Informations I nformations XVIIes Journées européennes de la Société française de cardiologie Paris, 17-20 janvier 2007 Première partie : l’essentiel de 2006 F. Raoux* L’ESSEnTIEL En RyThmoLogIE À l’étage supraventriculaire L’ablation de la fibrillation auriculaire (FA) a encore été l’un des sujets majeurs de l’année 2006. La principale nouveauté a été la codification des indications et du traitement de la FA grâce à la publication de nouvelles recommandations. De nombreuses publications ont permis de mieux définir l’efficacité des procédures d’ablation, et les techniques d’ablation par une approche “pas à pas” ont notamment été évaluées. Ainsi, P. Jais et al. ont réalisé une étude prospective portant sur 74 patients présentant une FA paroxystique. Les auteurs ont comparé l’inductibilité de la FA par stimulation atriale rapide à l’entrée du sinus coronaire ou dans l’oreillette gauche (OG), après encerclement des veines pulmonaires puis, en cas d’inductibilité, après une ligne d’ablation au niveau du toit de l’OG, joignant les deux veines pulmonaires supérieures. Enfin, en cas d’inductibilité persistante, après une ligne latérale dans l’OG (isthme gauche). Chez 42 patients (57 %), l’isolation des veines pulmonaires a permis de restaurer le rythme sinusal tout en rendant la FA non inductible. Chez 32 patients présentant une FA persistante ou inductible après cette première ablation, la réalisation d’une seconde ligne dans l’OG a été nécessaire. Une ligne unique a été suffisante chez 20 patients, deux lignes étant nécessaires chez les 12 autres, permettant le retour en rythme sinusal ou la non-inductibilité chez tous ces patients sauf deux. Au total, 69 patients (93 %) ont été rendus non inductibles. Durant un suivi de 18 ± 4 mois, 67 patients (91 %) n’ont pas représenté d’arythmies sans antiarythmiques. De nouvelles procédures ont néanmoins été nécessaires chez 23 patients. L’approche “pas à pas” permet de minimiser l’étendue de la procédure d’ablation tout en obtenant un excellent résultat avec une efficacité de 91 %, mais le risque est de “surtraiter” certains patients, comme ce fut le cas des 2 patients de cette série, toujours inductibles au terme de l’ablation et qui n’ont pas récidivé au terme de la période de suivi. * Service de cardiologie, hôpital Saint-Antoine, Paris. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 L’équipe bordelaise de M. Haïssaguerre a démontré l’intérêt de l’ablation des FA chroniques chez des patients atteints de cardiopathie. En effet, chez des patients en insuffisance cardiaque (dont 74 % présentaient une FA permanente), l’ablation permettait d’obtenir un rythme sinusal dans environ 70 % des cas. De plus, surtout, la fraction d’éjection du ventricule gauche (FEVG) augmentait de 21 ± 13 points (de 35 à 55 %). Chez des patients qui n’ont pas de cardiopathie, peu âgés (moins de 70 ans) et dont l’OG est peu dilatée (moins de 55 mm), l’intérêt de l’ablation de la FA chronique a été évalué par le travail récent des équipes d’Ann Arbor et de Milan. Les auteurs rapportent qu’avec des procédures de moins de 2 heures en moyenne, en réalisant une exclusion des veines pulmonaires et des lignes dans l’OG (toit et isthme gauche) sans contrôle électrophysiologique des blocs de conduction obtenus, ils obtiennent le maintien d’un rythme sinusal qui persiste à un an, sans antiarythmique, dans 74 % des cas (57 patients sur 77), après avoir été amenés à reprendre la procédure chez 25 patients en raison d’une récidive de FA (24 patients) ou d’un flutter atrial (un patient). Les patients revenus en rythme sinusal présentent une diminution significative de la taille de l’OG et une amélioration symptomatique également significative. Ce travail est fondamental, car il reconnaît l’efficacité et l’innocuité de la procédure d’ablation sur une FA considérée comme permanente, qui aurait donc en principe conduit à un traitement définitif par anticoagulants et bradycardisants. Toutefois, ces résultats sont à prendre avec réserve, notamment en ce qui concerne le type de patients, qui est en fait assez éloigné du type habituel de patient en FA chronique, atteint assez souvent d’une cardiopathie associée, présentant une OG dilatée, et volontiers plus âgé. Par ailleurs, le recul d’un an seulement induit probablement une surestimation des résultats bénéfiques de l’ablation. L’ablation de la FA est indiquée en pratique après un échec thérapeutique par antiarythmique chez un patient avec une FA paroxystique ou persistante récidivante et symptomatique. Sur cœur sain, l’ablation par cathéter est maintenant une alternative à l’amiodarone dans la FA paroxystique ; il en est de même en cas d’échec de l’amiodarone lorsque la FA survient sur cœur pathologique. Ces recommandations ne proposent néanmoins pas d’indication à l’ablation dans la FA permanente. Cette omission est surprenante car, même si la procédure est plus longue et plus difficile 9 Informations I nformations dans cette situation, elle permet d’obtenir dans bon nombre de cas un retour prolongé en rythme sinusal, ce qui peut avoir des conséquences majeures chez les patients en insuffisance cardiaque notamment sur l’amélioration de la FEVG. Ces recommandations récentes concernent également les indications du traitement antithrombotique en les adaptant au risque thromboembolique, qui est apprécié en 3 stades : respectivement risque faible, modéré et élevé (tableau I). On remarquera que, même en l’absence de tout facteur de risque, un traitement par aspirine est recommandé chez un patient à très faible risque thromboembolique. Tableau I. Facteurs de risque thrombotique (1). Risque faible Sexe féminin Âge : 65 à 74 ans Coronaropathie Thyrotoxicose Risque modéré Âge > 75 ans Hypertension Insuffisance cardiaque FEVG < 35 % Diabète Risque élevé Antécédent d’AVC, d’AIT ou embolique Sténose mitrale Prothèse valvulaire AVC = accident vasculaire cérébral. AIT = accident ischémique transitoire. À l’étage ventriculaire Le développement récent de la technologie des défibrillateurs automatiques externes a permis d’étendre leur utilisation et d’améliorer leur efficacité lorsqu’ils sont utilisés par du personnel entraîné. Une étude prospective italienne de Cappato et al. a cherché à comparer l’efficacité des défibrillateurs automatiques externes sur le terrain (dans la région de Brescia), utilisé par des volontaires entraînés ou des volontaires “profanes”. Le but était d’analyser la survie dénuée de toute complication neurologique à un an. Les auteurs ont comparé les données d’une série historique (juin 1997 à mai 1999) de 692 victimes d’arrêt cardiaque à celles d’une série prospective (juillet 2000 à juin 2002) de 702 autres victimes après déploiement de 49 défibrillateurs supplémentaires, dont 85 % dans des unités mobiles, et après formation de plus de 2 000 volontaires aux techniques de défibrillation. La survie est significativement meilleure, passant de 0,9 % (IC95 : 0,4-1,8 %) dans la série historique à 3,0 % (IC95 : 1,7-4,3 %) [p = 0,0015] dans la série prospective, malgré un délai d’arrivée sur le site inchangé entre les 2 séries. L’amélioration de la survie a été significative aussi bien en milieu urbain (1,4 à 4 %) qu’en milieu rural (0,5 à 2,5 %). Le coût additionnel par année de vie sauvée, ajusté à l’absence de complications neurologiques, est de 39 388 € au lancement de l’étude et de 23 661 euros en phase de fonctionnement “routinier”. Les auteurs concluent ainsi à l’intérêt de cette méthode de défibrillation automatique servie par des personnels non médicaux mais entraînés, et à son coût raisonnable. Toutefois, certains éléments sont à prendre en considération, comme la survie à 1 an améliorée par l’augmentation des procédures de revascularisation, l’absence de groupe contrôle, qui peut masquer certains effets non étudiés, et comme le délai de réponse trop élevé (7 mn en moyenne) des équipes de secours. Selon A. Leenhardt, ces données paraissent transposables à 10 notre pays, en se souvenant que près de 85 % des arrêts cardiaques se produisent en dehors de la voie publique, dont près des deux tiers en présence de témoins, ce qui permet d’insister sur le fait que l’éducation de la population (les proches ou les voisins d’un patient à risque par exemple) aux gestes de premier secours et à l’appel d’urgence reste une priorité. Des recommandations ont été publiées cette année par la Société française de cardiologie concernant l’implantation des défibrillateurs automatiques (DAI) et par l’American Heart Association (AHA), l’American College of Cardiology (ACC) et l’European Society of Cardiology (ESC) concernant la prise en charge des arythmies ventriculaires et la prévention de la mort subite. Les recommandations françaises sont résumées dans le tableau II. Un des éléments majeurs ressortant de ces différents textes est la prise en compte (recommandation avec bon niveau de preuve) de l’implantation d’un DAI en prévention primaire chez les patients ayant une dysfonction VG marquée (FEVG < 30-35 %) sur une cardiopathie ischémique (classe I AHA, ACC/ESC, classe I ou IIa SFC) ou non ischémique (classe IIa ou IIb SFC), en classe fonctionnelle II-IV de la NYHA. Le DAI triple chambre est également proposé, pour la première fois, dans l’indication de prévention primaire avec un niveau de preuve IIa dans les recommandations françaises, avec une phrase soulignant l’absence de preuve formelle de sa supériorité sur le stimulateur triple chambre. Tableau II. Indication des DAI (recommandations SFC). Classe I de recommandations Arrêt cardiaque par FV ou TV sans cause aiguë ou réversible I A Patients coronariens sans ou avec symptômes d’IC légère ou modérée (classe NYHA II ou III), une FEVG de 30 % mesurée au moins 1 mois après un geste de revascularisation (chirurgie ou angioplastie) I B TV soutenue spontanée, symptomatique sur cardiopathie I B TV soutenue spontanée, mal tolérée, en l’absence d’anomalie cardiaque, pour laquelle un traitement médical ou une ablation ne peuvent être réalisés ou ont échoué I B Syncope de cause inconnue avec TV soutenue ou EV déclenchable, en présence d’une anomalie cardiaque sous-jacente I B Patients coronariens avec dysfonction VG (FE de 31 à 35 %) mesurée au moins 1 mois après un IDM et 3 mois après une procédure de revascularisation (chirurgie ou angioplastie) avec une arythmie ventriculaire (TV, FV) déclenchable lIa B Patients atteints d’une cardiomyopathie dilatée en apparence primitive avec une FE de 30 % et une classe NYHA lI ou III IIa B Classe II de recommandations FV = fibrillation ventriculaire ; TV = tachycardie ventriculaire ; IC = insuffisance cardiaque ; VG = ventricule gauche. Il n’existe pas actuellement de preuve de la supériorité du DAI biventriculaire sur le stimulateur de resynchronisation seul, dans cette indication. A. Wilde et al. ont cherché à identifier des patients à risque de fibrillation ventriculaire (FV) à la phase aiguë d’un infarctus du >>> La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 Informations I nformations >>> myocarde en publiant une étude cas-contrôle de 330 FV révélant un premier infarctus du myocarde. Les deux éléments qui paraissent prédictifs sont, d’une part, le sus-décalage du segment ST avant la FV et, d’autre part, surtout, la notion d’une mort subite chez des parents ou frères et sœurs. Ainsi, un facteur génétique pourrait favoriser la survenue d’une FV en cas d’ischémie myocardique chez certains patients. Enfin, l’année 2006 a permis d’affiner les critères diagnostiques de dysplasie ventriculaire droite arythmogène (DVDA) ou de cardiopathie arythmogène du ventricule droit. Plus que sur l’évaluation d’anomalies cliniques, électriques, morphologiques et fonctionnelles du ventricule droit (VD) mises en évidence par des méthodes d’imagerie invasive (angiographie VD) et non invasive (scintigraphie, IRM), de nombreux travaux ont porté sur l’aspect génétique de la DVDA. Il se confirme que cette pathologie est liée à des anomalies des jonctions cellulaires, et plus spécifiquement du desmosome (structure complexe composée de plusieurs types de protéines toutes susceptibles d’être à l’origine d’anomalies). Ainsi, les connaissances sur le desmosome concernant les gènes codant pour les protéines constitutives, les interactions entre protéines ainsi que l’analyse de la structure du desmosome sont actuellement en pleine évolution. Le desmosome et les protéines qui le composent semblent, en plus de leur rôle structural de liaison entre cellules, être impliqués dans des phénomènes de signalisation intracellulaire. Les critères diagnostiques gagneraient sans doute en pertinence si l’on exigeait l’association de critères électrocardiographiques ou rythmiques à des critères morphologiques et fonctionnels, et l’on peut penser qu’assez prochainement des critères génétiques seront inclus dans ces critères diagnostiques. L’essentiel en épidémiologie et en prévention cardiovasculaire Épidémiologie Cette année encore, un intéressant chapitre consacré à l’épidémiologie et la prévention cardiovasculaire a été présenté par D. Thomas. Les registres français MONICA (1985-1994) ont enregistré une baisse annuelle moyenne de l’incidence de la maladie coronaire de 2,4 % chez l’homme et de 3,3 % chez la femme, de la létalité de l’infarctus du myocarde de 1,9 % chez l’homme et de 1,7 % chez la femme et de la mortalité coronaire de 4,5 % pour les deux sexes pendant la même période. L’incidence de la maladie coronaire et la létalité avaient baissé dans la plupart des pays occidentaux durant cette période. À partir de 1997, l’activité des trois registres français a été poursuivie, assurant une surveillance à long terme de la maladie coronaire dans notre pays. Alors que l’identification des cas d’infarctus du myocarde a fait l’objet d’une simplification, en ne tenant compte que du diagnostic retenu en fin de séjour hospitalier, l’analyse des informations de mortalité se déroule de manière identique et le recueil de l’ensemble des cas a été étendu à la tranche d’âge 65-74 ans. Les résultats pour la période 1997-2002 ont été réunis dans le Bulletin épidémiologique hebdomadaire. Les taux annuels moyens d’événements (avec récidives) et d’incidence (premiers événements) montrent le maintien du gradient Nord-Sud en France pour l’ensemble des catégories diagnostiques, avec un rapport Nord-Sud de l’ordre de 1,25. Le rapport hommes/femmes des taux d’événements (infarctus et décès coronaire) demeure élevé et passe de 5,3 avant 45 ans à 2,6 entre 65 et 74 ans. L’incidence de la maladie s’est peu modifiée entre 1997 et 2002 à Lille et à Strasbourg, mais semble en augmentation à Toulouse. La mortalité présumée coronaire, en revanche, a baissé chez les hommes de 2 à 3 % annuellement dans les 3 centres, mais a peu varié chez les femmes. La létalité à 28 jours des infarctus du myocarde a poursuivi sa baisse importante dans les trois régions et dans les deux sexes (3 à 6 % annuellement) [tableau III]. Ces résultats démontrent les progrès réalisés dans la prise en charge et le soin des patients, mais attirent l’attention sur l’importance des efforts nécessaires en prévention primaire. La comparabilité limitée entre pays des données de mortalité coronaire obtenues à partir des certificats de décès est un autre point important, et méconnu. Ainsi, une nouvelle confrontation entre les causes de décès (initiales et/ou associées) inscrites sur les certificats et le classement MONICA des décès a été effectué dans notre pays. En 2000, sur 812 décès retenus par les 3 registres, 806 ont pu être appariés avec le certificat de décès correspondant. Le nombre de décès coronaires à partir de la cause Tableau III. Évolution des chiffres d’incidence et de mortalité de la maladie coronaire selon le registre MONICA (2). Incidence Lille Hommes Femmes Mortalité %* IC95 p %* IC95 p – 1,4 [– 3,7 ; + 0,8] 0,22 – 3,6 [– 6,8 ; – 0,5] 0,03 Strasbourg – 0,8 [– 3,0 ; + 1,4] 0,46 – 2,5 [– 5,6 ; + 0,7] 0,14 Toulouse + 2,4 [– 0,01 ; + 4,8] < 0,05 – 2,0 [– 5,8 ; + 1,8] 0,31 Lille + 0,1 [– 4,6 ; + 4,8] 0,98 – 0,3 [– 6,2 ; + 5,6] 0,92 Strasbourg + 1,9 [– 2,6 ; + 6,3] 0,41 + 1,3 [– 4,9 ; + 7,5] 0,69 Toulouse + 3,7 [– 2,3 ; + 9,6] 0,23 – 0,4 [– 8,2 ; + 7,4] 0,93 * Variation annuelle %. 12 La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 initiale des certificats est très voisin de celui des décès coronaires “stricts” définis par les registres alors que la concordance entre les deux diagnostics est très médiocre. Par exemple, seuls 56 cas sur les 203 dont la cause initiale de décès est “infarctus du myocarde” selon les certificats sont classés “infarctus du myocarde” par les registres… Cependant, lorsque les registres prennent en compte les décès avec données insuffisantes, les certificats de décès conduisent à une sous-déclaration importante (59 %) de la mortalité coronaire, qui ne s’améliore que relativement peu lorsque l’on tient compte également des causes associées indiquées sur les certificats. Ces résultats confirment l’absence de gold standard pour mesurer la fréquence des événements coronaires dans la population, ainsi que la nécessité d’effectuer des corrections lorsque des comparaisons entre populations sont établies sur la base des seules statistiques nationales des causes de décès. Dans plusieurs travaux récents, réalisés dans des pays différents, 75 à 80 % des cas de maladie coronaire sont expliqués par les quatre facteurs de risque principaux, c’est-à-dire le tabac, l’hypercholestérolémie, l’hypertension artérielle (HTA) et le diabète. Dans l’étude française de cohorte PRIME, à partir du suivi à 5 ans de 7 500 hommes de 50 à 60 ans, ce sont aussi 80 % des décès coronaires et des infarctus du myocarde qui sont expliqués par les facteurs de risque principaux. L’athérosclérose, par le biais de la coronaropathie, est la principale cause de morbi-mortalité dans le monde. L’étude internationale INTERHEART a récemment permis l’identification de neuf facteurs modifiables d’athérosclérose, constitués de six facteurs de risque et de trois facteurs reconnus comme protecteurs. Toutefois, la prévalence de ces facteurs de risque et leur prise en charge thérapeutique, si elles nous paraissent évidentes, n’avaient jamais encore été évaluées à l’échelon international. Le registre REACH (Reduction of Atherothrombosis for Continued Health) a pour objectifs principaux d’évaluer et d’améliorer la prise en charge des accidents cardiovasculaires (infarctus du myocarde, accidents vasculaires cérébraux) ainsi que le dépistage des facteurs de risque cardiovasculaire chez les patients à haut risque recrutés en dehors d’épisodes aigus. Le registre a permis d’inclure près de 68 000 patients de plus de 45 ans, regroupés dans 44 pays et couvrant six régions (Amérique latine, Asie, Moyen-Orient, Australie, Europe et Amérique du Nord) grâce à la participation de près de 5 500 médecins investigateurs. Ces derniers avaient pour but de collecter, entre 2003 et 2004, toutes les données concernant les facteurs de risque des patients athéromateux authentifiés souffrant soit de maladie coronaire (40 258 patients), soit de maladie vasculaire cérébrale (18 843 patients), soit d’artériopathie des membres inférieurs (8 273 patients), ou de ceux présentant au moins trois facteurs de risque connus (12 389 patients). En plus de ces données de prévalence, les mesures thérapeutiques adoptées et le degré de contrôle de ces facteurs de risque ont été évalués. Si la prévalence des facteurs de risque comme l’HTA, l’hypercholestérolémie, le tabagisme ou le diabète reste assez homogène sur un plan international, le dépistage des sujets à risque cardiovasculaire élevé, la détection et la prise en charge de ces facteurs de risque La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 ainsi que l’utilisation de thérapeutiques préventives reconnues (comme les statines ou l’aspirine) paraissent largement insuffisants dans toutes les régions du monde. La répartition des facteurs de risque cardiovasculaires majeurs est, dans l’ensemble, comparable entre les pays, avec une tendance à une prévalence plus forte pour le tabac, l’hypercholestérolémie et l’HTA en Europe de l’Est, et une fréquence plus élevée de l’obésité en Amérique du Nord. Toutefois, plusieurs remarques sont à faire, notamment concernant la répartition géographique des différents centres étudiés. En effet, la Chine et l’Afrique subsaharienne sont sous-représentées ; de même, il n’est pas tenu compte des différents groupes ethniques au sein d’une même population, dont la prise en charge peut être différente. Par ailleurs, l’accès aux soins n’est pas identique en fonction des régions ou même des groupes ethniques étudiés, et l’impact économique du dépistage ou d’une thérapeutique préventive coûteuse représente alors un gros handicap. Ce registre REACH nous éclaire également sur la prise en charge du risque cardiovasculaire, loin des patients rigoureusement sélectionnés des essais multicentriques et qui ne reflètent pas la réalité quotidienne de la prise en charge globale du risque cardiovasculaire. Ces données visent à améliorer la compréhension globale de la maladie athérothrombotique au travers de diverses spécialités médicales (cardiologie, neurologie, médecine interne, médecine vasculaire et médecine générale en cabinet), et elles permettent une évaluation plus réelle et plus concrète de la maladie et de sa prise en charge par les différents acteurs de soins. Cette étude prospective donnera lieu à un nombre très important de publications lors de son suivi (prolongé de 2 à 4 ans), et, en mettant l’accent sur la multiplicité de la maladie athérothrombotique, elle révélera sans doute les conséquences des insuffisances de sa prévention. Informations I nformations Statines : la prévention des accidents vasculaires cérébraux également L’étude SPARCL a évalué l’intérêt de la prescription d’une statine au décours d’un AVC, vis-à-vis du risque de récidive d’AVC fatal ou non. Un à 6 mois après un AVC/AIT, 4 731 patients (sans maladie coronaire) dont le LDL-c était compris entre 1 et 1,9 g/l, ont été randomisés entre atorvastatine 80 mg/j (A) et placebo (P). Le LDL-c moyen en cours d’étude a été de 0,73 g/l (A) versus 1,28 g/l (P). Le critère primaire (AVC) est survenu chez 265 patients du groupe A versus 311 patients du groupe P soit – 16 % (p = 0,05), soit une réduction de 23 % (p < 0,001) si l’on prend en compte l’ensemble AVC/AIT. Le nombre d’événements coronaires majeurs a été réduit de 35 % (p = 0,003) et celui de l’ensemble des événements cardiovasculaires majeurs a diminué de 20 % (p < 0,002) [figure 1]. La mortalité totale a été identique dans les 2 groupes (216 versus 211) malgré une tendance à la réduction des décès cardiovasculaires dans le groupe A. Une augmentation significative des AVC hémorragiques a été notée dans le groupe A : 55 versus 33 % (p = 0,02). Par ailleurs, les augmentations de transaminases (> 3 limite 13 Informations I nformations AVC fatal ou non p = 0,05 15 6 Accident coronaire majeur p = 0,006 13,1 5,1 11,2 4 3,4 % 10 5 2 0 0 – 16 – 35 Atorvastatine Placebo Figure 1. Résultat de l’étude SPARCL : diminution de 16 % du critère AVC fatal ou non, et de 35 % du risque d’accident coronaire majeur dans le groupe atorvastatine 80 mg par rapport au groupe placebo. supérieure à la normale) ont été observées dans 2,2 % des cas (A) contre 0,5 % (P). Le bénéfice des statines vis-à-vis du risque d’AVC est donc démontré dans une population avec antécédent d’AVC. Cependant, l’augmentation des AVC hémorragiques, cohérente avec les études d’observation, pose question : pourrait-on obtenir des résultats positifs en prévention secondaire d’AVC avec de plus faibles posologies de statines, et peut-être à moindre risque ? Par ailleurs, l’étude MEGA a évalué versus placebo l’intérêt d’une faible posologie de pravastatine (10 à 20 mg/j) en complément de conseils diététiques, chez 7 832 sujets japonais en prévention primaire ayant un cholestérol total entre 2,2 et 2,7 g/l. Le LDL a baissé dans le groupe traité de 18 % versus 2,1 %. La survenue d’une maladie coronaire a été significativement réduite de 33 %. Toutefois, le nombre de sujets à traiter pendant 5 ans pour éviter un événement est de 119 (le risque absolu n’étant que de 2,5 %) ; l’application de ces résultats à des populations à faible risque est très discutable. Enfin, ASTEROID, étude ouverte chez 507 sujets coronariens traités par une forte posologie de rosuvastatine 40 mg/j pendant 2 ans, a évalué l’évolution de l’athérome coronaire par échographie endocoronaire. Le LDL a baissé de 53 % (1,3 à 0,61 g/l) et le HDL a augmenté de 15 %. Le volume d’athérome coronaire moyen a été réduit de 0,98 % (p < 0,001). Il est donc possible de voir régresser l’athérome parallèlement à une forte baisse du LDL, sans effet seuil évident par rapport à la concentration de LDL. Dans l’étude FIELD, le fénofibrate à 200 mg/j a été testé dans un essai contrôlé versus placebo chez 9 795 patients diabétiques 14 de type 2, dont 78 % étaient indemnes à la fois d’antécédents cardiovasculaires et de leurs complications cardiovasculaires et microangiopathiques. Les résultats attendus de cet essai, qui a débuté en 1999, ont été modifiés par l’introduction d’un traitement par une statine en cours d’étude chez un grand nombre de patients. Ainsi, à la fin de l’essai, 32 % des patients sous placebo et 16 % des patients sous fénofibrate étaient traités par une statine en plus du médicament à l’épreuve. L’interprétation des résultats doit donc tenir compte de ce facteur confondant. Le critère principal, c’est-à-dire les événements coronariens mortels ou non mortels, n’a pas été réduit significativement (– 11 %). Après ajustement au traitement par statine, ce critère principal était cependant réduit de 19 % (p = 0,01) sous fénofibrate, et le taux d’événements cardiovasculaires totaux, critère secondaire, était également réduit de façon significative (– 15 %). Les résultats les plus intéressants concernent la sous-population en prévention primaire : les taux d’événements coronariens et d’événements cardiovasculaires totaux étaient réduits respectivement, sous fénofibrate, de 25 % et de 19 %. Il est à noter que la mortalité totale n’a pas été significativement différente dans les 2 groupes, avec même une tendance à une surmortalité, non significative, dans le groupe sous fénofibrate. Si l’on compare la réduction des événements coronariens sous fénofibrate aux résultats d’une méta-analyse des grands essais avec les statines incluant près de 10 000 diabétiques en situation de prévention primaire, la réduction de 25 % des événements coronariens enregistrée pour une baisse moyenne de 0,45 mmol/l du LDL-c sous fénofibrate est très proche de la réduction de 26 % associée à une baisse du LDL-c de 1 mmol/l sous statine. Cela suggère que le bénéfice du fénofibrate résulte d’autres phénomènes, de la baisse des triglycérides, mais aussi d’effets pléiotropes indépendants de ses effets hypolipémiants. Il faut noter, en outre, que la progression de l’albuminurie et la nécessité d’un traitement par laser d’une rétinopathie étaient significativement réduites sous fénofibrate. Le fénofibrate pourrait donc constituer une alternative intéressante au traitement par une statine chez les diabétiques de type 2 en prévention primaire s’ils sont à risque cardiovasculaire faible, c’est-à-dire si leur diabète est connu depuis moins de 10 ans, s’ils ne présentent pas d’atteinte rénale et si leur équilibre glycémique est satisfaisant. L’étude PROactive avait pour but de tester si la pioglitazone modifiait le pronostic cardiovasculaire de diabétiques de type 2 avec antécédents cardiovasculaires et bénéficiant des traitements de protection cardiovasculaire modernes (statine, inhibiteur de l’enzyme de conversion, antiagrégant plaquettaire et éventuellement revascularisation). L’essai est négatif quant au critère principal, critère composite incluant tout type d’événement cardiovasculaire et les revascularisations, avec une réduction de 10 % non significative, du taux d’événements, mais il est positif sur le critère qualifié de “secondaire principal” (décès, infarctus du myocarde ou AVC), avec une réduction de 16 % du taux d’événements (p = 0,027). Dans le sous-groupe des patients ayant déjà fait un infarctus, l’incidence d’un nouvel infarctus fatal ou non fatal est réduite de 28 % (5,3 % versus 7,2 % sous placebo ; p = 0,045). >>> La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 >>> Lutte contre le tabagisme Les données essentielles, que tout médecin doit connaître, sur le tabagisme et ses effets cardiovasculaires sont contenues dans la publication consacrée aux résultats concernant le tabac de l’étude INTERHEART, dont les données globales avaient été publiées en 2004. Une analyse détaillée confirme que le risque d’infarctus du myocarde est proportionnel à la consommation, mais il n’y a pas de seuil au-dessous duquel fumer soit sans danger, même pour quelques cigarettes (risque augmenté de 63 % pour 1 à 9 cigarettes/j) [figure 2]. Le risque est le même quel que soit le type de tabagisme (cigarettes avec ou sans filtre, pipe, cigare, narguilé, tabac à mâcher, etc.) [figure 3] et, enfin, la part attribuable au tabagisme dans la survenue d’un infarctus est d’autant plus importante que les sujets sont jeunes : 58 % des infarctus chez les hommes de moins de 40 ans sont attribuables au tabagisme avec un risque d’infarctus multiplié par 7 par rapport à celui d’un non-fumeur, contre seulement 6 % chez les femmes de plus de 70 ans (figure 4). Par ailleurs, le risque d’infarctus concerne également le tabagisme passif, avec une augmentation de 24 % du risque pour une exposition de 1 à 7 heures par semaine et de 62 % pour une exposition de plus de 22 heures par semaine. L’étude EUROASPIRE montre qu’il reste 24 % de patients fumeurs 18 mois après un syndrome coronaire aigu ou un geste de revas- Odds-ratio (IC95) 8 4 2 1 0,75 Jamais 1-2 3-4 5-6 7-8 9-10 11-12 13-14 15-16 17-18 19-20 ≥ 21 Nombre de cigarettes par jour Figure 2. Risque d’infarctus en fonction du nombre de cigarettes consommées (3). 1 8 Odds-ratio (IC95) De même, dans le sous-groupe ayant déjà eu un AVC, l’incidence d’un second accident cérébral est réduite de 47 %. Ces résultats favorables doivent être tempérés par le taux de survenue d’une insuffisance cardiaque (10,8 % sous pioglitazone versus 7,5 % sous placebo). Cependant, des analyses ultérieures ont montré que les cas d’insuffisance cardiaque chez les patients ayant un antécédent d’infarctus du myocarde étaient seulement légèrement plus nombreux sous pioglitazone. L’utilisation d’une glitazone en prévention secondaire reste en pratique subordonnée à l’assurance d’une fonction myocardique conservée. Un résultat métabolique très intéressant à ajouter au crédit de l’étude PROactive est que, chez ces patients diabétiques de type 2, la nécessité d’un recours à une insulinothérapie au cours du suivi de trois ans a été réduite de moitié sous pioglitazone. Odds-ratio fumeurs actifs = 2,95 (IC95 2,77-3,14) 4 2 1 0,75 Jamais Filtre Sans filtre Beedies* Pipes, Chique Chique cigares + tabac * Tabac roulé dans des feuilles de temburini et ficelées. Figure 3. Étude INTERHEART : consommation de tabac et risque d’infarctus myocardique (IDM) en fonction des différents types de tabac. [3]. Odds-ratio (IC95) Informations I nformations 8 7 6 5 4 3 2 1 0 p < 0,0001 D D D C C A B A < 40 ans 40-49 ans B A B D C 50-59 ans A B C 60-69 ans A B C D > 70 ans Figure 4. Risque d’infarctus par rapport à l’âge des fumeurs (A : non-fumeurs ; B : anciens fumeurs ; C : fumeurs 1 à 19 cigarettes ; D : fumeurs plus de 20 cigarettes) : les jeunes fumeurs sont les plus à risque (3). cularisation coronaire, soit 56 % de rechute du tabagisme, ce qui confirme la persistance d’une insuffisance de prise en charge du sevrage tabagique dans le cadre de la prévention secondaire. Et pourtant, peu de démarches en prévention secondaire peuvent donner un bénéfice aussi rapide et aussi important pour un coût aussi faible. Deux études viennent encore de confirmer l’excellent rapport coût/bénéfice du sevrage dans ce contexte. Une année de vie gagnée coûte entre 110 et 280 euros, soit 25 fois moins cher qu’avec un traitement par une statine. Une étude sur le tabagisme périopératoire a montré chez les fumeurs trois fois plus de complications du site opératoire, deux fois plus de passages en unité de réanimation et un allongement de la durée de séjour. L’arrêt du tabagisme 6 à 8 semaines avant l’intervention et poursuivi jusqu’à la fin de la cicatrisation fait disparaître le risque opératoire spécifiquement lié au tabagisme. Si les 2 millions de fumeurs opérés chaque année étaient pris en charge efficacement, les bénéfices financiers seraient très importants et permettraient de réduire significativement le déficit de l’Assurance maladie. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 A Patients à FE réduite 1,0 0,6 0,4 0,2 0,0 L’ESSEnTIEL DAnS L’InSuFFISAnCE CARDIAquE La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 0 1 2 525 594 520 424 481 447 3 4 5 336 395 319 274 331 210 220 273 114 Année B Patients à FE préservée 1,0 1987-1991 1992-1996 1997-2001 0,8 Survie Une fois encore l’année 2006 a confirmé l’intérêt croissant porté à l’insuffisance cardiaque avec fonction systolique préservée. L’épidémiologie de l’insuffisance cardiaque est au centre d’une étude publiée par la Mayo Clinic. Elle s’est intéressée aux patients admis pour insuffisance cardiaque entre le 1er janvier 1987 et le 31 décembre 2001. Une FE < 50 % définissait une insuffisance cardiaque par dysfonction systolique (données échographiques). Six mille soixante-seize patients répondaient aux critères d’inclusion, 4 596 avaient des données échographiques, et c’est ce sous-groupe qui a fait l’objet d’études statistiques. Plus de 95 % des patients remplissaient les critères de Framingham pour le diagnostic d’insuffisance cardiaque. Les patients avec une insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée étaient plus âgés (74 versus 72 ans), plus souvent des femmes (66 versus 45 %), plus souvent hypertendus (63 versus 48 %), en FA (41 versus 29 %). La proportion de patients avec FE préservée était au total de 49 % chez les plus de 65 ans versus 40 % chez les plus jeunes. Elle augmentait de façon linéaire avec les années (35 % en 1986 versus 55 % en 2002), alors que le nombre absolu de patients hospitalisés avec une FE basse restait stable. Cette proportion était plus élevée chez les patients de proximité que chez ceux venant d’autres comtés (55 versus 45 %). Parallèlement, la proportion de patients hypertendus augmentait (de 48 à 63 %), de même que la proportion des patients en AC/FA (29 à 41 %), ou diabétiques (32 à 36 %), sans modification de la fraction de patients coronariens (59 %). Le mauvais pronostic de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée a été évalué par cette même équipe. En effet, la mortalité était légèrement plus faible chez les patients ayant une FE préservée, mais la différence était minime (à un an, 29 et 32 % ; à 5 ans, 65 et 68 %) et l’ajustement à diverses variables ne modifiait pas le résultat. La différence de survie était surtout observée pour les patients de moins de 65 ans (figures 5A, 5B et 5C). Une équipe canadienne a étudié, entre avril 1999 et avril 2001, 9 945 patients hospitalisés pour insuffisance cardiaque dans l’un des 130 hôpitaux de l’Ontario participant au programme EFFECT. Deux mille huit cent deux patients ont été inclus dans l’étude et suivis ; 31 % avaient une FE > 50 % et ont été comparés p = 0,005 Sujets à risque 1987-1991 819 1992-1996 857 1997-2001 748 0,6 0,4 0,2 0,0 p = 0,36 0 1 2 Sujets à risque 1987-1991 510 1992-1996 771 1997-2001 885 377 537 629 313 447 513 3 4 5 263 375 365 216 314 230 117 262 138 Année Figures 5A, 5B . Comparaison et évolution de la survie des patients insuffisants cardiaques avec et sans altération de la fonction ventriculaire gauche (4). 1,0 0,8 Survie Insuffisance cardiaque avec fonction systolique préservée 1987-1991 1992-1996 1997-2001 0,8 Survie Une étude italienne a mis en évidence une réduction de 11 % des admissions pour infarctus du myocarde dans les hôpitaux du Piémont à la suite de l’application de l’interdiction de fumer dans les lieux publics en Italie. Ce résultat est à rapprocher de ce qui a été observé aux États-Unis dans les villes de Helena (Montana) et de Pueblo (Colorado) où le nombre d’infarctus a diminué respectivement de 40 % et de 27 % après l’interdiction de fumer dans les lieux publics. En pratique, une réduction de 11 % du nombre d’infarctus par réduction de l’exposition au tabagisme passif se traduirait en France par une diminution en valeur absolue de 5 000 à 7 000 infarctus par an. Informations I nformations 0,6 FE préservée 0,4 FE réduite 0,2 0,0 p = 0,03 0 Sujets à risque FE réduite 2424 FE préservée 2166 1 2 1637 1539 1350 1270 Année 3 4 5 1049 1001 813 758 604 574 Figure 5C. Comparaison de la survie en fonction de la présence ou non d’une altération de la fonction ventriculaire gauche (4). 17 18 Groupe de traitement 50 Pourcentage d’événements aux 56 % dont la FEVG était < 40 % ; les 13 % intermédiaires n’ont pas été intégrés dans les comparaisons. Les patients avec FEVG conservée étaient plus vieux (75 versus 72 ans), plus souvent des femmes (66 versus 37 %), plus souvent hypertendus (55 versus 49 %), ils présentaient moins d’antécédents vasculaires (infarctus du myocarde, artériopathie oblitérante des membres inférieurs [AOMI]) ou de facteurs de risque coronariens, et la FA était plus fréquente (32 versus 24 %). La prise en charge était plus souvent le fait d’un cardiologue en cas de dysfonction systolique (34 versus 25 %) qu’en cas de dysfonction diastolique. À 30 jours, la mortalité était de 5,3 % lorsque la FEVG était conservée, contre 7,1 % en cas de FE diminuée ; à un an, elle était de 22 versus 25 % et l’ajustement à de multiples variables ne modifiait pas le résultat (risque relatif de décès : 1,13 ; p = 0,18). Le taux de réhospitalisation à un an était de 13,5 versus 16,1 % (p = 0,09), et le critère combinant décès ou hospitalisation pour insuffisance cardiaque était de 31 versus 36 % (p = 0,01). Les patients du groupe intermédiaire (FE 40-50 %) étaient proches de ceux dont la FEVG était supérieure à 50 % : mortalité de 5 % à 30 jours et de 21 % à un an. Les facteurs pronostiques étaient l’âge, l’élévation de la pression artérielle systolique, les antécédents d’AOMI, l’hyponatrémie et l’insuffisance rénale. Le traitement de l’insuffisance cardiaque à fonction systolique préservée a aussi été évalué, notamment dans l’étude SENIORS (nébivolol), qui avait déjà tenté de montrer un bénéfice du traitement bêtabloquant chez les sujets âgés atteints de dysfonction diastolique, mais la grande majorité des patients présentaient une dysfonction systolique, et le bénéfice du traitement était surtout net chez les patients de moins de 75 ans. Dans l’étude PEP-CHF (randomisée, en double aveugle), le critère principal combinait mortalité totale et hospitalisation pour insuffisance cardiaque. Le périndopril 4 mg/j était comparé au placebo chez des sujets de plus de 70 ans ayant un diagnostic d’insuffisance cardiaque, traités par diurétiques, et dont l’échographie retrouvait des arguments pour une dysfonction diastolique exclusive (FEVG > 50 %). Le traitement diurétique était arrêté 24 heures avant l’introduction de l’inhibiteur de l’enzyme de conversion (IEC) à la dose de 2 mg. Ce dernier était augmenté à 4 mg après une semaine. Les visites étaient hebdomadaires pendant les 5 premières semaines avec ionogramme, puis les patients étaient revus après 1 mois, 2 mois, puis tous les 3 mois pendant un an. Les 1 000 patients initialement prévus n’ont pu être recrutés, et l’étude s’est arrêtée après l’inclusion de 850 patients. À un an, 90 % des patients recevaient le périndopril 4 mg ou du placebo. Le suivi moyen était de 2,1 ans. Pendant la durée totale du suivi, le critère primaire a été observé chez 107 (25,1 %) des patients recevant le placebo et chez 100 (23,6 %) des patients recevant le périndopril (NS), avec une incidence annuelle de 13,2 % et 12,2 % contre les 50 % prévus (figure 6A). Si seule la première année de suivi était utilisée, la différence entre les 2 groupes était presque significative (65 patients [10,3 %] dans le groupe placebo et 46 [10,8 %] dans le groupe périndopril (IC95 : 0,47-1,01 ; p = 0,055) [figure 6B]. Le bénéfice semblait plus marqué chez les plus jeunes, en cas d’antécédent d’IDM ou de pression artérielle systolique (PAS) 40 Placebo 30 Périndopril 20 10 0 Sujets à risque Périndopril Placebo HR 0,92 ; IC95 0,70 à 1,21 p = 0,545 0 1 2 3 Temps (années) 424 426 374 356 184 186 70 69 Figure 6A. PEP-CHF : suivi du critère principal dans les 2 groupes sur la durée du suivi total. 20 Pourcentage d’événements Informations I nformations 15 HR 0,69 ; IC95 0,47 à 1,01 ; p = 0,055 Réduction du risque relatif – 31 % Placebo 10 Périndopril 5 0 0 1 Patients à risque Périndopril 424 Placebo 426 2 3 408 405 4 5 6 399 387 7 8 9 10 390 374 11 Temps 12 (mois) 374 356 Figure 6B. PEP-CHF : suivi du critère principal dans les 2 groupes sur 1 an. > 140 mmHg. Le traitement par IEC est bénéfique dans cette population, comme l’étude CHARM l’avait suggéré pour les ARAII (candésartan), souligne G. Jondeau. Certains auteurs ont étudié l’asynchronisme chez les patients ayant une insuffisance cardiaque par dysfonction diastolique. Ainsi, Yu et al. ont étudié 373 patients en insuffisance cardiaque, 281 avec une dysfonction systolique (FE < 50 %) et 92 sans dysfonction systolique. Des retards de pic de vélocité en Doppler tissulaire étaient élevés chez les patients insuffisants cardiaques comparativement aux 100 contrôles, mais il faut reconnaître que les conséquences de cette observation ne sont pas claires : reconnaissance de sous-groupes de patients à risque, autre traitement (resynchronisation ?). Consommation d’alcool et survenue d’une insuffisance cardiaque D’autres données épidémiologiques intéressantes sont apportées par la cohorte de la Cardiovascular Health Study (près de 6 000 patients de plus de 65 ans, inclus entre 1989 et 1993, sans insuffisance cardiaque à l’inclusion), qui a évalué la consom- >>> La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 Informations I nformations >>> mation hebdomadaire d’alcool rapportée par les patients et la survenue d’une insuffisance cardiaque. La présence d’une dysfonction ventriculaire gauche à l’échographie réalisée de façon systématique (lors de l’inclusion pour la première cohorte, lors de la deuxième année pour la seconde cohorte) était plus fréquente chez les patients qui buvaient de l’alcool. Le risque de développer une insuffisance cardiaque était augmenté de 50 % chez les patients qui avaient bu. Le risque était de 35 % chez ceux qui prenaient entre 7 et 13 boissons alcoolisées par semaine. Toutefois, ces données sont discutables (données déclaratives, autres facteurs comportementaux). bénéfice à long terme de la resynchronisation. Ce dernier était déjà important dans l’étude initiale, qui comportait un suivi de 29,4 mois. Dans le groupe traitement médical, 120 décès sont survenus pendant la durée de l’étude, et 34 pendant la phase d’extension de suivi. Dans le groupe resynchronisé, 82 décès sont survenus pendant l’étude et 19 pendant la phase d’extension. Durant les 2 phases, la mortalité annuelle a été de 12,2 % par an dans le groupe médical versus 7,9 % par an dans le groupe resynchronisé (diminution de 40 %). Les décès par insuffisance cardiaque et par mort subite étaient diminués dans les mêmes proportions (figure 7). Bénéfice des statines Bénéfice de la resynchronisation L’évaluation et le bénéfice de la resynchronisation ont été également au centre de nombreuses publications. Cela a notamment permis de mieux définir les différents groupes répondeurs, ce qui a conduit à une multiplication des indices visant à prédire l’efficacité d’une resynchronisation. L’étude de Bleeker propose d’évaluer l’intérêt de la resynchronisation des zones “asynchrones” chez 40 patients avant implantation. Cet auteur avait recherché par IRM la présence d’une cicatrice transmurale dans la zone postérolatérale, qui est celle que l’on cherche à stimuler, car elle est la dernière à se contracter. Aucun des patients ayant une nécrose transmurale dans ce territoire ne s’était amélioré après resynchronisation, alors que les patients qui n’avaient pas de cicatrice transmurale postérolatérale ont tiré bénéfice de la resynchronisation. Le remodelage bénéfique après resynchronisation a été évalué à l’aide de l’IRM cardiaque, qui a quantifié la zone nécrosée par l’étude du rehaussement tardif. White et al. ont étudié chez 28 patients (FE < 35 %, QRS > 120 ms, NYHA III-IV) le rehaussement tardif par IRM. Après 3 mois de resynchronisation, la réponse clinique était définie par une amélioration de la FEVG de plus de 5 %, ou du test de marche de 6 minutes de 30 mètres, ou d’une classe NYHA, ou du résultat du questionnaire Minnesota Living With Heart Failure d’au moins 10 points. Treize patients (57 %) étaient répondeurs : chez eux, le pourcentage de cicatrices était plus faible (1 versus 25 %) et 15 % de nécrose correspondaient à une sensibilité de 85 % et à une spécificité de 90 %. Par ailleurs, tous les patients dont la zone septale infarcie représentait moins de 40 % ont été répondeurs. Le suivi moyen à 37,4 mois de l’étude CARE-HF a confirmé le 20 1,00 HR 0,60 ; IC95 0,47-0,77, p < 0,0001 0,75 Survie Le bénéfice des statines dans l’insuffisance cardiaque non ischémique reste peu convaincant dans une étude randomisée en double aveugle, en cross-over (atorvastatine) versus placebo, réalisée chez 15 patients non diabétiques présentant une cardiopathie non ischémique, une FEVG < 40 %, un traitement médical maximal et un LDL < 160 mg/dl. Sur un suivi de près de 2 ans, le taux de LDL a bien diminué avec le traitement (de 115 à 55 mg/ dl), mais aucun autre paramètre (biologique ou clinique) n’a été modifié. Bien sûr, le bénéfice des statines reste important dans les cardiopathies ischémiques, mais il est plus discutable, dans cette seule étude, pour les autres cas d’insuffisance cardiaque (notamment suivi insuffisant ?). Resynchronisation 0,50 Traitement médical 0,25 Suivi moyen : 36,4 mois (extrêmes : 26,1-52,6) 0,00 Décès groupe resynchronisation : 101 (24,7 %) Décès groupe médical : 154 (38,1 %) 0 400 Sujets à risque Resynchronisation 409 Traitement médical 404 383 372 800 Temps (jours) 358 338 331 298 1200 209 178 1600 85 63 9 6 Figure 7. Survie dans l’étude Care-HF (5). L’étude MIRACLE évaluant le bénéfice de la resynchronisation en double aveugle (les patients étaient tous implantés, mais le stimulateur était on ou off selon le groupe) a compris un suivi de 12 mois, avec échographie à 6 mois et 12 mois chez les patients du groupe stimulé. Le bénéfice initial était plus marqué dans le groupe de patients non ischémiques, la réduction du volume ventriculaire était maintenue à 12 mois dans le groupe des cardiopathies non ischémiques, mais le volume avait augmenté entre 6 et 12 mois de telle sorte que la différence avec le volume de base était abolie dans le groupe ischémique. Peptide natriurétrique de type B Comme chaque année, le peptide natriurétique de type B (BNP) a également été à l’origine de nombreuses publications. Une étude japonaise portant sur 366 patients suggère qu’il existe une corrélation faible mais significative entre le taux de BNP et la clairance de la créatinine calculée pour le prélèvement artériel (r = 0,22 ; p < 0,0001), ce qui suggère que l’élimination rénale est importante et que l’altération de la fonction rénale doit être prise en compte pour l’interprétation du taux plasmatique de BNP. Par ailleurs, lorsque la clairance de la créatinine était < 60 ml/mn, la concentration artérielle était presque double dans ce groupe des patients avec insuffisance rénale. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 15 11,9 % % 5 0 5 4 Étude ISAR-REACT 2 L’étude multicentrique randomisée ISAR-REACT 2 s’est intéressée à l’intérêt éventuel de l’abciximab (Réopro®) chez plus de 2 000 patients souffrant d’un syndrome coronaire aigu (SCA) sans sus-décalage du segment ST et devant subir une procédure coronaire interventionnelle après prétraitement par 600 mg de clopidogrel. Le critère principal de l’étude associait décès, IDM et nécessité de revascularisation urgente du vaisseau cible dans les trente jours suivant la randomisation. Les critères secondaires associaient les hémorragies majeures et mineures. Le critère principal représentait 8,9 % des patients sous abciximab et 11,9 % des patients sous placebo, ce qui constitue une réduction du risque relatif de 25 % (p = 0,03) [figure 8A]. Parmi les patients sans élévation de troponine, aucune différence dans ce critère principal n’a été notée entre les deux groupes, mais, avec une augmentation de troponine, l’incidence des événements est significativement différente entre l’abciximab et le placebo. L’utilisation d’abciximab n’a pas entraîné d’augmentation des hémorragies majeures (1,4 % dans les deux groupes) mais une augmentation non significative des hémorragies mineures (4,2 versus 3,3 %). Pour mémoire, ISAR-REACT 1 avait montré que, chez des patients coronariens stables bénéficiant d’une procédure coronaire interventionnelle et prétraités par 600 mg de clopidogrel, l’abciximab n’apportait pas de bénéfice. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 Placebo 4,6 % p = 0,98 4,6 % Abciximab Placebo 3 2 1 0 Figure 8B. Critère primaire chez les patients avec troponine négative (TpIc < 0,03 µg/l ; n = 973) [p = 0,98]. 20 15 % Traitement antithrombotique des syndromes coronaires aigus Abciximab Figure 8A. Étude ISAR-REACT 2 : critère composite primaire sur le suivi de 30 jours (%) [p = 0,03]. L’ESSEnTIEL En ThRomBoSE Présentés par G. Helft, de l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière, les travaux sur la compréhension et la lutte contre la thrombose ont fait l’objet d’un grand nombre de publications. 8,9 % 10 % Dans l’étude PRIDE, le taux de NT-proBNP est corrélé de façon indépendante à la fonction rénale, et il s’agit du facteur pronostique le plus puissant lors d’un bilan de dyspnée fait aux urgences. La valeur diagnostique du NT-proBNP pour l’lC aux urgences n’est pas significativement différente selon que la clairance est supérieure à 60 ml/mn/1,73 m2 ou inférieure à cette valeur. La valeur seuil diagnostique proposée est néanmoins différente en fonction de ce paramètre de clairance : 1 200 pg/ml pour les patients dont la clairance est < 60 ml/mn/1,73 m2, 900 pg/ ml pour ceux de plus de 50 ans dont la clairance est > 60, et 450 pg/ml pour ceux de moins de 50 ans. L’IC clinique est plus fréquente chez les patients dyspnéiques insuffisants rénaux que chez ceux qui ont une fonction rénale normale. Enfin, l’importance du syndrome dépressif chez les patients atteints d’IC (présente chez 1 patient sur 5) est reconnue comme facteur de mauvais pronostic. Une méta-analyse récente indique qu’une dépression est associée à une mortalité plus élevée et à un taux de réhospitalisation plus élevé. Toutefois, ces constatations sont soumises à de très nombreux facteurs confondants. Informations I nformations 10 18,3 % 13,1 % p = 0,02 5 0 Abciximab Placebo Figure 8C. Critère primaire chez les patients avec troponine positive (TpIc > 0,03 µg/l ; n = 1 049) [p = 0,02]. L’utilisation de l’abciximab paraît bénéfique lors d’un syndrome coronaire aigu chez les patients devant bénéficier d’une procédure coronaire interventionnelle après prétraitement par clopidogrel au moins deux heures avant la procédure chez les patients dont la troponine est élevée (figures 8B et C). Étude OASIS-6 L’étude OASIS-6 s’est intéressée à l’effet du fondaparinux (inhibiteur du facteur Xa) sur la mortalité et les réinfarctus chez les patients ayant un infarctus aigu du myocarde (avec sus-décalage du segment ST). 21 Informations I nformations Plus de 12 000 patients (447 hôpitaux, 41 pays) ont été randomisés entre un traitement par fondaparinux 2,5 mg/j jusqu’à huit jours et un placebo. Le critère principal de l’étude associait décès et réinfarctus à trente jours avec une évaluation également à 9 jours et à 6 mois. Le critère principal a été réduit significativement dans le groupe sous fondaparinux (11,2 versus 9,7 % ; p = 0,008) [figure 9A]. Ce bénéfice a été observé à neuf jours et à la fin de l’étude. La mortalité a été réduite significativement tout au long de l’étude. Il n’y a pas de différence significative lorsque les patients bénéficient d’une thrombolyse ou non, ni de différence dans les taux de saignements. Toutefois, il y a plus de thromboses de cathéter dans le groupe fondaparinux (moins d’héparine utilisée) [figure 9 B]. Les conclusions sont en faveur de l’utilisation du fondaparinux, qui semble réduire la mortalité et les réinfarctus sans augmenter la fréquence des saignements. 15 % Fréquence 12 % 9% 6% 13,4 % 9,7 % 14,8 % 11,2 % 8,9 % 7,4 % p = 0,003 p = 0,008 p = 0,008 3% 0% 30 jours 9 jours Fondaparinux (n = 6 036) 3-6 mois Contrôle (n = 6 056) Figure 9A. OASIS-6 : critère principal dans les 2 groupes. 25 22 20 15 10 5 0 0 Fondaparinux Contrôle Figure 9B. OASIS-6 : thrombose de cathéter dans les 2 groupes. Étude ACUITY ACUITY est une étude importante (près de 14 000 patients) qui a comparé trois stratégies antithrombotiques chez des patients avec SCA à risque intermédiaire ou élevé, bénéficiant d’une approche invasive et traités par aspirine et clopidogrel. 22 Ils recevaient de l’héparine standard ou de bas poids moléculaire associée à un inhibiteur de la glycoprotéine IIb/IIIa (GPIIb/IIIa), de la bivalirudine (inhibiteur direct de la thrombine) associée à un inhibiteur de la GPIIb/IIIa ou de la bivalirudine seule. Les critères principaux de l’étude comprenaient, d’une part, un critère composite : les décès, IDM et revascularisation urgente à 30 jours, d’autre part, les hémorragies majeures, et enfin un critère mixte clinique comprenant les deux premiers critères principaux associant les événements thrombotiques et hémorragiques. La bivalirudine, associée à un inhibiteur de la GPIIb/IIIa, n’était pas inférieure à l’association héparine et inhibiteur de la GPIIb/IIIa en termes de critère composite principal (7,7 versus 7,3 %), de saignement majeur (5,3 versus 5,7 %) et de critère mixte clinique (11,8 versus 11,7 %). La bivalirudine seule n’a pas été inférieure à l’association héparine et inhibiteur de la GPIIb/IIIa sur le critère composite “thrombotique” (7,8 versus 7,3 %). En revanche, la bivalirudine seule a réduit significativement la fréquence des saignements graves (3,0 versus 5,7 %, p < 0,001) par rapport à l’association héparine et inhibiteur de la GPIIb/IIIa. À trente jours, le critère clinique mixte associant la survenue des événements thrombotiques et hémorragiques est significativement diminué par la bivalirudine seule (10,1 versus 11,7 %, p = 0,02). Ainsi, pour les patients traités pour SCA à risque intermédiaire ou élevé et bénéficiant d’une prise en charge invasive, la bivalirudine donne des résultats similaires à ceux de l’association héparine et inhibiteur de la GP IIb/IIIa sur les événements thrombotiques en réduisant significativement la survenue des saignements. Traitement antithrombotique des coronaropathies et facteurs de risque cardiovasculaire L’étude CHARISMA (plus de 15 000 patients, suivi de 2 ans et demi) s’est intéressée à l’efficacité du traitement antiplaquettaire double (clopidogrel + faible dose d’aspirine) comparativement à la monothérapie par aspirine chez des patients à haut risque d’événements athérothrombotiques (soit une maladie cardiovasculaire cliniquement évidente, soit plusieurs facteurs de risque cardiovasculaire). Le critère principal associait la survenue d’IDM, d’accident vasculaire cérébral et de décès de cause cardiovasculaire. L’association clopidogrel + aspirine n’est pas significativement plus efficace que l’aspirine seule dans la réduction de la fréquence des infarctus, des accidents vasculaires ou des décès de cause cardiovasculaire (6,8 versus 7,3 %, p = 0,22) [figure 10]. Le taux de saignements sévères est de 1,7 % (sous clopidogrel + aspirine) versus 1,3 % (sous aspirine seule) [p = 0,091]. Lorsqu’il existe une maladie cardiovasculaire cliniquement évidente, la différence est significative et en faveur de l’association clopidogrel + aspirine (6,9 versus 7,9 %, p = 0,046). Pour les patients présentant des facteurs de risque multiples, le taux de décès de cause cardiovasculaire est significativement plus élevé sous bithérapie que sous monothérapie (3,9 versus 2,2 %, p = 0,01). Beaucoup d’explications ont été proposées (certains patients à risque étaient en fait symptomatiques car il apparaît difficile de séparer les patients symptomatiques de ceux qui ne le sont pas). La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 0,10 8 Placebo + aspirine 7,3 % 6 0,06 4 6 12 18 24 30 Mois Figure 10. Étude CHARISMA : critère principal (survenue d’IDM, d’AVC et de décès de cause cardiovasculaire) dans la population globale. L’augmentation des saignements n’est pas significative en ce qui concerne les saignements fatals et gravissimes. Elle est cependant significative pour les saignements importants (moderate bleeding : 2,1 versus 1,3 %, p < 0,001). Toutefois, les moderate bleedings sont, dans cette étude, des saignements nécessitant une transfusion. Traitement antithrombotique dans la fibrillation auriculaire L’étude ACTIVE W (plus de 6 600 patients en FA, âgés de 55 à 74 ans) a comparé un traitement anticoagulant oral (INR visé entre 2 et 3) et un traitement par clopidogrel 75 mg/j + aspirine 75 à 100 mg/j. Le critère principal associait AVC, embolie systémique, IDM et décès vasculaire. Tous les patients inclus avaient au moins un facteur de risque thromboembolique, à savoir un âge supérieur à 75 ans, un traitement contre l’HTA, un antécédent d’AVC ou d’embolie systémique, une dysfonction ventriculaire gauche avec une FE inférieure à 45 % ou une artériopathie oblitérante des membres inférieurs. L’étude a été interrompue prématurément en raison d’une supériorité du traitement anticoagulant oral. Le risque d’un événement vasculaire a été de 3,93 % par an chez les patients traités par antivitamine K (AVK) et de 5,6 % par an pour les patients recevant une bithérapie antiplaquettaire (figure 11). La fréquence des hémorragies graves a été similaire dans les deux groupes (2,42 versus 2,4 %). Cependant, il a été noté plus fréquemment des saignements mineurs avec l’association aspirine/clopidogrel (13,6 versus 11,5 % ; p < 0,001). Le traitement anticoagulant oral est supérieur à la bithérapie antiplaquettaire (aspirine + clopidogrel) dans la prévention des événements vasculaires chez les patients en FA à risque d’AVC, particulièrement chez ceux déjà sous traitement anticoagulant oral. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 Clopidogrel + ASA 3,93 %/an AVK 0,02 RRR : 7,1 % (IC95 : – 4,5 %, 17,5 %) p = 0,22 0 5,64 %/an 0,04 Clopidogrel + aspirine 6,8 % 2 0 0,08 RR = 1,45 p = 0,0002 Informations I nformations 0,00 0,0 0,5 1,0 Années 1,5 Figure 11. ACTIVE W : critère principal (AVC, embolies, infarctus et décès d’origine vasculaire) dans les 2 groupes. Traitement antithrombotique des procédures coronaires interventionnelles STEEPLE est une étude randomisée, prospective, en ouvert, qui a comparé, chez 3 528 patients traités par angioplastie programmée utilisant l’abord fémoral, l’énoxaparine soit à la posologie de 0,5 mg/kg, soit à la posologie de 0,75 mg/kg à l’héparine non fractionnée, dont la posologie était ajustée en fonction de l’activated clotting time (ACT). Le critère principal associait l’incidence des saignements majeurs et mineurs non liés à un pontage coronaire. Le résultat principal de l’étude montre que l’énoxaparine était associée à une réduction significative du taux de saignement dans les 48 premières heures comparativement à l’héparine non fractionnée (5,9 versus 8,5 %, p = 0,01). Cependant, une posologie plus élevée d’énoxaparine utilisée ne permet pas d’obtenir une telle réduction significative (6,5 versus 8,5 %). Une tendance à un taux de décès plus élevé (mais n’atteignant pas la significativité) a été notée dans le groupe sous énoxaparine 0,5 mg/kg (1 % dans le groupe énoxaparine faible dose, 0,2 % dans le groupe énoxaparine forte dose et 0,4 % dans le groupe héparine non fractionnée), mais aucune différence significative en termes de critère ischémique n’a été mise en évidence entre les trois groupes. Traitement antithrombotique après accident vasculaire cérébral L’étude randomisée ESPRIT a évalué l’association de dipyridamole (200 mg x 2/j) à de l’aspirine par rapport à l’aspirine seule (de 30 à 325 mg/j) dans la prévention secondaire d’événements vasculaires dans les six mois suivant un accident ischémique transitoire ou un accident vasculaire cérébral dit mineur présumé d’origine artérielle pour un suivi moyen de 3,5 ans. Le critère principal de l’étude était composite : décès de cause vasculaire, AVC non fatal, IDM non fatal et complication hémorragique grave. L’association aspirine-dipyridamole a entraîné significativement moins d’événements du critère composite que 23 Informations I nformations l’aspirine seule (13 versus 16 %). Il faut noter cependant que, dans le groupe prenant du dipyridamole, 34 % des patients ont arrêté le traitement en cours d’étude, essentiellement en raison d’effets indésirables (notamment céphalées). Les résultats de cette étude sont toutefois en faveur de la bithérapie aspirine-dipyridamole plutôt qu’en faveur de l’aspirine seule après une ischémie cérébrale d’origine artérielle. L’essentiel dans la prévention pharmacologique de l’hypertension artérielle Des données très intéressantes sur la prise en charge de l’HTA ont été rapportées par B. Chamontin, de Toulouse. Étude TROPHY Il a été tout d’abord présenté l’étude TROPHY, qui cherchait à démontrer la faisabilité d’une prévention pharmacologique de l’HTA chez 809 patients âgés de 48 ans en moyenne et présentant un stade de préhypertension (défini selon les critères du JNC VII par une PA systolique comprise entre 120 et 139 mmHg et/ou une PA diastolique comprise entre 80 et 89 mmHg). Tous les patients ont été traités pendant deux ans, soit par un antagoniste des récepteurs de l’angiotensine, le candésartan (16 mg/j), soit par un placebo. Les deux groupes ont ensuite reçu un placebo pendant deux ans, l’ensemble de l’effectif recevant des conseils hygiénodiététiques. Sept cent soixante-douze patients ont été évalués (391 dans le groupe candésartan, 381 dans le groupe placebo). On constate qu’une HTA s’est développée dans 63 % des cas dans le groupe placebo. À deux ans, dans le groupe traité par rapport au groupe non traité, la réduction du risque d’hypertension est de 66,3 %. À quatre ans, elle est de 15 % (tableau IV). Tableau IV. Risque d’hypertension après une période de deux ans de candésartan versus placebo, suivie de deux ans de placebo dans les 2 groupes. Date d’évaluation Candésartan Placebo Réduction du risque relatif (IC95) p À deux ans 53 154 66,3 < 0,001 À quatre ans 208 240 15,6 < 0,007 Les résultats de l’étude TROPHY ne doivent pas laisser croire que les seuils définissant l’HTA vont changer et conclure à tort qu’il faut traiter tous les patients ayant plus de 130 mmHg de pression artérielle. En effet, cette préhypertension est souvent associée à d’autres facteurs de risque ; notamment il s’agissait ici d’une population à prédominance masculine avec un IMC à 30 kg/m2 ; plus de 50 % des patients avaient un cholestérol > 2 g/l, 40 % d’entre eux avaient des triglycérides au-dessus de 1,50 g/l, 36 % un HDL bas < 0,40 g/l chez l’homme et < 0,50 g/l chez la femme, la majorité des sujets étant normoglycémiques. Cette préhypertension est associée à l’obésité, et il importe d’inciter le patient 24 à perdre du poids en prenant des mesures hygiéno-diététiques et en pratiquant de l’exercice physique, comme l’indiquent les recommandations actuelles. Ces éléments simples ralentissent la progression de la maladie artérielle, sachant que le vieillissement artériel peut être modulé en agissant sur l’environnement, le tabac ou le cholestérol. Le traitement pharmacologique est une option prématurée à la fois en termes de coût (réel impact pharmaco-économique ?) et de sécurité d’emploi. Rappelons enfin les récentes recommandations de la Haute Autorité de santé 2005, qui insistent sur l’importance de l’estimation initiale du niveau de risque cardiovasculaire du patient, afin d’utiliser la combinaison d’antihypertenseurs la plus adaptée à la prévention cardiovasculaire. B. Chamontin nous rappelle que l’étude ASCOT, publiée en 2005, comparait 2 stratégies thérapeutiques : l’une fondée sur une combinaison d’inhibiteur calcique (ICa) et d’IEC, et l’autre sur une combinaison de bêtabloquant et de diurétique thiazidique. Le critère primaire d’évaluation (infarctus non mortel et décès cardiovasculaire) de cet essai était identique dans les 2 groupes (HR = 0,9 ; p = 0,10). Cependant, il existait une réduction significative de la mortabilité cardiovasculaire dans le groupe amlodipine-périndopril comparé au groupe aténololbendrofluméthiazide (HR = 0,7 ; p < 0,001). L’étude CAFE est une étude ancillaire ayant porté sur 2 073 patients représentatifs des 19 257 patients de l’étude ASCOT. Dans ce sous-groupe de patients, la différence de PAS humérale était de 0,7 mmHg alors que la différence de PAS centrale était significativement plus importante, de 4,3 mmHg. La constatation est identique avec la pression pulsée (PP), avec une différence de PP périphérique de 0,9 mmHg dans le groupe ICa + IEC alors que la différence de PP centrale est de 3 mmHg. En termes d’index d’augmentation (étude des ondes de réflexion), la différence était de – 6,5 mmHg. Il convient désormais de prendre en compte l’aptitude d’un médicament antihypertenseur ou d’une combinaison d’antihypertenseurs à abaisser le niveau de pression artérielle (PA) centrale et donc aussi dans l’analyse critique des résultats d’un essai clinique. Pression artérielle en dehors de la consultation L’année 2006 a également été l’occasion de vérifier l’importance de la mesure de la PA en dehors de la consultation. Ainsi Mancia et al. ont comparé les événements cardiovasculaires chez des patients présentant une élévation isolée de la PA au cabinet médical (HTA “blouse blanche”), une élévation sélective de la PA ambulatoire des 24 heures (HTA “masquée”), et une élévation à la fois des niveaux de PA au cabinet médical et en PA ambulatoire. Ces données ont également été comparées entre elles et avec les mesures de PA obtenues au domicile. II est observé une augmentation progressive de la mortalité cardiovasculaire et totale selon que les sujets présentaient une élévation élective de la PA avec 1, 2 ou 3 méthodes comparativement à ceux déclarés normotendus avec les différentes méthodes de mesure. La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 Il a été observé en parallèle un cumul de facteurs de risque cardiovasculaires d’autant plus important que la PA était retrouvée élevée avec 1, 2 ou 3 méthodes, suggérant qu’il existe également une relation restreint entre les anomalies métaboliques et le niveau de PA indépendamment de celle-ci et de la façon dont elle est mesurée. Toutefois, certaines limites sont à souligner, notamment le nombre restreint d’événements cardiovasculaires observé dans cette population méditerranéenne, et de préciser le bénéfice de la démarche thérapeutique. L’essai souligne donc que I’HTA “blouse blanche” définie par une élévation de PA, au cabinet médical, au domicile, ou en ambulatoire s’accompagne d’une majoration du risque cardiovasculaire. Blocage du système rénine-angiotensine Enfin, l’année a vu également le développement d’une nouvelle approche antihypertensive, passant par le blocage du système rénine-angiotensine (inhibiteur de la rénine avec un nouvel antihypertenseur, l’aliskirène), notamment, physiologiquement, par l’utilisation combinée des inhibiteurs de la rénine avec un inhibiteur de l’enzyme de conversion ou un antagoniste de l’angiotensine. Azizi propose le blocage combiné du système rénine-angiotensine obtenu par 80 mg de valsartan et 150 mg d’aliskirène. Cette association se traduit par des effets significatifs sur la concentration de rénine et d’aldostérone urinaire, plus marqués qu’en utilisant seule l’une ou l’autre des thérapies. B. Chamontin précise que la combinaison des inhibiteurs de la rénine avec un ARAII ou un IEC pourrait permettre de réduire La Lettre du Cardiologue - n° 407 - septembre 2007 les contre-régulations, notamment avec des posologies faibles (effets synergiques et additifs à faible dose). Cependant, il sera nécessaire de disposer d’essais cliniques afin d’évaluer le risque thérapeutique (particulièrement d’hyperkaliémie, voire d’anémie chez les patients insuffisants rénaux). ■ Informations I nformations RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES 1. Fuster V, Rydén LE, Cannom DS et al. ACC/AHA/ESC 2006 guidelines for the management of patients with atrial fibrillation-executive summary: a report of the American College of Cardiology/American Heart Association Task Force on practice guidelines and the European Society of Cardiology Committee for Practice Guidelines (Writing Committee to Revise the 2001 Guidelines for the Management of Patients with Atrial Fibrillation). Eur Heart J 2006;27(16):19792030. 2. 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