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La Lettre du Cardiologue - n° 402 - février 2007
Chirurgie vasculaire majeure : faut-il explorer les patients
à risque intermédiaire ?
RÉFÉRENCE
Should major vascular surgery be delayed
because of preoperative cardiac testing in inter-
mediate-risk patients receiving beta-blocker
therapy with tight heart rate control?
Poldermans D, Bax JJ, Schouten O et al.,
for the Dutch Echocardiographic Cardiac
Risk Evaluation Applying Stress Echo Study
Group. J Am Coll Cardiol 2006;48:964-9.
LE FOND
De 2000 à 2005, 1 476 patients devant subir
une intervention vasculaire (aorte abdomi-
nale ou artères des membres inférieurs) ont
été inclus dans l’étude DECREASE-II. Ils ont
tous été traités par bêtabloquants et ils ont été
répartis en trois groupes selon le nombre de
leurs facteurs de risque (âge > 70 ans, angor,
antécédent d’infarctus du myocarde [IDM],
insuffisance cardiaque ancienne ou compen-
sée, diabète, créatinine sérique > 160 µmol/l,
antécédent d’accident cérébral ischémique).
Le groupe à risque intermédiaire (1 à
2 facteurs de risque) qui fait l’objet de
cette publication représentait 52 % de la
population globale (770 patients).
Ces 770 patients ont été randomisés entre
deux stratégies : pour 386 d’entre eux, un
test de provocation d’ischémie a été réalisé
avant l’intervention, contrairement aux
384 autres patients, opérés d’emblée. Pour
les patients évalués en termes d’ischémie,
74 % avaient un examen négatif, 17 % une
ischémie limitée, 8,8 % une ischémie éten-
due (≥ 5 segments ou 3 parois ventriculaires
gauches), qui a habituellement conduit à
une coronarographie. En définitive, 12 des
34 patients ayant une ischémie étendue ont
eu une revascularisation myocardique avant
la chirurgie vasculaire (pour 10 patients par
angioplasties, pour 2 patients par pontages
aorto-coronaires, avec une revascularisation
complète dans 50 % des cas). Le critère de
jugement comprenait la mortalité car-
diaque et les IDM au cours des 30 jours
suivant l’intervention vasculaire.
L’incidence de ces complications est iden-
tique pour les deux groupes de patients :
1,8 % en l’absence de test d’ischémie, 2,3 %
pour les patients explorés (voire revascula-
risés) avant chirurgie vasculaire (p = 0,62).
La stratégie consistant à opérer les patients
sans test préalable a permis de réaliser l’in-
tervention 19 jours plus tôt en moyenne ;
un patient est décédé après une revasculari-
sation coronaire d’une rupture d’anévrysme
aortique avant l’opération prévue.
Pour la totalité des patients à risque inter-
médiaire, un bon contrôle de la fréquence
cardiaque (FC) sous bêtabloquant diminue
significativement l’incidence des complica-
tions : en cas de FC < 65/mn, 1,3 %, contre
5,2 % pour les autres patients (p = 0,003).
COMMENTAIRES
Les recommandations américaines (2002)
nous proposent d’explorer les patients à ris-
que intermédiaire avant une chirurgie non
cardiaque à haut risque pour détecter les sujets
menacés par une ischémie myocardique. Cette
attitude peut différer le geste chirurgical, et le
bénéfice d’une éventuelle revascularisation
myocardique précédant la chirurgie non car-
diaque reste discuté (étude CARP 2004).
Les résultats de DECREASE-II sont à ce point
de vue intéressants : aucune différence signi-
ficative concernant la mortalité cardiaque et
la constitution d’IDM postopératoires n’est
démontrée entre le groupe des patients explo-
rés – et éventuellement revascularisés (12 patients
sur 386 patients ayant eu un test de provocation
d’ischémie) – et le groupe des patients confiés
au chirurgien sans test préalable. En revan-
che, pour les sujets de l’étude, tous sous bêta-
bloquants, l’incidence des complications est
réduite significativement pour les patients les
mieux “bêtabloqués” (FC < 65/mn).
Enfin, l’attitude consistant à explorer les
patients avant la chirurgie vasculaire retarde
le geste opératoire (le problème spécifique
du traitement antiagrégant aspirine + clopi-
dogrel en cas de revascularisation par stent
n’étant pas abordé ici).
Sans doute est-il raisonnable de réserver
les tests de provocation d’ischémie aux
patients présentant au moins trois fac-
teurs de risque (on retrouve les données
de la première étude DECREASE [2001],
dans laquelle seul un petit sous-groupe de
patients à haut risque – 2 % de la population
étudiée – n’était pas protégé par les bêta-
bloquants) et d’insister sur la réalité du
contrôle de la FC par les bêtabloquants,
qui autorise ici une réduction significative
des complications péri-opératoires.
BIBLIOGRAPHIE
Les 12 références comprennent les recom-
mandations américaines (Circulation 2002;
105:1257-67), l’étude DECREASE 2001
(JAMA 2001;285:1865-73) et l’étude CARP
(N Engl J Med 2004;351:2795-804).
L’éditorial associé de K.A. Eagle (premier
auteur des recommandations américaines)
et W.C. Lau tempère les conclusions de
DECREASE-II : Any need for preoperative
cardiac testing in intermediate-risk patients
with tight beta-adrenergic blockade?” J Am
Coll Cardiol 2006; 48:970-2.
À lire les récentes recommandations sur les
bêtabloquants en préopératoire (J Am Coll
Cardiol 2006;47:2343-55).
MOTSCLÉS
Chirurgie vasculaire - Risque chirurgical -
Bêtabloquants - Tests de provocation d’isché-
mie - Revascularisation myocardique.
TIRÉS À PART
Dr D. Poldermans, Room H921, Department
of Anesthesiology, Erasmus Medical Center,
3015 GD Rotterdam, the Netherlands.
E-mail : d.poldermans@erasmusmc.nl
C. Adams,
service de cardiologie, CH Argenteuil