14 | La Lettre du Cardiologue • n° 461-462 - janvier-février 2013
DOSSIER THÉMATIQUE
Cœur et anesthésie Stratégies de réduction durisque de complications périopératoires
ischémiques en chirurgie non cardiaque
augmentation significative de la mortalité globale
et de l’incidence des AVC postopératoires (7). En
fait, ces AVC étaient probablement liés à une hypo-
tension mal contrôlée, les bêtabloquants n’étant
pas “titrés” dans cette étude. Les bêtabloquants ne
sont pas recommandés chez les patients à bas risque
chirurgical sans facteurs de risque.
La bradycardie et l’hypotension sont délétères en
postopératoire. C’est la raison pour laquelle la poso-
logie des bêtabloquants justifie idéalement l’instau-
ration d’un traitement au moins une semaine avant
la chirurgie. Il est proposé de commencer le traite-
ment par une dose quotidienne faible de 2,5 mg de
bisoprolol ou de 50 mg de métoprolol. La fréquence
cardiaque de repos visée se situe entre 60 et 70 par
minute avec une pression artérielle > 100 mmHg.
La prescription de bêtabloquants à fortes doses sans
titration n’est pas recommandée (8).
Une tachycardie postopératoire doit être traitée
selon son étiologie – hypovolémie, douleur, hémor-
ragie, infection – plutôt que par augmentation de
la posologie des bêtabloquants !
Il faut savoir qu’en 2011, l’un des leaders de la
recherche clinique sur les stratégies préopératoires
a été accusé de tricherie dans la conduite de ses
études. Un émoi justifié a saisi la communauté
scientifique, car les résultats des travaux de Polder-
mans ont été utilisés pour les recommandations des
sociétés savantes. Il faut cependant certainement
administrer les bêtabloquants dans les indications
indiscutables et surveiller attentivement les para-
mètres hémodynamiques en pré- et périopératoire.
Statines
De grands essais cliniques ont démontré un
effet bénéfique de l’utilisation périopératoire de
statines (9). Une méta-analyse portant sur plus de
200 000 patients a montré que les statines dimi-
nuaient significativement la mortalité de 44 % en
chirurgie non cardiaque et de 59 % en chirurgie
vasculaire (10).
Par conséquent, les statines sont recommandées
chez les patients à haut risque chirurgical ; l’instau-
ration du traitement doit avoir lieu au moins une
semaine avant la chirurgie.
Inhibiteurs de l’enzyme de conversion
Il est vraisemblable que l’utilisation périopératoire
d’un IEC a des effets bénéfiques en postopératoire.
Il faut tenir compte cependant du risque d’hypo-
tension sévère (en association aux bêtabloquants),
notamment lors de l’induction anesthésique. Bien
que cela reste controversé, l’arrêt des IEC 24 heures
avant la chirurgie peut être envisagé, s’ils sont pres-
crits pour leur propriété antihypertensive. Chez
les patients stables avec dysfonction ventriculaire
gauche, il est logique de les poursuivre sous stricte
surveillance.
Aspirine
La prescription des antiagrégants plaquettaires en
périopératoire concerne les patients en prévention
secondaire. La question est principalement celle de
leur maintien, qui dépasse le cadre de notre propos.
Le maintien des antiagrégants est particulièrement
important dans les suites d’une implantation de
stent.
Revascularisation
L’objectif principal d’une revascularisation myocar-
dique prophylactique est la prévention d’un infarctus
du myocarde périopératoire grave. Elle peut être
efficace en permettant de revasculariser des patients
porteurs de sténoses coronaires serrées mais ne peut
prévenir toute rupture de plaques d’athérome occa-
sionnée par le stress chirurgical. Or, cette rupture de
plaques survient souvent sur des lésions non serrées.
La rupture d’une plaque instable est le mécanisme en
cause en postopératoire, tout comme en l’absence
d’intervention chirurgicale, mais ce mécanisme
n’est pas seul en cause. La survenue d’épisodes
itératifs d’ischémie myocardique peut être due à
l’augmentation de la thrombogénicité, à l’augmen-
tation de la concentration en facteur tissulaire et
aux facteurs déséquilibrant apports et besoins en
oxygène (anémie, hypoxie, tachycardie, etc.).
L’étude randomisée CARP n’a pas permis de démon-
trer l’utilité d’une revascularisation myocardique
avant chirurgie non cardiaque (11).
Les indications de la revascularisation coronaire
préopératoire se limitent aux syndromes coronaires
aigus préopératoires si l’indication de revascularisa-
tion est forte, et aux patients à haut risque clinique,
devant bénéficier d’une chirurgie à risque inter-
médiaire ou élevé, qui ont une ischémie étendue
(grade 1C) [6].
Avant revascularisation, il faut évaluer le risque
opératoire, compte tenu de la coronaropathie, ainsi