’affirmer l’atteinte. Le diagnostic fait, encore
faut-il apprécier l’évolutivité de la maladie qui permettra de guider le traitement.
ouchant en France environ 300 000 personnes (30 000 à 50 000 formes graves) selon
le Pr Dougados de l’hôpital Cochin, la maladie
est d’apparition relativement récente. Sa pre-
T
mière description remonte en effet au XIXe siècle.
Sa prévalence est essentiellement féminine, avec
trois femmes touchées sur quatre personnes atteintes. Elle débute vers 30 ans le plus souvent,
Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
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Rhumatologie
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mais peut apparaître plus tardivement. La fréquence des cas familiaux témoignerait d’une certaine prédisposition génétique pour la maladie.
L’existence de certains antigènes HLA de types
DR1 et 4 est un argument en sa faveur mais l’explication ne suffit pas.
La PR est en effet une maladie d’origine multifactorielle : en dehors des facteurs génétiques,
semblent exister des causes environnementales,
physiques (liées à l’alimentation) ou psychiques
(faisant suite à un choc, à un deuil, un stress mal
géré). Son mécanisme d’apparition et destructeur est lié à une prolifération de la membrane
synoviale sous forme de synovite hyperplasique.
A cette lésion primaire s’ajoutent des atteintes
tendineuses responsables des ankyloses articulaires constatées. Toutes ces anomalies sont la
conséquence d’une production exagérée d’enzymes protéolytiques et de radicaux libres. Deux
cytokines jouent ici un rôle essentiel : l’interleukine 1 et la TNFa. Leur contrôle est une voie thérapeutique en développement. L’implication
dans les mécanismes de la maladie de la production d’auto-anticorps fait classer la PR dans
les maladies auto-immunes.
Diagnostic
L’existence de douleurs articulaires de prédominance distale chez une femme âgée de 30 à
40 ans doit faire évoquer le diagnostic de PR. Les
douleurs sont inflammatoires, non liées à l’effort,
pouvant déclencher des réveils nocturnes et nécessitant un dérouillage matinal. Ces douleurs,
en général symétriques, touchent les mains, les
poignets. Les articulations atteintes sont essentiellement, en ce qui concerne la main, les métacarpophalangiennes et interphalangiennes proximales. A l’examen, les articulations sont chaudes,
œdématiées, éventuellement le siège d’un épanchement. Cette atteinte peut aussi toucher les
tendons fléchisseurs des doigts. En plus de l’atteinte articulaire, peuvent être observés à distance des nodules rhumatoïdes, des adénopathies, voire une atteinte cardiaque (péricardite)
ou pulmonaire (fibrose interstitielle diffuse). Les
signes cutanés comme l’apparition d’un purpura
constituent en fait des manifestations d’aggravation de l’affection.
Dans ce tableau complet, le diagnostic est relativement aisé, mais il est plus compliqué lorsque
l’atteinte est monoarticulaire. Dans ce dernier cas,
la suspicion sera confortée par les examens complémentaires, mais aussi et surtout, par l’évolution
de l’affection. Les examens biologiques retrouvent
le syndrome inflammatoire, avec une accélération
de la vitesse de sédimentation, une augmentation
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Professions Santé Infirmier Infirmière - No 51 - décembre 2003
du taux de protéine C réactive et du taux de fibrinogène. Dans 70 à 80 % des PR est ainsi retrouvé
un anticorps IgM anti-IgG, ou facteur rhumatoïde,
détecté par la réaction de Waaler-Rose. La présence de ce facteur n’est pas spécifique mais significative. D’autres anticorps peuvent être retrouvés ; ils sont, eux, plus spécifiques, tels que
l’antikératine ou l’antifillagrine. Parallèlement, des
signes dus à la prolifération synoviale, avec un
pincement articulaire diffus et une érosion des
berges osseuses, sont radiologiquement retrouvés.
Le tout évolue vers une destruction articulaire
avec déformation sous forme de luxations et subluxations.
Évolution et traitement
La PR évolue par poussées qui peuvent s’étaler
sur plusieurs années. Le handicap est plus grand
à chaque crise, la rémission intercrises moins
longue.
Les traitements sont symptomatiques : mises au
repos au moyen d’orthèse, infiltrations ou encore
interventions chirurgicales de type arthrodèse.
En revanche, certains traitements sont censés
traiter la PR sur le fond.
Ont ainsi été employés successivement les sels
d’or, la D-pénicillamine, les antipaludéens. Ensuite, la sulfasalazine, le méthotrexate. Tous ces
traitements ont une utilisation limitée du fait de
leur mauvaise tolérance et d’une baisse d’efficacité.
Une meilleure connaissance de la physiopathologie de l’affection a permis de faire avancer sa
prise en charge thérapeutique. Le TNF étant responsable de l’inflammation articulaire, il a semblé logique d’utiliser un anticorps antimonoclonal TNFa, l’infliximab, pour contrer ses effets.
Autre médication sur une autre cible : un bloqueur des lymphocytes T. On a vu le rôle des
lymphocytes T dans le déclenchement de la
maladie. Le léflunomide, en inhibant une
enzyme mitochondriale, bloque le cycle des lymphocytes T activés.
La biothérapie est une méthode de traitement
utilisant des cultures vivantes ou des produits
organiques (ce sont des agents biologiques). On
l’oppose à la chimiothérapie qui emploie des
molécules de synthèse.
En perspective : d’autres anti-TNF, qui sont en
cours d’expérimentation, comme la thérapie
génique, comme des traitements combinés utilisant en association plusieurs thérapies.
L’emploi de ces médications se fait en fonction du
profil du patient et du profil évolutif de sa maladie, du degré d’évolution de celle-ci au moment
du diagnostic.
J.B.
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