E Prévention de l’arthrose : révisons les programmes scolaires ! Prevention of osteoarthritis:

4 | La Lettre du Rhumatologue N° 426 - novembre 2016
ÉDITORIAL
Prévention de larthrose :
visons les programmes scolaires !
Prevention of osteoarthritis:
lets revise school programs!
En quelques années, le visage de l’arthrose a changé.
Cette maladie n’est plus considérée comme la simple conséquence
d’une usure mais bien de phénomènes actifs, aboutissant à la destruction
de la matrice cartilagineuse par des enzymes produites essentiellement
par les seules cellules du cartilage, les chondrocytes.
L’arthrose n’est plus considérée comme une simple maladie du cartilage
mais implique bien tous les tissus présents au sein ou autour d’une articulation,
à savoir le cartilage, mais aussi l’os sous-chondral, le tissu synovial,
les tissus adipeux, les ménisques, les ligaments, les muscles.
D’ailleurs, au-delà de la participation individuelle de chaque tissu,
il s’agit plutôt de problèmes de communication entre ces différents tissus.
De même, l’arthrose n’est plus considérée comme une seule maladie
mais comme plusieurs. Diverses voies métaboliques, parfois très différentes
les unes des autres, peuvent aboutir à cette pathologie articulaire
bien caractéristique, associant destruction cartilagineuse et formation osseuse.
On parle désormais de phénotypes d’arthrose : par exemple, l’arthrose
post-traumatique, l’arthrose liée au syndrome métabolique, l’arthrose liée
à la sénescence articulaire, l’arthrose postinflammatoire (postmicrocristalline,
postinfectieuse, postdysimmunitaire, etc.).
Même s’il existe encore de grandes zones d’ombre dans la description
de ces différentes voies métaboliques, il est temps désormais de s’appuyer
sur ces nouvelles connaissances pour mettre enfin en place des programmes
de prévention adaptés. Je ne parle pas ici de programmes de prévention secondaire,
déjà bien connus, comme, par exemple, le régime hypocalorique en cas
de gonarthrose chez un patient en surpoids. Je parle de prévention primaire,
parent pauvre dans le traitement de cette maladie, d’autant plus qu’il n’existe pas
de traitement curatif. C’est d’autant plus regrettable que le fardeau de l’arthrose
est considérable. Les dernières données éloquentes de l’Organisation mondiale
de la santé publiées récemment dans le Lancet (1) montrent à quel point
notre société n’a pas pris la mesure des économies qui pourraient être réalisées
si l’on s’attaquait frontalement au problème. On parle de plusieurs centaines
de millions d’euros par an d’économie possible, rien que pour la France ! (2)
Francis
Berenbaum
Sorbonne universités,
UPMC université Paris 06, Inserm,
centre de recherche Saint-Antoine (CRSA),
hôpital Saint-Antoine, AP-HP, DHU i2B, Paris.
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La Lettre du Rhumatologue N° 426 - novembre 2016 | 5
ÉDITORIAL
L’auteur déclare ne pas avoir
deliens d’intérêts enrelation
aveccetarticle.
La prévention primaire de l’arthrose devrait débuter dès l’enfance.
Prévenir l’obésité et prévenir les traumatismes sont les 2 objectifs principaux
à se donner. En ce qui concerne l’obésité, même si leurs objectifs n’ont jamais été
la prévention de l’arthrose, il existe déjà des programmes de prévention à l’école,
que justifie l’effet catastrophique de ce problème sur la santé en général.
En revanche, les programmes de prévention des traumatismes articulaires
sont quasiment inexistants. Que ce soit à l’école, en éducation physique
ou dans les clubs sportifs, il n’est jamais fait allusion aux risques d’arthrose
dans les années qui suivent un traumatisme articulaire. De même, il n’est pas
certain que tous les patients qui subissent une méniscectomie, parfois à un âge
très jeune, soient au courant du risque très élevé d’arthrose dans les 10 ans
qui suivent le geste chirurgical, évalué à 50 %. Ses bénéfices étant régulièrement
revus à la baisse, il est légitime de limiter autant que possible le recours
à cette intervention, sauf cas de force majeure.
Les programmes scolaires, en particulier dans le cadre de l’enseignement
des sciences de la vie et de la Terre au collège et au lycée, ne parlent que
très peu de l’appareil locomoteur et jamais des pathologies ostéoarticulaires
ni des méthodes de prévention. Maintenant que les liens entre arthrose,
traumatismes, obésité et autres pathologies métaboliques sont bien établis
sur le plan physiopathologique, il est temps de combler ce “trou noir” pédagogique.
Il y va de nos économies publiques, mais aussi de la santé future de nos enfants.
Bon nombre d’entre eux seront centenaires. Notre devoir aujourd’hui est de faire
en sorte qu’ils atteignent cet âge avec un maximum de capacités, en particulier
locomotrices. Au même titre qu’il existe un pic de masse osseuse, développons
le plus tôt possible, et à l’école, la notion de capital articulaire de mobilité,
à préserver le plus longtemps possible !
1. Global Burden of Disease
Study 2013 Collaborators.
Global, regional, and national
incidence, prevalence, and
years lived with disability for
301 acute and chronic diseases
and injuries in 188 countries,
1990-2013: a systematic
analysis for the Global Burden
of Disease Study 2013.
Lancet 2015;386(9995):
743-800.
2. Bertin P, Rannou F,
Grange L et al. Annual cost
of patient with osteoarthritis
of the hip and knee
in France. J Musculoskel Pain
2014;22(4):356-64.
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