La Lettre du Cardiologue - n° 331 - mai 2000
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COMMENTAIRES
La myocardiopathie du post-partum (MCPP) est une entité indi-
vidualisée par Demakis en 1971 et répondant aux critères sui-
vants (1) :
1. altération de la fonction ventriculaire gauche (FEVG < 45 %) ;
2. survenue de l’insuffisance cardiaque pendant le dernier mois
de grossesse ou pendant les cinq mois suivant l’accouchement ;
3. absence de cause identifiable à l’insuffisance cardiaque.
Sa cause reste inconnue à ce jour : aucune preuve formelle ne
peut confirmer une origine infectieuse ou dysimmunitaire. Les
données histologiques montrent au niveau du myocarde des signes
de dégénérescence myocytaire avec œdème interstitiel et intra-
cellulaire (2). Son incidence est plus élevée en Afrique : au Nige-
ria, elle est de 1/100 grossesses contre 1/4 000 aux États-Unis
(3). Les facteurs favorisants sont l’âge avancé, l’appartenance à
la race noire, la multiparité, le climat tropical, l’hypertension arté-
rielle, la malnutrition et l’obésité. La patiente de notre observa-
tion présentait trois de ces facteurs. La prééclampsie n’est pas un
facteur favorisant au sens strict du terme, car si elle peut favori-
ser l’apparition d’une insuffisance cardiaque aiguë au moment
de l’accouchement, c’est par le biais d’une décompensation d’une
cardiopathie préexistante (4).
La présentation clinique habituelle est celle d’une insuffisance
cardiaque à début aigu comme dans l’observation rapportée, ou
à début progressif, atteignant un degré de grande sévérité en moins
d’un mois (2). La cardiomégalie est constante. Un index cardio-
thoracique supérieur à 0,60 est un facteur de mauvais pronostic
à court terme. Les signes ECG sont non spécifiques, associant
un aplatissement ou une inversion des ondes T en D3VF ou de
V3 à V6.
Le diagnostic différentiel principal est l’accident cardiaque des
bêtamimétiques survenant dans les jours suivant l’arrêt des bêta-
mimétiques administrés par voie intraveineuse, se manifestant
sous la forme d’un œdème aigu du poumon ou d’une mort subite
par trouble du rythme.
L’évolution est spontanément favorable dans 50 % des cas. Elle
dépend de la rapidité du retour à la normale du volume du cœur
et de la fonction ventriculaire gauche. La persistance d’une car-
diomyopathie congestive six mois après le début de la maladie
est un élément de mauvais pronostic. L’association âge supérieur
à 30 ans, multiparité et race noire constitue un élément péjoratif
(3). La prématurité et le faible poids à la naissance ont souvent
été associés à la MCPP (4).
Le traitement à la phase aiguë de la MCPP est le traitement
conventionnel de l’insuffisance cardiaque aiguë. Une biopsie
endomyocardique à la recherche de myocardite et un traitement
immunosuppresseur sont indiqués en cas de persistance d’une
défaillance ventriculaire gauche après une semaine de traitement.
Celui-ci comporte de la prednisone et de l’azathioprine (5). ■
RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES
1. Demakis J.G. , Rahimtoola S.H., Sutton G. et coll. Natural course of peripar-
tum cardiomyopathy. Circulation 1971 ; 44 : 1053-61.
2. Ferrière M., Sacrez A., Bouhur J.B. et coll. La myocardiopathie du péripar-
tum : aspects actuels. Arch Mal Cœur 1990 ; 83 : 1563-9.
3. Carvalho A., Brandao A., Martinez E. et coll. Prognosis in peripartum cardio-
myopathy. Am J Cardiol 1989 ; 64 : 540-2.
4. Ben Letaïfa D., Slama A., Khemakhem K. et coll. Cardiomyopathie du péri-
partum. Série de cas cliniques. Ann Fr Anesth Reanim 1999 ; 18 : 677-82.
5. Midei M.G., Dement S.H., Feldman A.M., Hutchins G.M., Baughman K.L.
Peripartum myocarditis and cardiomyopathy. Circulation 1990 ; 81 : 922-8.
CAS CLINIQUE
Figure 2. Électrocardiogramme après deux mois d’évolution de Mme G.